► électrocardiogramme
❝ ELECTROCARDIOGRAMME ❞
━━━21•07•24
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Un sourire est la plus belle chose qu'un visage puisse porter. Et l'éclatance de celui qu'elle affichait achevait de m'enterrer.
J'étais une ombre au milieu des autres convives, une loque entourée de beaux costumes. Un parfait étranger, non pas inconnu de tous, mais une présence dérangeante, extérieure à toute cette liesse. On détournait le regard face au mien ou on affichait un sourire crispé. J'imaginais sans peine la question qui courrait sur toutes ces lèvres. Que fait-il ici ?
Je n'en savais rien moi-même. Lorsque j'avais reçu ce poignard sous forme d'enveloppe, je l'avais aussitôt jeté. Et puis mû par un instinct des plus bas, j'étais retourné le repêcher au milieu des poubelles de mon existence. Je crois que j'avais voulu assister au plus beau jour de sa vie, à l'expression de joie et d'amour intense qu'elle devait ressentir.
Même si ce n'était pas avec moi.
La voilà qui déambulait au milieu des invités, dans sa majestueuse robe blanche. Attirait-elle tous les regards ou était-ce seulement le mien ?
Cette femme, c'était la mienne, du moins elle aurait pu l'être.
Et si cette histoire devait connaître un fautif, c'était moi et moi seul. J'avais failli faner ce beau sourire à jamais, éteindre cette lumière, calciner ce cœur. Le remord m'accablait pour ce que j'avais fait ; j'aurais haï quiconque lui infligerait pareille douleur, c'est pourquoi je me haïssais moi-même. Autant que je l'aimais.
J'aimais les pointes rebiquantes de ses mèches brunes, ces quelque cheveux qui tombaient devant son œil gauche et qu'elle passait son temps à repousser en vain, cette ambre profonde qui peuplait ses orbes, tous ses grains de beauté qui se cachaient sur sa peau claire.
Mais plus encore que ce corps qui se flétrirait avant que je ne m'en lasse, j'aimais la fougue qui l'animait pour des causes multiples, la force de ses convictions quand elle parlait de l'avenir, la franchise dont elle n'avait pas honte, la maladresse qui la gagnait parfois, le désir de poursuivre le bonheur et son idéal, l'orgueil qui ne parvenait à la freiner.
J'adorais chaque part de son âme sans concession.
Mais je n'étais pas le seul.
Il se tenait là, celui qui avait ravivé ce cœur après sa chute, lui rendant ses battements puissants et sa flamme ardente. Avec sa barbe fine, ce sourire que je pouvais que jalouser, cette assurance que je n'avais jamais su feindre. Chaque apparition de cet être en costard causait une nouvelle entaille au fond de moi.
Il s'approcha d'elle. Effleura son bras de sa main, sa joue de ses lèvres. Et à chaque fois que leurs peaux se touchaient, c'était la mienne qui brûlait.
Un incendie de rancœur pourrait m'habiter mais toute chaleur au fond de moi était depuis bien longtemps éteinte sous des pleurs incontrôlables. Lorsqu'ils s'échangèrent un nouveau regard, je sus que c'était fini. Que l'espoir avait atteint ce point de non-retour où il se fracassait dans un terrible vacarme. J'avais eu ma chance et je l'avais perdue.
Le plus beau jour de leur vie serait pour moi le pire.
Mon incapacité à renoncer témoignait de mon désespoir. Je refusait pourtant d'y croire. Elle m'avait tant aidé par son simple sourire. L'unique perte de sa personne, de sa chaleur près de moi, suffisait à me faire basculer dans le froid. Un vide glacial que rien ne pourrait combler. Mon cœur, éparpillé en éclats gelés.
J'aurais aimé... j'aurais tant aimé être à tes côtés...
Il existe de ces astres lumineux dont on ne parvient à se détacher. Elle en était. Pourrai-je oser penser à l'oublier ? Oser tourner une page encore vibrante de chagrin ?
Sans doute étais-je condamné pour ces larmes que je lui avais fait verser. Trop nombreuses ; trop malheureuse. Au moins ne l'était-elle plus désormais.
Sois heureuse. C'est tout ce qui m'importe.
J'étais trop vide pour virer à l'obsession. Elle avait été proche de moi, elle ne l'était plus. Une phrase pouvait-elle causer à elle seule une telle souffrance physique ? A y penser seulement, mon cœur convulsait comme s'il allait rompre.
Peut-être serait-ce le cas.
⸻ Monsieur vous allez bien ?
Je réalisai l'épaisseur sueur qui trempait mon front et les tremblements de mes doigts. Il me semblait qu'il faisait chaud, une chaleur atroce qui rendait ma respiration difficile. Je manquais d'air, j'étouffais.
⸻ Je... oui, articulai-je en m'éloignant de la main tendue. J'ai juste besoin de m'aérer un peu.
Sans plus de regard pour la jeune femme qui m'avait aidé, je m'éloignai de la foule et de leur bonheur qui me parut plus écœurant que jamais. Une hypocrisie malsaine m'assaillit le cœur, sa brume brouillent ma vision comme les voiles d'un fantôme.
Celui d'une vie que j'aurais pu mener si je n'avais pas été aussi égoïste.
Et si lâche.
Les paroles se virent étouffées sous une cadence lourde et sauvage. Un rythme sombre qu'un bruit aigu venait renforcer comme un écho.
Un acouphène me vrille les tympans, faisant basculer ma vision dans un rouge carmin. Puis le noir.
Bip
Il n'y a plus que cette ligne. Elle monte. Elle descend.
Elle forme des montagnes, des pics qui s'affolent.
Bip
Ça y est, je perds la réalité. Mes pieds s'effondrent, mon corps est lourd. L'air est vide, un espace sans étoiles.
Bip
Je tombe sans rien pour ralentir ma chute, afin que l'impact final n'en soit que plus brutal.
Je tombe.
Je crois que c'est la fin
Bip
﹙𝚋𝚕𝚞𝚎﹚
J'ai imaginé ce texte comme le prologue d'une histoire où le narrateur retournerait dans le passé, avant sa relation avec la mariée de cet extrait, et essaierait de tout faire pour qu'elle ne tombe pas amoureuse de lui afin de ne pas la blesser comme il l'a fait la première fois.
Sauf qu'il conserve des sentiments profonds pour elle et que son cœur fait des siennes...
Tout ne vas pas se passer comme prévu (c'est rarement le cas d'ailleurs)
Est-ce que j'arriverai à l'écrire un jour ? :)
Mdr
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