Janvier - 7

Baal : En toute honnêteté, un de mes méchants préférés de Stargate SG-1. Comme ses deux petits camarades précédents, est l'hôte d'une bestiole extraterrestre peu sympathique, mais parviens à la contrôler, ne l'obligeant ainsi pas à avoir les yeux brillants comme des spots lumineux et la voix de ténor. Maitrise presque aussi bien le sarcasme qu'Eliot. 


En ce samedi matin, je me lève en essayant d'être d'une humeur neutre. Je fais des choses qui me plaisent, comme avaler mon petit déjeuner devant la télévision. Je suis collé devant une chaîne dédiée à la science-fiction et au fantastique, et je regarde ce que je trouve. Ça me détend et me permet de penser à autre chose qu'à ce rendez-vous à onze heures, ainsi qu'au fait que je n'ai pas eu une seule nouvelle de Samuel.

Hier soir, après être rentré de cours, j'ai envoyé un SMS, sous les indications de ma sœur. Je lui ai vaguement raconté notre discussion au téléphone et elle m'a conseillé de mettre ma fierté de côté pour aller lui parler. C'est ce que j'ai fait, en demandant si notre rencontre tenait toujours et s'il voulait toujours me voir. J'ai attendu jusqu'à une heure du matin que mon portable vibre. Mais rien. Les messages ont été envoyés et lus, mais je n'ai eu strictement aucune réponse. Je me suis endormi en essayant de penser à autre chose, mais mon cerveau n'était pas de cet avis.

J'ai rêvé qu'il venait, qu'on se disputait, que je lui reprochais d'être à côté de la plaque, qu'il me reprochait d'avoir des sentiments pour lui. Et réalisant qu'on était complètement nul avec nos mots, on arrêtait de parler pour nous embrasser. S'en est suivi une scène de sexe torride dans ma chambre et même dans la salle de bain. En ouvrant les yeux ce matin, bien avant de totalement sortir de mon lit, j'ai râlé de me voir avec une bosse dans mon boxer de nuit. Ça ne m'a pas aidé à commencer la journée du bon pied.

Après mon déjeuner, je reste devant la télévision pour essayer de me calmer. Manque de pot, je tombe sur une série fantastique avec un personnage gay. Non seulement il s'appelle Eliott, mais il semble parfaitement et totalement amoureux d'un de ses plus proches amis. Pire encore, on découvre qu'il est enfermé à l'intérieur de lui-même, et que son corps est habité par... un monstre sanguinaire. Et à la fin de l'épisode, il se rend compte que sa plus grande peur, son plus grand échec est d'avoir été effrayé par les sentiments qu'il pouvait avoir pour son ami, qui lui, était en train de lui ouvrir son cœur. Il l'embrasse avec douceur, et c'est ce geste qu'il lui permet de revenir pour quelques secondes prévenir cet ami, Quentin, qu'il est toujours vivant à l'intérieur du monstre.

— C'est une blague. Même la télévision se moque de moi. C'est une vaste blague.

Je m'en vais m'habiller pour me changer les idées — puisque ma douche a été prise avant de petit-déjeuner. Je choisis mes vêtements de la manière la plus classique qui soit, un jeans et un t-shirt à rayures noires. Ensuite, je végète sur le canapé en attendant que la vie se manifeste. Je pense me rendormir, parce que je me réveille en sursaut lorsque la sonnerie de la porte retentit dans la maison. Je me dépêtre des milliers de coussins du sofa, en les insultant en arabe, avant de courir vers la porte. Je ne suis pas connu pour être quelqu'un de maladroit, mais je manque de me casser la figure sur le carrelage de l'entrée-cuisine.

— J'arrive, j'arrive !

J'ouvre en claquant mon plus beau sourire sur mes lèvres, pour découvrir un livreur, un colis en main.

— Est-ce que Curtis Razavi est là ? J'ai un paquet à lui remettre.

— Oui. C'est moi.

Je lui signe son bon de remise, et j'essaie de cacher ma déception. En toute honnêteté, je ne sais même plus ce que j'ai commandé.

— Bonne journée, Monsieur.

Il se retourne et avant que je comprenne ce qui se passe, il prononce.

— Oh pardon. Je ne vous avais pas vu.

— Il n'y a pas de mal, dit une voix qui fait décoller mon cœur.

J'avale une grande quantité d'air de surprise, écarquillant les yeux. Il est venu. Il est vraiment venu, malgré notre conversation à la limite du catastrophique. Samuel est devant chez moi, un sachet de course dans les mains, et son magnifique sourire collé aux lèvres. Je ne l'ai pas remarqué, parce qu'il était caché par le livreur. Il le laisse s'en aller avant d'avancer vers moi, qui suis en train de déposer mon colis au sol.

— On t'a réveillé en sursaut ?

— Non, pourquoi ? mentis-je sans vergogne.

— Tu as la trace de ton oreiller.

Et au lieu de la designer du bout des doigts, il la caresse du plat de son index. Forcément, ça me donne des frissons. Comme d'habitude.

— Pardon d'avoir été silencieux pendant tant de temps. Je... je me remettais en question.

— Pardon d'avoir été un con qui a réagi au quart de tour.

— Pardon d'avoir donné l'impression de ne pas respecter tes sentiments.

— Pardon d'en avoir.

Ses mains s'arrêtent sur ma joue, avant de glisser vers ma nuque. La seconde vient la rejoindre, et il avance d'un pas. Nos fronts sont à quelques centimètres de se coller.

— Ne t'excuse pas. Ce n'est pas parce que je suis aromantique que tu devrais t'empêcher de ressentir des choses pour moi. D'ailleurs, ça me flatte.

— Ma rapidité ne te fait pas peur ?

— Non. Pas du tout.

Je baisse la tête, gêné. Il me la relève à deux doigts, pour que mes yeux se fondent à nouveau dans les siens. Et quelques secondes plus tard, ses lèvres sont contre les miennes. Son baiser est tout doux, comme le tout premier — j'ai l'impression de faire une sorte de classement un peu bizarre. Comme s'il avait peur de me briser. Comme s'il avait peur de lui-même.

— Je suis vraiment heureux d'être ici avec toi. De te faire les brownies. Et de regarder Star Wars en ta compagnie.

— Je... je ne sais plus quoi dire. T'es un voleur. Tu me voles mes mots.

— Tu me fais entrer ?

Je tourne la poignée de porte et le fais avancer à ma suite, avant de ramasser mon colis et de le poser sans ménagement sur une commode dans le vestibule. Ce n'est pas la première fois qu'il vient chez moi, mais comme nous n'avons visité que le salon pour regarder la première trilogie de Star Wars, je le guide vers la cuisine.

— Tu veux de l'aide ?

— J'en espère. En soi, j'ai déjà fait toutes les mesures. Il faut juste que je mette tout dans un saladier, et que je fasse la crème anglaise.

Je hoche la tête et commence à sortir les bols des placards, ainsi qu'un plat passant au four. Nous le préchauffons à la bonne température, prévoyants, avant de nous atteler à la préparation. Je propose un tablier à Samuel, parce que le chocolat, ça tâche. J'en enfile un aussi, contraint et forcé par mon invité, à cause de mon t-shirt blanc. Je n'ose pas lui dire que je suis vraiment nul pour attacher les liens dans mon dos, au niveau de mon cou. Pour la taille, je peux enrouler le fil autour d'elle et l'accrocher sur le devant. Mais le cou...

— Hum...Sam ?

— Oui ?

— Je sais que c'est ridicule, mais est-ce que tu peux m'aider ?

— Pas de problème.

Je me tourne et lui présente ma nuque. Il se colle légèrement à moi, et pose ses mains sur mes épaules. Sauf qu'il ne bouge pas. Ou du moins, je ne sens pas ses mains sur les liens de mon tablier. Non, ce que je sens, ce sont ses lèvres dans cet espace entre mes cheveux et mon t-shirt. Comme le baiser tout à l'heure, c'est incroyablement doux, toujours de peur de me briser. Je ferme les yeux, en priant pour que mon épiderme ne se couvre pas immédiatement de chair de poule. Au début, je pense que ce contact est unique, mais il continue, très lentement. Je ne bouge pas d'un centimètre, mais un soupir s'échappe de mes lèvres, contre mon gré.

— Tu aimes ?

— J'adore. Continue.

Il couvre toute la surface de ma nuque, toujours avec cette lenteur caractéristique. Je me sens frissonner, et je ne me retiens plus sur les soupirs. Je crois que ça lui plaît que je m'exprime à voix haute. Et finalement, il relève la tête, et m'attache les liens dans le cou. Je me retourne doucement, pour lui faire face. Il me fixe avec un air presque ému, glissant une main sur ma joue, pour la caresser. Je ne sais pas ce que tout ça veut dire, mais je profite. Je profite de ce moment complètement hors du temps, et hors de nos préoccupations, et des sentiments qu'on se porte. Ce n'est qu'une bulle de douceur.

— Je ne vais pas t'embrasser, tu sais. Parce que si je t'embrasse, je ne vais plus vouloir faire le brownie ni même regarder le film. Ma seule envie sera de continuer à t'embrasser. Et la douceur s'arrêtera. Et les pleurs reviendront, à la fin. Je n'ai pas envie de regretter. Alors je ne t'embrasserais pas.

— D'accord.

Je suis perdu dans ses iris. Il pourrait me raconter qu'il est en réalité un éléphant rose qui vient dévorer la population humaine pour nous asservir, j'aurais dit la même chose. Je suis juste complètement subjugué.

— Tant que tu me laisses te regarder, tout me va, dis-je, du bout des lèvres.

— Je ne vois pas pourquoi je te l'interdirais.

Il se détache de moi, et commence à sortir toutes les affaires de son sac de courses. Il me faut quelques secondes de plus pour reprendre mes esprits, et me souvenir de ce que nous faisons. Je racle ma gorge, et je sors les cuillères à mesurer, ainsi que le verre doseur pour les liquides. Je suis en charge de casser les œufs, de rajouter le sucre avec lui, et de remuer de toutes mes forces. Ensuite, je verse ma préparation dans celle de Samuel, et il rajoute de grosses noisettes entières.

— C'est ma voisine qui en a dans son jardin. Elle nous en fournit toujours des sachets entiers. Alors, avec Heather, on se fait plein de trucs aux noisettes. On les décortique le dimanche matin, avant mes matchs. Ça me permet de déstresser. Et d'imaginer la tête du connard de mon équipe dans mon casse-noix.

Je pouffe en remuant la préparation, et il continue.

— Tu sais, si nous, nous sommes des méchants de romans, lui, c'est un déchet intergalactique.

— Un déchet intergalactique ?

— C'est le premier truc qui m'est venu, désolé. J'veux dire... tu connais ce meme où tu vois Dieu qui est en train de faire une sorte de cuisine et qu'il ajoute une grande quantité d'un liquide ? Bah là, c'est la même chose pour John. Lui, la grande dose qu'il a reçue, c'est sa capacité à être un oppresseur en toute circonstance.

— C'est-à-dire ?

— Il est sexiste, pense que les femmes sont des objets. Combien de fois je me suis retenu de le frapper parce qu'il avait insulté Daisy en me fixant bien parce qu'il savait que j'allais réagir ? Il est raciste avec les membres de notre équipe qui ne sont pas blancs, mais de manière très vicieuse, en inventant des différences de taille de jambe, ou de force. C'est un homophobe notoire, et sa seule présence explique le fait que Miho soit resté dans le placard pendant de si longues années, en ayant peur de le dire à son propre meilleur ami. En fait, si tu n'es pas comme lui, riche, beau, connard sur les bords, doué en sport, tout juste dans la moyenne en cours, participant à toutes les fêtes, te vantant de tes conquêtes, tu es un moins que rien. Comment te dire que la plupart des joueurs de l'équipe ne rentrent pas dans les cases ? Il a quatre amis, et tout devrait leur être dû.

— J'imagine qu'il a dû faire la tête lorsque tu as été félicité par le coach pour ton travail sur le terrain.

Il m'a raconté ça par messages. Il paraissait particulièrement fier de lui, et moi aussi, je l'étais. Parce qu'il a récupéré le poste d'attaquant vedette, aux côtés du numéro sept, Hardy. Il m'a avoué que c'était l'un des garçons avec qui il a fauté, et j'ai ressenti une pointe de jalousie à l'idée qu'il joue à ses côtés. Heureusement, si je peux le dire, j'ai rapidement compris que je n'avais pas à avoir peur. Il déteste cordialement Samuel, et n'est aimable avec lui que dans un but professionnel, sur le terrain.

— Il était aussi vert que la pelouse. Ça a même fait sourire Rio, ce qui est très compliqué quand ça me concerne.

— Tu aurais voulu que ça se passe différemment avec lui ?

J'entre sur un terrain miné. Il faut que je choisisse mes mots avec soin, ou il risque de se refermer comme une coquille.

— Pour notre... rapprochement, oui, totalement. Je ne pense pas que j'ai besoin de t'expliquer pourquoi. Mais pour la finalité, pas vraiment. Premièrement, parce que je serais encore coincé dans une relation bouche-trou, où je ne suis pas celui qui est dans sa tête. Et deuxièmement, parce que si j'avais eu une histoire avec lui, je ne t'aurais pas rencontré toi.

Une noisette échappe de ma main par un faux mouvement, et roule sur le sol. Je m'empresse d'aller la chercher, pour essayer de faire changer de couleur mes joues, ou invoquer le fait que je me suis baissé trop vite et que mon sang a du mal à circuler.

— Tu es content de m'avoir rencontré ? dis-je, d'une voix de hamster, toute aiguë.

— Oui. Sinon je ne te l'aurais pas dit. Je suis désolé, mais pour quelqu'un d'excellent en maths, tu n'es pas très logique comme garçon.

Je vais passer la noisette à l'eau, et en arrivant devant Samuel pour la remettre dans la pâte, je lui tire la langue.

— Tu sais, continué-je en reprenant mon sérieux, tu ne dirais peut-être pas ça si je te racontais ce que j'ai fait cette semaine en cours.

— Tu as triché au dernier devoir d'anglais ? rit-il, en me donnant un tout petit coup de coude.

— Non. J'ai été un vrai con de service, et j'ai insulté mon meilleur ami de crétin.

La série en question s'appelle The Magicians, et c'est vraiment vraiment bien (et non, je ne dis pas ça parce qu'il y a un Eliott) 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top