HOPE'S MELODIES

La tête de Hope se pencha dangereusement vers le coin du lit, mais mes bras réagirent instinctivement pour éviter la collision. À côté, Max, toujours assis sur le canapé, relâcha un soupir de soulagement, tandis que Mehdi, la tête posée sur les genoux du plus jeune sembla indifférent à la scène. Taki, qui s'était éloigné de la fenêtre, soupira de soulagement et s'assit sur le lit.

Mon cœur battait la chamade face à cette soudaine crise. Pourquoi personne d'autre n'avait-il réagi ? Alors qu'Hope gisait sur le lit, j'ajustai sa position pour qu'il soit plus confortable, prêt à courir chercher de l'aide.

"Tu comptes aller où comme ça ?", demanda Taki d'un ton calme.

"Je vais chercher de l'aide. Hope vient de perdre connaissance et vous ne semblez pas plus préoccupés que ça", dis-je, un brin agacé par leur indifférence.

Les rires moqueurs de Mehdi et Taki me déconcertèrent encore plus. Leur réaction était déconcertante, pour le moins.

"Il n'est pas mort, t'inquiète pas. Il s'est juste endormi", déclara Taki, son ton calme tandis qu'il retournait vers la fenêtre. "Tu t'y habitueras."

"Son fardeau, sa maladie qui le retient ici. Au moins, il souffre moins que certains", ajouta Max en passant une main dans les cheveux de Mehdi, comme s'ils partageaient une complicité insondable.

Leurs mots étaient une énigme pour moi. "Son fardeau ? Moins que certains ?" Les implications de ces paroles me dépassaient. Étaient-ils en train de parler de leurs propres maladies ? Je n'osais pas entamer cette conversation délicate.

Épuisé par l'avalanche d'émotions, je m'affaissai près du lit, mon fessier touchant le sol frais. Je repliais mes jambes contre ma poitrine, croisant mes bras autour d'elles pour me blottir contre moi-même.

Depuis cette position, j'absorbai les sons du festival qui s'infiltraient. La mélodie de la guitare de Jemima se mêlait à une autre harmonie, créant une ambiance envoûtante.

Je tentai de repousser les questions qui tourbillonnaient dans ma tête. Pourquoi étaient-ils ici, à l'hôpital ? Taki et Max semblaient plus énergiques que les deux autres. Leurs affections devaient être différentes. Peut-être psychologiques, tout comme les miennes. Peut-être...

Mais je n'avais pas le courage d'explorer davantage. Les questions restaient en suspens.

"Sérieux, c'est quoi cette ambiance déprimante, les gars ? Quelqu'un est mort ?" Déclara Hope perturbant mes pensées.

Je levai la tête pour voir ce dernier debout devant moi, ses yeux à demi clos, un sourire taquin sur les lèvres. Il était bel et bien réveillé.

"Pour être honnête, j'ai envisagé la possibilité", avouai-je. "Mais je suis soulagé de voir que tu sois toujours parmi nous."

Un clin d'œil complice de sa part, puis il se dirigea vers la fenêtre, où Taki se tenait déjà. Je quittai le sol frais pour m'installer sur le lit, appréciant le moelleux du matelas.

"Qu'est-ce que vous diriez de rejoindre le festival ?", proposa Hope avec un enthousiasme contagieux.

"Je suis partant", répondit Max, impatient de se joindre à l'aventure.

"Pour ma part, ça ne m'attire pas", grogna Mehdi, ses yeux toujours fermés.

Sans plus attendre, Taki quitta la pièce sans un mot, exprimant ainsi sa propre décision.

"Le chef a parlé. On y va, les gars", s'exclama presque Hope, m'entraînant par le bras sans se soucier de mon accord. "Et personne ne me laissera vous abandonner, les gars."

"Mon avis n'a pas d'importance ? Parce que je n'ai pas envie de descendre !!", protesta Mehdi, pendant que Max se déménait pour le faire bouger.

Sans plus de cérémonie, nous quittâmes la pièce pour nous rendre dans la cour de l'hôpital.

Un frisson d'excitation et d'appréhension me parcourut lorsque je découvris la cour animée, grouillant d'activité. Les clowns divertissaient la foule, des rires éclataient, les cris joyeux des enfants remplissaient l'air. Et là, au-devant de tous, Jemima, sa guitare entre les mains, chantait en duo avec une jeune fille que je ne reconnaissais pas. La scène, autrefois observée depuis ma fenêtre, prenait vie sous mes yeux, vibrant d'une énergie captivante.

Hope s'avança vers les musiciennes et prit un micro.

"- Va-t-il chanter ?", me demandai-je mentalement.

"- Non, il va faire quelque chose de bien plus spécial, attends de voir", répondit Max, percevant mes interrogations.

"- Quoi donc ?"

"- Patiente, tu comprendras."

Des tables cylindriques en béton étaient disposées dans la cour, entourées de bancs en bois. Nous prîmes place et nous laissâmes immerger par le spectacle environnant.

La musique s'interrompit brusquement, et Hope entama une conversation animée avec la jeune fille accompagnant Jemima. Je n'avais pas remarqué, de ma fenêtre, que la jeune fille était en fauteuil roulant, les yeux clos.

"- Elle s'appelle Ella, c'est la fiancée de Hope. Le diabète l'a privée de sa mobilité et de sa vue. Elle est aveugle", m'informa Max, déchiffrant ma confusion.

Un poids oppressant s'abattit sur mon cœur.

Avant que je puisse poser davantage de questions, la musique reprit. Cette fois-ci, la voix et la mélodie changèrent. Hope commença à chanter.

Mais ses chants étaient horribles, affreusement discordants, d'une fausseté surprenante.

Je m'efforçai de réprimer un rire, en vain. Taki, Max et Mehdi à côté de moi ne se retenaient pas de rire aux éclats. Leurs rires se propageaient, et bientôt, le rire se répandit dans tout l'environnement. Même Hope, perché sur la scène, se mit à rire. Puis, tout s'arrêta. Un silence recouvrit les lieux alors qu'Hope acceptait la guitare que lui tendait Jemima. Ce qu'il fit ensuite était d'une beauté à couper le souffle. Il ne chanta pas, il rappait.

Les éclats de rire se dissipèrent à mesure que les premiers mots se mariaient aux douces notes de la guitare. Je n'aurais jamais imaginé apprécier autant le rap. Mais ce n'était pas un simple rap, c'était une symphonie verbale, une harmonie de mots.

Dans un passé oublié, nos jours rayonnaient d'innocence,
Avant que la maladie ne fasse son entrée, sa dévastation immense,
Te souviens-tu de ces instants, de ces sourires échangés,
De cette vie insouciante, de nos rires à jamais figés ?

Aujourd'hui, ces souvenirs sont une bouée dans la tempête,
Un rappel de ce qui fut, une lumière qui en moi s'apprête.

Quand le diagnostic tomba, froid et impitoyable,
Pas de temps pour le désespoir, il fallait rester viable,
L'espoir me chuchotait à l'oreille de ne pas fléchir,
Je me relèverais, je le claironnais, refusant de faiblir.

Mais leur vision était différente, ils ne voyaient pas l'horizon,
Être un fils malade, une réalité dont je portais l'oraison.

Le temps a avancé, la roue du destin a tourné,
Les cœurs se sont modifiés, l'ancien moi a été relégué.

Cette nouvelle réalité, je ne l'avais pas anticipée,
Mon espoir s'est évanoui, laissant un vide insensé.

Solitaire, abattu, les mots me manquaient pour exprimer,
Toute la douleur en moi, la peur à laquelle je voulais échapper.
M'évader de ce sombre abîme était une entreprise complexe,
Trouver un chemin hors de cette torpeur qui me vexait.

Puis tu es apparu, ton regard résistant face à l'adversité,
Ton sourire face aux épreuves, une source de sérénité,
Un sourire, une arme que tu brandis avec audace,
Une arme, tu l'as dit, pour repousser la douleur qui s'efface.

Debout dans l'obscurité, ton courage est un flambeau,
Même quand l'orage gronde, tu te tiens belle et haut.

Tu m'as enseigné à retrouver l'espoir, à me relever,
À reconstruire mon monde, à la vie me réaccoutumer.
Tu as réécrit mon histoire, redonné à mes rêves des ailes,
Ton espoir contagieux me submerge, ange éternel.

Ainsi, nos vies se sont entrelacées dans une danse fervente,
Ton existence a illuminé mes jours, chassant la tristesse ambiante.

J'veux y croire, crois-moi, y a rien qui m'arrête,
Pas qu'une simple vue de l'esprit, une promesse concrète.
Trop souvent dans l'noir, j'ai tâtonné,
Mais dans l'ombre, j'ai trouvé comment briller.

La maladie a frappé, a fait son nid,
Mais moi, j'lui ai pas laissé le dernier mot, c'est fini.
C'est pas qu'j'sois un optimiste, non, c'est plus profond,
C'est cette détermination, ce combat qui résonne.

Dans ce monde d'obscurité, j'ai gardé ma foi,
Pas qu'la foi en la guérison, mais en moi.
Abattu par les coups, mais pas à terre,
Toujours debout, c'est ça mon mystère.

La douleur m'a marqué, les larmes ont coulé,
Mais je refuse d'me laisser emprisonner, lier.
J'ai la force en moi, celle qui défie les lois,
Une détermination brûlante, qui jamais ne se noie.

Reste fort, reste heureux, c'est ce qu'on me dit,
Demain, la survie est notre cri.
Ensemble, main dans la main, on affronte le vent,
Tous pour un, et c'est le futur qui nous attend.

Une fois qu'il eut achevé, une sorte de silence émerveillé plana sur la foule. Pas un souffle, pas un murmure, tout semblait suspendu. Ses mots empreints de vie et d'espoir s'étaient insinués dans l'âme de chacun, laissant derrière eux une empreinte profonde. Les regards étaient fixés sur lui, éblouis par la puissance de son récit. L'émotion dans l'air était palpable, comme si chaque cœur présent avait été touché au plus profond de son être.

Et puis, comme si un enchantement avait été brisé, les applaudissements éclatèrent. Un tonnerre d'approbation se fit entendre, brisant le silence comme une vague déferlante. Les mains se frappaient avec force, exprimant ainsi l'admiration et le respect envers l'artiste qui venait de partager une part intime de son âme. Les visages s'illuminaient de sourires émus, comme des étoiles brillant dans la nuit.

Les applaudissements étaient un mélange de reconnaissance, d'enthousiasme et de gratitude. Chacun dans la foule semblait reconnaître la valeur inestimable de ces mots, la force de cette voix qui avait su les transporter au-delà de leurs préoccupations quotidiennes. Les applaudissements ne se limitaient pas à un simple acte, c'était une façon de dire "merci" pour avoir partagé cette expérience unique, pour avoir insufflé de l'espoir dans leurs cœurs.

Le bref silence qui avait précédé les applaudissements n'était plus qu'un souvenir lointain, balayé par l'énergie collective de la foule. Les mains qui frappaient se transformèrent en une symphonie chaotique, créant une mélodie d'approbation qui emplissait l'air. Les yeux brillaient d'une émotion pure, les sourires reflétaient la lumière intérieure qui s'était rallumée grâce à cette mélodie d'espoir.

Dans ce moment, les barrières semblaient s'effacer, les distances s'amenuisaient. Les vies et les expériences se confondaient dans une communion d'émotions partagées. C'était comme si chacun avait trouvé une résonance dans les mots et la musique, comme si tous les fardeaux avaient été temporairement allégés, remplacés par une connexion humaine sincère et profonde.

Et alors que les applaudissements retentissaient, je sus que ce n'était pas seulement une ovation pour l'artiste, mais aussi pour l'espoir lui-même, pour la puissance de la musique et de la parole à transformer nos vies. C'était un hommage à la capacité de l'âme humaine à se relever, à surmonter les défis et à trouver la beauté même au cœur de l'adversité.

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