Juin - 1

Voldemort, Voldy, le Sans-Nez ou Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom est un peu en compétition avec Dark Vador pour le titre de méchant le plus connu de toute la pop culture. Son apparence est tout sauf stylée, il lui manque carrément son nez, mais c'est une menace qui plane sur Harry et ses amis pendant rien que sept ans. Il met du temps à sortir de sa tombe, mais lorsqu'il le fait, il fait des dégâts. Ça fait du bien de savoir qu'il finit tué par Harry, malgré toutes les morts qu'il laisse derrière lui.

SAMUEL

J'ai toujours pensé que le premier jour du reste de ma vie serait au moment où je recevrais mon diplôme. J'aurais cru ça d'une manière très clichée, en serrant mon précieux sésame entre mes mains, celui qui me permettait enfin de quitter Clear Lake, Belfast et mon ancienne vie. De redémarrer ailleurs, sans me préoccuper de rien d'autre que de mon bonheur et ma propre acceptation. Personne pour me regarder de travers dans les gradins, pour maudire mon nom, pour me fixer avec tant de pitié que ça en fait décoller mon cœur. Juste moi, mon diplôme, l'université et ma nouvelle vie.

Sauf qu'en tenant ce chèque rempli de zéros et de petits castors, je me dis que finalement, le premier jour du reste de ma vie commence nettement plus tôt que prévu. Parce que nous avons gagné. Parce qu'on nous a entendus. Parce que maintenant, je n'ai plus à me soucier de me trouver un travail en arrivant à Coleraine. Parce que je vais pouvoir me préoccuper de moi-même, de mes études et de mon cœur amoureux. Rien de plus, rien de moins. J'ai l'impression de m'être pris un seau d'eau sur la tête. Et Miho et Rio aussi. On se regarde. On n'y croit pas. Parce que maintenant, tout est possible. Parce que le bloc a gagné.

Dans ma poche, je serre le porte-clés de Curtis de toutes mes forces. C'est mon porte-bonheur. Mon petit bloc personnel, qui me rappelle de ne jamais abandonner, de ne jamais me laisser marcher sur les pieds que je peux tout vaincre, et que je suis le plus fort. Nous sommes les plus forts. Avec nos mots, à Rio, Miho et moi. Nous avons parlé à ce journal. Nous avons tout raconté. Les brimades dans les vestiaires. Les insultes à peine cachées. Mon coup de sang. La réplique de John. J'ai même apporté les témoignages des joueurs de South Coast, pour enfoncer le clou. Et le clou a été enfoncé tellement profondément que maintenant, il pleut des livres sur nous. Des liasses et des liasses de livres sterling. C'est métaphorique, mais bon sang, ce que ça fait du bien.

Lorsque nous sortons du bureau de la directrice, j'ai l'impression que le Soleil nous brille sur la figure et qu'il nous irradie. Encore une fois, c'est une métaphore, puisqu'il ne fait pas spécialement beau.

Je fixe le couloir où Daisy et Lola viennent de s'enfuir, pour retourner en cours. Je devrais les suivre et retrouver les mathématiques. Sauf que je n'en ai aucune envie. Surtout que je sais qu'Heather est à l'association, qu'elle prépare des panneaux pour la Pride et qu'elle m'a demandé de passer dès que j'aurais le temps. J'ai plein d'idées de pancartes, et les dérivés sont bien loin de moi. En fixant mes deux compagnons de galère, je souris mystérieusement, avant de déclarer en riant.

— Pauvre de moi, je suis pris d'une soudaine fièvre. Je pense que l'infirmière va me renvoyer chez moi. Et comme cette pauvre dame n'a pas beaucoup de temps, je vais faire mon auto-diagnostic et je vais « rentrer chez moi ».

— Et malheureusement, cette fièvre est effroyablement contagieuse. Si bien que tu nous l'as refilée ! Nous aussi, nous allons rentrer chez nous, continue Rio.

Miho nous fixe comme si on venait de se faire téléporter devant lui, débarquant du vingt-troisième siècle. Et puis tout d'un coup, il se met à tousser. Je sais que c'est gagné quand il fait un clin d'œil à Rio.

— En tant que futur médecin, je déclare officiellement que nous sommes tous les trois malades, et je préconise beaucoup de repos.

Nous sourions de concert. J'en profite un peu, parce que Rio et Miho sont ce qui se rapproche le plus de potes dans cette école, même si j'ai trop peur de leur avouer. Nous sortons sans le moindre problème de l'école, et une fois sur la pente descendante, je me retourne vers eux. En fait, ça serait une bonne idée de leur avouer ce que je pense, de leur parler des avancées que je fais à l'association et d'encore une fois m'excuser. Même si je sais que je dois le faire personnellement — et c'est ce qui est prévu — je peux profiter de cette victoire sur John pour en asséner une nouvelle sur mon monstre personnel.

J'ouvre la bouche, j'essaie de parler, mais rien ne sort. Bah alors ? On est muet ? Le monstre se moque de moi. Forcément. Je me laisse encore avoir par la peur. Sauf que celle-ci ne gagne pas. Parce que Rio est plus fort qu'elle.

— Qu'est-ce que tu comptes faire Sam ? Aller te poser tranquillement chez toi ?

— Non, je vais rejoindre ma sœur. Elle est de permanence dans une association LGBT de la ville et elle a besoin d'aide. Elle m'a demandé de passer dès que j'aurais le temps pour l'aider.

— Et comment s'appelle cette association, si ce n'est pas indiscret ?

Je souris et hoche négativement la tête. À l'intérieur, je remercie Rio de me faire parler. Parce que j'en ai besoin.

— Une petite dose d'arc-en-ciel. C'est là que j'ai... trouvé un groupe de paroles de personnes comme moi. Qui ne s'aiment pas, qui aimeraient changer, qui font beaucoup d'erreurs avec eux-mêmes et avec les autres. Ça me fait beaucoup de bien. On s'appelle les arcs-en-ciel anonymes. Au mois de janvier, je n'aurais absolument pas pu aider Heather. J'aurais été fier d'elle et de ce qu'elle entreprend, mais j'aurais évité ce bâtiment comme la peste. Maintenant... maintenant ça va mieux.

Je prends une respiration. Le monstre gratte. Mais je ne me laisse pas faire. Il faut que j'y aille. Je penche la tête, et fixe mes mocassins. Et je me remets à parler.

— Vous savez les garçons... je... je voulais encore une fois m'excuser pour ce que je vous ai fait. À tous les deux. C'est ma haine qui parlait, c'est ma haine qui a dicté mes mouvements. Je sais que ce n'est pas... une manière de me dédouaner. Alors je vous demande pardon pour tout ce que j'ai pu vous faire, vos traumatismes et ce genre de chose.

Un silence. J'essaie de ne pas être pessimiste, de ne pas penser que je suis allé trop loin et que Miho va me rire au visage. Parce que c'est lui, la principale victime. C'est lui, mon étape neuf.

— Tu sais Sam, si je continuais à être méprisant envers toi, à te parler comme à un moins que rien et à te réduire à tes agressions, je serais un méchant à mes yeux. Un méchant qui ne croit pas en la rédemption. Et ce n'est pas le cas. Parce que j'ai remarqué tous les petits changements dont tu nous parles. Tu as fait bloc avec nous alors que tu aurais pu partir, déclarer que tu ne voulais pas réclamer justice. Tu es venu avec nous au journal et tu as parlé. Et ça pour moi, c'est un signe de rédemption. Tu veux changer, tu veux t'améliorer. Et je ne veux pas être le méchant dans ton histoire, parce que tu ne l'es plus dans la nôtre.

J'écarquille les yeux, et ce n'est pas fini. Miho s'approche de moi, la main tendue. Il sourit. Il me sourit. Même si cette image est fugace, je le revois pendant le camp de football. Je la chasse pour la remplacer par ce Miho-là. Celui qui accepte mes excuses.

— On ne sera pas les meilleurs amis du monde, je pense que tu l'as compris. Mais on peut être potes. Je pense vraiment qu'on peut être potes.

Mon cœur tambourine dans ma poitrine. Je crois que je vais pleurer. Le monstre hurle de colère, mais moi, je souris en serrant la main de Miho, sous le regard bienveillant de Rio.

— D'accord. Soyons potes.

Et comme si j'étais un vieux diesel qui met du temps à démarrer, je continue sur ma lancée.

— D'ailleurs, si vous voulez venir avec moi à l'association, vous pouvez. Elle est ouverte à tous. On est en train de préparer la Pride, et je crois que des bras en plus ne seraient pas de trop. Et elle est accessible pour les fauteuils, quelqu'un dans mon groupe l'est. Ou du moins, le rez-de-chaussée l'est.

— J'ai une séance de kiné, répond Miho, et je sens qu'il ne me ment pas. Ça aurait été avec plaisir, crois-moi.

— Une prochaine fois ?

— Oui. Tu pourras m'envoyer l'adresse ?

Je hoche la tête et je comprends que nous allons nous séparer, chacun partant dans sa propre direction. Je souris aux deux garçons qui n'attendent pas le bus au même endroit que moi, et je dégaine mon téléphone portable. Heather va sans doute sauter au plafond en apprenant que j'ai séché les cours, mais tant pis.

> J'arrive pour vous aider. Est-ce que vous avez besoin de matériel ? Je peux passer par un magasin pour acheter ce qui manque.

> Comment ça, tu arrives ? Ton prof de maths est malade ?

> Non, c'est moi qui suis malade. Une grosse fièvre carabinée, absolument horrible. Je suis en train de souffrir le martyre ;)

> OH BON SANG SAMSAM. Ne bouge pas. Je viens te chercher. Que tu ne t'effondres pas dans le bus. Quelle idée de vouloir venir à l'association ? Tu vas rentrer rapidement et te mettre au lit.

Je ris, tout en tapant ma réponse.

> Je blague, Heather. Je sèche les cours. Je t'expliquerais la raison, mais je préfère le faire de visu. Tu ne vas pas en croire tes yeux ni tes oreilles.

> Ça fait des plaisanteries franchement nulles à sa grande sœur chérie qui l'aime tant et qui s'inquiète pour lui, et ça se dit adulte. Je ne dirais rien, pour cette fois. Et si tu pouvais aller acheter de la gouache, ça serait super. On est en train de peindre plein de pancartes de toutes les couleurs, et les stocks baissent à toute vitesse. Surtout qu'on a dû en jeter des litres qui n'étaient plus bonnes. L'association a un compte fidélité dans un magasin du centre, je t'envoie l'adresse dans un autre message.

Je m'arrête de marcher, prêt à changer de sens. J'active rapidement la localisation, même si ça veut dire que ma batterie va en pâtir, et que je déteste ça. Je note l'adresse qu'Heather m'a donnée, et je cligne des yeux plusieurs fois. Le magasin est juste à côté de South Coast. C'est trop séduisant. Même si les probabilités sont minces, je peux toujours tenter. Je me dépêche d'écrire à Heather que je vais aller refaire les stocks de peinture, et je change de conversation.

A Petit Tigre :

> Il s'avère que par un concours de circonstances, j'ai une possibilité de passer littéralement juste à côté de ton école. Je ne connais pas ton emploi du temps par cœur, mais j'essaie quand même. Est-ce que tu serais disponible dans la demi-heure suivante (juste le temps que j'arrive) ?

Je n'attends pas de réponse immédiate, et je me mets en route — parce que de toute manière, que j'arrive à le croiser ou non, ma direction est la même.

Une fois bien installé dans le bus, mon téléphone vibre à nouveau entre mes mains. Je coupe mon observation du paysage de Belfast défilant devant mes yeux, et je lis ce qui est écrit.

De Petit Tigre :

> Comment ça, tu passes près de mon école ? Ils font la grève à Clear Lake, et ils n'ont pas prévenu nos profs ? C'est quoi cette injustice ? Et pour répondre à ta question, qui a fait sursauter mon pauvre cœur, je viens d'entrer à la bibliothèque. J'ai une heure de trou, que je passe avec Sheridan. Je pensais que tu le savais, parce que tu n'arrêtes pas de me demander une photo de mon emploi du temps, et que c'était pour ça que tu me proposais... qu'est-ce que tu me proposes d'ailleurs ?

Je réponds immédiatement, le rouge envahissant très légèrement mes joues.

> Toi, moi, un coin à l'abri des regards, pas beaucoup de discussion ?

J'obtiens pour toute réaction un smiley feu, avant qu'un autre message fasse vibrer mon téléphone.

> Tu me préviens quand tu arrives ? 😏

Voilà que je deviens impatient, et que je m'agite sur mon siège. Mon voisin s'agace, et dès qu'une place se libère en face de nous, il en profite pour me quitter, avec un regard noir. Je n'y peux rien. Aujourd'hui, j'ai l'impression de marcher sur des arcs-en-ciel, d'avoir avalé un soleil et de cracher des nuages roses et duveteux qui auraient le goût de barbe à papa.

L'arrêt de South Coast se présente enfin et je bondis sur mon siège pour sortir. Dès que je suis sur la terre ferme, j'envoie mon message à Curtis, pour le prévenir que je suis là. Je marche tranquillement vers l'entrée de l'école, et je rêve tellement que je manque de me prendre quelqu'un en pleine face, ne faisant pas attention à mon chemin. Le combo entre très bonne nouvelle et cœur amoureux ne fait vraiment pas bon ménage pour mes pauvres neurones.

— Je sais qu'il ne fait pas trop moche aujourd'hui, mais les choses intéressantes, elles se passent en bas.

Apparemment, Curtis est bien plus attentif que moi. Nous nous tenons à quelques centimètres l'un de l'autre, et son sourire se veut amusant, tout comme l'éclat au fond de ses yeux menthe à l'eau. Il a posé une main sur ma cravate verte, celle de ma maison. La sienne est rouge, comme toutes les autres dans son école. Cette tradition de séparer les élèves en maison — comme dans Harry Potter — s'est perdue au fil du temps à South Coast. Je pense que si on proposait ce genre de chose à Clear Lake, le conseil d'administration risquerait de faire une attaque. Je devrais peut-être en parler à la directrice alors. Je suis certain que ça pourrait la faire rire. Le conseil d'administration mérite qu'on s'amuse un peu avec lui.

— Tu me suis ou tu restes planté là à observer les environs ?

— Tu comptes me tirer par la cravate ?

Son sourire se fait encore plus mutin.

— Oui. Sauf si tu n'as pas envie.

— Ah, si. J'en ai envie.

Il avance tout doucement, longeant les murs de son école pour éviter les regards indiscrets. Il n'y a presque personne dans les rues, ce qui fait mon affaire, assurément.

— Où est-ce que tu m'emmènes, d'ailleurs ?

— L'endroit où je te téléphone tous les matins. C'est assez tranquille, tu verras.

Je souris. Ça va bientôt faire un mois que Curtis me parle avant le début des cours pour me donner le courage de passer les portes de Clear Lake. Ça ne fait pas longtemps que ça va mieux, mais je n'ose pas lui avouer, de peur qu'il déclare que ça a assez duré. C'est un moment privilégié entre nous deux, et je n'ai aucune envie que ça se stoppe. C'est notre petite bulle, où nous sommes tous les deux, coupés du monde.

Curtis s'arrête et tire légèrement plus fort sur ma cravate pour me ramener contre lui. J'ouvre déjà la bouche pour anticiper le baiser qui arrive. Mes mains se collent sur sa joue, et je profite de mes deux centimètres de plus que lui pour me surélever un petit peu. Nous sommes contre un mur quelconque, et il va s'y appuyer pour être plus à l'aise. Les langues viennent se mêler de tout ça, et je manque rapidement d'air.

— Tu devrais sécher plus souvent, murmure Curtis tout contre moi. C'est agréable, comme interlude dans la journée.

Un baiser papillon, et un grand sourire.

— D'ailleurs, ce n'est pas aujourd'hui que tu avais rendez-vous avec la directrice de ton école pour ton affaire ?

C'est à moi d'étirer mes lèvres, avant de lui caresser la joue. Pour être parfaitement honnête, je ne pensais pas qu'il allait s'en souvenir. J'en ai parlé qu'une seule fois, parce que je ne voulais pas le stresser avec ça. Il a eu suffisamment à penser avec son excuse pour Valentin.

— Si.

— Et ?

— Eh bien...

Je m'amuse. J'ai envie de le faire languir. C'est un pur bonheur, parce que ses iris vert d'eau sont plongés dans les miens, attendant avec impatience ma réponse. J'en profite totalement pour me plonger dedans.

— Oui ?

— On a gagné.

— Sérieux ? C'est trop bien !

Il me saute au cou, et dépose un baiser sur ma peau. Je ferme les yeux de bonheur. Comme ce que je pensais dans le bus, je plane complètement sur mon arc-en-ciel de bonheur.

— Et tu ne sais pas le meilleur. Pour nous dédommager, et je pense pour qu'on évite de faire des vagues, le conseil d'administration nous a filé un chèque. Ils nous rendent notre bourse, en quelques sortes. Et comme nous sommes tous les trois à Clear Lake depuis la première année de collège, ça fait un paquet d'argent. Je suis un homme riche.

Un rapide baiser sur mes lèvres pour me montrer son contentement, et je continue à exposer mes idées.

— Du coup, samedi, je t'emmène manger au restaurant de burger. Et je paye. On aura juste besoin de ta voiture. Je n'ai pas envie de rejouer le scénario de la nuit du bal.

— Ah bon ? Tu veux aller au lit sans moi ?

Je sens le rire au fond de sa voix, et je me penche pour lui embrasser la commissure des lèvres. J'adore faire ça, parce que ça le fait toujours frissonner. Et surtout, c'est quelque chose que je réserve pour nos moments très intimes. Ça veut tout dire.

— Non, je compte bien te ramener chez moi après ce magnifique rendez-vous. Je ne souhaite simplement pas que nous soyons obligés de marcher parce que les trains ont cessé de fonctionner.

— Seriez-vous entreprenant, Monsieur Robertson ?

— Avec vous, toujours, Monsieur Razavi.

Il revient contre moi, et nous reprenons nos baisers enflammés. Je n'entends absolument pas le monstre. Il est bouclé au fond de son armoire. Bien fait pour lui.

— Par contre, continue Curtis en reprenant son souffle, tu ne m'as pas dit ce que tu faisais dans le coin. Non pas que je me plaigne de cette rencontre secrète, mais...

— Mais tu es quelqu'un d'effroyablement curieux. Je dois aller acheter de la peinture pour Une petite dose d'arc-en-ciel. C'est pour préparer la Pride. Je t'avoue que je suis bien content de ne plus avoir mes béquilles. Avec elles, ça aurait été bien plus compliqué.

Je suis autorisé à poser le pied par terre depuis la semaine dernière. Apparemment, ma fracture s'est bien ressoudée, et j'ai commencé la rééducation sportive. J'ai eu l'adresse d'un cabinet de kinésithérapeutes spécialistes, et j'ai déjà fait une séance. J'ai eu l'impression de revivre.

— Tu comptes y aller ? devient-il subitement sérieux.

— Au magasin ? Oui, je l'ai indiqué à Heather. J'irais quand tu devras rejoindre les cours, ne t'inquiète pas.

— Non, je parlais de la Pride. Est-ce que tu comptes y aller ?

Oh. Je ne m'attendais pas à cette question. Je n'y ai même pas réfléchi. Pour moi, cet évènement est important pour ma sœur, pas pour moi. Je ne me suis jamais senti concerné, même si je suis bisexuel et sur le spectre de l'aromantisme. Maintenant, c'est différent. Parce que je suis plus en phase avec moi-même. Parce que je suis en couple avec un garçon. Parce que ça m'arrive, certes très rarement, d'être fier de moi, ou de nous. Alors, je ne peux pas répliquer non. Mais en même temps, le oui n'est pas automatique.

— Je n'en sais rien. Vraiment rien. Et toi ?

— Je ne sais pas non plus. Athol m'a posé la question, la dernière fois qu'on s'est vus. Je me suis senti con à lui sortir un euh, comme si on me posait la pire question du monde. En fait... je pense que j'attends ta propre réponse. Je ne me vois pas y aller seul. Les autres sont là, c'est vrai, mais sans toi... ce n'est pas pareil. Ça n'aura pas la même saveur. Parce qu'il n'y a que toi qui me comprennes sur le bout des doigts, et qui saches que si je décide de m'y rendre, de me peinturlurer avec du rose, du bleu et du violet, ça sera la plus grande bataille contre le monstre jamais réalisée.

— Il faut que j'en discute avec ma sœur. Je pense qu'elle sera capable de m'aiguiller dans ma réponse. Parce que pour moi aussi, ça sera une grande bataille. Et je... je serais content que tu sois là, pour me soutenir.

— Alors on prendra cette décision ensemble. Comme un couple.

— Oui. Tout à fait.

Il m'offre un immense sourire, et je me revois devant chez lui, lorsqu'il m'a annoncé de but en blanc qu'il ne croyait pas dans les relations à distance. Avec un discours pareil, sur le fait de prendre des décisions ensemble — qui peuvent certes être mineures pour certaines personnes, mais qui ne le sont pas du tout pour nous — j'ai du mal à gober qu'il me jettera sans un regard en arrière quand septembre arrivera. Je suis certain que je vais parvenir à le convaincre de tenter le truc, et de ne pas tout laisser tomber tout de suite.

Je l'aime trop pour nous abandonner comme ça. 

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