Depuis le 1er janvier 2011, une formation de 7 heures est obligatoire pour tous les titulaires du permis B qui souhaitent commencer à conduire un deux-roues motorisé de 50 à 125 cm3.

Certains médias du monde motard ont salué l'instauration de cette mesure destinée, selon les pouvoirs publics, à garantir la sécurité des néo-motards mais, après quatre ans d'existence, quel en est le bilan ?

Le quadragénaire qui se met soudain à la 125, car c'est bien de lui qu'il s'agit dans l'immense majorité des cas (je ne parle pas du gars qui a décidé de passer son permis gros cube sur le tard, ce qui est à la fois différent et beaucoup plus rare), le fait généralement pour l'une des trois raisons suivantes :

- soit il commence sérieusement à en avoir sa claque des embouteillages dans lesquels il galère pour aller et revenir du boulot, des problèmes de stationnement, des dépenses liées aux 10 litres aux 100 que bouffe sa caisse en ville, etc... et découvre d'un seul coup qu'une petite bécane, in the city, ben c'est la fin de tous ces emmerdes là,

- soit il rêvait depuis des années de passer son permis gros cube, n'a pas eu le temps, le courage ou le pognon à y consacrer, pense que désormais il est trop tard pour le faire et se rabat finalement sur une 125 dont l'accès est beaucoup plus facile,

- soit il subit le choc de la quarantaine et compte se refaire un peu la cerise au guidon de ce qui constitue, dans son esprit, un engin de jeune.

En tout cas, à chaque fois il s'agit de quelqu'un qui fondalementalement est un automobiliste, de par sa formation initiale à la conduite et de par l'expérience qu'il a acquise en tant que tel.

Et c'est là tout le problème : n'importe quel motard sait que pour survivre sur la route en bécane, il faut bien sûr maîtriser parfaitement la conduite de ladite bécane, mais surtout anticiper sur toutes les conneries que pourraient faire les autres (je rappelle à ce sujet que dans 90 % des accidents de moto, la mauvaise manœuvre d'un automobiliste est en cause).

Or le caisseux devenu motard, s'il bénéficie désormais de cette formation « extra light » de 7 heures obligatoire pour avoir le droit de conduire sa 125 sur le réseau ouvert, va mettre des semaines à acquérir cette habitude de méfiance anticipatrice et salvatrice.

Quand je dis « extra light », soyons clair : cette formation semble avoir le mérite d'exister et présente toutes les apparences d'un progrès indéniable quand on sait que jusqu'à un passé très récent seule l'équivalence permis B était requise, mais, de mon point de vue, elle est très très très insuffisante, voire dangereuse.

Car tous ceux que j'ai connus sortant de l'auto-école nantis de ce seul acquis n'utilisaient pas la technique du regard, ne savaient pas freiner fort correctement, ni contrebraquer, ni manoeuvrer la meule à l'arrêt, bref, nada...

En revanche, ils avaient acquis la conviction que les bases de la moto, bah ça y était à peu près, quoi... que quelques bornes suffiraient et puis que finalement ce serait facile.

Erreur classique qui conduit à s'enhardir trop rapidement et à se gaufrer au bout d'un mois...

Les motards d'expérience le savent : on ne tombe jamais tout au début mais quand vient l'excès d'optimisme.

Tenez, pour un exemple de cette confiance trompeuse : l'an dernier, début de l'hiver, je vends une 125 Van Van à une femme qui m'explique vouloir l'offrir 15 jours plus tard à son mari pour ses 50 ans, afin de lui faire une énorme surprise. Le mec rêvait d'une Van Van depuis 2005, date de la sortie de cette réplique du Van Van des années 1970, mais n'était jamais monté sur une bécane de sa vie.

Elle me paye, assure la 125 en douce, prend rendez-vous à l'insu de son chéri pour passer la formation (entre nous soit dit, elle ne savait pas qu'il lui en fallait une), et lui offre la moto à l'issue d'une fiesta surprise organisée par elle et tous ses copains, ce dont le gars a dû avoir du mal à se remettre.

J'avais expliqué à cette dame que comme j'étais un très gentil garçon (si, si, c'est vrai) et que son mari ne pourrait pas bénéficier de la moindre prise en main lors de la remise du cadeau vu les circonstances, je me tenais à la disposition de celui-ci pour lui expliquer le minimum nécessaire au bon fonctionnement et à l'entretien de la meule, et aussi lui prodiguer s'il le voulait quelques conseils de base à l'issue de sa formation, ceci afin qu'il ne ne se mette pas bêtement au tas.

Elle m'avait alors assuré que son époux était la prudence personnifiée et que dès qu'il aurait subi la mini-formation, il ne manquerait pas de me contacter avec le plus grand plaisir.

Un mois après, le mec m'appelle et me dit qu'il fait trop froid pour boire un café « autour de la Van Van » (sic). Un peu surpris par le « autour de la Van Van », je lui dis qu'en effet, il fait frisquet pour aller faire un petit tour et là il me sort un discours du genre « vous savez j'ai fait la formation, maintenant je suis au top, je n'ai pas besoin de conseils, j'ai fait assez de manœuvres avec le moniteur, il m'a même parlé de l'effet gyroscopique, là-dessus c'est bon, je me sens complètement sûr de moi, en fait je veux juste que vous m'indiquiez quels produits d'entretien vous utilisez pour garder une moto de 8 ans dans cet état superbe, je vous rappellerai quand il fera beau »...

Ce discours n'a pas laissé de m'inquiéter.

Il ne m'a jamais rappelé.

Moi, je ne sais pas s'il se « sent au top et complètement sûr de lui » mais ce que je sais c'est que la Van Van a des pneus Dunlop hybrides qui grippent super bien à chaud sur le sec mais dont il faut se méfier comme de la peste dès qu'il tombe le moindre pipi de chat.

Mais ça, je n'ai pas eu le loisir de l'en prévenir puisqu'il n'a pas besoin de conseils...

Ceci pour dire que ce n'est pas en 2 heures de théorie, 2 heures de prise en mains et 3 heures de circulation qu'on peut former sérieusement un mec ou une nana à circuler en sécurité sur une moto. Surtout que le tout n'est sanctionné d'aucun examen final.

Nombre de quadras ou de quinquas en ont fait l'amère expérience en se faisant très peur, dans le meilleur des cas, ou bien pire...