Février - 2

On se retrouve en bas pour quelques petits mots.

Mes mains sont moites. Je déteste particulièrement cette impression. Parce que cela sous-entend que je suis en état de stress ou que je ne me sens pas à l'aise. Ce qui est exactement le cas aujourd'hui. Ma sœur, qui ne sait pas que je connais la vérité à son propos, est face à moi. À l'aéroport de Belfast.

- Eliot ? Est-ce que c'est toi ? Je suis désolée si je me trompe, mais la personne que je cherche vous ressemble beaucoup et n'a pas changé sa photo de profil sur Facebook depuis quelques années.

- C'est moi. Tu ne te trompes pas.

J'avale ma salive. J'aimerais être seul face à elle, et non devant deux de mes professeures, une de mes amies et mon petit ami qui ignore totalement ce qui me tourmente.

- Oh, bah ça alors ! Mais qu'est-ce que tu fais ici ?

- Je pars en échange scolaire pendant un mois. À Paris. Ce serait plutôt à mon tour de te demander pourquoi tu viens de sortir d'un avion en provenance de Londres.

Elle roule tout doucement des yeux pour fixer toutes les personnes derrière moi. Je ne suis pas le seul à vouloir être seul avec elle.

- Madame Murray, décollons-nous dans moins de dix minutes ? interrogé-je ma professeure de littérature.

- Oh, non ! Vous pouvez aller discuter avec votre... amie aux cheveux étranges.

- Je me présente, Asuka Tanaka. Je suis sa cousine, s'exprime ladite amie, en souriant joliment. J'arrive un peu par surprise. Vous nous excusez quelques minutes ? Cela fait des années que nous ne nous sommes pas vus.

- Bien sûr. Je vous prierai juste de vérifier l'heure.

Et c'est ainsi que nous nous déplaçons tous les deux vers d'autres sièges d'attente. Je tremble comme une feuille, parce que je ne sais pas réagir face à elle. C'est une parfaite inconnue.

- Ce que j'ai dit à ta prof, c'est vrai. Je suis venue pour vous voir, avec ton frère. Lui, il est déjà au courant, mais je dois te dire quelque chose. L'idée de le faire par téléphone ne me plaisait pas du tout, et j'ai bien vu ce qui s'est passé avec Callahan. Je ne pensais pas vraiment qu'on allait littéralement se croiser.

- Je sais, Asuka. Je sais ce que tu caches, le secret que tu comptes me révéler. Je sais que tu es notre demi-sœur, à Callahan et moi.

Sa tête se baisse et elle joue avec ses doigts, appuyés contre ses jambes. Elle porte une salopette en jeans avec des collants noirs et des Doc Martens.

- Je m'en doutais qu'il allait te le dire. Tu as fait une tête bizarre quand j'ai dit que j'étais ta cousine.

- Désolé. Je suis un livre ouvert, d'après mes proches.

- Ils ont raison. Écoute Eliot, je ne sais pas du tout quoi te dire. Je ne vais pas m'excuser d'exister et jamais je ne voudrais briser votre famille. J'ai juste envie de comprendre. De vous connaître.

- En débarquant de manière aussi surprenante ? lancé-je, sarcastique.

- Je sais que ce n'est pas la meilleure solution, mais j'avais besoin de m'en aller de Paris. J'ai fait d'une pierre, deux coups, si je peux dire.

Elle n'ose toujours pas me regarder. Elle remet ses lunettes rapidement en place et continue sur sa lancée. Je l'entends à sa prise de respiration.

- J'ai l'impression de tout rater en ce moment. C'est aussi pour ça que j'ai arrêté de vous répondre. Parce que j'étais au fond du trou. Je ne m'en sors plus en médecine et mon copain se barre à l'autre bout de l'Europe, faire des photos des fjords ou un truc du genre. J'ai la tête dans le guidon et ma découverte n'a pas aidé, bien au contraire. Alors je me suis dit que quitte à tout foirer, il valait mieux foirer ça avec beauté. J'ai chopé un avion sans rien réserver et me voilà face à toi.

- C'est à mon tour de ne plus savoir quoi dire. Et crois-moi, c'est extrêmement rare.

- Je veux bien, rit-elle, en me regardant enfin.

Je lui souris et elle me répond de la même manière. C'est agréable, même si cette situation n'est pas du tout banale.

- Je pense que Callahan sera ravi de te voir. Mais évite de passer à la boutique de mes parents. Cela pourrait être peu contrôlable.

- Merci de me prévenir. Je ne veux pas déclencher une guerre mondiale.

Nouveaux rires. L'atmosphère se détend et nous nous dirigeons vers des sujets moins complexes.

- Alors ? Qu'est-ce que ça fait de partir en échange scolaire ? Tu ne m'avais pas dit que tu aimais beaucoup la France, ou quelque chose comme ça ?

Je ne peux pas m'empêcher d'étirer mes lèvres au maximum. Je suis heureux qu'elle ait retenu cette information sur moi, et que, dans un sens, elle me charrie sur ce voyage.

- J'en suis très heureux. Je vais visiter le pays qui me fait rêver depuis de nombreuses années, et je suis entouré de personnes qui comptent beaucoup pour moi. De plus, je vais étudier la littérature toute la journée. Je ne pouvais pas imaginer mieux.

- C'est trop chou ! T'as les joues rouges, comme si tu allais faire une déclaration. C'est chouette de voir des personnes aussi enthousiastes. Est-ce que par hasard... il y aurait la personne que tu aimes dans le duo qui t'accompagne ?

Je la remercie silencieusement d'avoir posé cette question de manière neutre. Étrangement, je ne cherche pas à détourner la vérité, comme si je me sentais en confiance.

- Oui. Il s'appelle Valentin et cela fait bientôt sept mois que nous sommes ensemble. Enfin, plus ou moins.

- Le petit blond qui te regardait comme s'il avait peur pour toi, quand je suis arrivée ? Bon sang, il a l'air complètement sous ton charme. C'est tellement mignon... je t'avoue que je te jalouse un peu.

- Ton petit ami n'était pas prévenant avec toi ? Je m'excuse si je fais remonter de mauvais souvenirs.

Elle balance une main devant ses yeux et me rassure immédiatement.

- Oh, non, t'inquiètes. Je suis jalouse parce qu'avec Isaac, on avait dépassé ce stade depuis longtemps. J'avais l'impression d'être embourbée dans une sale routine et que c'était en train de bouffer notre complicité. Dans un sens, je pense qu'il aurait rompu, même dans ce voyage de deux ans en Suède. Parce qu'on avait un peu oublié ce qui nous avait fait tomber amoureux. Je ne le souhaite à personne.

- J'espère que cela s'arrangera. Ou que tu trouveras une source de bonheur et de sourire autre part, dans une autre personne.

- J'ai déjà une petite idée des personnes... deux petits frères très anglais qui se ressemblent beaucoup.

Je sursaute sur mon siège et la jeune femme m'attire à elle. Au lieu de me prendre dans ses bras, elle m'ébouriffe les cheveux et rit de toutes ses dents.

- C'est marrant, j'ai envie de faire ça depuis tout à l'heure ! Tu ressembles un peu à un plumeau.

- Un plumeau ? C'est une façon d'appeler quelqu'un de sa famille ?

- Oui ! Surtout lorsque ce quelqu'un est plus jeune que soi !

Nous rions en cœur, en nous regardant dans les yeux. Je me sens nettement mieux que lorsqu'elle m'a interpellé tout à l'heure. J'ai l'impression qu'elle aussi.

- Bon, je vais te laisser, parce que ma pauvre valise doit être en train de faire le tour du tapis roulant depuis des lustres. Et que c'est assez suspect, comme colis abandonné. Je suis ravie de t'avoir vu, en tout cas. Et on reste en contact ! Raconte-moi ton arrivée à Paris, et la découverte de ton lycée. Je veux tout savoir !

Elle m'ébouriffe encore une fois les cheveux avant de s'en aller vers la réception des bagages. Avant de se tourner totalement, elle me fait un grand signe de la main.

***

- Je te préviens, je vais m'accrocher à toi comme une moule à son rocher. Les avions et ma famille, ça ne fait pas bon ménage. Je ne crois pas que je sois obligé de t'expliquer pourquoi.

- Non, en effet. Tu peux t'accrocher autant que tu le souhaites. Je suis un rocher très sympathique.

- Que ferais-je sans toi, mon cher Eliot ? glisse le blond, en me souriant amoureusement.

- Tu serais la moule de Daisy et elle, ton rocher.

Une très légère tape sur l'épaule et des remontrances.

- Ce que tu peux être romantique, franchement !

Je me penche à mon tour. Personne ne nous regarde, alors je lui glisse un baiser sur la joue. J'aimerais plus, mais je ne préfère pas tenter le diable.

- Moi aussi, je serais perdu sans toi, mon doux Valentin.

Il glisse de sa chaise comme s'il était réellement en train de fondre et me fixe droit dans les yeux. Les siens brillent comme du cristal.

- J'adore quand tu fais ça. Quand tu es toi.

- Ce n'est pas bien compliqué, tu sais.

- Oui. Mais ça fait décoller mon cœur. C'est le meilleur des avions. Et là maintenant tout de suite, je les adore.

***

- Tu te souviens quand j'ai dit que j'aimais les avions. Je rectifie ça. Je les déteste. Je ne te qualifierais plus jamais d'avion. Jamais.

Nous sommes arrivés à Londres depuis trois heures et nous prenons enfin place dans notre second appareil. Si le premier vol s'est bien passé, le second ne semble pas être du même acabit. Sur notre ligne réservée par nos professeures, Valentin est en train de paniquer.

- Respire doucement. Pense à des choses bienveillantes. Et prends mon bras ou ma main, comme tu as envie.

- Faut que tu me parles. Raconte-moi n'importe quoi, mais s'il te plaît, change-moi les idées.

Je place ma tête devant le hublot pour qu'il ne remarque pas le ciel défilant sous les ailes et je lui souris. Puis ma bouche s'active d'elle-même. Avec ces quelques paroles, je suis certain de résoudre sa demande.

- Asuka est ma demie sœur.

Comme je m'y attendais, j'ai le droit à des yeux ronds et une attention tout entière et particulière.

- Quoi ? Mais comment elle est passée du stade de cousine à celui de sœur ?

- À cause de mon père. Il a eu une aventure avec la mère d'Asuka, très peu de temps après son mariage. Nous n'en savons pas plus.

- Bon sang... Ça a dû être un sacré coup de poêle sur ta tête ! Et ton frère, il est au courant ?

- Oui. C'est lui qui me l'a appris. Asuka a pris l'avion pour venir le voir et apprendre à le connaître. Elle pensait me voir également et me faire part de la nouvelle.

- Sauf que nous, on s'en va en France et vous allez vous croiser...

Ses yeux se remplissent de pitié et sa main glisse sur la mienne. Il peut se le permettre, puis que nos deux professeures dorment à poings fermés et Daisy regarde une série sur sa tablette. Nous sommes dans une sorte de bulle.

- J'aimerais t'aider. Te soutenir dans ce moment de ta vie. Qu'est-ce que je peux faire ? s'interroge-t-il en se rapprochant plus encore.

- C'est moi qui suis censé te changer les idées et tu es celui qui m'aide. Ce n'est pas normal.

Un léger froncement de sourcil et une réponse vive.

- Hé, ne pense pas ça ! Toi aussi, tu as le droit d'aller mal. Je ne vais pas remplacer ta psy, mais je peux être ton confident, si tu en as envie.

- Pour être honnête avec toi, je ne sais pas quoi penser de toute cette histoire. J'ai discuté avec elle, mais cela ne m'a pas avancé.

- Laisse le temps faire son effet. Et moi, je suis là et je t'aime.

Il m'embrasse la joue et je le prie de poursuivre le geste vers les lèvres. Enfoncés dans nos sièges, personne ne nous voit.

***

- Notre avion est sur le point de se poser à l'aéroport Charles de Gaulle. Veuillez vous préparer à l'atterrissage.

Valentin endormi sur mon épaule, j'observe le ciel français se rapprocher de moi. Il n'est pas bleu, mais pour l'une des premières fois, je n'en ai rien à faire.

- Qu'est-ce qui se passe ? On arrive ?

Le blond se réveille doucement contre moi. Je plonge dans ses yeux.

- Oui. Nous arrivons.


Bon, bon, bon. Ca faisait presque dix jours que je n'avais rien publié, ce qui est assez rare pour moi (je veux dire, j'avais un rythme d'un chapitre par jour). C'es qu'en ce moment, je suis dans un passage à vide concernant l'écriture. La chaleur n'aide pas, parce que l'ordi est chaud sur les genoux et le téléphone a vite fait de chauffer entre les mains. Sauf qu'à chaque fois que je me penche sur une page Word, c'est le vide intersidéral. Pourtant, les chapitres me plaisent et j'aime bien l'endroit où j'amène mes personnages. C'est juste que ça veut pas.

Je pense aussi que le manque de retour sur les derniers chapitres ne m'aide pas beaucoup. Je ne dis pas ça pour vous culpabiliser mais plutôt pour être honnête avec vous.

Des bisous !

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