IV

La machine tourne, à la même vitesse que la petite boîte entre mes doigts. Je suis le rythme, et ça me calme un petit peu. Une petite boîte transparente. Juste assez grande pour contenir une lame. Pleine de sang, que je n'ai même pas pris la peine d'essuyer contre le drap. 

Drap qui tourbillonne maintenant à une allure vertigineuse dans le tambour. Et je le regarde. Depuis le début, je le regarde. J'ai vu l'eau se teinter de rouge. Le savon la transformer en rose. J'ai regardé les traces de mon sang s'effacer, petit à petit, pour laisser place à un blanc immaculé. 

Blanc de paix. 

Blanc de simplicité. 

Blanc d'innocence. 

Blanc de pureté. 

Blanc d'hôpital, aussi. 

Le blanc n'est pas si pacifique, si simple, si innocent, si pur. Il est, parfait reflet d'innombrables blessures. Il tue. 

Mais là n'est pas la question. Si le drap tourne dans la machine à laver. La boîte continue aussi de tourner entre mes doigts. 

Puisque j'avais décidé de jeter la lame. D'arrêter tout ça, pour de bon. De me calmer autrement. De pleurer. De parler à la Annabelle. De tout faire, sauf me couper. 

Parce que je n'aime pas ça. 

La vitesse de la boîte a coloré de rouge le plastique. Les gouttelettes de sang se sont répandues partout sur la lame. Sur la mousse. Sur la paroi. Partout. 

Je pourrais parier que mon cerveau tourne aussi, à la même vitesse que le drap et la boîte. 

Il cherche une échappatoire. Une réponse à ce dilemme. Comment l'éviter. Trouver un moyen de ne plus y penser. De revenir dans une semaine. De soulever le matelas. Et de dire "oups, je croyais que j'avais jeté la boite".

Sauf que jamais ça ne marche. Ce serait bien trop facile, comme ça. Alors, à chaque fois, je m'assois devant la machine à laver, la boîte entre les mains, et je lutte contre moi-même. Là où mon mal-être bat ma raison à chaque fois. Chaque putain de fois. 

Mais j'ai envie que ça change. La décision m'appartient, et j'ai peur. J'ai tellement peur. Alors, je reste là, je ne bouge pas. Je ne vais pas jeter la boîte à la poubelle, je ne vais pas jeter la poubelle. Pas tout de suite. Peut-être dans une demi-heure, quand la machine aura fini de tourner. Oui, j'irai. Je ferme les yeux, inspire un bon coup. J'ai pris ma décision. Alors, sans même attendre la fin du décompte, je me lève, appuie sur la pédale de la poubelle, et jette ma lame dedans, sans un regard en arrière. 


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top