ÉCHOS DE VIES BRISÉES
L'été s'était éclipsé depuis plusieurs semaines déjà, laissant place à l'automne et à ses couleurs chatoyantes. Les teintes vertes de la nature avaient cédé la place aux teintes chaleureuses des feuilles qui viraient au jaune et à l'orange. Un paysage en deuil, pourtant empreint d'une beauté saisissante.
Assis au bord de mon lit, je contemplais avec admiration la métamorphose de la nature à travers la fenêtre.
Derrière moi, la porte s'entrouvrit pour laisser passer Byeol. Cela faisait un moment que nous n'avions pas eu l'occasion de nous voir. Il semblait plus faible, plus frêle, son état s'aggravant avec le temps. Nos rencontres étaient devenues rares, et bien que je souhaitais parfois être seul, cette situation m'emplissait d'une amertume palpable.
- Salut Rainn, dit-il avec son sourire caractéristique.
- Byeol ? m'exclamai-je, surpris.
Je le trouvais différent. Ses joues étaient creuses, des cernes marquaient son regard fatigué, et son état général laissait à désirer.
- Comment ça va ? demandai-je sincèrement.
- Ça va, merci d'y penser. Tu peux arrêter de me fixer comme ça, s'il te plaît ? lança-t-il, sourire timide malgré tout.
Il s'installa sur le lit voisin du mien.
- Ne t'inquiète pas, je ne vais pas mourir ce soir, plaisanta-t-il.
Sa capacité à sourire malgré sa situation m'impressionnait. Pourtant, en cet instant, je me sentais désemparé, ne sachant pas quoi dire.
Byeol brisa rapidement le silence qui s'était installé.
- Je sais pourquoi tu es ici, à l'hôpital, annonça-t-il sans détour. J'espérais naïvement que tu finirais par te confier à moi.
Je soupirai, prenant place plus confortablement sur mon lit. La réalisation que bon nombre de personnes devaient déjà être au courant de ma situation à l'hôpital m'ôtait toute surprise. Cela me laissait indifférent.
- C'est triste, poursuivit-il. Bien que le suicide soit souvent un cri de détresse entendu trop tard, je trouve dommage de renoncer à la vie à cause de la souffrance.
- Tais-toi, rétorquai-je d'un ton ferme. Tu ne sais rien.
- Albert Camus a dit : "Parler de ses peines, c'est déjà se consoler." Peut-être qu'en parlant...
- En parler ? m'emportai-je. À quoi me sert le psychologue à ton avis ? Crois-tu vraiment que je n'ai pas essayé ? Tu penses que tes livres te confèrent une sagesse universelle ? Sais-tu seulement ce que c'est d'avoir le cœur brisé ? Connais-tu la douleur de perdre ceux que tu aimes ? Écoute, tes écrits ne pourront jamais rendre compte de cette douleur insurmontable. Aucun mot, aucun terme ne saurait décrire ce sentiment infini. Aucun poète, aucun écrivain ne pourrait véritablement illustrer ma douleur. Des larmes coulèrent sur mes joues. J'ai perdu ma famille entière, j'ai vu leurs corps sans vie. Chaque jour, chaque nuit, ils hantent mon esprit. Quoi que je fasse, ils sont là, dans mes pensées. À chaque instant, la vie me rappelle que j'aurais dû être à leur place, que je ne mérite pas de vivre. Je fis une pause. Tu ne peux pas comprendre la douleur de perdre tous ceux qui comptaient pour toi et de te retrouver seul. Alors épargne-moi tes discours sur l'espoir et la joie de vivre. La vie n'est pas aussi rose que tu le crois.
Le silence s'installa entre nous pendant quelques secondes. Seules mes respirations étaient audibles.
- Pardon, je ne voulais pas t'offenser, dit-il finalement. Il suffit de me regarder pour comprendre que la vie n'est pas toujours facile. Je suis dans cet hôpital depuis moins d'un an. Ma mère m'y a abandonné alors que j'étais dans le coma, et je ne l'ai pas revue depuis. Cela ne change pas grand-chose, car elle n'était jamais là de toute façon. Mon état n'a pas dû être facile pour elle non plus, je suppose. Depuis que je suis tout petit, j'ai naïvement cru que ma maladie était de ma faute, que j'étais un mauvais fils. Elle m'a laissé le croire. Il fit une pause. Je n'ai que peu de bons souvenirs de ma famille à vanter. Fils unique, sans souvenir de mon père, j'ai toujours vécu avec ma mère. Du moins, jusqu'à ce qu'elle me laisse.
Je me laissais emporter par ses paroles, réalisant que jusqu'à présent, je ne connaissais rien de son passé familial. Plus il partageait son histoire, plus mon cœur se serrait d'empathie.
- Ça ne m'a pas empêché d'espérer malgré la maladie, soupira-t-il avant de reprendre. Tu sais, derrière mes discours sur l'espoir et la joie de vivre, j'ai peur. J'aurais aimé vieillir, voir le monde à soixante ans. Fonder une famille, avoir des enfants et des petits-enfants, raconter mon histoire à une jeunesse qui n'a pas encore vu le jour. J'aurais aimé me plaindre des cheveux blonds qui envahissent mon crâne. Mais je sais que je n'aurai jamais cette chance. Peut-être que j'aime me réfugier dans des illusions. L'utopie alimente le peu d'espoir qui me reste. Je sais que l'an prochain m'échappera probablement. Cette nuit pourrait bien être la dernière. Un terrain au cimetière porte déjà mon nom. Mais je ne peux pas m'empêcher de rêver. Je rêve de vivre sans cette maladie qui m'étouffe. Peut-être que Taki a raison quand il dit que nous ne sommes que des coquilles vides, des zombies accrochés à une illusion de vie, une vie qui nous a déjà rejetés mille fois. Pourtant, moi, je suis le genre de zombie qui s'agrippe à la vie. Je veux vivre.
Je l'écoutais avec une attention profonde, mon cœur lourd de sa révélation. Malgré ses sourires constants et ses paroles empreintes d'espoir, une réalité plus sombre se cachait derrière. Malgré sa lecture assidue et sa grande intelligence, Byeol restait un enfant de neuf ans, terrifié par sa condition.
- Parfois, je rêve de la même chose. J'ai trois ans, des cheveux et je suis dans les bras de ma mère qui me chante une berceuse. Mon plus beau souvenir est un simple rêve. Tandis que toi, tu as de vrais souvenirs avec ta famille. Je sais que tu as été heureux avant de te retrouver ici. Peut-être que cela remonte à longtemps, mais tu riais, chantais, recevais les douces paroles de ta mère et bien plus encore. Pour ma part, je n'ai rien eu de tout cela.
Des larmes coulaient le long de ses joues pâles, sa tristesse lui donnant des couleurs inattendues. J'avais en face de moi un enfant, c'était évident depuis le début de notre rencontre. Byeol pleurait.
- Je ne veux pas que tu meures. Si tu pars, il n'y aura personne pour se souvenir d'eux. Mr. Sheffield et sa femme t'ont adopté, et tu as tout ce dont tu as besoin. Une famille aimante, la santé et une vie devant toi. Par moments, je t'envie. J'aurais aimé être comme toi, ou comme toutes ces personnes en bonne santé, profitant simplement du moment présent. En revanche, chaque nuit, je me couche avec la peur de ne pas voir le jour se lever. J'ai peur de fermer les yeux et de ne plus jamais les rouvrir. J'ai peur de mourir. Alors non, je ne comprends pas pourquoi tu veux abandonner.
Je n'avais pas les mots appropriés pour le réconforter. Je m'assis simplement près de lui, le prenant dans mes bras. Je ne pouvais que deviner ce qui tourmentait son esprit, à des années-lumière de comprendre la profondeur de sa souffrance. J'étais impuissant face à sa réalité, mais je lui murmurai simplement un "désolé".
"À quoi bon se tourmenter avec un passé en noir et blanc, quand le présent, vibrant de vie et de couleurs, nous comble de ses innombrables instants de bonheur ? Rappelons-nous que seuls nos regrets et nos remords empoisonnent nos vies."
Ciel_Azur
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