Décembre - 12
Capitaine Phasma : la version shiny du Stormtrooper de base. Elle manie une arme qui ressemble, à mes yeux, à une tronçonneuse de l'espace. Si elle n'était pas jouée par une actrice que j'aime énormément (Brienne, coeur sur toi), je pense que ce petit paragraphe serait nettement plus moqueur (oui, l'univers de Star Wars comporte énormément de méchants, ce n'est pas ma faute)
J'essaie de transmettre chacun de mes sentiments à travers mon regard. Peut-être qu'on ne voit plus grand-chose, parce qu'il fait noir, mais l'éclat dans ses iris est toujours visible, puisqu'il s'amuse avec la lumière de la Lune. C'est effroyablement frustrant de ne pas pouvoir le toucher, mais j'ai trop peur du gage qu'il pourrait m'offrir. Je sens que derrière ce visage d'ange se cache un esprit capable des pires tourments.
— Tu as de la chance.
— De la chance de quoi ? D'avoir eu des sentiments pour mon meilleur ami ? De m'être fait refouler sans avoir eu l'occasion de les lui révéler ?
Je suis peut-être un peu sec, mais j'avoue ne pas comprendre sa réplique.
— Non, je trouve que tu es chanceux parce que tu as un meilleur ami.
Ça me souffle complètement et j'en perds toute envie de sarcasme. Au vu de son statut de joueur de foot et de sa bienveillance, ainsi que son sourire et sa beauté qui attire comme un aimant, je pensais réellement qu'il n'avait pas à se plaindre de ce côté-là.
— J'en avais. Avant. Le joueur...le premier avec qui j'ai fait de la merde, je pense que je pouvais le considérer comme mon ami. Mais après ce qui s'est passé, il m'a complètement snobé et c'est normal. J'ai des potes dans l'équipe, mais...mais ce sont des potes d'école. Ils ne m'envoient jamais de message en dehors des heures scolaires, sauf pour demander de l'aide en science.
Oh, je connais ça. J'en ai aussi toute une flopée, principalement de l'équipe. Sauf que moi, je ne suis pas un dictionnaire scientifique. Je suis un dictionnaire de mathématiques. Avant, j'acceptais toujours. Mais Coby m'a fait très justement remarquer que je me faisais utiliser. Alors j'ai arrêté de dire oui.
— Je n'ai jamais vraiment eu de meilleur ami. Quand ma sœur était encore à Clear Lake, je passais tout mon temps avec elle. Je restais dans son club, même si je me pensais hétéro. D'ailleurs c'est comme ça que j'ai appris pour Miho. Il m'a fait promettre de ne rien dire. Et les émotions sur son visage n'ont pas quitté ma tête pendant des semaines et des semaines.
— Tu étais amoureux de lui ?
Ça me vrille le cœur de demander ça, mais je l'ignore complètement. C'est bien trop tôt pour ressentir de la jalousie.
— Non. Je tombe très difficilement amoureux. Je n'ai jamais dit je t'aime à quelqu'un. Je suis aromantique.
Je le fixe avec un drôle d'air. Je ne connaissais absolument pas ce mot.
— Il me faut des conditions très spéciales pour que je tombe amoureux. Je dois être très proche de la personne, et qu'elle me montre un réel intérêt sentimental. Peut-être même qu'elle m'aime déjà. Ça a été un problème avec plusieurs personnes. Comme Daisy.
Je suis surpris qu'il se mette à parler d'elle. Contrairement à Miho, le tout premier garçon qui lui a plu, son expression faciale est mélancolique à souhait. Pleine de regrets.
— Elle ne t'aimait pas ? dis-je, me rend compte après coup que je suis franchement brutal.
— Non. Elle était amoureuse d'un autre garçon de l'école. Je pense qu'elle est sortie avec moi parce qu'elle voulait essayer de l'oublier. Malheureusement, elle n'a pas réussi, mais comme elle ne voulait pas me perdre, elle m'a menti. Le premier je t'aime que j'ai entendu, c'était un mensonge. Au moins avec Miho, je n'ai pas eu le droit à cette mascarade. Je savais très bien que je n'étais pas celui qui occupait ses pensées, et il ne se cachait pas. Je crois qu'il voulait voir ce que ça faisait de sortir avec un autre garçon, avant de sauter dans le grand bain avec celui qu'il aimait.
J'ai envie de le prendre dans mes bras. Cette histoire me déchire le cœur. J'ai l'impression que dans ses deux grandes histoires, Samuel a été utilisé comme bouche-trou. Ça me rend totalement en colère, si bien que je déclare, sans réfléchir plus loin que mes sentiments immédiats.
— Avec moi, ça ne sera pas comme ça.
Il écarquille les yeux et s'arrête de marcher — on n'est pas près d'arriver si on se stoppe toutes les deux minutes comme ça. Il me fixe sans un bruit, et je le vois se pincer très discrètement l'intérieur des joues avec ses dents. Il croit que ce n'est pas réel. Qu'il a rêvé.
— Je te promets qu'avec moi, tu seras le seul dans ma tête.
Est-ce que je suis en train de lui vanter mes mérites en tant que petit ami ? Je crois bien que oui. C'est effroyablement tôt et dangereux, mais je m'en moque. Il a le droit de savoir.
— Et ton crush ? Tu m'as dit que tu avais un crush. Si ça se trouve, si on tente le coup tous les deux, il va resurgir dans ta mémoire, ou soudainement décréter que ça ne le dérange pas du tout de sortir avec un garçon, surtout si c'est toi.
— Ça n'arrivera jamais. Coby est vraiment hétéro et ça ne me dérange même plus. J'adore son amitié, mais je n'ai pas besoin de plus. Pas avec lui en tout cas.
Je me doutais déjà que mes sentiments avaient disparu quand il m'a avoué qu'il avait été dégoûté de m'embrasser. Mais là, je suis sûr et certain. La seule chose que je ressens pour Coby, c'est de l'amitié franche et sincère.
— On ne se connaît pas.
— Je sais. J'ai dit cette phrase au futur. Je n'ai pas précisé s'il était lointain ou non. C'est toi qui décides. Mais sait qui si tu veux tenter le truc, tu seras le seul dans ma tête.
Je dis cela parce que cette dernière affirmation n'est pas futuriste pour moi. Il est déjà dans ma tête. Je sais que c'est une sale idée, parce que j'ai des problèmes à régler avec moi-même, mais j'en ai envie. J'en meurs d'envie et ça faisait bien longtemps que je n'avais pas ressenti ça. Pas depuis Valentin en tout cas. Et je ferais tout pour que ça se passe mieux, que tout ne parte pas à vau-l'eau pour finir sur une rupture franchement nulle.
— Je déteste mon jeu, déclare-t-il en reprenant la marche. Je le déteste vraiment. Infiniment même.
Je souris avec malice. J'aimerais beaucoup qu'il cède à ses envies. J'ai déjà une idée de gage pour lui.
— C'est le coup de l'arroseur arrosé.
— Hum...exact. Tant pis. Je vais être tout trempé.
Il se rapproche, se place juste en face de moi et parle à nouveau.
— Je peux me jeter dans tes bras ?
Je hoche la tête et il s'exécute. Ce n'est pas comme les autres fois. C'est presque désespéré, et il me serre très fort contre lui. Je lui rends son étreinte en ignorant mon cœur qui bat la chamade. Mon cher organe vital aimerait beaucoup que mes jolies phrases ne soient pas au futur, mais bien au présent. Il est sûr de ce qu'il ressent. Heureusement que le cerveau est là pour le calmer un peu.
Samuel reste de très longues minutes ainsi — du moins c'est l'impression que ça me donne. La musique qui passe dans nos oreilles est toute douce, et se prête particulièrement bien à notre geste. Et puis finalement, il se recule lentement. Nos peaux se frôlent, nos joues se touchent et nos lèvres sont toutes proches. Si je m'écoutais, je l'embrasserais sur-le-champ.
— Moi aussi, je déteste ton jeu.
— Embrasse-moi, imbécile, me coupe-t-il.
Je ne me fais pas prier. Je sais que j'aurais le droit aussi à un gage, mais tant pis. J'en avais trop envie, et lui aussi, apparemment. De plus, ses baisers sont vraiment géniaux. Franchement, je ne comprends pas comment on peut l'avoir utilisé de la manière qu'il m'a décrite.
Le baiser ne dure pas longtemps, malheureusement, et je glapis de frustration lorsque nous nous séparons. Je colle mes mains sur ma bouche et je me sens rougir comme une tomate.
— Désolé, murmuré-je. Je n'ai pas fait attention.
— Ne t'inquiète pas. Je suis heureux que tu apprécies nos rapprochements. Signe que je ne fais pas trop de bêtises.
— Tu es parfait Samuel. Et tu embrasses très bien. Je ne me sens pas forcé, ou quoique ce soit. Je te le promets.
Il laisse tomber sa tête contre mon épaule, comme dans les toilettes du restaurant. Il ne veut sans doute pas que je voie son expression faciale.
— Je ne sais pas pourquoi j'ai fait ça. Avec les autres. Okay, toi tu m'as parlé de consentement, contrairement à eux. Mais ce n'est clairement pas une raison. Je ne comprends rien. Et puis je sais parfaitement bien que tu es un garçon, je ne te confonds pas avec une fille.
Mes mains sont dans son dos, et je souris mélancoliquement. Moi non plus je ne comprends pas ses agissements, même si je suis très heureux qu'il m'embrasse. Vraiment très heureux.
— Peut-être...peut-être que c'est parce que je suis comme toi ? Que je suis un méchant et que je ne m'accepte pas ? Le fait que je ne me sente pas spécialement bien dans ma peau te certifie presque que je ne te pousserais pas dans tes derniers retranchements. Je ne vais pas te demander d'être out partout où nous sommes ni de te toucher s'il y a du monde autour. Tu as trouvé ton alter ego, c'est peut-être pour ça que tu ne me blesses pas.
Je n'invoque pas les sentiments. Il est clair que moi, j'en ai — un début qui bouillonne de plus en plus en moi — mais au vu de ce qu'il m'a dit sur son cœur, je ne pense pas qu'il ressente quelque chose pour moi — ce qui n'enlève rien au fait que je lui plaise et qu'il ne veut pas aller au lit sans moi.
— C'est vrai. Tu es comme moi.
Il a relevé la tête, et me fixe. Je peux voir l'éclat de la lune dans ses beaux yeux marrons. Un jour, j'ai entendu quelqu'un dire que cette couleur d'iris était fade et pas spécialement belle. Je ne suis clairement pas d'accord. Les yeux de Samuel sont tout aussi vivants que ceux de Valentin, bleus comme le ciel. Ce n'est qu'une question de perspective et de sensibilité.
— Qu'est-ce qu'il y a ? murmure-t-il. J'ai quelque chose sur le visage ?
— Non. Je pensais juste que tu étais beau.
J'ai un peu la trouille de m'ouvrir plus. Il pourrait fuir en voyant la force de ce que je ressens lorsque je suis à côté de lui. Et surtout, le fait que je vais très certainement nier tout cela dans quelques jours. Il s'est passé la même chose avec Valentin.
— Tu n'es pas mal non plus. Clairement pas mal.
Je souris tout doucement et il passe un doigt sur mes lèvres. J'ai encore envie de l'embrasser. Surtout que nous sommes à deux gages pour lui, et un pour moi. Il faut rééquilibrer les choses.
— Je peux ?
Je balade également mon doigt sur ses lèvres. Je l'avais déjà remarqué, mais elles sont charnues au possible. Il ne doit pas en prendre grand soin. Ça ne m'étonne pas. Même du stick à lèvres, c'est connoté comme du maquillage pour certaines personnes.
— Tu n'es jamais rassasié.
— Non. Il s'avère que je suis pris d'une maladie.
— Laquelle ?
— J'ai tout le temps envie de t'embrasser. Et il n'existe qu'un seul remède. Ta bouche.
— Oh, je vois. Ce n'est pas une maladie très pratique. Et ça va te coûter cher d'avoir ce remède. Nous sommes en pleine nuit, au milieu de nulle part. Les pharmacies sont fermées.
— Je suis totalement prêt à payer. N'importe quel prix.
— Parfait. Alors, ça sera...
Il ne finit pas sa phrase et colle ses lèvres contre les miennes. Je soupire d'aise. Je sais que je me répète, mais c'est vraiment trop bon de l'embrasser. Il est diablement doué. Ça serait tellement dommage de rater ça...
Le baiser devient un peu plus vif, et j'accepte d'ouvrir la bouche. Je suis assez surpris que ça vienne de lui, mais je ne vais pas me plaindre, loin de là. Je me rapproche plus de lui, et je glisse mes mains sur son corps. Je n'ose pas trop descendre, parce que je ne sais pas s'il est prêt — à vrai dire, je ne sais pas si moi je le suis, et ce que je désire. Sauf que lui, il ose. Ses doigts viennent caresser la chute de mes reins, me faisant frissonner au passage.
— Ça ne te dérange pas ?
— Absolument pas. Mon frisson, c'était une réaction positive. Très positive, d'ailleurs. Et moi ? Je peux t'imiter ?
Il hoche la tête, et je le colle encore plus contre moi, comme si c'était possible. Il frissonne également, et je souris contre ses lèvres. Il réagit exactement comme moi.
— Curtis...Curtis...
Je me recule légèrement, respirant bruyamment. Je suis presque sûr que mes lèvres sont rouges.
— Tu souhaites arrêter ? Je vais trop loin ?
— Je ne veux pas arrêter, mais on le doit. Parce que je sens que...
Mes nerfs réagissent, surtout ceux de mes cuisses. Oh. Ça lui plaît. Ça lui plaît même un peu trop.
— Oh. Je comprends. Nos corps sont un peu chiants. J'aurais bien continué, juste comme ça.
— Je sais. Moi aussi.
Je baisse les yeux vers mon pantalon, et j'écarquille les yeux. Oh. Ça se réveille aussi chez moi.
— Il va falloir qu'on accélère, décrété-je soudainement, relevant la tête vers lui.
— Dans les baisers ? Tu veux aller plus vite ?
Il grimace légèrement. Je le comprends. Je n'ai aucune envie d'avoir un escargot dans la bouche, moi non plus.
— Non, dans la marche. Comme ça, on ne s'arrêtera pas dans les baisers.
— Oh. Je vois. Tu sais quoi ? Tu vas me donner l'adresse de l'hôtel. Et on va voir combien de temps ça va nous prendre.
Je cherche dans mon propre téléphone — et en profite pour changer de musique, décrétant que celle qui passe n'est pas à mon goût — et je la lui dicte. Nous sommes toujours l'un en face de l'autre, front contre front, les yeux rivés sur l'écran lumineux.
— On en a pour deux heures et demie. Donc tu as raison. On doit accélérer.
Il m'attrape la main, et commence à marcher à très bonne vitesse. Je le suis sans un mot, profitant du contact dont j'ai encore le droit. J'ai complètement perdu le fil des gages que nous sommes censés avoir.
— Au fait, on a trois gages chacun. Réfléchis bien à ce que tu vas me proposer pendant notre randonnée. Mais s'il te plaît, rien de dégradant. Je...je n'aime vraiment pas ça, et je me dénigre suffisamment moi-même pour en rajouter une couche avec quelqu'un.
— Je ne comptais pas le faire. Ce n'est pas mon truc non plus.
J'avoue avoir déjà une idée pour mon premier gage, mais pas les deux suivants. C'est pour cela que j'en profite pour interroger mon cher compagnon de route.
— Est-ce qu'on est obligés de se les donner ce soir ?
— Non. Tu peux les garder pour les autres jours où on se verra.
Je ne peux pas empêcher mon immense sourire de venir grignoter mes lèvres. Ma pensée comme quoi il ne souhaite pas à nouveau me croiser a complètement disparu. Je suis désormais certain que cette petite aventure continuera. Je ferais tout pour ça en tout cas.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top