Septembre - 7

Ce matin, le réveil sonne plus tôt que d'habitude. Je me lève d'un bond, vais enfiler mon uniforme - j'enfile depuis peu un gilet en plus de ma chemise et de ma veste aux couleurs de l'école - et pars déjeuner. Quelle n'est pas ma surprise de découvrir une tête blonde attablée avec mes parents et mon grand frère - qui semble particulièrement intéressé par son voisin d'en face, à qui il sourit de toutes ses dents.

- Que fais-tu ici, Valentin ?

J'en oublie la politesse et je me trouve presque sec dans ma manière de parler, ce qui surprend mon père et mon frère, qui se retournent vivement vers moi en fronçant les sourcils. Heureusement pour moi, ma mère répond à ma question en souriant, une tasse de thé dans les mains.

- J'allais sortir m'aérer l'esprit lorsque je l'ai vu devant la porte, à hésiter grandement. Je crois bien que ce jeune homme était drôlement excité par votre fameux festival sportif, alors il est directement venu te chercher. Je me suis dit que ça te ferait plaisir de l'avoir à petit déjeuner avec nous.

Évidemment, c'est un feu d'artifice dans mon cœur, évidemment, je suis plus qu'heureux de profiter de la présence de Valentin plus longtemps dans la journée, évidemment, j'ai envie d'aller le saluer en bonne et due forme. Mais cela surprendrais bien trop mes parents et je ne suis pas encore prêt à leur en parler. Je vais donc m'installer à côté de lui, le saluant d'un sourire. Puis, je louche sur la nourriture devant lui, qu'il dévore goulument.

- Tu n'es pas sérieux ? Des nouilles instantanées au petit déjeuner ?

- Sache, mon cher, que les nouilles sont si géniales, si délicieuses, si fantastiques que tu peux en manger à toute heure du jour ou de la nuit. Et donc oui, aussi au petit déjeuner. Maintenant monsieur le septique, je vais finir mon excellent plat offert gentiment par tes parents, que ça te plaise ou non.

Il allie le geste à la parole et attrape habilement avec ses baguettes - sans doute prêtée par mon père - des pâtes qu'il engouffre dans sa bouche grande ouverte. Je roule gentiment les yeux et prends le bol de céréales ma mère me tend. Elle a également préparé des pancakes avec du sirop d'érable directement ramené du Canada. J'en attrape un avec joie et le glisse délicatement dans ma bouche, tout entier. Les délicieuses saveurs se rependent rapidement et j'en prends un plaisir infini. Valentin, qui me regarde avec envie, en lâche ses baguettes sur la table. Il me fixe avec de grands yeux, les joues incroyablement rouges. Je l'interroge silencieusement, tout en commençant à légèrement paniquer. Si cela ne me dérange aucunement qu'il ait ce genre de réaction quand nous ne sommes que tous les deux, en présence de mes parents, cela devient bien plus gênant.

J'avale rapidement ma bouchée, dévore mon bol de céréales en moins de temps qu'il ne faut pour dire bon appétit, et m'enfuis vers ma chambre, prétextant des affaires à préparer. Je sens mon cœur battre au creux de ma poitrine mais je ne comprends pas pourquoi. Quelques minutes après mon arrivée, Valentin vient me rejoindre. Je suis dos à la porte, regardant dans le vide. Il me fait me retourner d'une tape sur l'épaule et me fixe de ses yeux brillants. Il a l'air inquiet.

- Tu es sûr que ça va ? T'as pas l'air bien...

- Oui. Mais ta venue à notre table de petit-déjeuner m'a surpris. Dans le bon sens j'entends. Je vais parfaitement bien, ne t'inquiètes pas.

- Tu faisais une tête...J'avais l'impression que tu avais avalé quelque chose de pas frais ou que les pancakes de ta mère n'était pas bons et que tu n'osais pas lui dire.

- Puis-je te poser une question ? en profité-je, le cœur battant.

- Ne te gêne pas. Que veux-tu savoir ?

- Pourquoi as-tu subitement rougit lorsque nous étions à table ? Tu m'as fixé, tu as lâché tes baguettes et tu t'es totalement arrêté de manger. En te voyant ainsi, je ne me sentais pas beaucoup à l'aise.

Ecarquillant les yeux, ses joues changent de couleur et il baisse la tête. Sa respiration s'accélère légèrement et il se gratte l'arrière du crâne. La gêne transparait sur chaque pores de son visage.

- Comment veux-tu que je t'explique ça... ? C'est...pas des trucs que tu dis comme ça...Enfin... bon...

Il relève la tête et me fixe. Je me sens à mon tour rougir, ne pouvant pas contrôler cette coloration. Il prend une grande respiration et débite, tel un robot :

- Quand je t'ai vu manger ton pancakes avec tant de...joie, ça m'a fait penser à d'autres trucs. Et j'ai eu subitement envie de t'embrasser. Voilà tout.

Je sursaute de façon presque imperceptible avant de rougir plus encore, ressemblant à s'y méprendre à une tomate. Je le vois s'approcher à petits pas, tout en continuant à parler.

- Mais c'est vrai que maintenant que nous sommes tout seul, je peux te demander. Dis, est-ce que je peux t'embrasser ?

Je hoche positivement la tête. Il se penche, vient chercher les plis de la chemise, dans mon dos. Il colle ses lèvres sur les miennes et je réponds avec ferveur, reculant très légèrement. Nous recommençons trois fois, jusqu'à ce que j'entende, au dehors, la voix de mon frère.

- Les garçons, au lieu de discuter dans votre coin, il faudrait sans doute partir pour les cours. Sinon, vous allez être en retard.

Ce dernier mot a pour effet de me réveiller. Je me recule, toujours rouge et tente de murmurer quelque chose. Je croise mon reflet dans le miroir de ma chambre et m'observe, surpris. Mes joues sont en feu, mes cheveux légèrement décoiffés, ma chemise malmenée. Je lisse le tout avec mes mains, priant pour que je retrouve une couleur normale en sortant de la pièce. Observant au-delà de mon reflet dans le miroir, je remarque que ne suis pas le seul dans cet état-là. Je racle ma gorge, avant de poser la main sur la poignée de porte. Je l'ouvre avec un certain sens de la cérémonie avant de la franchir et ne pas regarder derrière moi. Je dis au revoir à mes parents, enfile mes chaussures et quitte la maison en soufflant. J'ai l'impression que ce moment a duré des heures.

***

Le bus ne semble pas avec nous aujourd'hui, car nous devons courir lorsque nous en sortons, afin de ne pas arriver en retard au festival sportif. Ce n'est rien que la deuxième fois ce mois-ci, ce qui est inacceptable pour ma personne. La porte du lycée n'est pas gardée par Daisy, comme la dernière fois, mais par l'ancienne présidente du conseil des élèves, Heather. Lorsqu'elle croise le regard du blond à mes côtés, elle écarquille le sien, gris perle.

- Valentin ? C'est toi ? Bah ça alors, c'est bizarre de te revoir !

- J'ai toujours été à Clear Lake, Heather. Je ne déserte pas, moi.

Le ton est sec, et j'observe la conversation sans me manifester.

- Tu sais bien qu'il était obligé. Qu'ils étaient obligés, tous les deux.

- Je n'ai pas envie de discuter de ça aujourd'hui, je suis désolée Heather. Ca me fait quand même plaisir de te revoir, sourit-il, faussement.

Nous dépassons la jeune femme et j'hésite à demander des explications à mon petit ami. Heureusement pour moi, elles me parviennent sans que je n'ai rien à faire.

- Elle est amie avec Charles, mon cousin. Désolé pour le sarcasme, mais j'ai besoin de concentration aujourd'hui. Il ne faut pas que je me déconcentre en pensant à des choses qui me brisent le coeur.

- Faut-il que je m'éloigne de toi le temps que tu fasses ta course, cette après-midi ? déclaré-je de but en blanc.

- Hein ? Mais pourquoi ça ?

- Parce que je peux être un élément qui te déconcentre. Je ne veux pas que tu perdes ta course à cause de moi, et du fait que tu n'as pas pu beaucoup t'entrainer, à cause de certains gradins.

Il rougit légèrement et se détourne de moi. Je craque d'autant plus, mourant d'envie de le prendre dans mes bras. J'avise un coin sombre derrière un bâtiment à l'abri des regards et j'y amène mon petit ami. Là, je lui demande si je peux l'enlacer et lorsqu'il accepte, je lui glisse.

- Je sais que tu es le meilleur. Et je te le répèterais autant de fois que tu le souhaites pour qu'enfin, tu y croies aussi.

- Enfoiré, continue-t-il sur le même ton que moi. Là, ça me déconcentre, ce que tu me dis.

- Je n'y peux rien si je suis amoureux, idiot.

Il rit et nous nous séparons avant de déraper et de rater le début de notre relais, qui prends place dans quelques temps. Il faut encore que nous allions nous changer et que nous nous échauffions. Nous entrons dans la cour intérieure de notre Grammar School. Nous nous faisons envahir par une cinquantaine de visages inconnus. Certains se tournent vers nous, quelques filles me dévisagent de haut en bas en rougissant - ce attitude m'exaspère plus qu'autre chose désormais. Heureusement pour nous, Daisy nous remarque dans toute cette foule et vient nous rejoindre dans de grands gestes et un sourire. Ses lentilles d'aujourd'hui sont rouges, dont le motif intérieur est une rosace noire. J'ai l'impression d'avoir déjà vu ce dessins quelque part, mais je ne sais plus où.

- Tu comptes hypnotiser tout tes adversaires avec les yeux de Totsuke ? Parce que c'est bien parti avec Eliot, tu verrais la tête qu'il tire !

Je regarde Valentin avec de grands yeux avant de secouer la tête comme un chat qu'on aurait trop caressé. Je vais ouvrir la bouche quand le haut-parleur presque rouillé du lycée retentit au dessus de nous.

- Mesdemoiselles et Messieurs, veuillez vous rendre dans la cour principale du lycée. Le directeur provisoire de notre Grammar School vous présentera les épreuves et les lieux où celles-ci se dérouleront. Veuillez avancer de façon disciplinée.

Nous démarrons rapidement, décidant sans nous consulter que nous pouvions sauter la petite réunion avec le directeur par intérim. Nous partons nous changer dans le gymnase avant qu'il ne se fasse envahir par les autres élèves des lycées alentours. Notre épreuve commune, à Valentin et à moi, commence dans une demi-heure. A l'aide de notre coach Daisy, en véritable forme olympique, nous nous échauffons pendant quelques minutes - même si le petit sprint de ce matin peut servir d'échauffement, aux vues de l'énergie que j'y ai dépensé. Rapidement, le terrain devient le centre de toutes les attentions. Les professeurs de sport arrivent, ainsi que les autres participants - Valentin et moi sommes les seuls de notre lycée. Huit heure trente sonne sur mon téléphone.

L'épreuve va commencer.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top