Juin - 5

Grindewald est le big méchant avant le Sans-Pif. Il est clairement MOCHE (je ne sais pas ce qu'ils ont fait à Johnny Deep, et même si je n'irais pas voir le film suivant parce que je n'ai pas aimé le 2, j'espère très sincèrement qu'ils ne vont pas défigurer Mads « Hannibal » J'ai-une-tête-de-méchant). Son but est comme tout bon sorcier noir qui se respecte, de mettre à genoux toute personne ne pratiquant pas la magie. Comme vous pouvez le voir, il n'est pas superbement intelligent. Comme plus ou moins tous les méchants. 

Je suis de retour, en même temps que les petits textes humoristiques, qui ont été rajoutés sur les chapitres où ils manquaient ! 


Je prends une respiration pour répondre, mais comme dans toute bonne série ou livre, je me fais couper par la serveuse qui débarque pour prendre nos commandes. Je ne peux pas m'empêcher de rire, et Curtis me fixe avec un air franchement étrange. Il doit sans doute penser que je me moque de lui et de sa proposition. C'est juste la situation qui me fait perdre mes moyens. À vrai dire, c'est un peu nerveux. Parce que je suis complètement perdu vis-à-vis de ce que je veux faire. Je suis encore une fois face aux deux Samuel.

Le premier, le bien réel, comme je l'appelle depuis quelque temps, saute de joie à l'idée, et est en train de penser que c'est comme si la boucle était bouclée, comme Curtis et moi nous nous sommes rencontrés pendant un bal. Mais cette fois-ci, rien de pathétique, rien de monstrueux. Juste deux personnes qui profitent de ce temps ensemble, qui s'amusent avec leurs amis — et j'aime réellement le groupe de Curtis, en particulier Coby qui me fait mourir de rire. Qui dansent, qui s'amusent, qui s'aiment, tout bêtement.

Le second, tout aussi réel que le premier, malheureusement, vomi cet assemblage de bonne humeur, et de joie. Lui, tout ce qu'il voit, ce sont les yeux des autres. Des dizaines, des centaines, des milliers d'yeux, qui nous regardent et nous jugent. Qui médisent sur notre dos, et qui prévoient de nous tabasser. Des John en puissance, qui passent leur temps à glisser leur doigt sous leur gorge pour nous signifier que c'en est bientôt fini de nous. C'est ce Samuel qui a laissé gagner le monstre, qui ne sait plus vraiment à quoi ressemble sa vie. C'est ce Samuel qui est sans doute atteint de paranoïa, et qui ne fait rien pour se soigner, ou s'en sortir. Je ne veux pas être ce Samuel.

Mais en fixant l'autre, je me rends compte que je suis incapable d'être ce Samuel lumineux et heureux. Je ne suis pas Heather. Je ne suis pas Liam, mon chef de groupe des arcs-en-ciel. Je ne suis pas coloré, je ne suis pas excentrique. Peut-être qu'à l'intérieur, je marche sur un rayon de soleil et que toutes les couleurs m'environnent. Mais je suis incapable de les montrer à l'extérieur. Parce que je ne suis pas comme ça.

Alors, je me place entre les deux. Je saisis la main glaciale du monstre, et celle toute chaude de l'arc-en-ciel, et je ferme les yeux. Parce que je suis un mélange des deux. Et il faut que je m'accepte comme ça.

— Samuel ? T'es avec nous ?

La serveuse agite sa main devant mes yeux, et je cligne des paupières en me reconnectant à la réalité. J'étais tellement perdu dans mon déchirement interne que je ne me suis même pas rendu compte qu'elle s'adressait à moi.

— Pas vraiment. Je suis désolé. Je prendrais le brownie tout chocolat, s'il te plaît.

— On n'en a plus. Le cuistot a oublié d'aller faire les courses, alors on a pu en préparer que quatre sur toute la journée. Tout est parti ce midi. Il va falloir sélectionner autre chose, je le crains.

C'est comme si je me prenais une claque. On me dira que j'exagère, parce que ce n'est qu'un dessert et que ce n'est pas la fin du monde. Mais je n'ai jamais pris un autre dessert ici. Lorsque je suis venu avec Curtis la première fois, ça ne compte pas, parce que j'ai fini par manger mon brownie. C'est toujours comme ça dans ce restau. Le burger, avec une grosse portion de frite et du cola. Et le brownie en dessert. C'est ma routine.

Je suis quelqu'un de routinier, et le pire, c'est que j'adore ça. Heather me trouve particulièrement bizarre, et je pense sincèrement qu'elle estime que je suis quelqu'un d'ennuyant. Pour elle, une journée est perdue si elle n'a pas fait quelque chose de nouveau. Même si c'est essayer un nouveau maquillage ou commencer un graff dans une partie de la ville qu'elle ne connaît pas. La seule qui était capable de me comprendre, c'était Daisy. Tout bêtement parce qu'elle aussi, c'est quelqu'un de routinier. Avant qu'elle se mette à me mentir, nous avions notre routine à l'école. Quand nous retrouver, quand favoriser nos amis, quand nous plonger dans notre entraînement de foot.

Avec Curtis, ce n'est pas la même chose. Je sens bien que ça l'ennuie quand on se retrouve systématiquement au salon de thé d'Adil et que nous faisons nos devoirs. Je ne dois pas en abuser, alors que j'adore ça. Parce que je sais, pendant la journée, surtout si elle a été particulièrement merdique, que je vais le retrouver pour un petit moment. C'est une lumière, un but, un objectif. Serrer les dents, respirer, résister jusqu'à cet instant précis, où nous nous retrouvons devant l'arrêt de bus entre nos deux écoles.

C'est pour ça que dès qu'il ouvre la bouche avec un sourire de travers, je sais déjà ce qu'il va dire.

— Ça ne te fera pas de mal de changer, de briser la routine, tu ne penses pas ?

— Non !

Je hurle presque, parce que je suis effrayé. La routine, c'est ce qui me permet de tenir. Sans elle, je n'aurais pas réussi à remettre les pieds à l'école. Après mon accident, je me suis créé de nouvelles habitudes. Arriver avec le maximum d'avance que m'octroie le bus, téléphoner à Curtis en prenant de grandes respirations, attendre Miho ou Rio ou même les deux et entrer en bloc. Voilà tout ce que j'exécute chaque matin. Systématiquement.

Et je me rends compte que ma détestation, c'est aussi entré dans ma routine. J'ai l'habitude de râler contre le monstre, de répéter que je ne serais jamais quelqu'un d'excentrique, qui fait des doigts à la société et qui embrasse son copain à pleine bouche au milieu de la rue. Quand je vais aux arcs-en-ciel anonymes, cette détestation s'en va pendant plusieurs heures, ou même un jour entier. Et comme si mon corps l'appelait, elle revient comme elle était partie, se réinstalle dans son nid et attend d'entrer en action.

— Samuel, ce n'est pas la mer à boire de prendre un autre dessert. Je sais que tu es très fan du brownie, mais les autres plats à la carte sont tout aussi bons. Tu n'avais pas apprécié le cheesecake à la myrtille ?

— Tu ne comprends pas, Curtis. Ça va beaucoup plus loin que ça. Je ne peux pas... bousculer mes habitudes comme ça. J'en suis incapable.

— Alors, avance à petits pas, intervient la serveuse. Choisis un dessert. Tu n'es pas obligé de changer ton monde d'un claquement de doigts. Juste... tu peux prendre un autre dessert. D'après ce que je sais, ça ne bousillera pas ta vie. Ni même ta soirée, sauf si ton estomac en décide autrement.

Elle me sourit, et je sens qu'elle est sincère. Elle ne connaît pas les tenants et les aboutissants de ce qui se passe en moi, mais elle essaie de m'aider avec le peu d'informations dont elle dispose. Peut-être que ce n'est pas la première fois qu'elle est confrontée à quelqu'un qui a dû mal à changer ses habitudes.

— Je...

— S'il te plaît, continue Curtis, en me lançant son regard de chien battu. Essaie. Pour moi.

Il ne tente pas de me prendre la main, et je l'en remercie pour ça. Je n'aurais pas bien réagi, et ça aurait encore créé des non-dits entre nous.

— D'accord. Alors je prendrais le cheesecake à la myrtille.

Mon petit-ami m'offre un sourire jusqu'aux oreilles, et la serveuse nous remercie, avant de courir à la cuisine. Dès qu'elle est partie, et en regardant bien autour de lui, Curtis m'attrape le petit doigt avec le sien. Ça me rappelle les promesses avec ma mère.

— Pourquoi tu ne me l'as jamais dit ?

— Tu ne peux pas comprendre. Tu n'es pas comme ça. Toi, tu es capable de sortir du chemin tout tracé. Moi, si je ne le suis pas, je panique complètement.

— C'est pour ça que tu te détestes, n'est-ce pas ? Dans ton chemin tout tracé, tu aurais dû rester avec une fille comme Daisy, et pas développer un crush pour Miho. Tu aurais eu ta vie dans les cases bien comme il faut. Sauf qu'en poursuivant ces sentiments malvenus pour un garçon, en poursuivant ceux que tu as pour moi, tu as dévié de ta route. Alors le monstre est apparu.

— Oui.

Je m'en veux. Je m'en veux parce que ça ne sous-entend pas de jolies choses. Ce rendez-vous, qui devait être tranquille, est en train de virer à vau-l'eau. Dire qu'il avait si bien commencé.

— Mais... tu fais partie de ma route, maintenant. Tu es dessus. Tu n'es pas une déviance, tu n'es pas un chemin effrayant et sombre. Tu marches avec moi. Je te le promets.

— Mais il y a une ombre qui nous suit. Une ombre que ton esprit maintient en place. Parce que tu as peur de détruire ta routine, et que tu as appris à vivre avec ton monstre. Alors, pourquoi accepter de venir à la Pride avec moi ? Pour faire acte de présence ? Pour porter les panneaux que tu as peints avec ta sœur ? Pour montrer à Liam et à Stanislas que tu vas mieux, alors que ce n'est pas spécialement vrai ? L'ombre sera toujours derrière toi, Samuel. Et je ne veux pas qu'elle m'engloutisse. Alors, si tu ne veux pas venir, je préfère que tu me le dises. Et pour la Pride, et pour le bal.

Je lui serre la main comme si ma vie en dépendait. En vérité, je suis au bord des larmes, parce que je me sens affreusement pathétique et qu'encore une fois, il a raison.

— Si tu veux me convaincre de rester avec toi, il faut que cette ombre disparaisse. Parce que je n'ai pas envie de me cacher sous le lit dans ton dortoir, car tu n'auras pas dit à ton coloc que tu recevais quelqu'un et qu'il est rentré bien plus tôt de sa séance de travail à la bibliothèque. Je ne te demande pas de le dire à la Terre entière, parce que moi-même, j'en suis incapable, moi-même, j'ai effroyablement peur. Je souhaite juste que tu n'aies plus honte de toi. Tu es quelqu'un d'exceptionnel, Samuel.

— Tu veux me mettre un coup de pied aux fesses, c'est ça ? Tu veux me faire remuer parce que j'ai paniqué à l'idée de prendre un autre dessert que mon habituel ?

— Non. Je veux que le monde te voie comme tu es vraiment. C'est tout.

Une larme roule sur ma joue, et elle fait bondir Curtis de sa chaise. Il la déplace à mes côtés, pour l'essuyer en douceur. Avant que je me jette dans ses bras. Je me fiche qu'on nous remarque, je me fiche de ce que je pourrais entendre sur notre compte. J'ai juste besoin de le serrer tout contre moi, parce qu'encore une fois, c'est la lumière dans le tunnel noir.

— Tu dis tout le temps que ton but, c'est de trouver une gomme suffisamment grande pour effacer Monsieur Gribouillis. Moi, je vais choper la lampe torche la plus lumineuse du monde pour chasser les ombres qui te suivent. Parce que tu le mérites tellement, et que ça me brise le cœur de te voir comme ça, souffle-t-il contre moi.

— Tu es comme mon horloger.

Il se recule, et m'offre une tête très intriguée, les deux sourcils levés. C'est vrai que c'est la première fois que je lui en parle. Je ne suis pas du tout expansif sur ma famille, mis à part quand j'évoque Heather.

— Mon grand-père maternel était horloger, et il était extrêmement doué. Il avait de l'or au bout des doigts. Il pouvait réparer un simple coucou, comme une création complexe et originale. Et lui, il avait de l'imagination à revendre. Pour mes douze ans, il m'a offert une horloge sous verre, où l'on peut voir tous les rouages s'actionner. Il m'a avoué que c'était sa dernière grande réalisation, parce qu'après, il a chopé la pire maladie possible pour quelqu'un comme lui ; Parkinson.

— Pourquoi je n'ai jamais vu cette horloge ? Je suis capable de te décrire ta chambre les yeux fermés, mais elle, je ne l'ai jamais remarquée.

— C'est parce qu'elle est dans une boîte, au fond de mon armoire.

Je baisse la tête, et Curtis comprend. Ça ne m'étonne même pas.

— Parce que tu as honte de ce que tu es devenu, n'est-ce pas ? Tu penses que tu ne mérites pas que cette œuvre trône dans ta chambre ?

— Oui. Elle représente mon grand-père, tout ce qu'il était, et toute sa créativité. Lorsque je me suis transformé en monstre, j'ai déshonoré l'image qu'il avait de moi lorsqu'il est mort. Je n'arrivais plus à regarder cette belle horloge en face, alors je l'ai rangée pour éviter de culpabiliser.

— D'accord. Alors on va le ressortir ce soir, quand je serais chez toi. On va la dépoussiérer, et on va la poser à un endroit où tu la verras bien. Parce que tu n'es plus un monstre, Samuel. Tu es en train de changer. Et ton horloge va à nouveau tourner dans le bon sens. Tu as dit que j'étais ton horloger. Je suis celui qui enlèvera chacun des grains de sable qui arrêteront tes rouages. Parce qu'il est grand temps que tout ce beau mécanisme fonctionne comme avant. Et que cette routine de désengrenage cesse.

Sa main hésite en l'air, et je la lui saisis, pour la coller sur mon visage. J'ai besoin de ses caresses, pour éviter aux pleurs de redescendre sur mes joues. Ce que Curtis me déclare, en utilisant l'analogie de mon grand-père, me touche énormément. Et je ne peux qu'accepter son aide.

— J'ai envie de venir avec toi au bal de ton école. Je suis incapable de te promettre que je serais ouvert à souhait, et souriant, et que j'oublierais tous les regards plantés sur moi. Mais... j'ai envie de t'accompagner. Parce que tu as raison. Il est temps de briser cette routine.

Il me sourit jusqu'au plafond et mon cœur se serre. Je repense à l'image que j'ai eue quand il m'a proposé de l'accompagner. Il faut que je lâche la main glaciale de Samuel le monstre. Je ne suis pas obligé de cheminer avec lui. Je peux l'abandonner en cours de route. Personne ne me fera la leçon.

J'ai effroyablement envie d'embrasser Curtis, comme pour sceller ce qui vient d'être dit. Je m'approche tout doucement de lui, et il se recule, en baissant les yeux.

— Ne te sens pas obligé. Nous aurons tout le temps de le faire dans la voiture, ou chez toi.

Je hoche la tête, et comme si tout était réglé comme une horloge — c'est le cas de le dire — nos desserts arrivent. Curtis se déplace à nouveau en face de moi, sous le regard amusé de la serveuse. Elle me lance un regard étrange, et je me souviens que je dois avoir les yeux pleins de larmes. Je tourne la tête honteusement, et j'utilise une serviette prise dans le distributeur de la table pour me moucher le plus silencieusement possible.

— Prêt à briser la routine ? dit-elle en déposant le cheesecake sur la table ?

J'attrape la cuillère, prêt à l'attaque. Et mes yeux se perdent dans ceux de Curtis, qui me fixe avec tout l'espoir dont il est pourvu. Chacun son tour. Je lui donne mon courage, il me donne sa lumière. C'est pour ça que nous deux, ça ne sera jamais aussi réel que maintenant, à cet instant précis. Et dans une seconde, l'horloge se déplacera, l'heure changera, et notre réalité sera encore augmentée. Parce qu'on est comme ça.

— Prêt.


Cette histoire est sans doute horrible, mais il faut que je vous la raconte, juste pour prouver que même dans les endroits les plus sombres, on peut trouver des choses auxquelles se raccrocher. J'ai eu l'idée de l'analogie de l'horloge — qui va être développée plus tard dans les chapitres de Samuel — au cimetière où ma grand-mère a été enterrée. Pendant que ma famille se recueillait sur sa tombe, mon cousin et moi, nous nous sommes "promenés" dans les allées pour lire les noms des personnes enterrées et aussi compter les anciens combattants (il y en a beaucoup). Et à un moment, nous nous sommes arrêtés devant la tombe d'une jeune personne. Nous n'avons pas su son âge, mais au vu des plaques déposées par ses parents, elle semblait jeune. Deux choses m'ont frappées : les décorations sur le marbre (une figurine Pop par exemple, et des petits instruments de musique) et une horloge absolument magnifique avec les rouages apparents. C'est comme ça que j'ai eu l'idée de ce que Samuel a dit, et sur le fait qu'il aimerait que les engrenages de sa vie soient à nouveau fonctionnels, grâce à son horloger personnel. 

Le chapitre de juin, dans mon découpage actuel, est le premier de la deuxième partie de Ciel d'hiver. Et cette deuxième partie sera dédiée à ma grand-mère. Voilà tout.  

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