Juillet - 11 / TW
TW : Sexe. La scène ne prend pas tout le chapitre (il y a des choses avant et après) et sera délimitée par ces magnifiques smiley citron 🍋🍋🍋
Nous dansons encore deux heures. Une nouvelle valse, avant d'embrayer sur quelque chose de bien plus contemporain. Nous n'abandonnons pas notre petit jeu de gentleman se faisant la cour, tout en restant les plus discrets possible auprès des amis de Curtis. Au fil de la soirée, Coby s'est détendu, voyant qu'on nous a laissés tranquilles. J'ai bien entendu surpris quelques regards désapprobateurs, mais personne n'est venu nous chercher des histoires, ou ne nous a fait de croche-pied sur la piste de danse. Et lorsque la soirée touche à sa fin, je suis comblé.
— Vous rayonnez mon cher, déclare Curtis en s'installant dans la voiture.
— C'est grâce à vous. J'ai passé un excellent moment en votre compagnie.
— Mais ce moment n'est pas terminé, je vous l'assure. Nous avons encore toute la nuit devant nous.
Il met le contact, avant de me faire un clin d'œil. Je me laisse guider avec joie, profitant de cet instant de répit pour souffler. Je n'ose pas trop l'avouer, mais je commence à fatiguer. Je sais très bien qu'il me respectera si je refuse de faire quoi que ce soit d'autre que dormir, mais dans tout mon paradoxe, je serais frustré si nous allons directement au lit. Je passe peut-être pour un obsédé dépravé en déclarant cela, mais le cœur chaud de mon petit ami me manque.
Les rues sont un peu plus tranquilles à cette heure avancée, et je ne fais pas attention aux feux, et aux couleurs qui habillent mon visage. Je suis silencieux et contemplatif, les yeux dans le vague, mais le sourire aux lèvres.
— Vous n'avez plus les pieds sur Terre, mon cher ?
— Non. Plus réellement. C'est de votre faute.
Je me retourne vers lui. Comme d'habitude, il m'a parlé alors que nous sommes à un feu.
— Je pourrais être désolé de ce désagrément, mais cela serait vous mentir éhontément. Ce n'est que partie remise ; vous, vous m'avez fait tourner la tête.
— Vous êtes-vous senti mal ?
J'essaie de ne pas faner mon sourire, mais c'est une peur bleue que j'ai. Je me suis entraîné d'arrache-pied, tout seul et avec lui, pour éviter de le malmener pendant notre danse. Nous ne sommes pas professionnels pour deux sous, mais nous tenons tout de même à nos bouts du pied.
— Non, pas le moins du monde. C'est plus... métaphorique. Entre vos bras, j'ai eu l'impression de découvrir un nouveau monde, fait de doré et d'argenté, de nuage et de Soleil.
Il exagère, mais j'adore ça. C'est exactement comme les séries dont je raffole. Tout est toujours exacerbé, et ça fait battre mon cœur.
— Et je compte vous rendre la pareille. Cela ne sera peut-être pas aussi poétique, mais j'espère vous amener au septième ciel, si vous me permettez l'expression.
— Je vous la permets. J'ai simplement l'espoir que mon corps ne se mette pas en grève suite à tout l'exercice que j'ai fourni sur la piste de danse. Je crains de ne pas être assez performant pour vous dans la chambre à coucher.
— Je veux simplement vous avoir entre mes bras. Rien de plus, rien de moi.
Il glisse une main sur ma joue, et redémarre un peu en trombe, alors que sa voiture est automatique. Il ne nous faut pas longtemps pour arriver à destination. Le seul problème, c'est que je ne reconnais pas son quartier. Enfin, l'endroit me dit quelque chose, mais nous ne sommes pas stationnés devant chez Curtis, j'en suis certain.
— Oh, dis-je en sortant du véhicule.
Nous sommes devant l'hôtel de notre premier bal ensemble. La première chambre que nous avons partagée. Ses premiers pleurs qui m'étaient adressés. Ce lieu est rempli de souvenirs.
— Je souhaitais que nous nous rappelions notre première étreinte. Même si celle-ci est empreinte d'une touche de mélancolie, c'est à ce moment précis que mon cœur a commencé à battre pour vous.
— Vous ne me l'aviez jamais dit.
— Ce n'est pas simple à avouer. À l'époque, vous ne partagiez pas ce sentiment.
— Mais désormais, mon cœur vous appartient. En totalité.
Je me penche en avant, et il vient me rejoindre devant le levier de vitesse. Même si nous avons échangé quelques baisers pendant le bal, rien ne vaut celui-ci. Rien ne vaut un baiser après une déclaration.
— Je vous aime, termine-t-il.
Il m'aide à nouveau à sortir de la voiture, en me présentant ses doigts. Sauf que contrairement à tout à l'heure, je ne les lâche pas d'un centimètre quand nous entrons dans le hall de l'hôtel. C'est là toute la différence avec décembre. À ce moment précis, je ne savais pas ce que j'étais en train de faire, j'étais presque honteux de mes envies, de mes hormones, de mon désir montant en flèche. Là, il est hors de question que je laisse filer sa douce main.
Cette fois-ci, un réceptionniste est présent au bureau laqué de marbre. D'une main habile, Curtis trouve sa carte bancaire dans la poche interne de sa veste, et la tend vers l'homme. Le doré attire la lumière, et le visage de notre vis-à-vis se radoucit. Nous ne sommes pas des adolescents qui ont trop bu et qui sont rentrés dans le premier bâtiment venu, incapable de se payer la moindre chambre dans cet hôtel.
— J'ai une réservation au nom de Razavi. Je crois avoir demandé la chambre cinq cent trois.
— Oui, parfait. Je vais prendre votre carte, et je vous donnerais la clef.
Il n'a même pas besoin de taper son code, et je n'ai pas le temps d'apercevoir le prix. Je me doute qu'il comporte au moins deux zéros, mais ce n'est pas le soir pour râler. Je n'ai aucune envie de ficher l'ambiance en l'air.
— Profitez bien, Messieurs. Vous êtes seuls à votre étage, cligne le réceptionniste, en nous servant un léger sourire.
J'évite de lui offrir ma fameuse tête de poisson, mais à l'intérieur, je n'en mène pas large. Curtis me traîne presque sur le carrelage lustré vers l'ascenseur, et je reprends enfin mes esprits. Il me fixe, et il éclate de rire.
— Tu m'accordes deux petites secondes de pause ?
— Bien sûr.
— D'accord. Je sais que tu as fait de ton mieux, mais ça se voyait comme le nez au milieu de la figure que tu avais envie d'écarquiller les yeux et d'arrondir la bouche. Tu étais tellement choqué !
— Je ne suis pas un client régulier des hôtels, et je suis assez surpris qu'un membre du personnel nous encourage presque à faire du bruit.
— Je pense qu'il est du même bord que nous, si tu veux mon avis. Et ça a dû lui faire plaisir de ne pas servir un énième couple hétéro un peu fade, avec Monsieur très viril qui paye et Madame qui joue à la fausse ingénue alors qu'elle va lui sauter dessus au milieu de l'ascenseur.
Je pouffe à mon tour, avant de me rapprocher comme un félin. Étrangement, j'ai retrouvé un peu d'énergie.
— Et si je fais cela, que je m'accroche à vos lèvres alors que nous nous élevons toujours, comment allez-vous réagir ?
Son sourire décroche le lustre du hall et je dois me retenir pour ne pas le recouvrir du mien.
— Je risque fortement de vous répondre favorablement, avec toute l'ardeur inspirée dans mon corps.
— Êtes-vous chaud, Monsieur ?
Ma phrase sonne étrangement, mais au vu du contexte, je ne relève rien.
— Votre présence me réchauffe.
🍋🍋🍋
L'ascenseur sonne au bon moment. Je n'en peux plus. J'ai besoin de me coller à ce corps qui me tente de la manière la plus indécente possible. Et cette indécence ne sera possible qu'une fois que la porte sera fermée derrière nous.
La carte bipe immédiatement, et je ravale ma plaisanterie. Je me laisse guider à l'intérieur, et je vais m'appuyer avec force contre le mur du petit vestibule. Ça me rappelle des souvenirs.
— Je sais que ce n'est pas original et je m'en excuse platement, puisque nous avons déjà joué ce scénario. Mais je vous en prie, rapprochez-vous de moi.
Il ne se fait pas prier, et je laisse mon cœur exploser de joie. Il se libère, tout comme les battements effrénés qui se répercutent dans tout mon corps. Mes tempes, mon cou, presque mes poignets. Tout est dirigé vers Curtis, qui m'embrasse avec passion.
Et puis tout ralenti d'une manière très naturelle. La chaleur baisse, l'ardeur également. Nous ne sommes plus pressés. Nous profitons de chaque caresse sur notre peau, de chaque embrassade, de chaque contact. Je ne comprends pas trop ce qui se passe, mais je ne suis pas contre. Cette douceur correspond nettement mieux au déroulé de notre soirée.
— Souhaitez-vous que nous accélérions à nouveau ? glisse mon futur amant dans mon oreille.
— Non. Cela me convient parfaitement.
Comme je l'avais déjà décidé dans la voiture, je lui laisse les rênes de notre échange. C'est rare — sans que je n'en comprenne la raison — mais si appréciable. Lorsque nous sommes ainsi, j'ai toujours l'impression d'être en porcelaine. Les gestes sont calculés sans être automatiques, et la douceur est presque extrême. Ce soir, pas de griffures dans le dos.
Et comme si nous dansions à nouveau, je me laisse diriger vers le lit. Ma veste est enlevée, et déposée sur une chaise avec un geste rappelant les portés que j'ai pu voir sur internet. Sa main libre continue à caresser ma nuque, touché de velours. Ma peau se couvre de chair de poule. Ça me rend tout chose, tout bouleversé même.
C'est l'une des premières fois qu'il est aussi doux, aussi précieux même.
Il me laisse ensuite m'asseoir sur le lit, pour me délasser mes chaussures. Il les retire une à une, avant de faire de même avec mes chaussettes. Ensuite, il revient vers ma bouche, quémander un baiser. Je m'accroche de toutes mes forces à sa veste qui pend, et il se place entre mes jambes écartées. Ça commence déjà à bouger là-dedans.
— Vous êtes si beau, il est impossible de vous résister, glisse-t-il avant d'enlever sa veste et de commencer à déboutonner sa chemise.
Je laisse mes yeux en profiter grandement, comme si c'était la première fois que je le voyais. Son ventre svelte, ses muscles très légèrement apparents, le velouté de sa peau. Je meurs d'envie de la goûter, mais je me fais arrêter par des mains sur mon haut. Lui aussi, il veut se gorger de moi.
Il s'agenouille devant moi, et mes joues rougissent violemment. Il fait exprès de prendre une position pareille pour me faire tourner la tête. Ça marche magnifiquement bien.
À chaque bouton enlevé, un nouveau baiser sur mon torse. Sa bouche est lente, mais ardente, et je ferme les yeux pour profiter de chaque sensation. Je sais que mon boxer est dur, mais je m'en moque. N'est-ce pas tout le principe de cette petite séance ?
Quand je sens le tissu quitter mes épaules, je rouvre les paupières. Curtis est juste en face de moi, un sourire tendre aux lèvres. Il attend que je l'embrasse et je ne me fais pas prier. Mes lèvres se collent avec force sur les siennes, et il ouvre la bouche très rapidement. Voyant un moyen de satisfaire mes désirs, je le presse un peu plus contre moi, avant de le faire basculer avec moi sur le lit. C'est une vraie bénédiction, puisque désormais, je peux également admirer son dos rond allongé sur moi.
Mes mains touchent enfin ce torse qui me nargue tant, et j'enlève sa chemise pendante qui me gêne franchement. Nous voilà tous les deux torses nus, les joues rouges et la bouche demandeuse.
Sa position change légèrement lorsqu'il place ses jambes de part et d'autre de moi. Du fait de notre similitude au niveau de notre taille, nos bassins entrent en contact et je remarque que je ne suis pas le seul à être tout retourné par ce qui se passe.
Ses baisers sont toujours lents, mais quittent peu à peu ma bouche. Il va maltraiter mon cou, le creux de mes épaules et mon torse. Il ose même quelques coups de langue, et j'espère que je sens toujours le gel douche hors de prix que j'ai fini par acheter.
— Vous êtes absolument délicieux. Cela ne devrait pas être permis, glisse-t-il en s'arrêtant devant la boucle de ma ceinture.
— Repaissez-vous de moi alors.
Tout l'érotisme de la phrase le touche en plein cœur, et il est obligé de fermer les yeux. Ses sens doivent le retourner, tout comme son imagination.
— Est-ce ce que vous voulez ? Être mon repas ?
— Oui. Nourrissez votre appétit de chair avec la mienne.
Il remonte en un éclair vers ma bouche sur laquelle il écrase la sienne. Le baiser est pressé, bouillant et me coupe la respiration. Avant qu'il ne s'attaque à la boucle de ma ceinture, il me chuchote.
— Ce n'est pas humain de sortir de pareille phrase, Monsieur.
— Ce n'est pas humain d'être aussi beau alors.
— Vous avez réponse à tout ?
— Lorsque cela concerne notre petite activité, oui.
— Bien. Je suis d'accord. Pour tout ce que vous venez de prononcer.
Ses mains habiles viennent à bout de ma ceinture, qui serpente au sol sans le moindre ménagement. Le bouton de mon pantalon de costume est enlevé, avant d'être baissé le long de mes jambes. Je joue un peu de celles-ci pour m'en débarrasser, espérant que le sol est propre.
Pour faire durer le plaisir — et très certainement me frustrer dans l'exercice —, il embrasse le haut de mon aine de tous petits baisers papillons. Je soulève légèrement le bassin pour l'encourager à aller plus loin, pour le supplier même. Mais ce vil être, pas le moins du monde gentleman, en profite pour glisser une main sur mes fesses. J'avale un gémissement quand il se met à les caresser très lentement sous le tissu de mon boxer, tout en continuant ses baisers juste au bord de l'élastique.
— Vous êtes un petit démon, soufflé-je entre mes lèvres, avalant gémissement sur gémissement lorsqu'il frôle des endroits très stratégiques.
— Vous frustrais-je ?
— Totalement.
— Bien. Nous allons remédier à cela.
Il commence à baisser lentement mon boxer le long de mes jambes, avant de m'inviter à m'en débarrasser. Je m'attends à ce qu'il revienne vers moi pour poursuivre son petit traitement, mais il change de position et pose les pieds au sol. Grâce à mes coudes qui râpent sur le couvre-lit, je l'observe faire. Il retire tout d'abord ses chaussures, ses chaussettes et s'attaque à son pantalon en ralentissant le rythme.
— Remédier à cela ? Vous continuez votre petit jeu !
— Je n'y peux rien si je m'amuse, et si vous êtes pressé.
— Je n'y peux rien si vous m'émoustillez.
Il sourit, tout en retirant son boxer. Enfin, il est tout aussi nu que moi. Il se rapproche du bord du lit et tire sur mes jambes. Je glisse sur le tissu, mais je suis en face de lui et de son sexe tendu vers moi. Je n'ai qu'à tendre la main ou les lèvres pour le toucher.
Mais je me fais devancer par une bouche contre la mienne. Je suis à nouveau renversé sur le lit, et mon amant me surmonte, les jambes de part et d'autre de mon bassin, comme avant que nous nous déshabillions.
— Je vous émoustille ?
Chaque centimètre de notre corps qui est en contact me brûle. Heather trouvait peut-être que c'était complètement con de nous préserver pour cette nuit, mais pour moi, ça vaut le coup. Entre le lieu et cette abstinence, c'est comme si nous nous liions pour la première fois.
— Vous m'émoustillez grandement.
Ses baisers descendent sur mon corps et à chaque nouvel endroit exploré, il me repose la même question.
— Et là ? Continué-je à vous émoustiller ?
— Oui.
— Ici ?
— Toujours.
Il arrive devant mon entre-jambes, qui commence à franchement me faire mal. Je ne serais pas contre un petit traitement de faveur, si mon partenaire est d'accord.
— Là, vous n'êtes pas émoustillé. Vous êtes tout tendu. Nous allons remédier à cela, et le plus rapidement possible.
Sa bouche atterrit sur la peau ultra sensible et je lâche un gémissement. Je suis complètement perdu entre ce que j'aime et ce que je n'aime pas, si bien que je décide de m'exprimer haut et fort quand il me fait plaisir. Et ses lèvres merveilleuses, accompagnées de sa langue habile, me font très plaisir.
— Je veux vous entendre vous émoustiller. Émoustillez-vous pour moi.
Il accélère les mouvements de sa langue, rajoute sa main, pour l'aider dans l'exercice, et je me laisse complètement aller. Je saisis les draps pour me retenir à la réalité, et ne pas exploser trop vite. J'ai envie qu'il continue encore et encore.
Mais au pire moment, il s'arrête, s'essuyant la bouche d'un revers de la main et me souriant avec malice. Il se rapproche à nouveau de moi, et je comprends ce qu'il veut faire. Je l'arrête alors qu'il est juste devant ma bouche.
— Et si nous échangions nos places pour une fois, cher amant ?
— Est-ce réellement votre souhait ? Vous n'avez pas besoin de vous sacrifier pour moi.
Je lui colle un rapide baiser sur les lèvres, avant de les étirer tendrement.
— Faites-moi vôtre, Monsieur. Ce n'est nullement un sacrifice. Je le veux de chaque fibre de mon être.
L'avantage avec ce petit scénario auquel nous jouons, c'est que je peux me permettre d'exagérer comme je le fais. Pour moi, cela fait partie des codes de ce genre. Et je joue aisément avec.
— Alors, ce sera avec plaisir.
Nous échangeons nos places, et je suis celui qui se penche vers les tiroirs d'une des tables de nuit. Comme la première fois que nous nous sommes offert l'un à l'autre, nous avons à notre disposition tout le nécessaire pour nous protéger pendant cette petite activité. Je saisis le tube de lubrifiant, et un préservatif doré. Curtis éclate de rire en me voyant le sortir de son emballage, mais reprend vite son sérieux en me préparant pour la suite. Bien que ça m'embête presque de l'admettre, je suis moins bien habitué que lui à ce genre de chose, et je ressens toute sa retenue, alors qu'il n'utilise que ses doigts.
— En êtes-vous certain ? Nous pouvons toujours échanger. Je ne souhaite en aucun cas vous blesser.
— Ce ne sera pas le cas. Je vous l'ai dit. Je veux être vôtre.
D'un point de vue extérieur, nos moments sexuels sont quelque peu ennuyants. Nous échangeons rarement de place — parce que nous oublions, ou simplement parce que nous les apprécions telles qu'elles sont — et nous utilisons presque toujours la même position. Nous tenons à être face à face pour lire toutes les émotions possibles sur le visage de l'autre. Nous nous le sommes mutuellement avoué pendant une séance de câlins après que nous nous sommes épuisés sous la couette. Nous avions tous les deux cette peur d'être lassant pour l'autre, alors que pas du tout.
— Et je veux être vôtre maintenant.
Il me ramène contre lui en se relevant en position assise, et m'embrasse fiévreusement, les mains sur l'os de la mâchoire. Pendant ce temps, je le mets en place et je lui mordille la lèvre quand nous sommes enfin connectés.
— Ça va ? T'as pas mal ?
Il me caresse les joues comme si j'étais en porcelaine, et laisse tomber notre petit scénario sous son inquiétude.
— Un petit peu. Mais t'inquiète. Ça va passer. Embrasse-moi plutôt.
C'est une technique que j'utilise avec lui, quand nos positions sont inversées. Je le déconcentre de la douleur dans son bas-ventre en lui flattant la bouche et en le caressant. Les rares fois où il est dos à moi, je laisse glisser mes lèvres sur son cou, ce qui le laisse souvent sans voix.
Et comme je me l'imaginais, il bouge légèrement en m'embrassant les lèvres, accroché à mes épaules pour se soutenir. Le plaisir monte peu à peu, au fil des coups de reins et je laisse échapper mon premier soupir.
— Curtis...
Il accélère peu à peu, faisant grincer le lit. J'avais déjà remarqué ce genre de chose la première fois que nous sommes venus, et je laisse échapper un rire en balançant la tête en arrière. Et c'est exactement à ce moment-là que je me souviens de la particularité de cette chambre. Le fameux et très célèbre miroir au plafond.
Je nous observe bouger en rythme, nos peaux se touchant et se fondant, et la sueur perlant tout doucement sur nos épidermes. Le haut de mon front se recouvre tout doucement de transpiration, mais je souris.
— T'es beau dans les deux sens, avoué-je en réprimant un soupir.
— C'est à di...
Il lève la tête et rencontre nos reflets. Il la rabaisse trop rapidement à mon goût, en décrétant qu'il ne ressemble à rien.
— N'importe quoi, argumenté-je.
Il se mire à nouveau et je lui embrasse la naissance de la mâchoire en même temps. Il sourit enfin, et me garde tout contre lui, la tête posée sur le creux de son épaule. Il replace légèrement son bassin et continue ses coups de rein régulier, en atteignant un point fort sympathique dans mon intérieur.
Je bascule la tête en arrière, comme tout à l'heure, et je ferme les yeux. Je veux simplement me focaliser sur ce que je ressens, et non ce que je vois.
Nos souffles se font de plus en plus effrénés, tout comme les couinements du lit. Je me sens au bord du précipice, poussé par le vent, mais pas encore prêt à tomber. Je m'accroche au dos de mon amant, en évitant de lui planter mes doigts dans la peau, et je gémis d'une manière qui ne me ressemble pas.
Et enfin, je tombe. Je rouvre les yeux pour embrasser ce visage si proche du mien, qui continue à se mouvoir. Je l'aide du mieux que je puisse à me rejoindre dans cette extase. Ce sont mes hanches qui s'activent contre les siennes, ce sont ses yeux qui se ferment, ce sont ses lèvres qui aspirent mon prénom.
— Dis-le. Je veux l'entendre.
— Samuel...
Il tombe à son tour, et je lui rattrape la main dans ma chute. Je le fixe, alors que nous pendons tous les deux. Et je nous lâche, nous laissant profiter du vent qui souffle dans nos cheveux, et du bonheur de savoir qu'on ne s'écrasera pas.
🍋🍋🍋
En me séparant de lui afin qu'il se débarrasse du préservatif usagé, je baisse la tête sur nos torses. En plus d'être plein de transpiration, je nous ai salis. J'ai soudainement honte.
— Je suis désolé. À cause de moi, on est pas très propre.
Curtis me sourit en jetant la capote dans la poubelle, en l'ayant bien fermée par un nœud.
— Cette chambre possède une salle de bain afin que nous puissions nous nettoyer. Le système d'arrivée d'eau est tout bonnement exceptionnel. Je vais nous faire couler un bain.
— N'êtes-vous pas épuisé par cette séance de corps à corps ?
— Je souhaite simplement me prélasser dans ces merveilleuses bulles avec mon merveilleux amant, et lui masser le dos avec un gant de toilette et du savon. Je ne suis pas un être affamé.
Je hoche la tête et je me laisse complètement tomber sur le lit, sur le dos. Je ris toujours à la présence des miroirs au-dessus de moi, et je m'observe. Mon visage commence à perdre les couleurs qu'il a prises à cause de l'effort fourni, et mes cheveux collent sur mes tempes. Mais ce n'est pas ça qui attire mon regard. C'est l'éclat au fond de mes yeux.
Au mois de décembre, après avoir fini nos cochonneries, j'ai fait la même chose. Alors que Curtis venait de partir à la douche, ravalant son amertume de notre dernier échange, je me suis fixé. Et j'ai eu envie de cracher sur mon reflet. Je ne supportais pas cette vue de moi venant tout juste de coucher avec un autre homme, et ayant apprécié cet exercice. J'en avais pleuré, ce soir-là. D'abord devant lui, dans un silence de cathédrale. Et tout seul, allongé comme je le suis désormais. Je pleurais sur ce mal que je pensais avoir. Mon attirance pour les autres garçons.
Je revois tout ce par quoi je suis passé, tous les stades. Lorsque j'ai avoué la vérité à Heather, la première fois que j'ai mis les pieds à l'association, les baisers que je ne pouvais pas m'empêcher d'offrir à Curtis à chaque fois que je le voyais. La Saint-Patrick, la Pride, tout ce qui m'a mené à aujourd'hui, à ce bal où j'ai dansé une valse devant de nombreuses personnes, un homme entre mes bras. À ce soir où il m'a fait l'amour, et où aucune trace de regret ne vient traverser mon cœur. À ce soir où je me sens comblé et heureux.
— Samuel, mon amour, vous venez me rejoindre ?
Je souris une dernière fois à mon reflet avant de me lever.
— J'arrive.
***
Je n'ai pas mis les pieds au skate park depuis de nombreux mois. À vrai dire, je n'ai jamais trop apprécié sortir dans le quartier parce qu'importe le côté où je me plaçais, il y avait quelque chose qui clochait.
Pour les ados du coin, j'étais le petit privilégié qui avait réussi à décrocher une place dans cette école prestigieuse qu'est Clear Lake, institution qui leur a toujours fermé les portes. Et pour ceux que j'avais le malheur de connaître, en la personne de Miho et Rio, c'était ma haine de ma propre personne et de ce que j'avais pu leur faire qui m'a arrêté. Et ensuite, il y a l'accident et la rééducation, que je pratique toujours.
C'est pour cette raison que j'ai un peu de mal à cacher mon appréhension lorsque je marche vers le parc en ce dimanche, avec un objectif en tête : m'excuser de manière officielle et une dernière fois auprès de Rio. Je sais qu'il m'a déjà entendu de nombreuses fois, mais j'hésitais toujours et je ne savais pas trop quoi dire. Là, je suis sûr de moi et le monstre joue aux abonnés absents. À chaque fois qu'il a tenté d'ouvrir la bouche, je l'ai remballé bien proprement, clouant un verrou sur l'armoire dans laquelle il se terre. Un de ces jours, je sais que je parviendrais à y mettre le feu. J'en suis certain.
Quand j'arrive, pourtant à l'heure, Rio est déjà présent. Il a pris place avec quelques gamins qui l'observent faire des dribles. Je remarque immédiatement qu'il n'utilise pas son pied droit, qui est son pied fort, mais surtout celui qui a été le plus durement touché. Il le préserve sans doute pour cet automne et son entrée à l'université. Mais même avec le pied gauche, il émerveille cette fille et ce garçon qui le fixent avec des étoiles plein les yeux. Je me revois à cet âge, devant ces deux joueurs incroyablement doués qui s'amusaient sur le terrain qu'on avait daigné nous construire, et qui semblaient dans leur bulle. Ces deux garçons, c'étaient Miho et Rio.
— Vous vous rappellerez de lui quand il sera sélectionné par une grande équipe ? commencé-je, les mains dans les poches de mon jogging.
Rio arrête de jouer et donne la balle aux enfants, qui nous fixent sans un bruit.
— Ne va pas trop vite. J'ai juste été repéré par une équipe universitaire. Pas par celle d'Angleterre.
— Tu sais ce qu'on dit. Petit oiseau fait son nid.
Je me tourne vers les enfants en leur faisant un grand sourire.
— Ce mec vient d'ici, comme vous, et plus tard, il sera professionnel, c'est moi qui vous le dis. Il s'appelle Rio Hardy, avec un y à la fin. Et je suis certain qu'il portera le numéro sept. C'est son préféré. Vous retiendrez, n'est-ce pas ?
— Ouais !
Je hoche la tête et je les laisse jouer tranquillement. Avec Rio, nous allons nous asseoir sur un banc qui est habituellement utilisé par les parents des jeunes qui viennent s'amuser ici. Comme il fait particulièrement chaud aujourd'hui, ils ont dû se précipiter à la piscine municipale, qui est située à quelques pâtés de maison d'ici. L'asphalte qui nous entoure a tendance à retenir la chaleur.
— Je suis content que tu m'aies envoyé ce SMS. J'ai failli faire une crise de jalousie à la remise de diplôme. Miho avait l'air transformé. Comme... avant.
— Je crois que c'est mieux qu'avant. Maintenant, je m'accepte.
Il m'envoie un sourire, et je comprends ce qui a fait craquer Miho, au début de leur adolescence. Même si Rio n'est pas un canon de beauté — et moi non plus — son sourire illumine absolument tout son visage, et lui donne un côté presque solaire. Dans un sens, il me fait penser à Daisy.
— D'ailleurs, j'ai été très heureux de faire la connaissance de Curtis. Depuis le temps que j'en entendais parler.
Je hoquette de surprise. J'ai évoqué le prénom de mon copain au mois de mai, lorsque le joueur à mes côtés m'a offert sa bourse pour l'université de Coleraine.
— Ne fais pas cette tête. C'est lui qui t'a aidé, en février, après que t'ai fait ravaler à John son nez immonde. Et ensuite, tu n'as cessé de changer, de t'améliorer. Alors, dans un sens, tu me parlais de lui, du bien qu'il te faisait. C'est pour ça que je dis ça.
Je baisse la tête, un peu gêné. Rio m'avait pourtant demandé de ne pas outrepasser notre relation professionnelle. J'ai encore envie de m'excuser, mais je me fais devancer.
— Ce n'est pas la première fois que je te le dis, mais je te préviens. Si tu as l'audace de t'excuser, je te fous mon poing en pleine face.
J'éclate de rire avant de rapidement répliquer.
— Je n'ai pas très envie de ressembler physiquement à John, alors je vais m'abstenir.
— Tu ne penses pas qu'avec tout l'argent qu'il a, il a été se faire opérer ?
— Bon alors cette opération a été légèrement... détruite le jour de la remise de nos diplômes.
Rio penche la tête du côté droit pour m'inciter à continuer. Même si c'est mal, je ne peux pas m'empêcher de rire.
— Curtis l'a vu et John a vu les poings de Curtis. Il nous a surpris ensemble.
— Il a essayé de se défendre ?
Un sourire mauvais. C'est vraiment très mal, mais j'ai une réputation à tenir. Je suis un méchant.
— Non. Parce que tu vois, John est fort quand il est accompagné de ses amis colosses de rugby ou quand il joue à l'effet de surprise. Autrement, c'est une vraie chiffe môle. Et encore. Je me trouve très sympa.
Rio me fixe avec de grands yeux et j'ai peur qu'il m'insulte de tous les noms possibles et imaginables. John pourrait s'arranger pour avoir nos adresses et venir directement nous chercher chez nous avec toute sa bande.
Sauf que ce ne sont pas des remontrances que j'entends, mais des rires. Rio rit à gorge déployée, les mains sur le nez, comme pour se camoufler.
— Ce n'est pas bien, mais ça fait tellement du bien.
— N'est-ce pas ?
— Est-ce que c'est mal d'imaginer notre agresseur, qui t'a envoyé sur la table d'opération et qui a manqué de me priver de mon rêve, pissant le sang par le nez parce qu'il s'est pris un pain en pleine face ?
— Non. Je ne pense pas. Il faudrait que je téléphone à la haute autorité des méchants pour avoir leur avis, mais je pense que tu vas pouvoir garder ton statut de gentil.
Et contre toute attente, il pose une main sur mon épaule et me sourit amicalement. Dans ce soleil de début d'après-midi, ses iris brillent presque.
— Toi aussi tu vas pouvoir le conserver. Tu l'as durement acquis, non ?
Je hoche la tête, ne sachant plus quoi dire. Il est en train de me prendre mon rôle.
— Tu sais Samuel, je pense que je t'ai pardonné en février, quand je t'ai retrouvé sur ce banc complètement chamboulé. Parce que j'ai vu toute la rage et la tristesse qui étaient présentes en toi. Et j'ai vu que tu essayais de les combattre. Tu n'as pas besoin de me faire un long discours pour me demander pardon pour ce que tu m'as fait. Ça l'est déjà. Je vais sans doute me faire traiter parce que j'offre sa rédemption à mon agresseur, mais je m'en moque. Parce que tu la mérites amplement.
Il pose désormais les deux mains sur mes épaules.
— Je ne sais pas ce que Miho t'a dit et je n'en ai rien à faire. C'est entre vous. Mais moi, si tu es d'accord bien entendu, j'aimerais te considérer comme mon ami. Quelqu'un sur qui compter, à qui demander des nouvelles et que tu es heureux de retrouver quand tu reviens dans ta ville natale. J'espère sincèrement que tu accepteras.
Je pourrais être un poisson ou même pleurer. Sauf que cette proposition ne me surprend pas. Parce que c'est du Rio à cent pour cent. Parce que ça fait suite à ce qu'il m'a dit avant.
— Ne te prends pas la tête. C'est d'accord.
Et il me ramène contre lui pour me serrer rapidement dans ses bras. Ça me fait tellement bizarre d'être proche de lui et surtout, qu'il n'ait pas peur.
Sauf que tu as changé, reprend la petite voix bienveillante au fond de moi. Tu as changé et il l'a vu. C'est pour ça qu'il n'a pas peur de toi, et qu'il te sourit en te disant que tu es son ami. Parce que tu as réussi, Samuel. Tu es devenu un gentil.
Rio se sépare de moi et étire en effet les lèvres. Oui. La petite voix a raison. Je suis devenu un gentil.
La prochaine fois, on retrouve notre cher Curtis pour les chapitres d'août !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top