Si mon cœur battait encore dans ma poitrine il se serait soudainement arrêté de battre. Non, non, non. C'est impossible. J'ai lu la liste de la nuit à venir et je n'ai pas vu son prénom. Je ne répond pas à Cathy et file dans la salle de bain prendre la liste dans la poche de mon jean. Je la déplie rapidement et nerveusement. Mes doigts sont moites mes yeux parcourent la liste, mais rien. Quand un nom apparaît soudainement sous mes yeux, tout en fin de liste et en rouge. Mais qu'est-ce que ça signifie ? Je m'assois au bord de la baignoire la tête entre mes mains. Est-ce que c'est de ma faute ?

—

La grand-mère de Cathy est morte quelques heures après le suicide d'Hannah. Tout le lycée et même la ville est au courant de comment et pourquoi elle s'est suicidée. Une vidéo qu'elle a enregistré avant de mettre fin à ses jours tourne en boucle aux informations locales. Cathy est encore plus triste que je n'aurais pu le croire. La tête blonde d'Hannah ne cesse d'apparaître à l'écran répétant la même chose, la même phrase que je lui ai dis quelques heures avant sa mort.

— Les crimes ne restent jamais impunis.

Elle parle devant une caméra placée devant sa fenêtre, je peux reconnaître son lit encore défait derrière elle. Elle s'excuse d'avoir causé tant de mal autour d'elle et elle exprime le fait de ne plus pouvoir vivre avec ce poids sur les épaules. Elle dit qu'elle va mettre fin à ses jours, puis la vidéo devient noire. Ses parents ont retrouvé son corps inerte dans sa chambre. Je vais devoir aller la faire traverser ce soir je n'ai toujours pas eu le courage de le faire, même une semaine après le drame... Mais pour l'instant j'ai d'autres occupations en tête. Je noue mon nœud de cravate après une nouvelle tentative. Je tire sur les manches de ma veste en m'assurant qu'elle est bien repassée. Cathy sort de sa salle de bain, vêtue de noire. Ses cheveux sont détachés et tombent jusqu'au creux de ses hanches. Son visage est marqué par les pleurs presque incessants. Elle avance doucement près de son lit et enfile ses chaussures sans un mot. Elle renifle de temps en temps et garde la tête baissée. Elle a du choisir entre l'enterrement de Hannah et celui de sa grand-mère, bien sûr la réponse était évidente. Elle me fait signe qu'on doit descendre pour rejoindre ses parents. Depuis l'annonce du décès d'Hannah elle ne m'a adressé que quelques mots et lorsque le téléphone a sonné pour sa grand-mère elle s'est mise à pleurer en silence dans son lit.

Je n'ai pas su quoi dire et quand je tentais de la réconforter elle ne me répondait pas et s'enfouissait dans mes bras. Au début je pensais qu'elle m'en voulait pour quelque chose puis j'ai compris qu'elle s'en voulais à elle-même sans que je sache pourquoi.

Dans la voiture qui nous mène jusqu'à l'église un silence règne et il est plutôt pesant. En descendant j'essaie de capter le regard de Cathy encore une fois mais en vain elle détourne les yeux à chaque fois. Le parvis de l'église est bondé de monde. Je ne connais personne, ils viennent tous presque un par un pour dire bonjour et présenter leurs condoléances à Cathy et sa mère. Je reste sur le côté mais pas trop histoire de garder un œil sur mon petit ange. Après plusieurs minutes à attendre dehors, tout le monde rentre s'asseoir dans l'église. Je m'apprête à rentrer à mon tour car en somme je ne fais pas partie de la famille. Mais Cathy m'attrape par le bras et s'accroche à ma main. Je sens tous ses muscles se raidir de plus en plus quand le cercueil de sa grand-mère sort de la voiture. Le cercueil entre dans l'église et nous le suivons à notre tour.

—

Cathy dort depuis déjà deux bonnes heures, mais je tiens à m'assurer qu'elle dort bien avant de partir travailler. Je vais devoir me rendre chez la grand-mère de Cathy puis aller voir Hannah. La nuit paraît bien sombre et froide. Le trajet jusqu'à chez sa grand-mère me paraît interminable. La nuit est froide. Aucune étoile n'orne le ciel. J'entre par la porte en bois. La maison est totalement vide c'est très loin de la maison chaleureuse qui m'a accueilli il y a quelques semaines. Je regarde à droite et à gauche mais je ne la vois pas. J'avance dans le salon. Plus de photos, plus de fauteuils et plus de vie humaine.

— Alexander ?

Je sursaute. Cette voix... Je n'ose pas me retourner. Il est impossible de me voir si on est en vie avec ma transformation. Et c'est également impossible de me reconnaître si on est mort. Pourtant quelqu'un me voit sous ma forme humaine et cette personne est morte.

— Meredith ?

Je me retourne au même moment où je prononce son prénom. Elle est là devant moi, une robe d'hôpital recouvre son corps. Elle se tient debout.

— Tu me vois mon garçon ? Tu m'entends ? Comment est-ce possible ?

Je recule et ma tête percute la cheminée. Pourquoi tout part en vrille comme ça ?

— Meredith, écoutez... Je... J'ai quelque chose à vous dire...

— Je suis morte n'est-ce pas ? Je me suis endormie à l'hôpital et je me suis réveillée ici. Ensuite j'ai vu toute ma famille arriver dans ma maison et prendre tous les meubles. Mais ils ne me voyaient pas... J'étais là devant eux... devant ma petite fille qui avait les joues rouges et gonflées... Pourquoi toi tu peux me voir ?

Sa voix tremble et je vois des larmes couler sur ses joues toutes ridées.

— Vous êtes morte il y a une semaine Meredith et... moi... moi je viens vous chercher.

— Me chercher pour aller où ? Chez ma fille ?

— Non, ici.

Je fais apparaître le portail sans quitter Meredith des yeux. Sa lumière m'atteins le coin des yeux mais je ne la regarde pas.

— Je ne comprends pas Alexander...

— Niklaus... Mon vrai prénom est Niklaus. Je vous ai menti. Je n'ai pas compris que vous étiez malade grâce à vos médicaments. Je le savais, car je suis la Mort.

— La Mort ?

— Oui. Votre petite fille ne sait rien. Elle m'a toujours attirée et tout comme vous j'ai appris qu'elle allait mourir...

— Quoi ? Mais ma petite fille est encore jeune c'est impossible. Non, elle ne peut pas mourir tu mens. Tu mens sur tout. Qui es-tu ? Et que veux-tu à ma famille ? Laisse les tranquille... Espèce... espèce de monstre !

Elle s'approche de moi, les bras en avant, et me pousse le haut du corps. A l'instant où elle me touche elle recule avec une peur bleue dans les yeux.

— Que...

Elle m'aperçois avec ma transformation.

— Vous comprenez maintenant. Je ne mens pas. Dans quelques jours Cathy doit mettre fin à ses jours et je ne veux pas. Je veux qu'elle reste en vie.

— Alors veille à réussir. Ne la laisse pas me rejoindre.

Elle ne dit rien de plus et traverse le portail laissant sa main traîner sur mon épaule. La lumière s'éteint et la pièce redevient noire. Je m'écroule à genoux reprenant par la même occasion ma forme humaine. C'est au tour de Hannah maintenant. Je reprends ma forme inhumaine et file chez Hannah. J'entre une nouvelle fois par la fenêtre de sa chambre. Elle est vide, comme la maison de Meredith. Elle est assise au milieu de la pièce me tournant le dos. Les genoux repliés le long de sa poitrine et la tête posée dessus.

— Je savais que tu viendrais. Je me demandais juste quand tu aurais le courage.

J'ouvre le portail sans même lui adresser la parole. Elle se lève et se tourne vers moi. Elle ne parle pas non plus et se dirige vers la lumière.

— Ironique non ? Toi tu restes coincé là, alors que même moi j'ai le droit à cette lumière. J'espère qu'on se reverra au paradis.

Elle sourit et s'avance vers le portail. Elle lance les cheveux en arrière et se prends le portail en pleine figure. L'onde de choc la fait tomber en arrière sur les fesses. C'est bien ce que je pensais. La lumière ne l'acceptera pas. Pas pour l'instant du moins.

— Tes crimes n'ont pas encore été punis.

Je referme la lumière et remet mon capuchon sur la tête.

— Attends !!! Qu'est-ce qui se passe là ? Qu'est-ce que je dois faire ?!

Au bord de la fenêtre, j'hésite à sauter sans répondre, mais après tout c'est de ma faute si elle est bloquée ici dans la mort, elle aurait pu se libérer dans la vie.

— Trouve le pardon et je reviendrais.

Je saute et atterris sur mes jambes. Elle tente de me rejoindre mais elle reste bloquée dans sa chambre. Je l'entends m'appeler et me crier de revenir, mais je ne fais rien. Je m'apprête à m'envoler lorsque j'entends une de ses phrases.

— Pourquoi moi ? Je ne suis pas la seule coupable. Cathy l'est tout autant que moi.

Je tourne la tête et la fixe.

— Ohoh, on dirait que je ne vais pas être la seule punie.

Et je disparaît ne la laissant pas jouir de m'avoir interpellé. Elle continue de crier jusqu'à ce que je sois beaucoup trop loin pour l'entendre. De quoi parlait-elle ? Qu'est-ce que Cathy a fait ?

J'entre dans la chambre de Cathy après plusieurs heures de travail. Cathy est assise au bord du lit. Mon Dieu, heureusement que je suis entré par la porte et non par la fenêtre j'aurais eu du mal à expliquer ça mis à part une subite envie d'escalade.

— Tu étais encore sorti ? Je comprends tu avais besoin de prendre un peu l'air. J'ai quelque chose à te dire.

Je m'approche d'elle et vient m'asseoir sur son lit.

— J'ai tué Sandra.