Mai - 3

Clove est la dernière de la meute des carrières présentée dans le film (il y en a plus dans le livre). Elle est surtout reconnue pour son lancer impeccable de couteaux, qui tue un concurrent essayant de voler le sac de Katniss au début des jeux. Une autre scène la montre en train de torturer un lézard, ce qui n'ajoute pas de points à son capital sympathie. Tout comme Cato, le mec de son district, elle a la tête de l'emploi. Elle se fera tuer par Tresh, le garçon du district 11, qui ne sera pas présenté dans cette liste, parce qu'il sauve la vie de Katniss en balançant Clove, sur le point de trancher la gorge de l'héroïne, contre un mur, lui brisant la nuque. 

Coby @ Les bros

> Est-ce que ça vous dirait une sortie à la salle d'arcades ? Comme il fait un temps de chien ce week-end (merci l'Irlande) j'ai pensé qu'on pourrait faire ça.

Je lève les sourcils d'incompréhension en fixant mon téléphone portable. Qu'est-ce que c'est que ce nom de groupe ? Je clique sur la fiche d'information pour en apprendre plus. Coby a ajouté Sheridan et Harold avec nous, ainsi que Samuel. Rien qu'à voir son nom de contact, j'en ai le cœur qui fait des loopings.

Juste après ma séance chez la psychologue, nous nous sommes vus. Il sortait, de son côté, du bureau de la directrice de son école, pour discuter de la marche à suivre pour enfin faire bouger les choses. Avec ses deux coéquipiers, ils vont raconter leur histoire à un journal de Belfast pour être entendus par le conseil d'administration. C'est une idée de la directrice, apparemment. Pour moi, elle est excellente, même si je m'inquiète un peu pour Samuel. Il va très certainement devoir faire son coming-out à la ville entière, et je sais qu'il n'est pas prêt.

— On va utiliser un stratagème pour moi. Un nom d'emprunt ou alors des périphrases pour parler de moi. Je ne suis pas comme Rio, je ne suis pas prêt à donner mon prénom. Ça va me poursuivre toute ma vie, et je...

— Je suis la dernière personne à qui tu as besoin de te justifier, avais-je dit, en lui caressant la joue. Je te comprends totalement. À vrai dire, j'avais même peur pour toi. Je ne voulais pas que tu sois exclu de l'action, alors que tu en as tout aussi besoin que les autres, voir plus.

— Tu dis ça parce que tu m'aimes, c'est pas juste pour eux, avait-il ri.

— Non. Je dis ça parce que tu as failli mourir et que j'ai eu la peur de ma vie. Tout comme ta sœur et ta mère.

Il m'avait embrassé sur ces mots, et avait tenté d'aller plus loin. Nous étions chez lui, sa mère travaillait, et sa sœur était sortie. Mais je n'ai pas pu. Mes mensong=es et ma culpabilité étaient si lourds dans mon estomac que j'ai préféré refuser. Il a paru déçu, mais n'en a eu heureusement que l'air. Je suis rentré peu de temps après, et nous ne nous sommes pas revus depuis. C'est pour cela que j'appréhende chaque sortie avec lui. J'ai l'impression que mes méfaits sont écrits en lettres d'or sur mon crâne.

De Harold @ Les bros

> Je suis pour cette sortie, mais je t'en supplie Coby, change ce nom. Je ne suis pas un « bro ».

Je ne peux pas m'empêcher de rire. Harold et Coby sont totalement à l'opposé l'un de l'autre que parfois, on peut même se demander comment ils font pour être amis. Coby m'a certifié que ça ne s'expliquait pas, que c'était comme ça. Je n'ai pas cherché plus loin, surtout qu'ils se connaissent depuis la petite enfance. Moi, je suis le gars qui a débarqué dans tout ça, un peu comme un cheveu sur la soupe.

De Coby @ Les Potes

> Ça va ? Ça te convient mieux ?


De Harold @Les Potes

> C'est parfait.


Sheridan décide d'intervenir au milieu de cette bataille de nom, en envoyant un simple smiley de pouce qui veut tout dire. Ça doit être galère d'écrire plus de mots.

Puis, alors que je m'apprêtais à donner mon avis sur la sortie — et à l'accepter —, je remarque que Samuel est en train d'écrire. Mon cœur se serre, parce que je redoute qu'il refuse l'amitié des gars, tout simplement parce qu'il a peur de sortir de son placard devant quelqu'un d'autre que nos deux sœurs.


Méchant de mon cœur @ Les Potes

> Croyez-moi, ce serait avec plaisir, mais j'ai l'anniversaire de ma mère ce week-end. C'est plus au moins le seul moment de libre qu'elle s'autorise en plus de trois mois, donc je ne me vois pas la larguer pour aller jouer aux jeux vidéo (même si je suis un vrai pro d'Astéroïdes). Surtout qu'on va rendre visite à mes grands-parents qui vivent en banlieue et que je suis bon pour un dîner de quatre heures rempli de questions gênantes sur comment je me suis cassé le pied et si mes amours vont bien. Je donnerais TOUT pour être avec vous, les Potes.


Je souris comme un imbécile devant mon téléphone — et comme je suis dans ma chambre, fixant mon armoire, qui se trouve juste en face de mon lit, et que celle-ci possède un miroir, je sais que je ressemble à un zombi en face d'un festin de cerveau. À l'intérieur, je sens le monstre tousser de toute cette dose de mignon, de rose et de cœur, qu'il ne supporte pas vraiment. Ça lui fera les pieds.

Mon téléphone vibrant à nouveau dans mes mains me coupe de ma vision d'horreur du gribouillis complètement enseveli sous une couche de liquide rose épais. Je fixe à nouveau l'écran, pour découvrir un message de Samuel, mais en dehors du groupe.

> Est-ce que tu voudrais qu'on se voie avant votre sortie ? Rapidement, parce que je connais ma mère, elle va vouloir partir super tôt pour éviter les « bouchons » (c'est surtout parce que sa mère ne supporte pas le retard, et qu'être deux heures en avance, c'est DÉJÀ du retard).

> Avec plaisir. Ça ne va pas gêner ta famille ?

Je me souviens qu'il a très rapidement évoqué son coming-out à sa mère, forcé par ce qui lui est arrivé. Il a été très évasif sur cette grande étape, mais je pense qu'il en a reparlé à la réunion des arcs-en-ciel. Sur le coup, j'ai été un peu vexé que je ne sois pas son confident, mais grâce à Athol — qui est vraiment un mentor — j'ai fini par comprendre.

> Ma mère s'en moque un peu. J'pense qu'elle croit que je suis dans une phase et que lorsque je serai à la fac, tout ça s'arrêtera. Elle me laisse totalement tranquille par contre, et ne pose pas quinze mille questions sur mon petit-ami (elle sait que tu existes, et elle connaît même ton prénom).

Je me fige. Évoquer l'université me ramène à mes mensonges, au fait que nous ne soyons absolument pas sur la même longueur d'onde. Il y croit, et moi absolument pas. En toute honnêteté, j'avais l'idée de lui en parler après la sortie, autour d'un bon dîner ou même d'une session de câlins. C'est ce que je retiens de la séance chez la psychologue, et de ma discussion précédente avec Athol. L'honnêteté, même si ça fait mal, même si ça fait peur. Parce que de toute manière, je sais ce que ça fait, la chute lorsqu'on ment. Et je n'ai aucune envie de revivre ça. Samuel a beau être blond, ce n'est pas un Valentin bis.

> Alors c'est d'accord. Je serais là.

Je finis par répondre, pour ne pas paraître trop suspicieux. Ce n'est pas la meilleure des idées.

> Cool 🐯 🖤

Je m'allonge de tout mon long, en soufflant. C'est dans ces moments-là que je suis légèrement d'accord avec le monstre. L'amour, c'est compliqué, et je ne sais même pas si ça vaut le coup. Si, en regardant les avantages et les inconvénients, je n'étais pas en mode tout ça pour ça. Mais heureusement, la plupart du temps, mon cœur se reprend et repart se battre. Il ne se laisse pas faire par le poison du monstre, et il me rappelle tous les moments que j'ai passés avec Samuel. Le fait que je sois resté après que son monstre m'ait insulté. La soirée de la Saint-Patrick, où je pense avoir rencontré le vrai lui, et toutes les fois où il m'a dit qu'il m'aimait. Ça vaut le coup. J'attrape mon carnet non loin, sur la table de nuit, et je note ça en gros, plusieurs fois. Ça vaut le coup, ça vaut le coup, ça vaut le coup.

Et finalement, je reprends mon téléphone, j'envoie une montagne de cœurs à Samuel, et je réponds enfin à mes amis.

***

C'est assez drôle comme tous mes doutes s'évaporent complètement lorsque les lèvres de Samuel sont contre les miennes. Ce mec sait tellement bien embrasser que ça devrait être interdit.

Je suis entré en catimini dans sa maison, par l'espèce de jardin, dont la porte donne sur une toute petite buanderie assortie d'une toilette. J'ai tendu l'oreille, deviné que la télévision était allumée et j'ai filé. J'ai manqué de me faire repérer dans les escaliers, malgré le fait que j'ai retiré mes chaussures, mais je suis arrivé à bon port. Samuel m'attendait, allongé sur son lit. Je n'ai pas spécialement cherché à comprendre et je me suis retrouvé tout contre lui, à califourchon pour qu'il n'ait pas à bouger.

Je sais que la position est dangereuse, et je le sens. Mais j'ignore complètement les appels de phare de mon corps, parce que je n'ai pas le temps et que c'est bien trop dangereux, avec le reste de sa famille en bas.

— Ça me soûle vraiment de ne pas pouvoir venir avec toi, déclare tour d'un coup Samuel, alors que je m'attaque à son cou par de petits baisers.

— Moi aussi. J'adore t'avoir à côté de moi.

Le monstre tente de réagir, mais je le fais taire en reprenant mes embrassades. Je sais que c'est exactement pour ça que je ne crois pas dans les relations à distance. Parce qu'il sera trop loin de moi.

— T'es accro ?

Je relève la tête et fixe ses beaux yeux. Un petit sourire vient se dessiner sur mes lèvres lorsque je réponds.

— Un peu. Mais j'essaie de garder ça le plus sain possible. Je n'ai aucune envie de devenir une glu ou quelqu'un de maladivement jaloux, à vouloir savoir où tu te trouves à chaque moment de la journée. Ça s'appelle tout bêtement avoir confiance en toi.

Il me ramène contre ses lèvres pour un gros baiser, vraiment très long. Oh, je sens que ça lui a fait plaisir. C'est normal. C'est l'entière vérité.

— Franchement, je me passerais bien de mes grands-parents. Ils sont vraiment très vieux jeu. Tu sais qu'ils préfèreraient que ma mère ne travaille pas et qu'elle s'échine plutôt à se retrouver un mari ? Qu'Heather devrait faire de même au lieu d'aller se faire reluquer par tous les pervers du coin dans son bar-restaurant ?

— Elle a eu des problèmes avec des clients ?

— Non, c'est ça le pire ! Ils inventent complètement ! Ils extrapolent même, à cause de tout ce qu'ils peuvent lire dans le journal. Je ne dis pas que ça n'existe pas, loin de là. Mais ce n'est pas chaque heure de chaque journée, et puis connaissant Heather, elle est complètement capable de se défendre, avec ses mots ou ses poings.

— Je te crois sur parole.

— D'ailleurs, elle leur a bien fait comprendre, à mes grands-parents, qu'elle n'acceptait plus qu'on critique son métier. Que s'ils voulaient qu'elle reste à la maison, ils n'avaient qu'à envoyer l'équivalent de son salaire à maman. Ils ont fait une drôle de tête et ils se sont tus.

— Ta sœur est courageuse.

— Oui. Quand je serais plus grand, je voudrais être comme elle.

Nous rions de concert, avant de nous fixer en souriant. Tout naturellement, je reviens contre ses lèvres, pour reprendre mes baisers. Samuel, lui, a passé les mains sous mon t-shirt, et je pense bien qu'il aimerait bien me l'enlever. Je me tortille un peu pour le garder sur moi, ce qui le fait réagir.

— Tu as froid ? Je peux clairement monter le chauffage, et sans me déplacer en plus.

Son sourire se veut équivoque, mais moi, je suis sérieux. Incroyablement sérieux.

— Non. Je n'ai pas froid. Je n'ai juste pas envie. C'est trop dangereux, parce que tu ne sais même pas à quelle heure tu pars.

— Je veux juste poser les mains sur ton torse, rien de mal à ça. Et oui, peut-être un peu te mater aussi. Mais ce n'est pas ma faute si tu es trop sexy et dans une position qui ne laisse pas beaucoup de place à l'imagination.

— Ton pantalon n'est pas d'accord avec toi. Et puis je connais bien tes mains. Elles vont d'abord se coller sur mon torse, comme tu dis, et ensuite, elles vont se déplacer plus bas, déboutonner rapidement mon jeans et faire tout autre chose que ce qui était prévu.

Il m'offre une moue vexée, pris sur le fait. Je ne suis pas stupide, et je le connais. Surtout que mon corps ne serait pas contre non plus. C'est ma tête qui refuse.

— Il y a un problème Curtis ? Tu es malade et tu n'oses pas me le dire, de peur de me refiler la maladie ?

— Non, ce n'est pas ça. En plus, on se protège bien. C'est juste que... que je n'ai pas envie. Ça arrive. Ne le prends pas pour toi, vraiment.

Tu te sens tellement coupable que tu n'es même plus capable de coucher avec lui. T'es vraiment qu'un gros con.

Je grimace sous la remarque du monstre, et je m'accroche aux épaules de Samuel. J'essaie de sourire, mais ça doit être particulièrement tordu.

— On est pas bien là ? Juste comme ça, à s'embrasser ?

— Si. C'est vrai.

Il acquiesce à contrecœur. Il faut vraiment que je lui parle. Je ne voudrais pas qu'il se fasse de fausses idées, qu'il ne m'attire plus, ou pire, que je ne l'aime plus. Et au moins, ma culpabilité sera assouvie.

***

Après un déjeuner rapide dans un fast-food, accompagné de Coby que j'ai appelé en sortant de chez Samuel, nous nous dirigeons vers la salle de jeux d'arcades. Comme convenu, Harold et Sheridan nous attendent devant. C'est assez étrange de voir Harold en dehors des cours — puisque pour les deux autres, je suis nettement plus habitué. Il me sourit en hochant la tête, ayant attaché ses cheveux effroyablement longs en man bun.

— Tu copies le style capillaire de ta copine ? remarque Coby, alors que nous entrons.

— Non, pas vraiment. Et d'ailleurs, elle n'aime pas du tout lorsqu'ils sont comme ça. Elle trouve que mon visage est trop allongé.

Je le fixe quelques secondes. Son visage est, certes, un peu plus long que le mien ou que celui de Sheridan, mais il n'est pas hideux, loin de là. Même si je n'ai jamais été attiré par Harold, je dois reconnaître que ses yeux bleu très clair sont tout ce qu'il y a de plus agréable à regarder.

— Je ne suis pas d'accord avec elle. Ça te va bien, d'après moi.

Je souris, en essayant de cacher mon malaise. C'est étrange d'être sympa avec Harold. Non pas que j'ai déjà été méchant avec lui. C'est juste qu'habituellement, je me contente de l'ignorer, et de recevoir les regards noirs de Kat.

— Merci beaucoup Curtis. C'est très gentil de ta part.

Nous achetons nos jetons sur cette fin de conversation, et nous observons les jeux qui s'offrent à nous.

Je suis le premier à avoir découvert cet endroit. Je ne connaissais même pas encore les autres. Asra m'accompagnait lorsque j'étais plus jeune, et à mes douze ans, elle a décrété qu'elle en avait marre de faire semblant d'aimer ces jeux. C'est comme ça que j'ai commencé à venir tout seul. Ensuite, j'y ai ramené tous mes amis. D'abord Valentin, où j'ai profité du fait qu'il soit débutant pour guider ses mouvements sur certaines bornes, en me plaçant derrière lui et en lui prenant les mains, et où chaque contact était électrisant. Ensuite Coby et tous les autres. Je sais de source sûre qu'ils sont revenus sans moi, tout comme moi, j'y suis allé tout seul. C'est la toute première fois que nous sommes ici tous ensemble depuis deux ans. Ça me fait quelque chose.

Comme d'habitude, je me tourne comme automatisme vers Coby. Nous avons la tradition de commencer nos après-midi aux arcades par un affrontement à Danse Danse Revolution. N'importe qui pourrait se moquer de nous, je n'en ai rien à faire. Je déchire tout.

— Puis-je te défier à Dance Dance Revolution ?

Je sursaute, parce que ce n'est pas la voix de Coby qui m'a demandé ça — c'est bien trop poli pour que ça soit lui. C'est celle d'Harold. J'écarquille très légèrement les yeux, de peur de l'effrayer par ma surprise.

— J'ai entendu dire, reprend-il, que tu étais particulièrement bon et que tu battais systématiquement Coby. J'ai pensé qu'il te fallait un adverse à ta mesure.

— Genre, toi ?

— Genre moi, oui. Je me débrouille plutôt bien, si tu veux mon avis.

Je fixe Coby, qui hausse les épaules, demandant à Sheridan d'aller dégommer des zombies avec lui. Les deux s'en vont, et moi, j'accepte la proposition d'Harold. Nous mettons nos jetons dans la machine, et nous nous mettons en place.

Ça fait quelque temps que je ne me suis pas entraîné, si bien que je me trouve un tout petit peu rouillé. Je rate certains pas qui sont pourtant faciles, et je manque de glisser du tapis. Mon adversaire, par contre, est comme un poisson dans l'eau. C'est comme s'il avait le jeu chez lui, et qu'il passait ses soirées dessus.

Il gagne la première partie, si bien que j'en demande immédiatement une seconde. Là, je suis nettement plus concentré, et je fais attention à chacun de mes pas. La fièvre du Danse Danse me reprend. Je souris victorieusement lorsque la musique s'arrête, et je fixe mon opposant, en attendant les scores.

— Maintenant que je suis chauffé, tu vas voir ce que tu vas voir.

— Comme on dit souvent, on ne vend pas la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Je te prierais de regarder ton écran.

Je fixe les numéros, fier de mon quatre-vingts pour cent de réussite. Avant de me tourner vers Harold et son immense quatre-vingt-dix.

— Tu es un champion du monde de la discipline ou quoi ?

— J'ai en effet gagné plusieurs concours, mais je ne sais pas s'il existe un championnat du monde. Mes parents bossent dans un bar tous les deux, et lorsque je m'ennuie tout seul chez moi, je vais m'entraîner chez eux. Le patron m'aime bien, alors il m'offre la plupart de mes parties. C'est pour ça que je suis aussi bon. Même si ce n'est pas inscrit sur mon visage.

Il me sourit et continue sur sa lancée, s'éloignant du sujet des jeux vidéo.

— C'est un peu comme toi en fait. Je pense qu'il ne faut pas se fier à ce que l'on sait, ou ce que l'on pense connaître de toi. Il faut te fréquenter pour se rendre compte que tu es quelqu'un de très sympathique, geek sur les bords et qui aime passer du temps avec ses amis. Et ça me désole de ne pas avoir vu ça avant.

— Je suis ce garçon depuis peu de temps, tu sais. Tu n'as pas à t'excuser.

— Mais je veux quand même le faire. J'ai suivi l'opinion du plus grand nombre, sans me forger la mienne. J'ai suivi Kat, qui t'en veut parce que tu as fait souffrir Valentin, et qu'elle est très attachée à lui. Sauf que... quand je l'ai revu, j'ai eu l'impression d'être face à un étranger. Ce n'était pas désagréable, mais je ne pouvais pas faire comme si tout allait bien, comme s'il n'y avait pas eu un immense trou dans notre amitié. Valentin nous a viré de sa vie, il a ignoré nos messages. J'étais content de le revoir, mais notre pseudolien ne doit pas être une justification du fait de te détester. Je suis assez grand pour prendre mes décisions tout seul.

— Et Kat ? Qu'est-ce qu'elle en dit ? Je ne veux pas être porté responsable d'une dispute, ou même de pire. Et la connaissant, elle serait totalement capable de venir me voir dans le couloir, de me faire une prise de judo et de me demander des comptes.

— Elle ne saute pas au plafond, mais elle prend sur elle pour comprendre. Je lui ai bien répété que c'était à double sens. Si elle ne me force pas à te détester, je ne la forcerais pas à bien t'aimer. Chacun ses choix.

— C'est gentil à toi. Très gentil, même.

— Comme dirait Sheridan, ce n'est pas gentil. C'est juste humain.

***

Après plus de deux heures de batailles intenses sur le même jeu — Sheridan et Coby sont même venus nous observer —, mon très cher meilleur ami décide que c'est le moment de nous offrir un goûter. La salle d'arcades possède un petit coin café, avec quelques pâtisseries. Je décide unilatéralement de payer la tournée pour tout le monde, sous les petites remarques de Coby, forcément.

— Tu n'as pas besoin de nous couvrir de cadeaux pour qu'on t'aime, tu sais. Je suis incorruptible.

— Dit celui qui va m'inonder de compliments lorsque je vais revenir avec une immense ration de muffin trois chocolats.

Il me tire la langue pour toute réponse — nous sommes tous les deux de gros gamins — et me laisse aller passer ma commande. Et comme je l'avais prédit, quand je reviens avec la serveuse, qui m'aide à porter les plateaux, Coby m'envoie des cœurs avec ses doigts. Au moment où je me rassois, évidemment à côté de lui, il se penche vers moi pour me glisser une autre remarque.

— Heureusement que ton Samuel n'est pas là, il n'aurait peut-être pas apprécié.

— Franchement, s'il ne comprend pas qu'il est clairement hors de question que je sorte avec toi, alors il ne me mérite pas, tout simplement.

— De toute manière, je l'ai prévenu. S'il te fait souffrir, je vais lui en faire voir de toutes les couleurs.

J'écarquille légèrement les yeux, après avoir bu mon chocolat chaud. Ça, je ne le savais pas.

— Pardon ?

— J'ai trois chats. Trois chats que j'entraîne à être des durs des gouttières. Et si je dis saute sur le monsieur blond, ils sauteront sur le monsieur blond. Et comme ma mère déteste leur couper les griffes, que moi aussi et qu'elle attend patiemment que je devienne véto pour que je lui fasse gratuitement, les griffes en question sont de vrais rasoirs. Je suis armé, Razavi, et je n'hésiterais pas à me servir de mes moyens si ta vertu est remise en question.

Je pense très sincèrement que mes sourcils pourraient s'envoler. S'envoler très très haut même. J'ai beau connaître Coby depuis quelque temps maintenant, je ne l'ai jamais vu aussi sérieux, tout en débitant des phrases qui ne veulent pas dire grand-chose.

— Je ne suis plus très vertueux, si tu veux tout savoir. Et je ne savais pas que tu étais si...

— Préoccupé du bien-être moral, amoureux et très certainement physique de mon meilleur ami ? Si. Je suis peut-être mal à l'aise parce que tu sors avec un mec, mais je suis là pour toi. Comme mouchoir géant, comme faiseur de sandwichs ou comme arme de destruction massive.

Je le fixe avec de grands yeux, avant de me radoucir et de sourire de toutes mes dents. Je pense que si j'étais seul, je pleurerais. Parce qu'encore une fois, Coby vient de me prouver que c'est un vrai frère. Et que malgré les kilomètres qui risquent de nous séparer à cause de la fac, nos chemins ne se sépareront pas. Je le sais. Je le sens.

Alors pourquoi est-ce que tu ne ressens pas ça avec Samuel ? Ça devrait être pire qu'avec Coby, parce que tu l'aimes. À moins que tu mentes, comme tu le faisais avec Valentin ?

Bien entendu, le monstre est toujours là pour venir ruiner les bons moments. Je l'ignore complètement, préférant me focaliser sur Sheridan, qui boit son thé noir en nous fixant.

— Est-ce qu'on peut participer à ce conciliabule, ou c'est uniquement réservé aux garçons dont le prénom commence par C ?

— C'est bon, c'est bon, on arrête. D'ailleurs, j'ai à vous parler, déclare Coby, en croquant dans son troisième muffin trois chocolats.

Je reprends une gorgée de mon chocolat chaud, et je hoche la tête, prêt à écouter.

— Ma grand-tante est morte, et du coup, on a dû aller vider sa maison avec toute la famille.

— Sympa ton histoire, intervient Sheridan. Pas glauque du tout.

— C'était une vieille bique avare que je connaissais pas. Donc oui, on s'en fout qu'elle ait cassé sa pipe. L'important, c'est la suite. Je disais donc, on a vidé sa maison. Et on a trouvé un trésor d'Ali Baba.

Coby cherche quelque chose sur son téléphone, et nous le présente, au centre de la table. Là, sur les pixels, s'étale la représentation fortement orange d'un authentique combi Volkswagen.

— Ma grand-tante avait cette merveille cachée dans le garage. Une merveille qui est en tout état de marche, il suffit de remettre de l'essence, ce que je me suis empressé de faire. J'ai supplié ma mère qu'on le garde, et après moult sacrifices de ma part, elle a accepté.

— Qu'est-ce que tu veux faire d'un grand truc comme ça ? Vous avez de la place chez vous d'ailleurs ?

— Pas vraiment. Mais tu ne comprends pas où je veux en venir ?

Les yeux de Coby sont brillants. La seule fois où je l'ai vu aussi excité, c'est quand il a reçu un billet pour aller voir l'équipe de foot d'Angleterre pour son anniversaire.

— Accouche ! continue Sheridan.

— On va partir en road trip avec. Pendant les vacances d'août. Tous les quatre. Enfin, cinq, si Samuel accepte. On pourrait faire le tour de la côte nord-irlandaise, voir même descendre vers le sud, aller visite une certaine ville dont le nom commence par D.

Un clin d'œil dans ma direction. Bien entendu, Coby est déjà au courant pour l'idée de ma psychologue. Il est complètement pour, et s'en veut de ne pas y avoir pensé tout seul. J'ai foncé dans ses bras lorsqu'il a dit ça.

— Je sais que c'est incroyablement cliché, que ça fait américain, mais ça a toujours été une sorte de rêve. Maintenant que vous avez compris ce que je vous répétais depuis deux ans, soit que Curtis n'est pas un connard, eh bien, ça peut se réaliser. Alors, qu'est-ce que vous en dites ?

— On ferait du camping, c'est ça ? demande Harold.

— Ouais. Peut-être un peu sauvage, pour corser les choses. Près des plages, et tout. Je sais qu'on n'habite pas dans un pays avec des plages de sable fin et l'eau bleue claire, mais les falaises, tout ça, c'est quand même magnifique. On pourrait en profiter.

— Et pour les frais ?

— On divise l'essence en cinq. Et la bouffe aussi. Pour le reste... bah on prend une bassine pour faire la lessive, et peut-être qu'on pourra louer une place dans un camping si on sent trop le bouquetin. J'ai déjà réfléchi à beaucoup de choses, depuis que j'ai découvert le combi. J'aurais sans doute besoin des lueurs mathématiques de Sheridan par contre.

— Pas de soucis. J'suis là pour ça.

— Ça veut dire que t'es pour ?

— Bah... oui. Au moins, ma mère ne me tortura pas pendant un mois à me demander de me bouger mes fesses de fainéant. Et puis Sybil sera pas là.

Je sursaute. Comment ça, Sybil ne sera pas là ?

— Elle ne te l'a pas dit ? Elle repart au Pakistan pendant un mois. Apparemment, elle fait ça avec ton frère.

Le monstre se régale de cette nouvelle, et je m'empresse de l'enfourner dans son armoire en répondant à Coby.

— Alors je suis pour aussi. Partons en road trip dans ta grosse voiture orange.

— Harold ?

— Je vais jauger le pour et le contre. Mais ça me plaît bien, je te l'avoue. Je n'ai jamais vu la mer, autre qu'à Belfast. Et j'en ai un peu marre de la visite annuelle du musée du Titanic pendant les vacances.

Je souris, avant de me tourner vers Coby.

— Tu feras la proposition à Samuel. Si ça vient de moi, ça le fera sans doute flipper, genre copain qui joue à la glu et qui ne veut pas laisser l'autre respirer. Et puis le connaissant, il aura l'impression de s'imposer. Venant de toi, ça ira mieux.

— Parfait. Alors c'est décidé. On part en vacances ensemble !

Coby nous présente son verre de smoothie, et nous trinquons. Et pendant que je bois une nouvelle gorgée de chocolat, j'entends le monstre qui fait du bazar dans son armoire. Croyant tout d'abord qu'il rage parce que je vais passer toutes mes journées d'août avec mon petit ami, il est en réalité en train d'exulter.

Tu penses que ça lui fera quoi, à Samuel, quand tu lui annonceras qu'après ça, tu ne voudras plus de lui parce que tu ne seras plus dans la même ville que lui ? Pas du bien, d'après moi. Tu as beau m'ignorer, mon petit, je suis toujours là. Et je suis le seul capable de dire la vérité. 

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