16. Aarmeer

LUNA

Criii

Criii

Criii

Cr...

J'entrouvris un œil, agacée par le crissement répétitif des insectes.

Vous n'auriez pas pu faire moins de bruit?

En grognant, je m'étirai paresseusement sous les premiers rayons de soleil. La chaleur réchauffa mon visage, et je soupirai de bien-être: ça faisait longtemps que je n'avais pas dormi aussi bien.

Un coup de vent me fit soudain frissonner.

Je jetai un coup d'œil sceptique à ma tunique humide de rosée. Apparemment, il n'y avait pas que des avantages à dormir à la belle étoile.

Allez, courage Luna. Tu vas seulement te lever, passer une heure à t'échauffer puis t'entraîner jusqu'à ce que les autres se réveillent. Rien de si terrible, si?

Je poussai un gros soupir.

Si. Rappelez-moi pourquoi je ne suis pas magicienne?

Une moue peu aimable sur le visage, je me levai à grand peine de mon lit de fortune, me saisis de Clairdelune et décidai de me diriger vers les bois.

Une petite promenade ne me ferait pas de mal.

***

ARK

Je flottais dans une obscurité rassurante, qui m'enveloppait avec douceur, comme dans un cocon. Tous mes muscles étaient détendus.

Qu'est ce que je suis bien...

Mais cet état de parfaite sérénité fut de courte durée.

Une poigne de fer m'attrapa par le collet, me traîna sur quelques mètres et me plaqua durement contre un arbre.

Qu'est ce que...?

Je papillonnai des yeux, totalement désorienté, essayant d'identifier mon agresseur. Et je croisai un regard d'ambre.

Evidemment.

- Non mais ça va pas bien! Lâche-moi immédiatement!

- Tu vas m'écouter!

Son rugissement me fit taire. Je n'avais jamais vu mon ennemie dans un état pareil. Sa crinière volumineuse paraissait quasiment électrique, et son regard... Son regard...

Sincèrement, je vous souhaite de ne jamais vous faire regarder comme ça.

Jamais.

Les prunelles incandescentes me brûlaient, causant une douleur quasi physique. J'avais l'impression de découvrir à l'instant ce que signifiait l'expression voir rouge. Et croyez-moi, c'est très, très dangereux.

La guerrière rapprocha son visage du mien, frémissant d'une rage et d'un dégoût mal contenu.

- Réponds-moi, petite vermine. Que faisais-tu dans un lit avec Ava? Et à moitié nu?

Son regard descendit un peu, un rictus sardonique aux lèvres.

Je baissai les yeux et découvris que j'étais effectivement torse nu, vêtu d'un simple caleçon. Provocateur, j'esquissai un sourire en coin.

- Oh, ça dérange peut-être madame?

La guerrière ne me répondit pas, mais le rose de ses joues parlait pour elle. A ma grande déception, elle reprit contenance et me foudroya du regard.

- Ces pratiques sont contre-nature! Je...

Elle plissa le nez, dégoûtée.

- Je ne comprend même pas comment Ava en a été attirée ! Et toi, ne me dis pas qu'à Aarmeer ces abominations sont courantes!

Je lui adressai un sourire éblouissant.

- À quoi crois-tu que servent les prisonnières de guerre? Les Aarmeeriens sont bien moins prudes que vous autres...

Je ricanai.

- Enfin, j'imagine qu'une d'entre vous ne l'est pas.

Au moment où son regard prit feu, mon sourire en coin se figea.

Quelque chose me dit que je n'aurais pas dû dire ça.

La seconde d'après, un coup violent était porté à la partie la plus fragile de mon anatomie. Un hurlement de douleur m'échappa, et je me pliai en deux sous la souffrance.

Mon bourreau se pencha et murmura d'une voix suave à mon oreille:

- Alors, vas-tu me répondre comme un gentil garçon?

Le souffle trop coupé pour répondre, je me contentai d'haleter, essayant de reprendre ma respiration.

- Oh, tu veux peut-être recommencer? Ce serait avec plaisir...

Je relevai brusquement la tête, paniqué.

- Non! Je veux dire...

La guerrière me plaqua une nouvelle fois contre le tronc, m'enserrant la gorge de ses petites mains. Je me demandai comment elle faisait ça, elle qui m'arrivait à peine aux épaules.

- Je vais t'expliquer quelque chose, le mâle. Je ne supporte pas Ava, et elle me le rend bien. Mais voilà, elle fait partie de mes sœurs. Et on ne touche pas à elles. Jamais. Si je te reprends à faire une chose de ce genre, avec la rousse ou une autre de mes compagnes, je veillerai à te priver de ce qui fait ta fierté de mâle. Est-ce bien clair?

Je continuai à la fixer, sans baisser le regard.

Elle se rapprocha encore plus, front contre front. Tout ce que je distinguais étaient deux océans de lave en fusion.

Je sentis ses lèvres bouger contre mon oreille.

- Je ne me répéterai pas une troisième fois, imbécile. Est-ce clair?

Avec lenteur, je hochai la tête.

La guerrière me lâcha d'un coup, me faisant chuter lamentablement.

- Et dis à l'autre traînée de s'habiller en vitesse, nous partons dans quelques minutes.

La guerrière tourna les talons, et s'éloigna d'un pas décidé.

En me frottant la gorge, je regardai pensivement sa frêle silhouette se diluer dans les premières lueurs de l'aube.

***

LUNA

Comment

Je portai un violent coup d'épée au mannequin.

A-t-il

Un autre.

OSÉ?

Clairdelune se ficha dans la poitrine de paille avec un sifflement sourd. Je tremblais de rage, le souffle court et désordonné.

Comment ce crétin d'Aarmeerien a-t-il pu faire ça? Les mâles sont encore plus dangereux que je ne le pensais. Je veux dire, c'est répugnant ! Ce genre de chose doit se passer entre deux femmes qui s'aiment sincèrement et...

- Luna...

Je me retournai avec brusquerie, l'épée à la main.

Diane se tenait devant moi, sereine. Ses yeux gris étaient paisibles et brillaient de curiosité.

Je grognai, agacée de l'interruption.

- Écoute Diane, ce n'est pas le moment.

- Au contraire, je pense que ça l'est. Je ne sais pas pourquoi tu es en colère, mais si tu as besoin de parler, viens me voir. Je te connais assez pour savoir que tu noies ta douleur dans la rage.

La blonde se rapprocha de moi et pose une main sur mon épaule.

- Tu as le droit d'être faible, Luna. Tu ne peux pas tout contrôler.

Je la fixai un instant, puis je me dégageai de son emprise.

- Merci Diane, mais tout va bien. Nous ferions mieux d'y aller.

Elle secoua doucement la tête, puis plongea son regard rêveur dans le mien.

- Allons-y.

***

La bise sifflait dans mes oreilles, glaciale. J'étais agrippée à l'épaisse fourrure du tigre depuis des heures. Les crampes récoltées durant ma première journée de voyage me faisaient atrocement souffrir et j'avais l'impression que ma peau allait détacher de mon visage tant le vent était fort.

J'en peux plus...

Les plaines étaient toujours aussi mornes, sans vie. C'était un vrai désert.

Des herbes sèches, des herbes sèches et encore des herbes sèch...

Je me figeai. Devant moi se dressait un immense rocher, qui jetait une ombre vaste et sinistre sur les alentours. La pierre qui le composait était étrangement rouge, zébrée de striures noires. Le monolithe dominait le paysage morne et plat de sa forme insolite, découpée en pointes aiguisées.

Je frissonnai.

Quelque chose dans ce rocher était malsain. Mauvais. Inquiétant. Et pas mal d'autres adjectifs qui faisaient froid dans le dos.

Mais cette sensation d'anxiété n'était apparemment pas partagée par tout le monde: le mâle et son loup s'élançaient vers le rocher rouge, en hurlant comme des sauvages.

Je secouai la tête, affligée.

On dirait que les capacités cognitives masculines ne sont pas tellement développées...

Mon tigre bondit à son tour, gravissant le rocher en quelques puissantes enjambées. Il se figea aux côtés du loup gris, devant la vue qu'offrait le promontoire.

Et pour la première fois de ma vie, je ne sus pas quoi dire.

Entre les falaises abruptes où résonnait l'océan et les plaines désertiques, Aarmeer s'étendait, majestueuse. Une véritable mer s'étalait à mes pieds. Chaque tente avait une couleur différente et flottait dans l'air marin, créant des "vagues" de tissu. Le camp semblait été organisé de façon militaire: les rues de la cité mouvantes étaient perpendiculaires et tracées avec un soin maniaque.

Une énorme tente, de la même teinte rouge que le Rocher, dominait Aarmeer. L'étendard des mâles flottait à son sommet: deux épées noires croisées sur fond écarlate.

Toujours sans voix, je ne détachais pas mon regard de cet incroyable spectacle.

- Bienvenue à Aarmeer, femelle.

Le jeune homme fixait le camp, une lueur ardente dans les prunelles. Ses cheveux d'ébènes étaient décoiffés par le vent, et lui tombaient même sur les yeux. Pour la seconde fois, son visage était parfaitement détendu, semblant sculpté dans le marbre le plus pur.

Je haïssais la chaleur qui m'enserrait la poitrine.

***

Nous marchions, sur la crête rocheuse, à quelques mètres du vide.

Je détestais l'admettre, mais j'étais très nerveuse. Comme toujours lorsque j'étais fébrile, mes doigts jouaient avec le pommeau de l'épée, prêts à la dégainer en cas de besoin.

Un mâle, je peux gérer, mais plusieurs centaines?

Je n'étais pas la seule à être anxieuse.

Diane se mordillait sans cesse la lèvre, traînée numéro un tripotait une mèche de ses cheveux et des flammèches azurées parcouraient les mains de Sasha.

Je m'écartai discrètement d'elle. Une magicienne sur les nerfs, ce n'était jamais très bon pour la santé.

Le mâle, lui, avait l'air calme et serein. Si je ne le connaissais pas, j'aurais même dit enjoué.

S'il est si détendu, c'est que nous sommes en très, très mauvaise posture.

Soudain, des cris de joie résonnèrent dans l'air crépusculaire. Surprise, j'observai deux jeunes hommes piquer un sprint pour rejoindre le cafard, qui s'était aussi mis à courir.

Les mâles se donnaient des accolades, des tapes viriles sur l'épaule, un air réjoui sur le visage.

Les deux étrangers étaient totalement différents. Le premier était grand, musclé. Ses cheveux d'ébène tombaient en boucles sur un visage aux traits réguliers, illuminé par d'intenses yeux verts. Le deuxième semblait plus frêle. Même dans l'obscurité naissante, sa chevelure blonde et son regard bleu était repérables à plusieurs mètres.

Je les observai avec curiosité, peu habituée aux traits plus durs et à la haute taille des mâles.

Le cafard daigna enfin se tourner vers nous.

- Herran, Jack, je vous présente le Conseil de Crépuscule au grand complet: Sasha, Diane, Ava et Luna. Femelles, voici Herran, mon second, et le lieutenant Jack. Ils font partie de la Prophétie.

- Mesdemoiselles...

Incrédule, je regardai le dénommé Jack esquisser une révérence avant d'éclater de rire. Derrière lui, imbecile-en-chef et Herran l'observaient, un air résigné sur le visage.

- Bien, si Jack a fini de faire le pitre... Je voudrais vous présenter une dernière personne.

L'odieux sourire sardonique apparut sur le visage du détestable général.

Quelque chose me dit que nous sommes dans de beaux draps.

- Shiro, occupe-toi d'elles.

Avant que nous n'ayons pu réagir, des liens bleus de toute évidence magiques nous ligotèrent solidement.

Un mâle aux yeux bridés sortit lentement de l'ombre, un bâton de mage à la main.

Mon sang se mit à bouillir.

- Laisse-nous partir imbécile !

Je foudroyai du regard le sale traître qui me sourit d'un air faussement contrit.

- Oh, petite guerrière... Ne te souviens-tu pas où est-ce que tu m'as enfermé? Pour ma première nuit dans votre ville maudite?

Son atroce sourire s'élargit.

- Un proverbe que j'affectionne beaucoup dit: mort pour mort, affront pour affront. Je pense que tu vas découvrir très vite sa signification... Shiro, jette-les au cachot.

Avant de tourner les talons, le traître lance avec un grand sourire:

Faites de beaux rêves !

***

Alors? Cette arrivée à Aarmeer a été un peu... rude n'est-ce pas? Mais notre cher Ark est très rancunier ;)

Bref, dites-moi ce que vous en pensez, parce que... JE L'EXPLIQUE À CHAQUE CHAPITRE, VOUS DEVRIEZ LE SAVOIR. Na.

A très bientôt!

Nocturnale

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top