Post-Noël en Sibérie (3/3)
Nothing Burns Like The Cold - Snoh Aelegra, Vince Staples
Fun fact.
Le saviez-vous ? L'aéroport d'Atlanta est le plus fréquenté au monde ! Et l'un des plus grands. Un dédale d'interminables couloirs ; une succession de Starbucks, Burger King et autres chaines américaines de fast-food ; le fief de Delta Air Lines, notre compagnie partenaire.
Quant à la ville d'Atlanta elle-même, c'est l'une des plus décevantes que j'ai eu l'occasion d'arpenter. Elle n'est pas particulièrement moche, juste quelconque. Dénuée d'intérêt.
Hier, aucun des collègues n'a voulu m'accompagner en vadrouille. Lâcheurs... Je m'emmerdais tellement que je suis allée au musée Coca-Cola, mais aussi au QG de CNN que l'on peut visiter, ainsi qu'à l'aquarium dans le centre-ville. En toute honnêteté, ce dernier ne m'a pas épatée : des poissons, ça reste... des poissons.
Celui de Boulogne-sur-Mer n'a rien à lui envier !
Aujourd'hui rattrapée par le décalage horaire et le découragement, j'ai déclaré forfait. Ainsi, j'ai passé la journée dans la chambre, à dormir la majeure partie de l'après-midi. Et maintenant qu'il serait grand temps de dormir, je n'ai plus sommeil...
Minuit approche, je scrolle sur Instagram – il y a de quoi s'y perdre. Et de quoi perdre son cerveau, aussi. Je décide quand même de publier en story les quelques photos que j'ai prises la veille. Mon profil est privé. Seuls mes amis – qui m'ont depuis tous ajoutée, grâce à la grande gueule de Sybille – y auront accès. Je ne poste que des photos d'environnements et de paysages, mais jamais ma tête. C'est une façon de partager avec eux mes périples à travers les continents. De garder le lien.
Puis, tandis que les photos chargent lentement sur le wifi de l'hôtel, j'essaye de joindre Hugo.
23 h 55.
La première chose que j'entends quand il décroche, c'est la musique techno :
— Laurine ? Allo ?
— Tu m'entends ?
— Très mal. Attends.
Ça grésille. J'ai l'impression qu'il cherche un endroit plus calme, mais le volume ne diminue pas.
— Vous êtes où ?
— En boite, sur les Champs ! Ouais, ouais, deux secondes.
— Quoi ?
— Non, désolé, je parlais à Sybille. (Il s'adresse alors à elle :) C'est Laurine !
Sa voix éméchée me parvient à travers le micro qui sature.
— Lau ! hurle-t-elle. Tu loupes la soirée du siècle ! Marc et Val se sont pécho et Yoann est en train de se faire draguer par une cougar !
— Non ?!
— C'est vrai, soutient Hugo, hilare.
— Je suis déçue de rater ça ! m'exclamé-je, mais mon enjouement sonne à mes propres oreilles comme une disgracieuse fausse note. Bon, je ne vous embête pas plus. Je voulais juste t'avoir pour te souhaiter une bonne année...
Ma gorge se serre et ma voix chevrote. Je me sens carrément stupide d'interrompre leur soirée avec un appel futile, sachant qu'en plus je rentre demain. Le silence qui suit est loin de dissiper mon sentiment.
— Hugo ? T'es là ?
Pas de réponse. Et plus de musique.
Je comprends que la communication s'est rompue à cause du réseau ; il captait mal. Cafardeuse, je repose le téléphone, m'attendant potentiellement à ce qu'il rappelle.
Mais il ne le fait pas.
00 h 02.
En face du lit, je croise mon reflet maussade dans le miroir.
Bonne année, Laurine...
Me mordant la lèvre, je ferme mes paupières.
Je ne me suis jamais sentie aussi seule qu'ici, à cet instant. Dans cette chambre d'hôtel impersonnelle, de l'autre côté de l'Atlantique, rejetée par un équipage indifférent, reléguée au second plan par celui que j'aime...
Mon portable vibre, faisant pulser mon cœur. Quelle idiote, j'ai parlé trop vite ! Il m'a envoyé un message ! J'ouvre les yeux et... désillusion.
Ce n'est pas Hugo.
@flyingarmand a commenté votre story :
Influenceuse en devenir, on dirait ! Tu pouvais bien te moquer de moi...
En lisant ces lignes, un vague rictus m'échappe.
Avant de rédiger une réponse, je clique sur son profil et découvre à travers sa story qu'il est à Lima, au Pérou. À ce que je vois, il a consacré la journée à la pratique du kitesurf et, il y a vingt-cinq minutes, il a publié une photo dans un restaurant chic en bord de mer. Sur le cliché, on voit sa table, éclairée par la lueur tremblante d'un photophore. Une assiette pleine de crustacés repose sur la nappe blanche. Et à gauche de celle-ci, on aperçoit son avant-bras : de la manche de sa chemise dépasse une montre Oméga, ostensiblement mise en valeur. Avec ironie, je note alors la présence d'une mention « partenariat rémunéré » inscrite en petits caractères dans le coin gauche.
En ricanant, je tape :
Je n'en suis pas encore à me vendre comme écran publicitaire, moi !
Les points de suspension qui s'animent frénétiquement en bas de l'écran m'indiquent qu'il est en train d'écrire.
Oh, tu sais, on bascule plus vite que tu ne le crois du côté obscur de la force... 😈
Je souris en envoyant :
Ok, Dark Vador.
Aussitôt, je reçois :
Anakin, je préfère.
Sa réponse est accompagnée d'un GIF du beau gosse en question. Amusée, je réfléchis un instant à quoi dire ensuite, puis demande :
Qu'est-ce que tu fais au restaurant ? Personne n'a voulu t'ouvrir sa... chambre ?
La contre-attaque ne tarde pas :
Non :'( La soirée est loin d'être finie cela dit...
Et toi ? Qu'est-ce qu'une fille sage comme toi peut bien faire ?
Agacée qu'il ait choisi ce qualificatif pour me décrire, je grimace. Je n'ai pas envie de lui donner raison ni lui avouer la morosité de ce réveillon, alors j'invente avec un grand sourire :
On est au bar. D'ailleurs, les autres se lèvent... Je dois y aller.
Amuse-toi bien !
Une seconde après, il répond :
Toi aussi, et bonne année !
Santé, amour, joie, bonheur. Et plaisir aussi, c'est important... ;)
Dans un ultime message, je rétorque tout en me rongeant les ongles :
Tout à fait d'accord, et pour ton information, je suis comblée ! Bonne escale de débauche à toi.
L'iPhone vibre à nouveau.
C'est nettement moins drôle quand tu n'es pas dans les parages...
À la vue de ces mots, mon souffle s'écourte. Et aussi seule que je puisse être à ce moment, sans personne pour me voir ni me juger, je me sens rougir.
Sous le choc, je retourne le téléphone contre ma poitrine. Je n'ose plus regarder l'écran.
Ai-je bien lu ?
Afin d'en être certaine, je le soulève prudemment sur la tranche en plissant les yeux, comme si les lettres risquaient de me sauter à la figure.
Merde... il a vraiment écrit ça !
Et tout à coup, je me sens minable. Minable d'être entrée dans son jeu, et d'avoir en quelque sorte flirté avec lui. C'est très nul de ma part alors que j'ai un copain. Et que je l'aime.
En proie à une irrémédiable montée de culpabilité, je verrouille mon téléphone et le dépose sur la table de nuit. Armand n'obtiendra pas de réponse. D'ailleurs, je ne lui écrirai plus dorénavant.
C'est terminé.
Sur cette dernière pensée – et première résolution de l'année – j'éteins la lumière.
***
Le lendemain, je suis heureuse comme un pape de fermer ma valise et de renfiler l'uniforme.
Adieu Atlanta !
C'est le cœur en joie que des heures et des heures plus tard, je retrouve Paris, mon nid douillet et Hugo.
Le pauvre n'a plus de voix. On dirait que quelqu'un lui a coupé les cordes vocales. Le connaissant, je devine que c'est parce qu'il a trop chanté. Trop bu, aussi. Et trop fumé, peut-être. Ses yeux sont vitreux (comme les miens), ses cheveux en bataille, son haleine renvoie encore des vapeurs de bière, mais l'appartement est étonnamment en ordre – il a veillé à effacer les stigmates de la soirée d'hier ! Il a même changé les draps. Ça sent le propre, et ça fait du bien.
Je me sens à ma place.
En fin de compte, tout finit toujours par s'arranger... N'est-ce pas ce qu'on dit ?
NDA :
Alors d'après-vous, tout finit-il par s'arranger ? 😆
Petit retour d'Armand dans ce chapitre. Par message, pour le moment. Mais peut-être qu'on va le revoir, qui sait... 😌
Si vous appréciez votre lecture, laissez un commentaire ou une petite ⭐️ pour me soutenir ! Et moi, je vous donne rendez-vous vendredi prochain ! :)
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