Août - 4
Coby @ Les Potes
Demain, c'est le grand jour ! Je vous veux tous chez moi à sept heures tapantes, frais comme des gardons. J'aimerais bien éviter les embouteillages de la sortie de Belfast, surtout que je suis de conduite pour les trois cents premiers kilomètres.
De toute notre petite équipe, nous sommes trois à savoir manier le volant : Coby, Harold et moi. Sheridan a décrété qu'il avait la flemme de s'y mettre et qu'il ne voyait pas le principe de se dépêtrer avec une voiture dans les rues de Belfast. Quant à Samuel, c'est plus une histoire de moyens et de temps. Par contre, je l'ai déjà embarqué pour qu'il soit mon copilote et surtout le gérant de ma musique. Les autres vont râler, mais je lui ai promis de nous lâcher sur les classiques de Simple Plan. Ça va être dur de ne pas faire de blagues salaces sur I Don't Wanna Go to Bed, mais par décence pour nos petits camarades, je me retiendrais.
Afin de faciliter la logistique de notre départ, je l'ai invité à dormir chez moi avec toutes ses affaires. La vraie raison est tout autre ; nous voulons profiter de la présence physique de l'autre avant de partir et de devoir un peu nous cacher. Nous nous sommes mis d'accord sur le fait que nous n'avons aucune envie de gêner nos amis par trop de proximité. Si bien qu'en cette vieille de départ, nous ne nous sommes pas lâchés d'une semelle. Ayant la maison pour moi tout seul — Asra a pris son avion hier soir, et notre père est à Londres pour des réunions avec d'autres consuls et ambassadeurs — nous avons réalisé certains de nos fantasmes.
C'est pour cette raison que nous sommes complètement nus sur le canapé — mais le cuir est protégé par une couverture — et que nous ne nous soucions gère de remettre nos vêtements, qui traînent dans la cuisine. Nous sommes allongés l'un sur l'autre, et mes doigts vont et viennent sur le haut du bras de mon petit-ami, alors que je suis en train de lire le message de Coby.
— Qu'est-ce que ça dit ?
Mon téléphone traînait sur la table — je l'ai un peu abandonné là ce matin — contrairement à celui de Samuel qui est dans la poche de son jeans. Je lui fais donc la lecture, et sa réaction m'arrache un rire.
— Je croyais qu'il souhaitait être vétérinaire, pas instructeur dans l'armée.
— Il a raison. Je n'ai pas envie de commencer nos vacances dans les bouchons.
— Oui, mais ça veut dire qu'on va devoir dormir cette nuit.
Samuel se relève sur moi, et me fixe avec un air qui ne se cache pas, loin de là.
— Il s'avère que c'est son rôle premier. Dans une journée type, on vit le jour et on dort la nuit. À moins que tu sois un vampire. Ou un travailleur de nuit.
Samuel retrousse sa lèvre inférieure pour me montrer ses dents, pas le moins du monde pointues. Il en profite pour me glisser un baiser sur la joue, avant de rajouter.
— En réalité, je pensais que...
Un coup de langue, qui me fait frissonner, en direction de ma bouche.
— Que l'on pourrait réaliser un numéro de haute voltige...
Un nouveau baiser, cette fois-ci sur la commissure de mes lèvres. Ma main ne tenant pas mon téléphone, pour l'instant immobile, navigue lentement dans son dos, avant de trouver sa nuque, que je caresse à mon tour.
— Je te soulèverais, tu le ferais ensuite et nous reprendrions notre souffle avant de recommencer.
Ses yeux malicieux brillent, fiers de son jeu de mots. J'étire mon sourire, sur lesquelles il promène un doigt délicat.
— Est-ce qu'un jour, tu seras rassasié ? Nous avons passé notre journée à ça. J'ai l'impression que nous sommes pires que des jeunes mariés.
Il m'embrasse, en tirant sur ma lèvre inférieure avec ses dents. Il commence à se lasser de parler.
— J'emmagasine tout ce qui te concerne en vue du voyage. La douceur de tes lèvres, le goût de ta peau, la volupté de tes gestes, ta chaleur, tes expressions faciales. Je vais devoir m'en priver pendant presque trois semaines alors... je profite.
Le baiser est encore plus recherché et ma bouche claque contre la sienne. Son bassin ondule lentement.
— Et je ne sais pas à quoi va ressembler la suite... ton installation à Dublin, la mienne à Coleraine, le début des cours, toi qui te lances sur le marché du travail freelance. Je suis pressé, mais c'est flou comme tout. Et là, maintenant, tout de suite, contre toi, c'est très très net, si tu veux mon avis.
— Tu n'essaierais pas de m'amadouer ?
Il bouge d'autant plus contre moi, et m'arrache un soupir. C'est une vraie torture.
— Peut-être un peu. Sauf si tu ne le désires pas, bien sûr.
Il se stoppe complètement, le temps de me laisser décider si je souhaite poursuivre cette petite activité ou non. Je bouge mes hanches à mon tour pour l'inciter à continuer.
— Je ne suis pas contre. J'aime bien quand tu m'amadoues.
Et en effet, nous n'avons pas spécialement fermé l'œil de la nuit. Je ne sais pas où Samuel tient toute cette énergie, mais je suis complètement retourné par ses baisers et ses caresses. Rien qu'avec le bout de ses doigts, il est tout à fait capable de me faire perdre la tête.
Ce n'est qu'à cinq heures du matin que je m'abandonne face au sommeil qui me cueille dans ses doux bras. Ça risque de piquer dans une heure et demie, mais tant pis. Sentir cette peau contre la mienne, et sa respiration tranquille à côté de moi vaut bien ça. De plus, je pourrais peut-être négocier avec Harold pour inverser nos places, ce qui me laisse six cents kilomètres pour récupérer de cette nuit très agitée.
***
— Curtis, qu'est-ce qui s'est passé ? Un quart d'heure de retard ! Ça ne te ressemble pas !
Coby me secoue comme un vrai prunier, alors que je suis devant son garage, accompagné de Samuel. Lui paraît aussi frais qu'un gardon, souriant et solaire. C'est un sorcier, je ne vois que cette solution pour qu'il soit en forme avec tout ce qu'il m'a fait hier soir.
— C'est ma faute, intervient Samuel. J'ai eu un peu de mal à me lever.
Il me couvre, parce que c'est l'inverse qui s'est passé. J'avais mis un réveil, comme toute personne censée, et comme toute personne censée, je l'ai éteint d'un coup pour me rendormir aussi sec. C'est Samuel qui m'a secoué très légèrement à six heures quarante-cinq. Et comme si ça ne suffisait pas, je ne trouvais plus le chargeur de mon téléphone portable. J'ai retourné toute la cuisine, jusqu'à ce que je me rende compte qu'il était juste dans une poche cachée de mon sac à dos.
— Vous avez veillé tard ?
Un silence. Je suis presque certain que mes joues changent de couleur, si bien que Coby ouvre à nouveau la bouche.
— Finalement, je ne veux pas savoir. L'important, c'est que vous soyez enfin là. Tout le monde en voiture ?
Nous hochons la tête avec plaisir avant d'aller nous installer. Nous déposons nos sacs sur le sol, à nos pieds, ou dans des casiers prévus à cet effet un peu partout dans le véhicule. Je suis estomaqué de tout ce qu'on peut y trouver, et Coby est fier comme un coq quand je lui fais remarquer.
— C'est une caverne d'Ali Baba sur roues. Et elle est à nous pour trois semaines.
Il va s'installer au siège de conducteur, accompagné de Harold, qui prendra sa suite
— Tu as du sommeil à rattraper, je prends ta place, m'a-t-il glissé en ne faisant aucun autre commentaire.
Pour ma part, je m'assieds le plus à droite sur la banquette au fond, et Samuel me suit, avant de se poser au centre. Sheridan rejoint la gauche, qui ne comporte malheureusement pas de ceinture de sécurité. Coby a très peur que l'on soit arrêtés et qu'il en prenne pour son grade, même si je peux certifier qu'il s'est arraché les cheveux pour en trouver une sur internet et l'installer.
— Barf, pas grave, déclare Sheridan quand on lui fait remarquer cette particularité. Les deux autres me soutiennent si je me casse la figure. Et de toute manière, je pensais bien piquer un petit somme. La voiture a un effet de somnifère sur moi.
— Qu'est-ce qui n'a pas un effet de somnifère sur toi, mon cher ? s'amuse Harold en consultant la carte.
Sheridan hausse les épaules, et balance déjà sa tête en arrière, en bâillant très bruyamment. Parfois, je me demande comment ma sœur fait pour le supporter. Elle qui est énergique, elle ne doit pas apprécier les moments de mou qui prennent souvent son petit-ami.
— T'as l'air complètement décalqué, chuchote Samuel, en se tournant vers moi.
Je suis effroyablement tenté de poser ma tête sur son épaule, pour me reposer. Je sais de source sûre qu'elle est confortable.
— D'après toi, c'est à cause de qui ?
Il m'offre ses petits yeux tout mouillés, ainsi qu'un sourire angélique. Il ne manque que l'auréole pour parfaire le tout.
— Oups ?
— Tu ressembles à un ange, mais tu es plutôt un démon.
— Je te l'ai dit la première fois. Je suis un méchant. Je cache juste mes attributs pour que l'on se laisse piéger par mon charme et que l'on tombe dans le panneau. Et après, je fatigue mes victimes, jusque'à ce qu'elles aient des valises sous les yeux. Et hum... d'ailleurs... tu es bien installé sur ton siège ?
Je me penche en avant, pour vérifier que Sheridan a bien les paupières fermées avant de répondre, baissant au maximum la voix pour que ceux de devant ne nous entendent pas.
— Ça a été douloureux au réveil. Et maintenant aussi. T'y es pas allé de main morte.
— Je sais. Mon dos s'en souvient très bien. Je vais peut-être éviter de me mettre torse nu les prochains jours. Je n'ai pas envie qu'on nous pose trop de questions.
Je souris tout doucement et je sens le sommeil m'envahir. J'entends à peine Coby nous prévenant du départ, maintenant que tout le monde est installé. Je me resserre tout contre Samuel, qui est un délicieux coussin, et je ferme les yeux.
***
Lorsque mes paupières se rouvrent, nous avons déjà changé de conducteur. Je remarque que Coby est en train de gigoter sur son siège au rythme d'une musique que j'entends à peine. À ses côtés, Harold est concentré sur la route. Mon cou est un peu douloureux quand je relève la tête, ayant bien vérifié que mon voisin était réveillé avant de bouger.
— Ça va, petite marmotte ?
Il pose une main sur le sommet de mon crâne et me sourit. Quand il est comme ça, je meurs d'envie de l'embrasser. Mais je me retiens, parce que je sais que les deux conducteurs nous regardent dans le rétroviseur interne. J'ai senti les yeux bruns de mon meilleur ami sur moi.
— Quelle heure est-il ?
— Bientôt midi.
Je me relève d'un coup. Je connais notre trajet et la distance de chaque étape.
— On est déjà passé à Coleraine ?
— Oui. Rapidement. On a juste fait le tour de l'université et on n'est pas sortis. Ce sont les gars qui ont insisté. Moi, je n'y tenais pas forcément.
— Ah bon ?
Je suis assez surpris qu'il m'avoue ça. Personnellement, je suis plutôt pressé de voir Dublin, et que mes potes visitent mon futur appartement. Je me suis arrangé pour qu'ils soient présents à l'état des lieux d'entrée, et j'ai gardé bien précieusement mon secret.
— Je suis en vacances. Je n'ai pas envie de penser à l'après. Je souhaite juste profiter de la présence de chacun, de l'ambiance et du soleil qui ose pointer son bout du nez.
— Je comprends.
Ce qu'il ne me dit pas et que je lis entre les lignes, c'est que son entrée à l'université signifie aussi notre séparation géographique. Alors que nous passons tout notre temps ensemble, il va falloir que nous attendions la fin de semaine avant de pouvoir nous retrouver. Tu m'étonnes qu'il ait envie de profiter.
— Je sais que ça fait un peu autruche qui plante la tête dans le sable, mais je m'en fiche.
— Comme dirait Sheridan, t'as rien d'un stupide piaf. Pour moi, c'est normal.
Je me resserre contre lui, et je glisse ma main dans la sienne. Elles sont coincées entre nos cuisses collées, et cachées du regard des autres.
— Et où est-ce qu'on est du coup ?
— En route pour la péninsule d'Inishowen. En République d'Irlande, rajoute-t-il face à mon visage interloqué.
C'est le dernier chapitre de l'année ! En effet, afin de garder l'avance que m'a offert le Nano, je prends des vacances jusqu'au mercredi 5 janvier 2022. J'espère que vous comprendrez, et je vous souhaite de bonnes fêtes et de bonnes vacances, si vous en avez.
A.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top