10. Enchanté(e)...
ARK
Clac-clac-clac-clac-clac-clac-CLAC-CLAC.
Des claquements de talons résonnaient dans le couloir, de plus en plus proches. Une lumière rougeâtre envahit soudain la cellule en s'infiltrant par le minuscule soupirail.
Lentement, je sortis de ma léthargie et dépliai mes jambes endolories.
C'était l'heure.
Un cliquetis se fit entendre dans la cellule, et la lourde porte s'ouvrit violemment, illuminant brusquement la pièce. Je clignai des yeux en essayant de m'habituer à la lumière.
Une grande femme à l'air patibulaire et armée jusqu'aux dents me fixa avec dégoût. Son visage ne m'était que partiellement visible, car plongé dans l'ombre.
- T'as y intérêt à ne pas z'y bouger, vermine.
La grosse femme s'approcha, une cisaille à la main, pour couper les chaînes qui entravaient mes poignets.
J'esquissai un sourire amusé. Dès qu'elle m'aura détaché, je l'assommerai et je lui volerai son trousseau de clefs.
Sûr de moi, je lui tendis mes poignets, et elle sectionna les chaînes.
J'eus à peine le temps de pousser un soupir de soulagement qu'elle m'envoyait un formidable coup de poing qui m'expédia encore une fois au pays des songes.
***
Quand je repris connaissance, j'étais toujours dans la cellule, menotté et aveuglé par le sang qui coulait de mon arcade sourcilière.
Je bouillais littéralement de rage.
Comment ces femelles osaient-elles frapper un général d'Aarmeer? En mission diplomatique en plus. Il fallait dire que je n'avais même pas eu le temps de me présenter.
Je me débattis avec violence, tirant sur les menottes au maximum. Le métal s'enfonça profondément dans ma chair, me faisant hurler de douleur.
- Eh beh ouais, c'est qu'c'est douleureux les meunottes... Saleté dé mâle.
Je me retournai.
La geôlière sourit affreusement, sa bouche molle de crapaud étirant son visage graisseux et boutonneux. Sa peau était diaphane, comme si elle n'avait pas vu la lueur du jour depuis des lustres. Comme touche finale, des cheveux emmêlés et sales lui obstruaient le visage.
Une moue de dégoût incontrôlable prit place sur mon visage.
- T'es conveuqué eu Conzeil, on va dezider dé teu zort. On z'y va. Bouge-té, vermine.
Je me crispai. Comment ça, on va décider de mon sort? Je vais être... jugé?
Je n'avais pas le temps de m'étonner de la nouvelle ou de me moquer de l'accent hideux de la grosse femme puisqu'elle me poussa devant elle et me fit avancer en prenant garde de poser son coutelas sur ma nuque.
- Bouge-té vermine. On z'y va eutre en rétard.
Je foudroyai la geôlière du regard, mais je n'eu d'autre choix que d'avancer et de disparaître dans le sombre dédale qu'était la prison.
***
LUNA
Nous apparûmes soudainement dans la salle du Conseil dans un éclat de lumière. Je me tournai aussitôt vers Sasha.
- Qu'est ce que ça veut dire? Qu'est-ce que c'est que cette mascarade?
- Oh, mais tu vas comprendre. Nous sommes ici pour présider à un tribunal.
-Un tribunal? Et pourquoi?
Sasha commença à faire les cent pas dans la salle.
- Vois-tu Luna, quelque chose m'a frappée dans la Prophétie: cette constante opposition entre deux camps. Cette insistance sur l'alliance à contre-cœur, contre notre volonté, etc.
Mais c'est ce vers qui m'a mis sur la voie: Enfants de Mars et de Vénus. Je me suis souvenue d'un livre très ancien que j'ai déchiffré il y a plusieurs années sur l'astronomie. D'après l'auteur, deux planètes se côtoient dans le ciel, mais sont de nature et d'apparence opposée: Mars et Vénus. Toujours d'après lui, Mars est le symbole de la masculinité tandis que Vénus est celui de la féminité. Mâle, femelle, alliance à contre-cœur... Ça ne vous dit rien?
J'écarquillai les yeux. Se pourrait-il que...?
- Non... je murmurai. Non, ce n'est pas possible...
Diane semblait être elle aussi désemparée. Même Ava, pour une fois, était choquée par la révélation.
Soudain, trois coups furent frappés au portail de chêne.
- Tiens, on dirait que notre invité est arrivé, déclara calmement Sasha. Entrez!
Et la lourde porte s'ouvrit, révélant la seule personne pouvant m'égaler en escrime.
***
ARK
Nous avançâmes tant bien que mal dans les étroits couloirs de la prison. L'atmosphère était étouffante. L'air était lourd, capiteux, et montait à la tête: j'avais l'impression que c'était le même depuis des siècles.
L'odeur du sang et de renfermé me donna des vertiges et je m'appuyai quelques seconde sur les murs suintant d'humidité. Mais l'ogresse ne l'entendit pas de cette oreille.
- Bouge-té, sâle mâle!
Cette douce déclaration fut accompagnée d'un coup de bâton dans le ventre. Je me pliai en deux, brûlant de haine, mais je fus obligé d'avancer.
Nous continuâmes notre chemin. Je n'en pouvais plus. Le monde tournait autour de moi, je m'effondrai à moitié sur les parois gluantes, le goût métallique du sang dans la bouche.
Soudain, un rayon de lumière me fit cligner des yeux. Mais pas rougeâtre comme celle des torches, non, la lueur du jour.
Une énorme porte sculptée se trouvait devant nous, entrouverte et laissant passer la lumière. La geôlière frappa trois grands coups, et me poussa devant l'entrée.
- Lé Conzeil va té récévoeir.
Je fis disparaître l'expression de souffrance et de fatigue de mes traits et la remplaça par mon masque de froideur et de noblesse.
- Adieu... je murmurai en pensant à Herran, Jack et surtout à Aarmeer.
Puis, la porte s'ouvrit sur mon destin.
***
Je me trouvais dans une énorme salle, spacieuse et lumineuse. Sur tous les murs étaient accrochées de magnifiques tapisseries colorées et le sol était d'un marbre étrange, couleur sang. Mais ce qui captura toute mon attention, c'est l'incroyable dôme de verdure.
Il était vraiment gigantesque: même la plus grande des tentes d'Aarmeer est minuscule en comparaison. La voûte était composée de fibres végétales tressées laissant la lumière filtrer à travers. Les rayons de soleil passai Et par les nombreuses gemmes vertes accrochées au dôme, ce qui les teintait d'une douce couleur chlorophylle. Touts ces faisceaux de lumière se croisaient et se mêlaient, formant une immense toile lumineuse trente mètres au-dessus de moi.
J'en eus le souffle coupé. Jamais je n'aurais cru qu'une telle beauté était possible.
- Qui êtes vous?
Je détachai enfin mon regard de la voûte et me tournai vers mon interlocuteur. Ou devrais-je dire mon interlocutrice.
Une femelle me toisait d'un air curieux. Sa peau avait la couleur de la nuit et son opulente chevelure, de la même teinte, cascadait dans son dos. Mais c'étaient surtout ses yeux qui m'étonnaient : ses prunelles chocolat me transperçaient de part en part. J'avais l'impression que cette femelle lisait en moi comme dans un livre ouvert. Et je détestais ça.
Je décidais donc d'attaquer le premier. Après tout, ne dit-on pas que la meilleure défense est l'attaque?
- Et vous? Il ne me semblez pas que vous vous soyez présentée?
Soudain, un rire cristallin résonna. Une jeune fille aux cheveux de feu sortit lentement de l'ombre, toujours en riant.
- Eh bien, monsieur le mâle, vous avez du mordant!
Pour la deuxième fois en quelques minutes, je ne pus détacher mes yeux de tant de beauté.
La fille qui se tenait devant moi était parfaite. Il n'y avait pas d'autre mot. Ses cheveux roux sombre et sa bouche rouge et pulpeuse contrastaient avec la blancheur d'albâtre de sa peau, tandis que ses yeux de saphir m'observaient, amusés.
- Je vais donc me présenter, messire me susurra-t-elle. Je m'appelle Ava du Crépuscule, première guérisseuse, et je suis vraiment enchantée de faire votre connaissance.
A cet instant, je bénis mon masque de froideur. Sans lui, je pense que j'aurais été déjà réduit à l'état d'une écrevisse balbutiante.
- Ava! Arrête ton manège, tu veux?
L'instant de grâce était brisé. Je me retournai vers la provenance de la voix féminine.
Deux autres femelles se tenaient devant moi, très différentes.
La première est blonde avec de grands yeux gris pensifs qui lui mangeaient le visage. Elle avait un air serein et rêveur.
La deuxième... La deuxième était celle qui avait parlé et que je connaissais déjà. Oh non, je n'oublierai jamais cette crinière couleur bronze, ces traits déformés par la rage, cette taille si ridicule et surtout, ces prunelles d'ambre flamboyant de fureur. Je n'oublierai jamais la femelle qui m'avait humilié pour la première fois de ma vie. Celle dont je me vengerai.
- Très bien, dit la femelle à la peau noire. Nous allons nous présenter. Je suis Sasha du Crépuscule, première magicienne.
- Et moi Diane du Crépuscule, je suis première artisane, renchérit la blonde.
Enfin, yeux-de-feu se planta devant moi, un sourire moqueur aux lèvres.
- Tu me connais déjà, puisque je t'ai battu en duel...
Je serrai les poings, me retenant de l'étrangler.
- Mais je vais me présenter. Je m'appelle Luna du Crépuscule, première guerrière.
Elle planta ses prunelles incandescentes dans les miennes et lâcha un seul mot, dégoulinant de sarcasme.
- Enchantée.
Sasha avait dû voir que j'étais à deux doigts de lui sauter à la gorge, puisqu'elle s'interposa.
- Maintenant que tout le monde s'est présenté, vous pouvez bien nous dire votre nom!
Je dégustai d'avance l'effet qu'allaient avoir mes mots.
J'effectuai une courbette ironique.
- Je suis le général Ark d'Aarmeer, chef du camp du même nom, et je suis venu pacifiquement pour vous proposer une alliance contre l'Ombre. Par malchance, j'ai été attaqué par votre soi disant guerrière et maltraité par le laideron qui vous sert de geôlière. J'espère que nous pourrons trouver un accord.
Mes lèvres s'étirèrent dans mon célèbre sourire en coin.
- Enchanté...
***
Et voilà! Notre pauvre Ark a bien souffert avec l'immonde geôlière, hein? Son accent m'a bien fait rire ^^
Personnellement, j'ai de plus en plus envie d'étrangler Ava... Elle incarne tout ce que je déteste. Mais vous devrez la supporter encore longtemps, j'en ai peur.
Bref, commentez si ça vous a plu!
A bientôt ;)
Nocturnale
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top