Février - 4

Dramaaaaaaaaaa, et il ne faut pas s'habituer à cette vitesse d'écriture, je triche encore, il est réécrit depuis janvier.


Ce dimanche est d'une tranquillité sans pareille. Il est plus de seize heures de l'après-midi et je suis encore dans le lit qui m'a été donné. Valentin a migré à côté de moi et s'amuse avec les plis de mon sweat qui semble doux - il l'est en tout cas sur ma peau.

- Tu ne crois pas qu'on devrait s'éloigner un peu ? Pour ne pas être surpris par les parents de Pedro qui viendraient nous chercher pour manger un goûter ou encore visiter le quartier.

- Ne t'inquiète pas, je suis tenu au courant des agissements de ses parents par téléphones interposés. S'ils se dirigent vers nous, je le saurais immédiatement.

- Oh.

Le visage de Valentin s'illumine d'un grand sourire craquant à souhait. Il arrête son petit jeu avec les habits et se rapproche de mon visage, me touchant les joues du bout des doigts.

- Alors, je peux t'embrasser ?

- Oui, tu le peux.

Comme si c'était possible, le sourire augmente sur ses lèvres, avant que celles-ci ne viennent se coller contre les miennes. Je prends une grande respiration par le nez et le rapproche plus encore de moi. C'est agréable, comme sensation. C'est même bien plus que cela et le blond le comprend très rapidement. Les baisers se font plus fougueux, plus passionnés également.

Jusqu'à ce que mon téléphone nous coupe dans nos mouvements.

- On ne peut pas être tranquille cinq minutes. C'est soulant, à la longue.

Je l'attrape et le place devant mon nez, toujours sur le dos. Mais ce n'est pas Pedro qui me contacte pour me prévenir, mais quelqu'un d'autre. En temps normal, j'aurais ignoré le message pour reprendre nos activités. Mais il s'agit de ma sœur, qui doit sans doute répondre à ce que je lui ai envoyé hier. J'ouvre l'application dédiée et découvre une bulle d'une longueur conséquente.

Salut Eliot !

Je suis d'abord contente que tu sois bien arrivé à Paris ! J'y vis depuis pas mal d'années maintenant et j'aime bien certains aspects. N'hésitez pas à jouer les touristes à fond, visitez les musées, et promenez-vous au bord de la Seine (en plus, c'est vachement romantique, ça devrait plaire à ton cher et tendre) (oui, je suis une vieille personne, j'utilise de vieilles expressions, qu'est-ce que tu vas faire, hein ?) Enfin bon, comme tu le demandais, moi, je suis installée à Belfast. Je suis allée voir Callahan à la boutique de fleurs, comme il me l'avait soumis. J'ai rencontré sa copine, mais pas qu'elle. J'ai vu aussi notre père.

Alors oui, ce petit message va devenir nettement moins sympathique. Parce que ça n'a pas été sympathique. Je ne crois pas que j'ai eu besoin de me présenter, il a tout de suite vu qui j'étais. Il a paniqué, complètement. Il m'a dit de me cacher, il a hurlé sur son fils. Pas vraiment une bonne impression, je dois t'avouer. Mais attends, ce n'est pas tout. Parce que votre mère est arrivée de la serre, toute gentille, toute mignonne. J'avais l'impression que mon cœur pesait mille tonnes.

Et tout est parti en véritable vaudeville. Elle s'est interrogée sur ma présence, sur mon identité. Que voulais-tu que je dise, je n'allais pas non plus raconter n'importe quoi et inventer un nom ! Forcément, elle a tiqué au nom de famille. Et... James a alors tout dévoilé, comme une fontaine. Oui, c'est ça, une fontaine. Il a raconté la rencontre avec ma mère, lorsqu'il s'est expatrié en France quelques semaines, après une énorme dispute avec votre mère, juste après leur mariage. L'alcool et la tristesse n'ont pas aidé, il s'est retrouvé avec ma mère. Honteux, il a fini par rentrer en Irlande en se rendant compte que sa femme était la seule, et il a tenté de supprimer cet évènement de sa mémoire. Sauf que la vie est une trottinette (ça, c'est de moi, par contre) et qu'il a retrouvé cette femme au mariage de son frère, enceinte (de moi, du coup). Elle lui a dit que c'était lui le père, lui a demandé de prendre ses responsabilités. C'est pour ça qu'il est présent sur le livret de famille. Son frère l'a appris, a préféré pardonner sa future femme plutôt que son propre frère. Ils ont inventé cette histoire abracadabrante d'héritage familial pour justifier leur séparation.

Ta mère n'a pas su comment réagir. Elle a pleuré, elle a pris ses affaires et elle est partie, en me regardant avec pitié. Personne n'était bien, alors j'ai préféré m'en aller pour t'écrire ce message. Je suis vraiment désolée d'être aussi abrupte. Je pense que toi aussi, ton cœur pèse mille tonnes.

J'ai l'impression de tomber d'une falaise. D'une falaise extrêmement haute. J'ai l'impression que j'ai la berlue et que je rêve.

Les questions tournent dans ma tête, la colère envahit mes veines, de même qu'une grande déception et des regrets sous-jacents. Je savais déjà que mon père avait trompé ma mère, mais l'apprendre de manière plus officielle me brise le cœur, tout simplement. Je regarde partout autour de moi, mais mes yeux ne s'accrochent sur rien. Je suis surpris, choqué, désappointé. Mon vocabulaire est trop pauvre pour que je puisse correctement exprimer mes sentiments. Je me lève du lit comme un automate, avant d'ouvrir la fenêtre et de laisser le vent s'engouffrer dans la pièce. Je regarde le ciel, gris annonçant la pluie. Le bleu n'est même pas présent pour me réconforter. Alors, écoutant le vent, écoutant l'eau qui finit par jaillir des nuages, j'ai envie de hurler. Ma voix reste pourtant coincée au fond de ma gorge. Je ne fais que sangloter, le cœur en vrac, les yeux me piquant allègrement.

- Eliot ? Ça va ? Ça fait plus de dix minutes que tu ne dis rien. Tu viens d'apprendre une mauvaise nouvelle ? Et puis tu devrais fermer la fenêtre, il pleut.

- Ma famille est en train d'exploser, lâché-je de but en blanc.

Je ne me retourne pas, je ne me calme pas. Je reste figé, telle une statue de sel. Je n'entends pas les pas de Valentin sur le parquet, je n'entends pas son exclamation de froid dû au fait qu'il quitte les couvertures. Je suis enfermé dans mon silence. J'espère simplement que le blond, dans tout son bruit, sera capable de m'en sortir.

Il arrive à mes côtés, les sourcils froncés, prêt à me demander pourquoi je ne dis plus rien. Je n'ai pas besoin d'ouvrir la bouche, il voit par lui-même les larmes striant mon visage. Le semblant de colère déformant ses traits se transforme en une réelle inquiétude. Il se place face à moi, devant la fenêtre. Je ne suis toujours pas calmé, je n'arrive pas à articuler le moindre mot, la moindre syllabe. Le silence enserre mes lèvres et mon cœur. Je crois n'avoir jamais eu aussi mal dans ma courte existence.

Le blond, sans bruit, vient m'enlacer avec une extrême douceur. Ses douces mains viennent chercher les plis de mon sweat pour les lisser, comme il pourrait le faire avec la tristesse qui brouille mes yeux. Si, au départ, je reste amorphe contre lui, enfermé dans mon état, cette tendresse ouvre doucement les portes verrouillées. Mes bras reprennent une parcelle de vie et je les déplace lentement vers le dos de Valentin. Ce mouvement a pour effet de me débloquer totalement. Mes mains accrochent le tissu du t-shirt du blond et je le rapproche davantage de moi. Ma tête amorphe vient se placer le creux de son cou et j'y déverse le reste de larmes qu'il me reste.

Nous restons dans cette position de longues minutes. Les larmes finissent par cesser, taries au fond de mes pupilles, mais je ne parle toujours pas. Sentant Valentin s'éloigner de moi, je le retiens par un bout de son t-shirt. Ma vue est brouillée et je ne parviens pas à voir sa réaction - je n'ai même pas pris la peine de remettre mes lunettes. Je le ramène contre moi et je murmure, oubliant mon vocabulaire et le reste de mes mots.

- Pars pas, je t'en supplie. Me trahit pas, reste avec moi. Embrasse-moi pour que j'oublie tout ça.

Je ne suis jamais apparu si faible, si vulnérable, la coquille si brisée. Je suis un petit animal, qu'il faut consoler. Je suis le chaton abandonné dans son carton, miaulant sous la pluie. Les larmes reviennent envahir mes yeux bien que je pensais ne plus en avoir.

- Je ne compte pas partir, mais je ne compte rien faire de plus que t'enlacer. Est-ce que tu te sens capable de parler ? De m'expliquer plus en détail ?

- Asuka a rencontré mon frère et mes parents. Mon père a tout dit... Tout... Ma mère, elle... glissé-je, reniflant sans grâce. Je... j'ai pas envie d'en parler...

Je cherche à l'embrasser pour trouver cette parcelle de réconfort qu'il me manque cruellement. Il m'évite sans me faire le moindre mal. Les pleurs continuent de plus belle.

- Tu vois, tu me laisses tomber aussi... Tu veux même plus de moi.

Je lui pleure à moitié dessus. Ce n'est pas très beau et son t-shirt ne ressemble à rien. Il m'attrape par les épaules et me regarde droit dans les yeux. Je le vois à moitié, tout en reniflant.

- Non, je ne te laisse pas tomber. Pas du tout. Je suis là pour toi, pour que tu arrives à digérer ce chamboulement dans ta vie. Je peux te réconforter, mais pas comme tu le demandes. Parce que j'aurais l'impression de profiter de toi et de ta soudaine faiblesse. Je t'aime, j'adore ce qu'on fait, mais pas de cette manière-là. J'ai pas envie de mettre le consentement à la poubelle.

Le désespoir m'envahit de toute part et je me laisse engloutir sans aucune résistance. Je bascule ma tête vers la naissance du cou de Valentin, appuyant mes mains sur ses épaules. Mes poings sont resserrés sur eux-mêmes. J'alterne entre la colère et l'intense tristesse.

- Alors, ne me laisse pas partir, je t'en supplie. Reste là, tout contre moi.

- Ne t'inquiète pas Eliot. Je compte aller nulle part ailleurs.

Nous nous asseyons sur son lit, toujours dans les bras l'un de l'autre. Je pleure toujours, recroquevillé contre lui. Il me caresse les épaules, dépose de rapides baisers sur le haut de ma tête. Il ne dit rien de plus, parce qu'il sait que les mots, ici, sont parfaitement inutiles. Pour l'une des premières fois de ma vie, le silence me fait du bien.

***

Je me réveille au milieu de la nuit. La fenêtre a été fermée, tout comme les volets, les vêtements déposés sur des chaises, les valises rangées dans les armoires. Le radioréveil vert clignote quatre heures quarante-six du matin - trois à Belfast. Les yeux à demi-ouverts, je me tourne vers mon voisin de literie. Le visage légèrement éclairé par la lueur de son téléphone portable, Valentin me regarde en souriant.

- J'attendais que t'émerges. Je répondais à Walter, il demandait comment s'étaient passés notre voyage et notre premier jour. J'ai un peu menti en racontant une superbe journée. Pedro est passé vers vingt heures et tu dormais, alors je lui ai dit que tu ne supportais pas le voyage. Je crois bien que le sommeil t'a fait le plus grand bien.

Il éteint son écran, avant de se rapprocher de moi et de placer sa tête face à la mienne.

- Tu veux en parler ? Et s'il te plaît, n'essaie pas de m'embrasser sans mon autorisation ou de faire autre chose. Ce n'est absolument pas la solution à tes problèmes, et je sais de quoi je parle.

Il saisit mes doigts sous les couvertures et les serre, avant de continuer.

- Tu peux pleurer, tu peux hurler, tu peux te taire si tu veux. Mais j'aimerais simplement que tu m'expliques les tenants et aboutissants de cette histoire. Je ne te jugerais pas, je ne suis là que pour t'écouter et pour éventuellement t'aider.

Il sourit pour m'encourager. J'enroule mes doigts autour des siens, fixe son ciel d'été que je perçois légèrement dans le noir et j'essaie de mettre de l'ordre dans mes pensées. J'attrape enfin mon téléphone portable, afin de lui faire lire le message de ma sœur. Lorsque je sais qu'il l'a terminé, je termine.

- Je crois... je crois que mon corps ne l'a pas supporté et que celui-ci s'est exprimé par les larmes. J'aurais pu hurler à la mort au bord de la fenêtre, j'aurais pu frapper le mur ou un meuble, j'aurais pu me taire et faire comme si de rien n'était. Je suis désolé de t'avoir effrayé avec mes pleurs.

- Tu m'as pas effrayé, tu m'as inquiété. J'ai cru que tu avais appris la mort de quelqu'un ou qu'il se passait quelque chose de pire. Que le pays te manquait. Je me suis même demandé si ce n'était pas moi le problème.

- Tu n'es pas le problème, toi tu es le réconfort, déclaré-je, sûr de moi.

Il rougit sous les couvertures. Il ouvre la bouche avant de la fermer, cherchant ses mots. Je déplace nos mains entrelacées sous les draps vers sa taille, que je ramène contre vers moi. Nos torses se touchent, chauds. Nous nous fixons, les yeux brillants de fatigue. Les mains dans son dos se déplacent vers sa nuque, que je caresse doucement. Il fait de même, mouvant les siennes, délaissées, vers mon visage, qu'il prend en coupe, sans me brusquer. Il fait de lents aller-retour avec le plat de la main. Cette petite entreprise dure quelques minutes, dans un parfait silence, uniquement rythmé par les battements de nos cœurs respectifs. Je ferme les yeux, bercé. Le sommeil vient rapidement me rejoindre et je m'abandonne, le sourire aux lèvres.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top