Septembre - 3

Je m'excuse, ce n'est pas très long, mais au moins, ça comble les commentaires reçus au chapitre précédent.


Le reste de la matinée passe tranquillement, malgré la présence de Monsieur Snate comme professeur référent de notre classe. Lorsque la cloche annonce la pause de midi, nous allons chercher Daisy devant sa salle, qui se trouve au même étage que la nôtre. Elle s'approche de la porte en souriant, imitée par le blond.

- Tes chevaliers servants sont là pour t'escorter vers le haut-lieu du toit. Prête ma chère ?

- Totalement.

Valentin présente son bras à la jeune femme, qui s'y accroche avec plaisir. Il me fait signe, d'un grand mouvement de tête, de venir de l'autre côté, pour entourer la rose. N'étant pas vraiment à l'aise avec les contacts physiques, je m'avance doucement vers Daisy et lui présente mon bras. Elle l'attrape dans un mouvement guilleret, et nous avançons enfin vers le toit.

***

Je crois que l'heure du déjeuné n'a jamais été aussi animée depuis que je suis entré au lycée. Il y a des rires, des questions posées çà et là, des cris parfois. Je pourrais me plaindre car je ne suis plus au calme pour observer le ciel, mais cela n'est pas le cas. Le silence ne se manifeste pas une seule fois et j'en suis plus qu'heureux. Et le ciel est particulièrement beau aujourd'hui, même s'il n'est pas entièrement bleu.

- Y a t-il une épreuve de football pendant le festival sportif ? Si oui, y participes-tu ? demandé-je, ayant enfin avalé la dernière bouchée de mon déjeuner.

- Bien sûr, c'est un peu la discipline phare de notre école ! Et en tant que capitaine de l'équipe féminine, je me dois de le faire. Je n'ai pas encore d'horaire exact, mais je pense que ça va s'étaler sur toute la journée. Pourquoi me poses-tu cette question ?

- Eh bien, Valentin n'a pas cessé de me faire tes louanges pendant que tu présentais ton activité et j'aimerais te voir à l'oeuvre. Je ne suis pas encore inscrit quelque part, mais j'aimerais beaucoup venir te voir.

La couleur de cheveux de Daisy se répand tout doucement sur ses joues, ce qui lui redonne l'air timide qu'elle arborait lorsque je l'ai rencontrée. Cet air sûr d'elle, conquérante, lui va beaucoup mieux.

- Dites les garçons... Je peux vous poser une question ?

- Ne te gêne pas.

- Est-ce que vous êtes ensemble ?

Nous entendons une grande toux à notre droite, où Valentin se trouve. Celui-ci tient sa bouteille de jus de fruit dans les mains, dont sa dernière gorgée se trouve sur le sol - la question l'a tellement surpris qu'il en a recraché son jus. Il s'essuie la bouche, se racle la gorge, et regarde sa meilleure amie avec des yeux pleins de questions.

- Ecoute Valentin, j'étais là quand tu es tombé amoureux de ce gars aux cheveux rouges, pendant l'été de notre year 11. Tu m'as raconté votre premier rendez-vous, votre premier baiser, et tout ce qui s'en est suivi. Je ne t'ai jamais jugé, parce que sinon, je ne serais pas digne d'être ta meilleure amie et même pas ton amie du tout. Vous passez tout votre temps ensemble, vous avez une complicité sans pareille et tu sembles différent, bien plus heureux. Je veux que tu sois honnête, parce que tu sais, je suis passé à autre chose vis-à-vis d'Eliot. Alors, je répète ma question : est-ce que vous êtes ensemble ?

Valentin me regarde avec de grands yeux, ne sachant que faire. Il doit sans doute attendre que je réponde à sa place. Je prends une gorgée d'eau à côté de moi et fixe Daisy. Ses yeux émeraude - des lentilles - brillent de curiosité. Je respire un grand coup et me lance.

- Oui, nous sommes ensemble.

Un grand sourire vient s'immiscer sur ses lèvres et elle nous regarde tour à tour. Mais je me fiche - légèrement - de sa réaction. C'est celle de Valentin qui m'intéresse. Sa figure est entièrement rouge carmin, ce qui ne manque pas de me faire rire intérieurement. Pourtant, il sourit de toutes ses dents, ce qui fait réellement peur. Il se rapproche de moi d'un glissement et m'embrasse rapidement la joue. Sa main vient trouver la mienne entre les plis de mon pantalon et il la serre de toutes ses forces, comme pour se raccrocher à moi comme une bouée de sauvetage.

- Je suis super contente pour vous, les garçons.

- J'aimerais que cette histoire reste entre nous, pour l'instant. J'aimerais choisir le moment où je l'annonce, en particulier à ma famille, si tu vois de quoi je veux parler, Daisy.

Elle rougit de pieds en cap et évite mon regard. Valentin, qui n'est pas au courant de toute cette histoire, m'interroge silencieusement, la tête penchée comme celle d'un chat.

- Pourquoi tu dis ça Eliot ? Elle connait ta famille ?

- Mon frère. Il y a comme qui dirait...une connexion entre eux.

- Noooon, s'étonne le blond, en allongeant les syllabes. C'est pas possible...

- Mon frère lui a même sorti des techniques de drague plutôt...mauvaises.

- Mais arrêtez enfin, Callahan est charmant ! s'énerve presque la jeune femme, rouge comme une pivoine. Nous avons pris un thé pendant les vacances, mais rien de plus. Nous sommes simplement amis.

- Ça, c'est que je me disais pour me dédouaner du fait que j'avais déjà des sentiments pour Eliot, petite fleur, intervient Valentin en riant. Ce n'est clairement pas une bonne technique. Et puis, ça fait du bien d'un peu te charrier. Ça faisait longtemps.

Il l'approche de lui de l'autre côté et la prend par les épaules en souriant. Je fais de même, avant de conclure ce petit échange.

- Je ne peux que confirmer tes dires Daisy. Mon frère est quelqu'un de bien.

- Ca vous dirait pas de changer de sujet les gars ? Sérieusement ?

Je lève les yeux vers le ciel pour trouver quelque chose à dire. Soudain, une idée me vient et je me retourne, enjoué - ce qui est vraiment étrange comme comportement - vers mes deux interlocuteurs.

- Dis-moi Daisy, toi aussi tu es une fan de Marato, le manga préféré de Valentin ?

Les yeux de la seule fille de notre groupe s'illuminent d'un éclair de joie et d'excitation - et je comprends subitement pourquoi Valentin et elle sont amis.

- Bon sang oui ! Tu lis ? Tu regardes ? Tu fais les deux ? C'est qui ton personnage préféré ? C'est vrai que tu ressembles beaucoup à Totsuke... Moi, mon personnage préféré, c'est Denasut, le maître de Sora, le personnage qui me ressemble. Elle est forte, elle est belle, elle a une classe phénoménale et une histoire à te faire pleurer un oignon...

Je me fais littéralement bombarder de questions par Daisy, qui ne semble plus s'arrêter. Derrière elle, Valentin rit sous cape, se moquant ouvertement de ma naïveté. Il se fait soudainement alpaguer par la jeune fille pour qu'ils discutent des derniers épisodes. Curieux, je me mêle à la discussion.

- Tu as vu celui de jeudi dernier ? J'avais l'impression que j'allais exploser devant ma télé, tellement j'étais contente. L'équipe 77 enfin réunie, depuis plus de trois ans qu'elle était séparée ! Et puis à la fin, avec la triple invocation des trois personnages, et le petit vent qui soufflait d'on ne sait où, et quand on voit le frère de Totsuke qui regarde depuis le ciel, avec la mère de Marato, les larmes me sont montée aux yeux, j'étais tellement émue !

- Mon frère est mort ? Mais depuis quand ?

Les deux fans se retournent vers moi et me regardent avec un air bien trop suspicieux. Je hausse les sourcils, prenant un visage parfaitement innocent - je ne vois pas où est le mal - et attends les remarques acerbes.

- Depuis quand ça t'intéresse ?

- Callahan est également fan de ce manga. Tous les jeudis soirs, je m'installe avec lui sur le sofa et nous regardons ensemble, ce qui nous fait travailler notre japonais, légèrement rouillé par manque d'utilisation. Je ne savais simplement pas que son équivalent dans le manga était mort.

- C'est Totsuke, son petit frère dans l'anime, qui l'a tué, parce qu'il le haïssait de toute ton âme. Mais après, il a appris qu'il avait fait ce qu'il a fait - je t'expliquerais après - pour lui sauver la vie, et il lui a pardonné. Il a ressuscité - je te passe les détails - et les deux frères ont combattu un mec ensemble. Et après, il est reparti au ciel. Ton frère ne t'a pas raconté la sordide histoire des Shinai ?

- Dans les grandes lignes. Le clan aurait été tué dans un véritable massacre.

- Massacre perpétré par Taihichi lui-même. Le seul survivant, c'est Totsuke.

- Ce manga est très sanglant et sombre. J'avais l'impression qu'on y riait beaucoup, soufflé-je, baissant les yeux.

Je me désintéresse de la conversation en me reculant doucement. Les deux amis sont repartis dans de grands laïus, ventant les qualités de l'auteur, des génériques de fin et de début. Ils ne se rendent pas tout de suite compte de ma désertion, mais cela ne me dérange pas plus cela. Cela fait du bien de voir deux amis qui se retrouvent.

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