Avril - 6
En direct de mon superbe bunker, le der des der avant l'épilogue (et puis du Coldplay aussi, quand même)
Et je m'évapore à mon tour. Je ne fais pas attention à si quelqu'un me poursuit. Égoïstement, j'espère que Valentin est en pleine discussion avec son cousin, et qu'il a plus ou moins oublié mon existence. Cette histoire me concerne entièrement - ainsi que Lola - et je ne souhaite pas lui en parler. Je ne compte pas faire quelque chose de répréhensible avec la jeune femme, ni même rompre - c'est hors de question. J'ai le droit d'avoir des secrets.
Le De Beauvoir Park n'est pas immense, si bien que je trouve rapidement mon amie. Elle est assise seule sur un banc, et elle pleure. Je m'y attendais, mais cette vision me retourne le cœur. Je déteste voir les gens que j'aime, même platoniquement, souffrir.
- Lola... commencé-je, à bonne distance, afin de ne pas l'effrayer.
- Va-t'en, Eliot. Je ne veux pas que tu me voies dans un état pareil. Je suis horrible.
Je me rapproche doucement, et me place en face d'elle. Elle se cache au creux de ses bras, ces derniers posés sur ses genoux. Je n'ose pas la toucher, de peur de la faire fuir.
- Tu n'es pas horrible. Tu n'es pas un monstre.
- Et qu'est-ce que tu en sais d'abord ? Tu n'es pas dans ma tête. Je pourrais rajouter que tu n'es pas non plus dans mon cœur, mais ça serait te mentir.
Elle se relève et me fait face. Les larmes coulent toujours de ses yeux bleus, et son mascara est rempli d'eau. J'aimerais lui donner un mouchoir, mais je n'en dispose pas d'un.
- Arrête de me regarder comme si je te faisais pitié. Je sais que je ne ressemble à rien.
- Ce n'est pas le cas. Tu m'inquiètes et j'aimerais faire quelque chose pour t'aider. Parce que je suis ton ami.
- Tu me fais chier, lâche-t-elle en reniflant.
Je hoquette à l'insulte. Je sais qu'elle en dit, mais rarement vers nous, les personnes qu'elle fréquente.
- Tu me fais chier parce que tu es comme tu es. Je t'annonce de but en blanc que, non seulement je ne suis plus amoureuse de ma copine absolument géniale, mais qu'en plus, j'ai des sentiments pour toi, et toi, tu ne fuis pas par la grande porte. Pourquoi tu n'es pas le petit arrogant que tu étais avant ? Celui qui ne pense qu'à lui et au ciel ? Hein, pourquoi tu n'es pas comme ça Eliot ?
Je me radoucis immédiatement. Je m'accroupis à sa hauteur, et me rapproche. Je souhaite lui prendre les mains, et elle ne se retire pas. Elle a à nouveau baissé le visage, que je lui relève tout doucement, du bout des doigts.
- J'ai changé. Je suis toujours arrogant et amoureux du ciel, mais je me préoccupe également des êtres humains à côté de moi. Je suis comme cela parce que j'ai fait la rencontre de Daisy et Valentin, et aussi grâce à toi. Lorsque j'étais triste, en colère et perdu, tu as réussi à redonner au ciel ses couleurs d'antan, et jamais je ne pourrais te remercier pour cela. J'aimerais répondre à tes sentiments, mais je ne peux pas, et tu en connais la raison.
- Tu sais que ça ne m'aide pas, hein ?
- Je sais. Je voulais simplement te répondre.
Je lui souris, et m'installe à côté d'elle. Nos genoux se touchent, et cela ne me dérange aucunement. Et, tout d'un coup, elle se laisse tomber contre mon épaule, et s'accroche à mon costume.
- Pendant la nuit, j'ai pensé que je n'aurais jamais dû t'aider à te réconcilier avec Valentin, en te disant de prendre ton temps, et tout. Mais je ne sais pas où on en serait si ça n'avait pas été le cas. Je veux dire... nos aventures n'auraient pas été les mêmes. Et aussi... quand il nous a présentés à son cousin, j'ai manqué de fondre en larmes. Parce que j'ai l'impression de le trahir.
- Peut-être que je serais redevenu ce petit con arrogant qui snobe tout le monde, lancé-je en levant les yeux vers le ciel.
- Je pense que c'est la première fois que je t'entends parler de cette manière. Et aussi dire le mot con. Bon sang, tu dois être définitivement chamboulé, rit-elle, sans vie.
- Tu es ma meilleure amie, Lola. Alors bien entendu que je suis chamboulé par ton état, pour reprendre tes termes. Et je ne pense pas que Valentin se sentirait trahi. Il sait que les sentiments sont incontrôlables. Tu ne fais rien de répréhensible, je ne vois pas de mal à se tenir ainsi sur un banc.
- Est-ce que tu vas lui en parler ?
- Non. Parce que nous sommes les deux seules personnes concernées. J'en discuterais peut-être avec Callahan, mais en lui faisant promettre de ne pas le répéter, ni à sa petite amie ni à son futur colocataire.
- Je te remercie. Je me sens déjà suffisamment coupable comme ça, je n'ai pas envie d'en rajouter une couche. Je n'ose même pas en parler à Hyppolyte, parce qu'il ne t'aime pas. Désolée d'être aussi franche.
Je ris de bon cœur, la regardant droit dans les yeux.
- Je m'en doutais.
- Il te trouve vaniteux, arrogant et assez imbu de toi-même. Que de très sympathiques adjectifs. Il n'arrête pas de me dire que je ne sais pas comment je fais pour être amie avec toi, et que j'ai très mauvais goût. Il ne faut pas qu'il sache qu'il n'y a pas qu'en amitié où c'est le cas.
Elle rit aussi, mais je ne sais pas si elle est sincère. Elle sait particulièrement bien cacher ses émotions maintenant.
- N'empêche, continue-t-elle, je suis un vrai cliché sur pattes. Je tombe amoureuse de mon meilleur ami ! Franchement, je suis une pub pour le fait que l'amitié entre une fille et un gars, ça ne marche pas.
- Je ne suis pas d'accord. Notre amitié fonctionne. Les sentiments ne se contrôlent pas. Et, pour tout t'avouer, je suis également un cliché. Je suis tombé amoureux de mon meilleur ami également.
Elle m'attrape le bras, en haut de la veste de costume et le serre légèrement. Toute son expression faciale est tendue.
- Tu voudrais rester ami avec moi ? Même après ce que je t'ai fait ?
- Il n'y a rien de répréhensible dans une déclaration. Et c'est plutôt à moi de te demander cela. Je ne voudrais pas te faire de mal en restant près de toi.
Elle soupire, et me lâche. Elle ne se remet pas dans sa position initiale, et se prépare même à se lever.
- Je vais sans doute m'éloigner pendant quelque temps. Juste... pour que je digère tout ça et que je passe à autre chose. Peut-être que je me trouverais une fille bien en allant à Paris, qui sait ?
Je me lève à mon tour, comprenant que notre discussion est terminée. Pourtant, elle ne bouge pas d'un centimètre. Avec ses talons, elle est aussi grande que moi.
- Dis, achève-t-elle, est-ce que tu peux encore faire une petite chose pour moi ? Est-ce que tu m'autorises à t'embrasser sur la joue ?
Je souris et verbalise mon acceptation. Elle n'a que quelques centimètres à franchir pour atteindre la joue. Le contact ne dure qu'une seconde, et se conclut par un remerciement.
- Pas uniquement pour m'avoir écoutée. Mais juste pour être... toi.
Et elle s'en retourne vers des lieux plus fréquentés, en ne regardant pas derrière elle.
***
Je laisse le temps à Lola de se mêler à la foule avant de m'y frotter à mon tour. J'erre légèrement entre les invités que je ne connais pas le moins du monde, le temps de reprendre mes esprits. Je n'aimerais pas que j'apparaisse devant Valentin avec une figure fermée de la personne réfléchissant trop.
C'est un fait, je n'ai aucune envie de perdre ma meilleure amie. Comme l'a dit le blond, elle est un soutien, une véritable découverte. Elle me comprend parfois mieux que moi-même, et elle me conseille sur de nombreuses choses - comme cette dispute avec mon petit ami, concernant son avenir. Je peux lui confier des choses que je ne puisse raconter ni à Valentin, ni à mon frère, parce qu'elles sont bien trop privées ou les concernent.
J'ai pensé, durant la nuit, que tout cela était de ma faute. Que c'est justement parce que je lui parle trop qu'elle a développé des sentiments pour moi. Mais en y songeant à nouveau, je suppose qu'elle en avait déjà, des sentiments. Elle m'aimait d'une certaine façon - de cette même façon que moi - et le pas a été franchi sans qu'elle s'en rende compte. Même si cela peut paraître parfaite ironique au vu de la situation, c'est exactement ce qui s'est passé avec Valentin pour moi.
Alors, je saurais m'effacer si elle le désire. Je ne discuterais plus avec elle de sujets délicats. Peut-être pourrais-je commencer à écrire un journal intime ou quelque chose comme ça ? Je n'ai jamais tenté l'idée, cela pourrait sans doute m'aider. Et je ferais cela parce que j'aime Lola de tout mon cœur - comme une amie, comme une âme jumelle dans un certain sens.
- Tu as l'air complètement perdu dans tes pensées. Ça va ?
- Merci de t'inquiéter, Valentin, mais tout va bien, dis-je, en lui faisant face. Et t...
Quelle n'est pas ma surprise de découvrir un brun à la place du blond que j'espérais. Je sursaute presque et m'excuse de m'être trompé.
- Vous avez simplement la même manière de parler, les mêmes intonations. Et comme je suis définitivement ailleurs, je n'ai pas fait attention au timbre de ta voix.
Nous sommes tout contre un bar qui a été créé pour que les invités se restaurent. Il y a également des tables avec de la nourriture, ainsi que des serveurs qui tournent, fantomatiques.
- Je dirais qu'on n'est pas cousins pour rien. On nous disait souvent, à l'époque, qu'on se ressemblait beaucoup.
- C'est toujours le cas, affirmé-je en souriant.
Nous nous fixons pendant quelques secondes. C'est assez affligeant de ne pas savoir de quoi discuter avec quelqu'un de si important. Il s'en rend également compte, et se gratte le haut du crâne, en évitant mon regard.
- Tu sais, je suis au courant que notre rencontre ne s'est clairement pas faite sous les meilleurs hospices. Surtout dans un hôpital. Quoique, on a eu de la chance, je n'ai pas croisé mon père. Il ne devait pas travailler en pédiatrie ce jour-là.
Il est vrai qu'en janvier, nous étions dans l'établissement qui a recueilli Valentin après sa tentative de suicide. Cet établissement où travaille le docteur Arseneau.
- Valentin m'a raconté ce qui s'est passé en octobre. Il m'a fait promettre de ne pas culpabiliser.
Je vois le sourire tordu. J'ai l'impression qu'il va fondre en larmes dans la seconde. Je me sens terriblement mal pour lui.
- Ne t'inquiète pas. Je possède le même sentiment que toi, à l'intérieur de mon cœur. Et c'est accentué par le fait que moi, je vivais avec lui et que je n'ai rien vu.
- On a ça en commun, rit-il, jaune. On est de très bons cachottiers, quand on s'y met. Surtout quand il s'agit de notre santé.
Un nouveau sourire triste. Il essaie de faire bonne figure, de se passer la main dans les cheveux, mais rien n'y fait.
- N'empêche, je ne devrais pas discuter de ça à un mariage. C'est un jour heureux, alors on devrait blaguer sur le blond, se raconter des anecdotes marrantes, comme cette fois où on a voulu faire un plongeoir pour notre piscine de jardin et qu'on s'est ratatiné la tête sur le sol. Mais au lieu de ça, je ressasse les mauvais souvenirs.
J'esquisse légèrement les lèvres. Je ne suis pas triste, je suis mélancolique.
- Peut-être que cette phrase est clichée, mais ils font partie de notre histoire, ces souvenirs. Ils font partie du parcours de Valentin et je pense que cela montre qu'il te fait entièrement confiance. Il ne voulait surtout pas te faire culpabiliser, il voulait simplement te raconter, parce que tu es important pour lui. Tu es comme son grand frère.
Il écarquille les yeux en me fixant. Les larmes se sont invitées dans ses pupilles, et il ne fait rien pour les chasser. Elles coulent, mais je ne sais pas si c'est de joie ou de peine.
- Tu es sûr de ce que tu me dis ?
- Totalement. C'est ce que j'ai déduit de toutes nos discussions sur toi. Et Valentin te l'a sans doute appris, mais je suis quelqu'un d'extrêmement intelligent qui se trompe rarement.
Il rit à mon arrogance à peine dissimulée. J'en joue un peu, pour qu'il me fasse confiance.
- C'est vrai qu'il n'a pas tari d'éloges sur toi. Et que tu lis de la poésie, et que tu parles français, et que tu lui chantes des chansons d'amour, et que tu es beau à tomber par terre... J'ai eu le droit à un bon quart d'heure à ta gloire.
Je rougis à l'idée que je me fasse ainsi couvrir de compliments. Soudainement, Charles me fait peur. Il doit en attendre beaucoup de mois, avec ce que Valentin lui a dit.
- Ne t'inquiète pas, je ne vais pas t'analyser de tous les côtés pour savoir s'il a raison. Je le crois. Parce qu'il ne m'a jamais parlé de quelqu'un comme il l'a fait avec toi. Et tu n'es pas Curtis.
Je me crispe à l'entente de ce prénom. J'espère ne pas rencontrer une autre personne se nommant ainsi, ou je risque d'être sec avec elle, alors qu'elle n'y est pour rien. Tous les Curtis ne sont pas des montres.
- Je ne serais jamais cette... personne. Et si je le deviens, je t'en prie, éloigne-moi de Valentin, et assomme-moi avec une pelle.
Il rit pour la forme, et me sourit pour me rassurer. La colère si subite redescend et je retrouve mon calme.
- Tu es très loin de lui, crois-moi. Tu n'as pas honte de toi, tu n'as pas honte de Valentin. Tu t'entends bien avec les personnes qu'il fréquente, comme Daisy. Lorsque je l'ai rencontré, il m'a regardé comme si je sortais d'une poubelle. Si Konstantin avait été là, je pense qu'il lui aurait envoyé son poing dans la figure.
- Parfois, je me demande avec qui cet être humain a été sympathique, mis à part sa famille.
Charles ne répond rien, si bien que je continue.
- Il y a longtemps, Curtis était mon ami. Mon meilleur ami. Nous avons passé toute notre primaire ensemble. En dernière année, juste avant de rentrer en middle school, il s'est joint aux brimades que l'on me faisait subir, parce que je suis asiatique. On m'enfermait dans les toilettes, on jetait mon sac dans les poubelles et on détruisait mes devoirs. Mais un jour, presque toute ma classe s'y est mise, et c'est moi qui me suis retrouvé dans une poubelle. J'étais trop petit, je ne pouvais pas sortir, alors je suis resté là jusqu'au soir. Mon frère était très inquiet de ne pas me voir rentrer, alors il est venu me chercher. Il m'a entendu taper contre la poubelle et il m'a sorti de là.
- Oh bon sang de petite cuillère de bois.
- Nous l'avons croisé à nouveau, en décembre dernier. Je t'épargne ses mots, mais il a réussi à me blesser très profondément. Je vais voir quelqu'un régulièrement, pour en discuter.
- J'suis vraiment désolé, Eliot. Je ne sais pas ce que ça fait quand on te traite à cause de ta couleur de peau, mais pour la santé mentale... je comprends.
Il me sourit et je le lui rends. Même s'il est encore difficile d'en discuter, je sens que le travail avec la psychologue fait son effet. Il faudra que je la remercie chaleureusement pour tout ce que nous avons accompli ensemble.
- Oh, je crois que quelqu'un est en train de te chercher, s'amuse le brun, en me pointant un endroit, au milieu des invités. Je vais m'éclipser avant de me faire bombarder de questions.
Je n'ai pas le temps de le retenir ou de l'interroger sur ses actions qu'il a déjà filé je ne sais où. Heureusement pour moi, je ne reste pas longtemps seul, puisque que le quelqu'un en question est Valentin.
- J'ai l'impression que je passe mon temps à te courir après ! Enfin, je te trouve.
Il dépose la main sur mon épaule, et je colle mon doigt sur ma joue. Souriant, il se hisse sur la pointe des pieds pour m'embrasser. Je pense qu'il s'agit d'une des premières fois où je n'ai pas peur d'être proche de lui en public. Parce que je sais que nous sommes plus ou moins en sécurité, et qu'une armée entière risque de s'éveiller si l'on vient nous chercher des histoires. C'est agréable, comme sensation.
- J'ai l'impression que ça fait mille ans qu'on ne s'est pas embrassés, et retrouvés un peu seuls. Tu es à côté de moi, et pourtant tu me manques affreusement.
Valentin m'offre un sourire triste, et une idée me vient, pour lui remonter le moral. Je lui attrape les doigts, et nous nous décollons du bar. Il se laisse guider, tout en posant des questions sur mes actions. Jouant le jeu qu'il aime particulièrement, je me tais jusqu'à ce que nous soyons arrivés.
- Wow, c'est magnifique ! Comment tu savais que c'était là ?
Nous sommes devant un belvédère que j'ai remarqué lorsque je suis revenu de ma discussion avec Lola. Bien entendu, je ne révèle pas les tenants et les aboutissants à mon compagnon, simplement une partie de la vérité.
- J'avais besoin d'être un peu seul, alors je me suis glissé hors de la foule. Je l'ai remarqué en revenant vers la fête.
- J'ai l'impression d'être dans un film. Regarde-moi ces roses, et tout !
En effet, l'édifice est entouré de nombreuses fleurs, dont la couleur rouge transparait sur le vert des buissons et des arbres. Callahan serait complètement subjugué devant la beauté des végétaux. J'y suis sensible, mais moins qu'à celle du ciel, ou des yeux de Valentin. Ceux-ci brillent de mille feux, en me fixant étrangement.
- Tu sais quoi ? On dirait une scène pour une demande en mariage. Il n'y a pas assez de place pour le célébrer, parce qu'il faudrait abattre ces magnifiques arbres, mais définitivement assez d'espace pour une demande.
Malgré moi, je rougis de la tête aux pieds. Depuis que nous sommes ensemble, il s'agit de la deuxième allusion à ce grand évènement. Je ne sais pas quoi en penser.
- Moi, ça ne me convient pas trop, parce que c'est un peu trop romantique, mais j'en connais une qui se pâmerait à l'idée. Dis, si Callahan veut aller jusque là, tu pourras lui souffler l'idée ?
Il s'amuse, et je ne suis qu'un concentré de gêne. Je me racle la gorge, la main dans les cheveux. Je baisse les yeux, de peur de le regarder.
- J'essaierais, soufflé-je, pour qu'il ne me pose pas de question sur mon silence.
J'avance vers l'intérieur du belvédère pour me changer les idées. C'est à ce moment-là que je remarque son toit. Mes yeux s'écarquillent comme des billes.
- Ça va Eliot ? Tu viens de voir une soucoupe volante traverser le ciel londonien ?
- Non. Viens le découvrir par toi-même.
Il saute à mes côtés, et sourit de toutes ses dents en apercevant le toit de serre du belvédère. Il est fait pour moi.
- Tu m'as caché que ton père, soit le seul être humain que je connaisse à poser des toits en verre un peu partout, était architecte ?
- Absolument pas. Mais c'est particulièrement réussi. Et j'apprécie grandement.
- Ça me donne une petite idée.
Il se lève de sa place et me présente sa main. Je lève les sourcils, lui montrant que je ne comprends pas ce qu'il cherche à faire.
- Est-ce que tu veux bien danser avec moi ?
Mon expression faciale ne change pas d'un iota, et je demande, le doigt sur le menton.
- Sans musique ?
- Le silence est une très bonne musique, tu ne penses pas ?
Mon visage redevient immédiatement sérieux. C'est ainsi, lorsqu'il me parle de cette absence de bruit. Cela, couplé au toit du belvédère, me fait bouger de ma place confortable.
Ma main droite saisit la sienne, il place sa seconde dans mon dos. Je touche sa nuque du bout des doigts, et nos pieds commencent cette activité que n'importe qui jugerait d'étrange.
Mais nous ne le sommes pas le moins du monde. Parce que Valentin a raison, le silence est une excellente musique. Il rythme nos échanges depuis que nous nous sommes rencontrés, il parle lorsque nous ne parvenons pas à le faire, il brise les cœurs en ne produisant pas un seul bruit, sans armes, sans rien. Le silence est partout dans cette nature qui nous entoure. Nous n'entendons ni le brouhaha de la fête ni la vie de la ville. Nous dansons, tout simplement.
Et au-dessus de nous, le ciel brille. Comme en été.
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