Janvier - 8
Todd : vous allez me dire que ça ne fait pas très méchant, et vous avez raison. Parce que c'est un méchant qui n'est pas totalement méchant tout le temps. Quand on le rencontre, il aide le beau colonel Shepard à s'échapper d'une prison des vilains Jenii pas gentils du tout, alors que le gus en question est un pas beau Wraith (vous suivez avec les méchants ?). Il permet également aux gentils de détruire plusieurs vaisseaux ruche des méchants. Et bon, j'avoue que j'aime bien son acteur, un habitué des séries de science-fiction. Todd, c'est un Samuel et Curtis à la peau verte et vivant dans la galaxie de Pégase. Il est en pleine rédemption.
— Oh.
Sa bonne humeur se désintègre aussitôt, et il s'arrête même de touiller sa pâte, qui est maintenant prête à être mise au four.
— Et... comment... comment tu vas ?
— J'ai passé une demi-journée horrible où à chaque pensée, je m'insultais intérieurement. J'étais sur les nerfs, et franchement à fleur de peau. Et le copain de ma sœur est venu me voir.
— Pour te rabaisser ?
— Je pensais. Mais non, absolument pas. Ce mec est un vrai génie. Il a un QI élevé, et s'il le voulait, il pourrait être à la fac. Mais il est trop flemmard, et comme il ne sait pas ce qu'il veut faire, il préfère rester en year 14, bien tranquille. Enfin bref, il m'a très bien compris. Presque trop. J'étais en train de coder sur mon ordi, et il m'a demandé pourquoi je me détestais autant.
— Sérieux ?
— Oui. Il m'a écouté raconter tout ce qui se passe en moi et il m'a aidé à me réconcilier avec Coby. Il n'a pas bronché, ou déclaré que je disais n'importe quoi. J'avais l'impression d'être chez le psy, mais sans les hum et les hochements de tête qui ne servent à rien.
Samuel met le brownie au four, et se retourne contre lui, les bras croisés sur la poitrine.
— Tu y as déjà pensé ?
— D'aller voir quelqu'un ?
Il hoche positivement la tête.
— Oui. Mais je n'ai jamais eu le courage. Je me répète tout le temps que je ne le mérite pas. Que je suis trop un monstre pour être sauvé. Que je prendrais la place de quelqu'un qui en a plus besoin que moi.
Son sourire s'étire d'un côté, et je fronce les sourcils.
— Ça te fait rire ?
— Pas du tout. Je te comprends totalement, parce que je ressens la même chose. Même si l'aspect financier est également un frein. Peut-être quand je travaillerais pour un grand laboratoire...
— Je comprends. Je vais sans doute dire quelque chose de très banal, mais c'est quand même merdique de devoir être riche pour aller bien.
— On doit être riche pour tout un tas de trucs. T'as déjà été dans un hôpital public ? Ils sont blindés et tu attends des heures aux urgences. Parce qu'il n'y a pas assez de personnel ou de moyens.
Je grimace. Non, je n'ai strictement jamais mis les pieds dans un hôpital public. Si nous devons y aller, nous nous rendons dans un privé, légèrement à l'extérieur de la ville.
— Mais bon, heureusement qu'il existe des trucs pour les gens comme moi. Des structures gratuites ou des associations.
— Comme celle où ta sœur travaille ?
— Oui.
Il se détache du four et s'approche de moi. Une fois bien entré dans mon espace vital, il attrape mes mains et commence à jouer avec. J'aime tellement le naturel de la chose. Il s'ennuyait contre son meuble, alors il vient me retrouver.
— Tu es toujours d'attaque pour venir avec moi ? La prochaine réunion des arcs-en-ciel anonymes est le mois prochain.
— Les arcs-en-ciel anonymes ?
— Oui. Ce sont des gens comme nous, Curtis. Des gens qui se détestent et qui font de la merde. Ça reprend exactement le principe des alcooliques anonymes. On ne peut pas lutter contre qui nous sommes — des arcs-en-ciel — mais nous pouvons améliorer notre vie en nous entraidant. Je crois que tu sais que parler, ça fait du bien.
— Et tu n'as pas peur de m'entendre raconter ma vie ? Raconter mon histoire avec Valentin ?
— Non. Pas du tout.
C'est bête, je sais, mais j'aurais aimé qu'il montre un tout petit peu de jalousie. Qu'il réponde que c'est le passé et qu'il est conscient que lui est mon présent. Mais non. Il me sourit en continuant à jouer avec mes doigts. Il a compris que l'espace entre mon pouce et les autres doigts était sensible, alors il y revient sans cesse.
— Et toi ?
— Quoi, et moi ?
— Ça ne te dérangera pas d'écouter mon aventure avec Miho, et que je décrive les sentiments que je pouvais ressentir pour lui ? Ou même pour Rio ?
C'est délicat. Parce que moi, contrairement à lui, je ressens de la jalousie. Même si c'est du passé, c'est là, et ça martèle mon cœur à chaque fois qu'il m'évoque ces deux garçons. Non pas parce qu'il les voit tous les jours. Mais parce qu'il a ressenti des trucs pour eux. Avec moi, je ne suis même pas sûr de ce qui se passe dans son cœur.
— Curtis ? Tu n'oses pas répondre ?
— Non. J'ai peur de t'effrayer.
— À cause de tes sentiments ?
— Oui. Alors je pense que cette question restera sans réponse. Mais je peux t'en donner une pour la toute première que tu m'as posée. Je veux bien venir avec toi.
Il me sourit, et pose ses mains sur mes épaules. Il s'attaque cette fois-ci à ma nuque. Il a compris que là aussi, c'est un endroit sensible.
— Parfait.
Cette histoire de non-baiser m'embête au plus haut point. Un côté de moi comprend totalement pourquoi il ne préfère pas coller ses lèvres aux miennes et est très content de ne pas avoir à gérer à nouveau les regrets de Samuel. Mais l'autre est effroyablement frustré, parce que tout ce qui tourne dans sa tête c'est je veux l'embrasser, je veux l'embrasser, je veux l'embrasser. Sauf que je ne peux pas. Parce que je n'ai pas envie que cette relation glisse de la bonne base du consentement.
Je me détache donc de lui — à sa grande surprise — en me raclant la gorge pour proposer de faire la crème anglaise. Je pose une casserole sur le feu, et je commence à sortir le lait, la vanille, le sucre et les œufs. Je laisse ensuite la place à Samuel, qui commence son travail sans une parole. Moi, je m'assois sur le plan de travail non loin de lui pour l'observer faire.
Il bat les ingrédients avec une certaine dextérité et je comprends que ce n'est pas la première fois qu'il fait de la pâtisserie. Il est sérieux et concentré, et c'est très agréable d'être son spectateur. Mes yeux se perdent dans ses cheveux, d'un blond assez foncé, descendent vers les cils longs et clairs, décrivent les pommettes, avant de se pencher vers la bouche. Forcément, je m'arrête à cet endroit stratégique, et je le dévisage sans vergogne.
Je ne retiens strictement plus mon esprit, dont les barrières ont sauté au moment où je me suis intéressé à ces deux bouts de peau rouge et charnue. Je les imagine tout d'abord contre mes lèvres, les caressant avec plaisir et délice. Descendre vers mon cou, le maltraiter en bonne et due forme à coups de baisers. Naviguer vers ma clavicule, dans cet espace entre les épaules et le torse, qui se tendrait d'envie au passage de cette bouche. Viendrait ensuite ce fameux torse, avec la ligne de mes muscles, présents sans être volumineux. Je lui ferais comprendre que je n'aime pas spécialement lorsqu'on s'occupe de mes tétons, et il resterait sur le ventre, à embrasser tout ce qu'il trouve. J'imagine parfaitement ses baisers papillon sur mes flancs, et je peux presque en ressentir les frissons. Il continuerait son chemin sur mon aine, elle aussi tendue à l'attente du contact. Il ne resterait pas très longtemps, trop tenté par le reste de mon corps. Et enfin, il toucherait mon...
— Curtis ? Je te parle, tu es avec moi ? me coupe Samuel.
Mon image mentale se désintègre, et ma couleur faciale change complètement. Je cligne des yeux, comme si je venais de me réveiller.
— Hein ?
— Je t'ai demandé si tu avais des plats de présentation pour les brownies. Ils sont presque cuits. Tu étais perdu dans tes pensées ?
— Oui. Je... je vais te chercher ton plat. Je reviens.
Je saute de mon plan de travail, et je commence à marcher vers l a salle à manger, là où se trouve le vaisselier. Et en me baissant pour attraper le plat, je remarque quelque chose de fort problématique dans mon pantalon. Apparemment, ma petite fantaisie n'était pas aussi innocente que ça.
— Oh oh, dis-je tout bas, pour éviter que Samuel m'entende.
Je fais semblant de fouiller dans les placards, pour expliquer ce qui peut me prendre tant de temps. En réalité, je suis en train de penser à des choses absolument horribles pour faire descendre le niveau de pression au niveau de mon bas-ventre. Je ferme les yeux, en tenant le plat contre moi, et je me focalise sur les meurtres, la guerre et le feu. Quand je les rouvre, ça va bizarrement beaucoup mieux. Je reviens donc le sourire aux lèvres dans la cuisine.
— C'est bon, c'est redescendu ?
Je manque de lâcher ma vaisselle, et fixe mon invité avec des yeux de poissons. Merde. Moi qui pensais avoir été discret, me voilà entre de beaux draps. Comment je vais lui expliquer ce qui s'est joué dans ma tête pendant qu'il faisait la crème anglaise, sans passer pour un pervers qui ne pense qu'à ça ?
— Oui. Merci de t'en inquiéter.
Bon. Quitte à être démasqué, vaut mieux le faire avec honnêteté, et ne pas se chercher d'excuses. J'étais excité, ça se voyait, j'ai réglé le problème. Fin de l'histoire.
— Pas de quoi en faire tout un plat.
— Bah si, justement, éclate-t-il de rire, en me désignant ce que je porte contre moi.
Je fixe la grande assiette blanche décorée de petites fleurs, et je souris à mon tour. Je présente mon plat à Samuel, et il l'attrape en un tour de main, avant de le déposer sur les plaques. Quelques secondes plus tard, il saisit mon bras pour le ramener contre lui. J'atterris contre son torse, et glisse immédiatement mes mains sur ses épaules.
— Sam ?
— Curtis ?
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Des bêtises. Très clairement des bêtises.
— Je n'ai pas envie que tu fasses des bêtises. Je n'ai pas envie que tu regrettes.
— Je ne vais pas regretter.
— C'est ce que tu pensais à l'hôtel. J'en ai fait les frais. Et là, je suis encore plus accro à toi. Donc la chute va être trop vertigineuse quand tu vas me fixer avec les larmes aux yeux en me disant que tu regrettes d'avoir couché avec moi. Je n'ai pas envie d'être dans des montagnes russes. Moi, j'ai besoin de... du petit train qui fait le tour du parc.
— Hein ?
— La métaphore des attractions. Avec toi, je suis dans les montagnes russes. Soit je suis tout en haut, comme lorsque tu m'embrasses, que tu me souries ou que tu me montres clairement que je te plais. Soit c'est la descente aux enfers et tu me brises le cœur. Alors même si ça me frustre au possible, même si je crève d'envie d'être proche de toi, voir carrément plus, je préfère être dans un petit train tout tranquille.
— Tu me traduis ça en anglais ?
— Je ne vais pas coucher avec toi, Samuel.
— Oh.
Il me relâche, et baisse les yeux. Je le vois ouvrir la bouche, mais le four bipe à ce moment précis.
— Sauvé par le gong, murmure le blond.
Il sort le dessert, et je prépare le couteau, les petites assiettes ainsi que les cuillères, le tout en silence. Mon refus a jeté un froid sur notre petit duo, mais j'ai préféré être honnête, comme lui l'a été avant moi, quand on s'est rencontrés. Je n'ai pas envie d'être un dommage collatéral de sa détestation ou de ses regrets.
Il vient attraper l'instrument de découpe à côté de moi, et me frôle au passage. Il paraît presque déçu que nos peaux se touchent, et ça me fait grimacer. Encore une fois, il souffle le froid et le chaud.
— Sam, ce n'est pas parce que j'ai refusé tes avances que tu es obligé de jouer au roi du silence avec moi. Ce n'est pas agréable, et je n'ai pas envie de passer le reste de la journée comme ça.
— Désolé. Je me remets juste en question, et je n'aime pas trop parler quand je le fais.
— Qu'est-ce que tu es en train de penser ? Que t'es pas attirant ? Que t'es pas sexy ? Que j'ai pas aimé la dernière fois ? Que ce n'était pas bon ? Excuse-moi d'être cru, mais rappelle-toi que j'ai bandé en imaginant tes lèvres tout contre moi !
— Mais tu as... tente-t-il de me couper.
— J'ai refusé de coucher avec toi ? Bah oui, parce que je n'ai aucune envie que notre relation se limite au sexe et aux regrets. Merde, il faut le dire en quelle langue que j'ai envie d'être avec toi ?
Je suis accroché à son bras comme à une bouée de sauvetage, et je le regarde droit dans les yeux.
— Sors avec moi, déclare-t-il finalement.
— Quoi ?
— Tu n'as pas besoin de me dire que tu veux être avec moi en différentes langues Curtis. Je le sais. C'est pour ça que je te dis ça. Sors avec moi.
Il ne sourit pas. En vérité, il ne bronche pas le moins du monde. Parce que tout passe par ses yeux. Toute la sincérité de son cœur. Parce que maintenant, j'en suis sûr. Même si ses iris ne sont pas encore amoureux, Samuel a des sentiments pour moi.
— D'accord. Je sors avec toi. On sort ensemble. Juste, petite question ?
— Oui, mon cher amant ?
Je lâche un microscopique sourire, avant de reprendre mon sérieux.
— Tu ne fais pas tout ça pour me mettre dans ton lit, rassure-moi ?
— Non. J'ai compris que tu ne voulais pas. Je te promets que je respecterais ton consentement.
Mes mains se déplacent de son bras vers sa nuque, et je le rapproche de moi, me tournant complètement vers lui. Je lui caresse le bout des cheveux, tout doucement.
— Je peux t'embrasser ?
C'est bien la première fois qu'il le demande verbalement.
— Oui.
Il baisse très légèrement la tête et colle ses lèvres sur les miennes. C'est encore une fois très doux, très lent, sans non plus donner l'impression d'avoir une limace dans la bouche. Je souris à travers le baiser, et il continue à m'embrasser très doucement les lippes, comme des petits papillons. Ça fait un bruit de smack, presque drôle, si bien que j'éclate de rire lorsqu'il recommence. Il s'éloigne légèrement, et colle son front contre le mien, les mains contre les os de ma mâchoire. Il est magnifique.
— Curtis ?
— Oui ?
— Tu penses que maintenant, on peut manger le chocolat ?
Il est irrécupérable. Mais c'est dingue comme je l'aime.
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