Chapitre 1
La somptueuse demeure était entourée de grilles, mais ce fut loin d'arrêter Tess. Au contraire, elle l'enjamba sans difficulté en s'appuyant sur une colonne de pierres et atterrit gracieusement sur le gazon. Elle se réceptionna aisément grâce à une pirouette qui lui permit d'absorber l'impact du saut. La jeune femme d'à peine vingt et un ans avait beau être maigre et affamée, son agilité n'en était pas réduite, quoique l'effort demandé lui fit tourner la tête pendant un moment.
Elle reprit pourtant ses esprits assez rapidement et s'avança dans la cour recouverte de pavés. Bien que les lumières soient toutes éteintes, Tess admira la richesse des lieux. De fausses plantes ornaient la cour et le terrassement était parfaitement adapté au terrain, qui se trouvait sur une petite colline en haut de la rue. L'occupant de cette maison devait avoir une vie plutôt calme dans cet endroit un peu reculé. D'ailleurs, il semblait absent, si Tess se fiait à l'obscurité de la maison. Ce serait parfait pour son plan. Après tout, il ne se rendrait jamais compte qu'il lui manquait des articles dans ses poubelles. C'était bien le dernier endroit où les riches songeaient à vérifier. Ils étaient plutôt du genre à cacher leurs bijoux et leur technologie. Tess, elle, n'en avait cure, car elle savait que l'argent ne changerait rien à sa nature ? Elle incarnait une pariât et, même si elle entrait dans un marché avec une centaine de bijoux, on la regarderait comme une pestiférée et on ne voudrait rien lui vendre.
Tess s'approcha silencieusement de la maison. Aucune poubelle ne semblait traîner dans la cour. Ce ne devait pas être la journée des ordures ! La jeune femme se dirigea donc vers la cour arrière. Il y avait d'infimes probabilités que les poubelles s'y trouvent, à moins qu'on ne les laisse dans le garage. Elle se croisa les doigts pour que ce ne soit pas le cas, car ce serait un peu plus long de trafiquer le système de verrouillage, mais tout de même possible.
Elle enjamba une seconde clôture, puis se retrouva sur une vaste terrasse. On y trouvait des palmiers, une pergola, une piscine creusée et un jacuzzi aussi grand qu'un salon. Ces vampires vivaient dans le luxe absolu, ce qui déclencha la fureur de Tess. Celle-ci peinait à survivre tandis qu'ils menaient la belle vie ! Si elle ne se retenait pas, elle écrabouillerait toutes ces plantes décoratives et lancerait les pots de fleurs au bout de ses bras. Hélas, le temps allait lui manquer si elle se laissait aller à cette frustration.
Tess se mit donc à la recherche des poubelles et les aperçut enfin. Alléluia ! Elles étaient juste à côté du garage. La jeune voleuse se précipita vers elles, ouvrit le couvercle et se pencha afin de vérifier son contenu.
Au même moment, les lumières s'allumèrent, l'éblouissant par le fait même.
- Les mains en l'air ou je tire ! hurla une voix qui la pétrifia sur place.
Elle ne voyait rien, aveuglée par les lampadaires, mais lorsqu'elle entendit le son d'un pistolet qu'on rechargeait, elle se mit à paniquer. Elle était dans une mauvaise posture, perchée sur le rebord de la poubelle et le corps incliné vers l'intérieur de celle-ci.
Tess essaya de lever les bras, mais le poids de son corps la fit basculer vers l'avant...et elle atterrit dans le gros bac bleu. Un bruit retentissant de cannes de conserves résonna dans toute la cour au moment où elle plongea dedans. Bordel ! C'était le bac à recyclage ! Elle s'était trompée comme une débutante. Tess essaya de se relever, ce qui fit un tapage épouvantable. Elle se coupa le doigt sur une canne de soupe aux pois et elle lâcha un cri de douleur.
- Vous ne connaissez pas les ouvre-boîtes sécuritaires ? cria-t-elle.
Lorsqu'elle était petite, ses parents en traînaient toujours un avec eux...c'était avant qu'on le leur vole et que la situation dégénère.
Des éclats de rire retentirent autour d'elle, signe que plusieurs personnes s'y trouvaient.
- Au moins, elle n'est pas tombée dans le bac à ordure, ricana une voix féminine.
- Soit elle est vraiment stupide, soit c'était voulu, rétorqua une autre voix amusée.
- Ça suffit ! cria quelqu'un juste au-dessus de son « abri de fortune ».
Avant que Tess n'ait pu se redresser, un bras la saisit et la tira hors de là. Effrayée, elle se débattit, mais la poigne était ferme et la serrait tel un étau. Elle se retrouva soudain debout devant une dizaine de...flics. Ils étaient tous vêtus du traditionnel costume d'officier et paraissaient aussi surpris qu'elle.
Où était-elle tombée ?
Les vampires la fixèrent comme si elle était un extra-terrestre.
- Tiens ! Tiens ! fit l'un d'eux. Tu parles d'une belle prise, Miles !
Tess eut envie de leur balancer qu'elle n'était pas un poisson, mais elle se contenta de rester silencieuse. Elle avait peur qu'on ne la tue sur-le-champ pour s'être infiltrée sans permission sur ce terrain. De plus, le fait d'être humaine ne jouait pas en sa faveur.
- Tu as une minute pour m'expliquer qui tu es avant que je ne t'écrabouille comme la sale vermine d'humaine que tu es, fit l'officier qui l'avait tirée du bac.
Tess déglutit en songeant que ce n'était pas du tout sa journée.
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