Mars - 2

(sexe)


- N'empêche, je me dis que si tes parents avaient pu rencontrer les miens, ils se seraient bien entendus. Ils sont tous les quatre complètement imprévisibles.

Nous sommes sur mon lit, allongé comme « des crêpes » d'après Valentin. Il a placé ses mains en l'air, observant le ciel depuis mon toit de serre, tout en prononçant cette phrase. Je ne peux qu'acquiescer, bien que toujours troublé.

- Justement, là est le problème. Mes parents n'ont jamais été imprévisibles. Ils sont comme moi, extrêmement carrés et cartésiens. Ils réfléchissent pendant longtemps avant d'agir. Ce qu'ils nous ont servi dans la voiture ne leur ressemblait pas le moins du monde.

- Tu veux dire, nous larguer chez toi sans préavis en nous disant qu'on a la maison pour nous, alors qu'on a que dix-sept ans ? Partir en week-end en République d'Irlande avec une voiture louée ? Ce genre de chose ?

- Oui, ce genre de chose. Je sais que nous avons de l'argent et que mes parents sont très économes, mais tout de même...

Le blond se retourne vivement vers moi en se mettant sur le ventre. Il approche sa tête en se glissant sur le couvre-lit, comme une étrange créature reptilienne.

- Serais-tu en train de te plaindre d'être seul avec ton petit-ami tout à fait mignon et disponible ? Que si nous le souhaitons, nous pouvons diner devant la télévision, et nous sauter dessus entre les pubs ? Ou même faire une danse d'enfer dans la salle à manger en hurlant les paroles alors que nous ne les connaissons pas ? Franchement, qui n'a jamais rêvé de faire ça ?

- Moi. Mais je suis quelque peu étrange, tu peux l'avouer.

- T'es un drôle de phénomène, tu veux dire.

Il me caresse la joue, tout doucement, en souriant.

- Mais je suis très heureux de t'avoir rencontré. Tu ne peux pas imaginer.

Je l'embrasse avec douceur et il rit entre les baisers. Vexé comme un pou, je me dégage de ma position et me lève, observant l'heure sur mon réveil digital. Vingt-deux heures vingt-huit. Une idée me vient alors, mes lèvres réclamant encore la présence de Valentin.

- Je te propose un jeu de société. Tu vas nous préparer des chocolats chauds spéciaux, pendant que moi, je mets tout en place. Je t'expliquerais quand tu seras revenu.

- Ça m'intrigue ! s'excite-t-il en sortant de la pièce, tel un boulet de canon.

Au loin, je l'entends pester contre les plaques de cuisson, les placards et même ce pauvre réfrigérateur. Je ne peux pas m'empêcher de sourire en sortant le Monopoly de sa boite, et en distribuant les cartes complètement au hasard, ainsi que l'argent, en très petite quantité. Je construis également quelques maisons sur des endroits stratégiques et je patiente, en allant chercher des coussins pour que nous soyons confortablement installés sur le sol. Je sens que Valentin va râler du fait que nous ne sommes pas installés sur le lit, mais je n'en ai que faire. Il faut qu'il soit vide de toute pièce de jeu.

- Eliot, tu pourrais m'ouvrir la porte, je te prie ? entendis-je.

Je m'exécute en prenant soin de ne pas réduire mon installation en miettes. Le blond m'apparait alors chargé de deux tasses, ce qui ne doit ni léger ni agréable pour les mains. J'ai vite fait de lui présenter des dessous de verre afin de les déposer sur le sol, pour ne pas le tacher.

- La recette est différente de celle que je t'ai faite en décembre, mais tu verras bien, je ne te gâche pas la surprise. Et toi, tu as préparé un Monopoly ? Tu sais qu'à la base, il ne doit rien avoir sur le plateau ?

- Ton chocolat est spécial, mon jeu est spécial également. Mets-toi à l'aise, je t'explique mes nouvelles règles.

- Je ne sais pas si je dois adorer ou avoir peur de cette petite lueur dans les yeux, déclare-t-il en s'asseyant sur le coussin que je lui ai préparé.

- Pour reprendre tes mots, tu verras bien.

Je trempe mes lèvres dans le breuvage apporté et fronce les sourcils. En effet, il n'y a pas ce gout de miel qui m'avait tant plu la dernière fois. Je perçois quelque chose d'autre, qui ressemble à du café. Je ne parviens pas à déceler ce que c'est.

- Qu'est-ce donc ?

- Ah ah, je me doutais bien que tu ne trouverais pas ! Figure-toi qu'en cherchant le chocolat en poudre, je suis tombé sur une cachette secrète d'alcool dans la cuisine. C'est de la crème de whisky. Ne t'inquiète pas, je n'en ai pas mis beaucoup, juste pour rehausser le gout.

- C'est... différent.

- Je sais, c'est un peu le but. Et maintenant, tu m'expliques ton jeu bizarre ? C'est la version japonaise ?

- Non, c'est la version « nous sommes deux adolescents dans une maison vide de parents ».

- Oh.

Il rougit jusqu'à la pointe de ses oreilles et se cache légèrement derrière sa tasse. Je ris, fier de moi. Me raclant la gorge, je reprends mes règles.

- Comme tu peux le remarquer, il n'y a pas beaucoup d'argent, les cartes de propriétés sont déjà distribuées, ainsi que les maisons. Tu avances ton pion comme d'habitude, et lorsque tu manques de moyen, et que tu tombes sur une de mes habitations, je déciderais du prix. Au bout de dix minutes, nous rajouterons des hôtels. Et comme tu peux te l'imaginer, plus le prix est élevé, plus la demande le sera.

- Et, juste pour savoir, quels seraient les tarifs ?

- Un vêtement, par exemple. Ou un massage. Pour les hôtels, je ne me prononcerais pas.

Je ne perds pas pied, malgré le jeu que je suis en train de proposer, contrairement à mon voisin. Celui-ci semble ne plus savoir où se mettre, tant il est gêné.

- Si tu ne veux pas, nous pouvons très bien reprendre une partie normale. Je ne te force à rien.

- Ah si ! hurle-t-il presque. Ça me plait ! C'est juste que je suis en train de me demander... comment tu es devenu si... imaginatif et... euh... lubrique ?

- Tu l'as dit toi-même. J'ai en face de moi un petit ami tout à fait mignon et disponible. Je m'inspire donc de lui.

- C'est une bonne chose. Tu devrais le faire plus souvent. Je dirais même tout le temps.

Il saisit les dés en prenant une respiration, se choisit un pion en forme de téléphone portable, et commence à avancer. Il tombe tout d'abord sur une case lui appartenant. Je joue à mon tour, et atterris sur une de ses maisons. Je paie le prix demandé, avec mes billets, mais me voilà déjà presque ruiné - ce qui est fait exprès, je ne suis pas le seul à en profiter. Le tour de Valentin revient, et il arrive sur une gare. Malheureusement pour lui, le hasard a fait que je les possède toutes. Il n'a donc pas assez de monnaie pour me payer.

- Bien, afin de vous quitter de votre dette, monsieur, vous devez enlever vos chaussures, ainsi que vos chaussettes.

- Vous n'êtes pas très demandeur, s'amuse-t-il, en prenant bien son temps.

Je lance les dés, obtiens un six, et glisse vers une des cases du blond. J'avale bruyamment ma salive, car je sens que je ne vais pas être gâté.

- Comme t'as plus de sous, tu me donneras ton haut, je te prie.

- Pardon ?

- Bah oui, c'est une case bleue foncée, tu casques. Et moi, je ne suis pas comme toi, je profite de la situation. Et si je peux mater ton torse en tout état de cause, je ne me gêne pas.

Je perds légèrement contenance, mais la reprends bien vite, en le voyant arriver sur une de mes cases. J'exulte à l'idée de lui rendre la pareille.

- À ton tour, de retirer ton haut.

Et nous continuons ainsi, jusqu'à ce qu'il ne reste que nos sous-vêtements. Le chronomètre que j'avais enclenché pour dix minutes nous annonce qu'il est temps de mettre en place les hôtels. Pour pimenter la chose, je n'annonce les prix qu'au moment où le blond tombe sur mes cases. Mais avant toute chose, je m'inquiète de son consentement.

- Si tu désires ne pas faire quelque chose, dis-le moi. Je ne veux pas te forcer.

Il hoche la tête et nous reprenons notre petit jeu. Depuis que nous avons peu de vêtements, il prend de plus en plus de poses lascives lorsqu'il demande les dés ou bouge son pion. Je l'imite en tout état de cause. Joueur, il est le premier à lancer les dés. Je l'observe compter mentalement les cases, puis avancer le pion.

- Oups, je suis chez toi.

Et c'est à ce moment précis que je me rends compte que je ne suis plus le maitre de ce jeu, et que je me suis fait avoir en beauté. Parce que je suis extrêmement frustré par mes propres règles, et que je n'ai qu'une envie, lui sauter dessus. Malheureusement, je ne peux pas lui demander cela, cela casserait toute l'ambiance que nous avons construite.

- Embrasse-moi ici, désigné-je, juste au coin de ma bouche.

Il s'exécute avec une lenteur cruelle et laisse plus longtemps que nécessaire sa bouche contre ma peau. En se reculant, il s'assure que je me plonge dans ses grands iris. Oui, je me suis fait devancer, et il est bien plus doué que moi à cet exercice.

- À toi.

Bien entendu, je tombe sur une de ses cases, et bien entendu, il fait semblant de réfléchir pendant de longues minutes avant de m'annoncer le prix.

- Un massage des épaules, pendant deux minutes.

Il s'avance vers moi, se retourne en me fixant langoureusement, et laisse apparaitre la peau de son dos nue. Je réchauffe mes mains que je sais froides en les frottant l'une contre l'autre, et commence le traitement demandé. C'est une torture de le toucher, mais surtout de devoir arrêter. Sa peau est chaude et la mienne en veut toujours plus, toujours plus longtemps. Mais le vil être s'en retourne vers sa place en continuant à me fixer.

Je décide donc de me venger, attendant avec impatience son tour. Il tombe sur une case avec deux hôtels, ce qui me ravit plus qu'autre chose. Ma vengeance peut donc être parfaite.

- Je désire également un massage des épaules. Mais face à moi, non dans mon dos.

- Serais-tu en train de te venger ?

- Tout à fait. Maintenant, approche-toi.

Je me place tout à fait sur les genoux, pour être le plus droit possible. Le sol de ma chambre commence à me faire mal, mais je n'en ai que faire. Cette vengeance me fait grandement plaisir.

Valentin glisse donc ses mains sur ma peau et je frissonne, au point d'en avoir des frissons sur les bras. Je l'oblige presque à me regarder droit dans les yeux, pour que le plaisir soit encore plus intéressant.

- C'est une torture, tu le sais, hein ?

- Je le sais. Je tiens à te dire que ça l'est également pour moi.

Il s'arrête dans ses mouvements et déplace l'une de ses mains sur ma joue. Ses yeux brillent tellement que je ne peux pas résister. Je m'avance et renverse mon pion sur le plateau. Il sursaute, mais je lui fais comprendre que ce n'est pas important.

- Maintenant, je te demande de m'embrasser, glissé-je, me rapprochant toujours plus.

- Et le jeu ?

- Je n'ai plus envie de jouer. Ma seule envie, pour l'instant, c'est toi.

Je n'ai pas eu à le dire deux fois.

***

Je me réveille à cause de vibrations plutôt violentes. Pestant contre moi-même de ne pas avoir éteint mon téléphone, je l'attrape d'une main, en bousculant quelque peu mon voisin de couche. Celui-ci grogne comme ce n'est pas pensable, fâché d'être sorti du sommeil aussi violemment.

- Y s'passe quoi ? baragouine-t-il entre les coussins.

- Mon frère m'appelle.

- Franchement, il n'a pas de pitié ou quoi ? Aussi tôt dans une matinée ?

- Il est presque onze heures, Valentin, ris-je. Et d'après mon centre de notifications, ce n'est pas le premier appel, mais le troisième en moins d'une heure. Je pense qu'il s'inquiète. Il faut que je le rappelle, où il risque de passer ici. Et je n'en ai pas réellement envie.

- Oh, bah tiens, ça me surprend, ça, se moque-t-il, en me donnant un coup de pied dans le lit.

Je lui offre une grimace que l'on pourrait comparer au crachat d'un chat en colère, et clique sur Callahan dans mon journal d'appels manqués. Il répond presque immédiatement.

- Je te laissais encore cinq minutes et ensuite, je venais te chercher par la peau des fesses.

Valentin pouffe entre les draps de la comparaison. Je pense que c'est surtout parce que lui, il peut la prendre au sens littéral, surtout dans cette position.

- Désolé. J'étais particulièrement épuisé du voyage, déclaré-je en tentant de faire taire mon bruyant voisin.

- Je ne te crois pas, mais je ne suis personne pour juger. J'image que l'estomac sur pattes que j'entends bouger à côté de toi a faim ? Est-ce que ça vous dirait de faire un brunch, avec Daisy, Lola et moi ?

Je n'ai même pas besoin de mettre le haut-parleur, puisque Valentin semble avoir entendu. Il m'arrache le téléphone et répond pour nous deux.

- Carrément, surtout si tu paies pour nous ! T'as une adresse ou quelque chose ?

- Je l'envoie sur le portable de mon petit frère, si tu veux bien. C'est un endroit très sympathique, vous verrez. Et ne tardez pas trop, s'il vous plait.

Ils raccrochent sans me demander mon avis et le blond se lève d'un bond du lit.

- Preum's pour la douche ! hurle-t-il en claquant la porte derrière lui.

Je reste pantois dans la chambre, avisant mon téléphone qui vibre à nouveau. Sans doute l'adresse envoyée par Callahan. Je l'avise, la colle dans l'application de GPS et hausse un sourcil d'étonnement. Ce n'est pas un restaurant, mais une résidence. Quel est donc cet endroit ?

- Et voilà, un Valentin frais et dispo, déclare mon petit-ami en sortant de la pièce d'eau, un filet de vapeur le suivant.

Il a revêtu une de mes chemises, légèrement trop grande pour lui - alors qu'elle est ajustée lorsque je la mets. Le pantalon est l'une de ses possessions, qu'il avait amenée avec lui à Paris et qu'il n'a pas dû beaucoup mettre. Son air est globalement chic, ce qui varie de ses sweats et autres jeans. Je décide de m'habiller globalement de la même manière, après mon passage à la douche, bien que mes couleurs soient plus foncées, et que je rajoute un pull à manche longue pour éviter d'avoir froid. Le blond semble mal à l'aise avec ma chemise, qu'il ne cesse de triturer au niveau des poignets.

- Tu n'es pas à l'aise ? dis-je en commençant à ranger le désordre que nous avons mis hier soir.

- Non, mais j'aurais préféré que tu ne le remarques pas. Est-ce que ça te dérange qu'on en parle à un autre moment ?

- Tu n'es pas obligé de me répondre en détail si tu ne le désires pas. Je ne veux pas te brusquer.

- Tu ne me brusques pas. C'est juste que ça va un peu plomber l'ambiance, et je pense qu'on va en discuter pendant un long moment, ce qui fait qu'on va être en retard pour bruncher avec ton frère.

- D'accord, comme tu le souhaites.

Nous nous mettons donc en route pour l'adresse indiquée par Callahan. Étrangement, Valentin ne semble pas surpris que nous nous dirigions vers un quartier résidentiel en bordure de Belfast, et non un restaurant. Il me lance même quelques regards, comme pour vérifier quelque chose. Lorsque nous arrivons devant un immeuble quelque peu délabré, vu de l'extérieur, il prend les devants. Il sonne sans réellement vérifier le numéro, comme s'il se rendait chez un ami proche. Il m'attrape la main pour me guider dans les escaliers et nous cavalons jusqu'au cinquième étage. Au 5 F, il toque.

- Vas-tu m'expliquer ?

- T'inquiète pas, tu vas vite comprendre.

Nous n'avons pas longtemps à attendre, puisque mon frère vient nous ouvrir, un grand sourire aux lèvres.

- Bienvenue chez moi, les garçons !

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top