Juillet - 1

Le A-Level est l'équivalent anglais de notre cher baccalauréat. Comme nous, il se passe en deux ans, et est très important pour l'inscriptions aux universités, par qu'elles basent leur critère de sélection là


Pour le commun des mortels, juillet rime avec vacances et soleil. Au Royaume-Uni, le mois de juillet rime surtout avec stress et contrôles, en particulier pour les year 13 et 14, qui doivent affronter les examens finaux, les A-Level. Et pour moi, juillet rime également avec mon anniversaire, qui tombe, cette année, en même temps que notre libération scolaire. Bien entendu, je n'ai rien dit autour de moi, parce que je souhaite avant tout me concentrer sur mes examens. Je n'ai, certes, que quatre matières à réviser, mais elles sont extrêmement importantes et définiront mon avenir universitaire.

Comme nous sommes exemptés de cours, nous nous retrouvons, avec Valentin, pour des séances de révisions intensives à la bibliothèque, sous l'œil maternel de Madame Fireworks. Nous n'avons pas reparlé de son comportement étrange à la dernière réunion des maisons : j'ai rapidement compris qu'il s'agissait ici d'un sujet particulièrement sensible, et je ne désire pas pousser le bouchon trop loin. Il se confiera à moi lorsqu'il sera prêt et qu'il me fera pleinement confiance. Moi, de mon côté, je ne lui ai même pas parlé de mon anniversaire.

Lorsque nous sommes plongés dans les livres, il m'arrive très souvent et avec une rapidité sans pareille de me désintéresser de mes cahiers de notes pour me pencher vers la fenêtre et me lancer dans l'observation du ciel. Chaque fois que je me perds de cette manière, le blond me secoue par l'épaule et me rappelle à mes devoirs d'étudiant.

- Comment fais-tu pour comprendre cette matière ? C'est illisible ! Incompréhensible ! Je dirais même détestable !

Parfois, je me demande pourquoi il a choisi ce sujet-là s'il ne parvient pas à l'assimiler. Sans doute une obligation parentale ou professorale, pour ne pas se fermer trop de portes. Ce doit être la même chose pour les sciences, dont j'ai entendu parler le jour de ma rencontre avec lui.

- Crois-moi ou non, je déteste tout autant que toi les mathématiques. Je n'écoute pas en cours, je ne m'implique pas, et on ne peut pas vraiment dire que je travaille une fois chez moi. Mais je comprends ce que j'écris. Tu as le droit de me détester, parce que ce n'est pas juste par rapport à d'autres personnes qui se donnent du mal pour réussir, mais qui n'y parviennent pas. Des personnes comme toi, par exemple

Je m'attends à une explosion de colère sur mon comportement je-m'en-foutiste vis-à-vis des mathématiques et de mes notes qui ne sont pas mauvaises, loin de là. Pourtant, Valentin sourit et me fixe les yeux brillants, comme un enfant devant une vitrine de friandises. Il tient son manuel d'algèbre entre ses mains, comme une sorte de trésor.

- Explique-moi, s'il te plait !

Ses doigts tremblent, mais son regard ne bouge pas d'un moindre centimètre. Étrangement, je n'ai pas besoin de réfléchir à la réponse. Elle me vient d'elle-même.

- Bien sûr que je vais t'aider. Je suis ton ami, rappelle-toi.

Son sourire devient soudainement bien plus lumineux et joyeux et aplatit ses deux mains sur la couverture, pour se rapprocher de moi dans un grand mouvement - quelques personnes dans la salle se retournent en fronçant les sourcils.

- Tu me sauves, Eliot !

Je roule des yeux à l'utilisation de ce mot assez fort de sens, mais ne fais aucune remarque. J'attrape l'objet qu'il me tend et demande à mon nouvel élève ce qui pèche. Il se penche vers les formules et touche mon omoplate au même moment. Sa chaleur corporelle me traverse de part en part et j'écarquille les yeux, surpris. Pourtant, je ne me recule pas et reste dans cette étrange position, mon épaule contre celle de Valentin.

Il s'avère que le blond ne comprend pas les trois quarts du programme de mathématiques. J'essaye de lui expliquer simplement, sans les complications apportées par son professeur et les formules à plusieurs inconnues. Lorsque nous arrivons aux probabilités, une idée germe dans mon esprit.

- Est-ce par hasard, tu lis des bandes dessinées, ou des mangas ou même une série de livres étendue ?

- J'achète les tomes d'une seule série de manga, Marato, mais elle est super longue. J'ai commencé par le numéro trente-neuf parce que c'est le début de mon arc préféré. J'ai continué et il m'arrive d'en avoir d'occasion, surtout dans la première moitié de la série. J'en ai vingt-neuf sur les soixante-neuf déjà sortis.

- Bien. Alors tu me calcules d'abord le prix de tous les mangas qui te manquent, si tu les achètes neufs. Ensuite, tu fais la probabilité pour que tous ces tomes soient disponibles d'occasion, et tu recalcules le coût total. Ce sont tes deux bornes externes, le plus cher et le moins cher. Quand tu as terminé, préviens-moi.

Je le laisse faire ses additions et me concentre sur mes propres révisions de littérature anglaise. Il finit étrangement rapidement et a tout juste. Quand je fais la correction, il n'en croit pas ses yeux ni ses oreilles.

- Tu as tout bon. Entièrement.

- Sérieusement ? J'ai vraiment juste ? demande-t-il, des étoiles dans les l'intérieur de ses pupilles.

- Oui, c'est totalement correct. Maintenant, essaye de te faire une aide pour réussir à nouveau ce genre d'exercice. Tu peux le faire avec toutes les autres notions dont je te parle. Cela peut t'aider, j'en suis certain.

- Ce dont je suis certain, c'est que toi, tu m'aides ! Tu me sauves littéralement la vie ! Merci, Eliot, merci beaucoup.

- De rien, imb... Valentin.

Il sourit à l'entente de son prénom - et non de ce surnom malvenu - et continue ses exercices. De mon côté, je tente de me concentrer sur les miens, sans grand succès. Mon cœur bat bien trop rapidement, la chaleur de l'épaule de mon ami sur la mienne me manque subitement et je ne parviens pas à réguler mes pensées, toutes dirigées vers lui. Je me prends la tête entre les mains, respire de grandes goulées d'air et recommence la lecture de mes notes. Concentration et ignorance sont les maîtres mots de cette séance de travail. Il le faut. Pourtant, Valentin me tape doucement l'épaule dès que j'ai repris l'apprentissage de mes leçons de littérature.

- Ça va ? Tu te sens mal ?

Je relève la tête pour découvrir la sienne à quelques centimètres. Mes rougeurs reviennent à une vitesse impressionnante, comme mes battements de cœur qui s'affolent à nouveau. Même si mon visage et mon état général disent le contraire, je réponds.

- Oui, oui, ne t'inquiète pas et concentre-toi sur ce que je t'ai donné à faire.

Je pourrais presque penser que cette remarque est malvenue, car dans l'histoire, c'est moi qui ne suis pas attentif sur ce que je fais. Oui, il faut que je me concentre et que je cesse de songer à l'imbécile heureux qui se trouve à côté de moi.

***

Les examens se déroulent sur une semaine entière, dans un rythme effréné. Nous n'avons pas le temps de souffler, ni même de manger correctement à la pause de midi. Nous sommes tous avec nos cahiers, nos fiches et nos feuilles, tentant une dernière fois de comprendre un principe qui nous échappe ou d'enregistrer une donnée pécheresse dans notre tête. Valentin est tellement occupé qu'il en oublie de me parler, sauf pour me demander pourquoi je ne révise pas. Pour ne pas me le mettre à dos, je lui décrète que je me fiche complètement de mes études, ce qui a le don de le surprendre totalement. La première fois que je lui ai fait part de ma vision de l'école, il a tout simplement reculé de quelques pas, écarquillé les yeux et a lâché le livre d'anglais qu'il tenait. Il m'a ensuite demandé :

- Mais tu te fiches réellement de tes études ? Mais tu sais que ce sont elles qui te mèneront à un travail, à un salaire et à ton indépendance ? Tu ne seras pas lycéen toute ta vie, Eliot.

- J'en suis conscient. Je vais donc reformuler ma phrase. Je me moque de mes études de lycéen, de ce qu'on nous enseigne ici. J'ai largement le niveau dans presque toutes les matières qu'on essaye de me faire aimer, et il m'arrive de remettre les professeurs en place sur ce qu'ils nous racontent. De plus, j'ai une mauvaise tendance à être exclu de cours, et je ne suis pas vraiment en bons termes avec mes camarades de classe. Tu ne crois pas que j'ai une bonne raison pour faire ce que fais ? Je me fiche de l'école.

- Pourquoi continues-tu à y venir alors ? Tu pourrais faire une formation comme ton grand frère par exemple et reprendre la boutique de fleur de tes parents. Ça ne te conviendrait pas mieux ?

- Non, parce que pour revenir sur ce que tu as dit avant, les études dans ce lycée me permettront d'arriver à mon but : l'université et toutes ses possibilités. Je pourrais enfin faire de la littérature à longueur de journée, comme je l'entends. C'est ça mon objectif. Mais ne t'inquiète pas, je continuerais à t'aider si tu as besoin de moi pour tes révisions.

- Est-ce que je te fais pitié, Eliot ? Est-ce que je suis comme un petit chaton que tu aurais recueilli dans une boîte de carton, que tu aurais nourri et soigné, puis relâché dans la nature sans t'en intéresser plus que ça ? Est-ce que je suis un chaton abandonné pour toi ?


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