[26] juillet - roman d'été

« Longtemps après cet été-là, les quatre sœurs Penderwick parleraient encore d'Arundel. C'est le destin qui nous y a conduits, dirait Jeanne. Plutôt la cupidité du propriétaire de notre maison à Cope Cod, rétorquerait une autre, sans doute Skye. »

— Jean Birdsall, Les Penderwick

(un beau livre de mon enfance haha)


    Nous étions partis tôt le matin, nous répartissant dans deux voitures. Marie-Anne conduisait la vieille VoitureDuPeuple que sa grand-mère lui avait donnée et Jean-Baptiste une PeuJoe empruntée à ses parents. 

    J'étais montée avec Eustache, Philippine et J-B, laissant donc Natacha, Olivier, Camille, qui s'était jointe à nous, Elsa et Marie-Anne ensemble. Le meilleur bachelier d'Ordnungsheim commençait d'ailleurs à se faire du mouron au sujet de ces deux dernières : 

    « Vous pensez que c'était une bonne idée de laisser Maya et Elsa dans la même voiture ? 

    — Mais oui mec, elles sont grandes, elles savent se contrôler. 

    — C'est mal connaître Maya que de penser qu'elle peut se contrôler. »

    Eustache, assis à la place du co-pilote, continua d'essayer de le rassurer tant bien que mal en lui rappelant que Camille était là pour contenir Marie-Anne et Natacha pour Elsa. Mais rien à faire :  l'ex-délégué, futur élève de Sciences Po, n'arrivait pas à se calmer : 

    « Et si elle s'énervait et qu'ils faisaient un accident à cause de ça ? 

    — Pour l'instant c'est plutôt nous qui risquons de faire un accident si tu ne cesses de penser à tes prétendantes, intervins-je. 

    — C'est un chapitre clôt ça Renée ! se défendit-il. Je n'aime aucune des deux. 

    — Et tu n'aimes pas Eustache non plus, on a compris, complétai-je. C'est dommage quand même.

    — Bon et si on faisait un jeu ? coupa Philippine. 

    — Quel jeu ? demanda Eustache. 

    — Vache. 

    — Vache ? répéta-t-il.

    — Oui, le premier qui voit une vache a gagné, et il choisit le prochain élément que l'on doit voir.

    — C'est un peu un jeu de... »

    Mais avant que je n'aie pu terminer ma phrase, J-B hurlait à travers la voiture :

    « Vache ! 

    — Regarde la route toi ! s'écria Eustache. 

    — Mais je regarde la route ! Il y a une vache devant nous ! »

    En effet, dans la remorque du véhicule qui nous devançait se trouvait une vache qui semblait bien à l'étroit. Sur la porte était collée une étiquette où une vache était dessinée, s'exclamant : « Salut ! Je suis Renée la vache et je fais du bon lait bio. Venez l'acheter à la ferme de Roden ! »

    « Hé, elle s'appelle comme toi ! s'amusa Phil. 

    — Super... »

    Le jeu continua ainsi jusqu'au chalet des parents de J-B. Bien qu'il fut long et ennuyeux, il faut reconnaître qu'il permit au délégué de se changer les idées et de nous emmener à bon port sains et saufs. Lorsqu'il gara enfin la voiture dans l'allée, ils étaient tous les trois d'humeur délicieuse et blaguaient comme s'ils étaient les meilleurs amis du monde.

    Peut-être que c'était le cas après tout. Peut-être qu'il était possible d'être ami avec des Terminales alors qu'on n'était qu'en Première. Peut-être même qu'il était possible de devenir ami avec quelqu'un en seulement quelques semaines, quelques jours. Est-on ami avec une personne à cause des choses que l'on a traversées ensemble ou parce que nos caractères se complètent, fonctionnent bien l'un avec l'autre ? 

    Est-ce que Philippine, avec qui j'avais tout partagé et tout vécu ces sept dernières années, allait trouver de meilleurs amis en Eustache et J-B ? Allait-elle partir ? Tout ce temps passé à s'échanger des livres, des histoires et des rêves allait-il s'avérer équivalent à une matinée de « Vache » dans une PeuJoe ? 

    « Tu viens Renée ? »

    Ma meilleure me tira de mes pensées en ouvrant ma portière. Lorsque je décollais mes cuisses poisseuses du siège à présent trempé de sueur, mon cœur tambourinait encore contre ma poitrine :

    j'avais peur, peur de perdre ma meilleure amie pour des personnes plus « cools » que moi.

    « Tu es sûre que ça va ? me demanda-t-elle en remarquant ma mine déconfite. 

    — Oui oui, je me suis juste souvenue d'un truc... Laisse tomber, ça va passer. », improvisai-je. 

    Elle me jeta un regard suspicieux, mais n'insista pas. Nous commençâmes par sortir la nourriture du coffre, et alors que nous nous apprêtions à sortir nos valises personnelles, la toux du moteur de la VoitureDuPeuple se fit entendre derrière nous : les autres étaient arrivés. 

    Nous nous installâmes tous, les garçons dans une chambre, les filles dans l'autre, puis passâmes l'après-midi et la soirée dans le jardin. Le premier jour se passa assez simplement : les Terminales riaient ensemble tantôt et apprenaient à connaître les trois Premières que nous étions le reste du temps. 

    Philippine se mit aux fourneaux et Eustache tenta de flirter avec elle. Les autres étaient installés dehors à se remémorer des histoires de lycée, et moi j'étais assise à table en train de taper des idées pour mes écrits sur mon téléphone. J'entendis soudainement des cris, pris une odeur de brûlé et, relevant la tête, découvris Philippine en train de jeter le Chinoiroux hors de la cuisine à coups de cuiller :

    « Va plutôt mettre la table, tu es une véritable calamité en cuisine Eustache !

    — Aïe, non, je voulais juste t'aider !

    — Eh bien aide-moi en m'appelant quelqu'un qui sait cuisiner ! »

    Eustache disparut dehors et je lançai un regard interrogateur à mon amie. Elle essaya de se défendre : 

    « Il a mis des pâtes dans une casserole !

    — Où est le problème ? 

    — Il n'a pas mis d'eau ! 

    — Personne n'est parfait ! »

    Olivier arriva à la rescousse et surprit tout le monde par ses talents de cuisinier. Nous mangeâmes dehors, enveloppés dans des pulls et des couvertures, car la température était tombée avec la nuit. 

    Le lendemain, nous mîmes le cap sur une petite rivière, pique-nique dans le sac et maillot de bain sous les shorts et les t-shirts. Après un petit quart d'heure de marche, J-B s'arrêta devant un pont qui surplombait un ridicule ruisseau dans lequel on pouvait à peine tremper les orteilles :

    « C'est ça ta rivière ? demanda Eustache. 

    — C'est étrange, il y avait beaucoup plus d'eau dans mes souvenirs. 

    — Deux possibilités, soit c'est le réchauffement climatique, soit tu étais vraiment minuscule quand tu étais petit, déclara Camille. 

    — Et si on regardait en amont ? Il y en aura peut-être plus.

    — Oui, allons-y. »

    Nous marchâmes une demie-heure de plus, mais ne trouvâmes toujours pas plus d'eau. J-B était dépité et nous essayâmes de le réconforter tant que nous pouvions : 

    « Il nous reste le pique-nique ! On va quand même bien s'amuser. 

    — Allons nous installer là-bas pour manger, ça a l'air sympa ! », dit Maya, prenant les devants avant que son ami ne trouve une nouvelle excuse pour s'apitoyer sur son sort. 

    Nous étalâmes la couverture sur l'herbe verte et sortîmes le repas. Mais à peine avions nous entamés nos sandwichs que des dizaines de chèvres se mirent à nous encercler. 

    « Salut ma belle ! s'exclama Eustache en en caressant une. Comment tu t'appelles ? Renée toi aussi ? »

    Philippine se mit à rire. Traître.

    C'est alors qu'une autre chèvre lui vola son sandwich, manquant au passage de lui manger la main. Elle poussa un cri apeuré et sauta dans les bras de son voisin, à savoir Jean-Baptiste. Je fus la seule à jubiler, ravie d'être vengée par une chèvre :

Marie-Anne, Elsa et Eustache arrivaient à peine à dissimuler leur jalousie,

Natacha et Olivier étaient l'un contre l'autre, oubliant le monde qui les entourait,

et pour ce qui était de Camille, elle était trop occupée à protéger son sandwich d'une autre bête.

   Quand enfin quelqu'un vint à notre rescousse, il ne restait plus rien à sauver de notre repas :

    « Hé ! C'est une propriété privée ici ! Qu'est-ce que vous faîtes ici ? »

    Je ne sais pas qui de lui ou de nous fut le plus surpris : Bernard se tenait là, un chien de berger à ses côtés. 

    « Bernard ? 

    — J-B ?

    — Tu es venu ici pour t'éloigner de la population après avoir perdu ton trône au lycée ? demanda Camille qui ne le portait pas plus que les autres dans son cœur. 

    — Non, je suis ici parce que mes grands-parents possèdent une maison et des bêtes, et qu'ici, c'est leur terrain. Et vous, qu'est-ce que vous faîtes ici ? 

    — Bernard qui travaille comme berger pendant l'été ? On aura tout vu ! »

    Camille avait raison ; à part elle, nous étions tous trop abasourdis pour dire quoi que ce soit, mais nous n'en pensions pas moins. Quand j'avais dit vouloir un final avec tous les personnages, je n'imaginais pas trouver Bernard au milieu des chèvres.

    C'est alors que Natacha poussa un cri : un des animaux venait de lui mordre la fesse. On voyait déjà une tâche rouge se former sur son short. Ce rouge était plus inquiétant que celui qui teintait d'habitude ses joues. Son petit ami hurla à son tour et nous pressa pour que nous l'aidions. 

    « Mais qu'est-ce que vous fabriquez bon sang ? Dépêchez-vous ! Faîtes quelque chose ! nous sommait-il.

    — Tout doux M. Parfait, le coupa Bernard. On va l'amener chez mes grands-parents, c'est tout près et il y aura de quoi la soigner. »

    Nous suivîmes Bernard à travers les pâturages et arrivâmes quelques minutes plus tard seulement devant une petite chaumière qui semblait à peine pourvue d'eau courante. 

    « Je vais chercher des bouteilles d'eau. »

    Rectification : qui n'était pas pourvue d'eau courante. 

    « Attendez-moi dans la salle commune et tâchez de lui enlever son short. »

    Il marqua une pause puis ajouta :

    « Ne vous avisez pas de sortir cette phrase de son contexte : je ne suis peut-être pas Olivier ou J-B les mecs parfaits, mais je ne suis pas un violeur. »

    Les deux Terminales aidèrent Natacha à entrer dans la maison et la soulevèrent pour la poser sur le ventre sur une table. La jeune fille était pâle et tremblait, terrorisée à l'idée de ce qui allait peut-être pouvoir se passer :

    allait-elle se vider de son sang et mourir dans la salle à manger des grands-parents de Bernard ? 

    allait-elle avoir une infection et devoir se faire amputer du bas du corps d'ici quelques mois ? 

    allait-elle ne plus jamais pouvoir s'asseoir de sa vie sans avoir mal ?

    « Quelle ironie ! Finalement, Bernard Bad Boy te verra quand même en petite culotte ! » lança sa meilleure amie pour essayer de la détendre. 

    Cela ne la fit que paniquer un peu plus.

    « C'est comme s'il te voyait en maillot de bain ! la rassura Camille. 

    — Oui, tout à fait. Mais attendez... C'est exactement le cas ! s'exclama Maya en se remémorant qu'ils s'étaient effectivement préparés pour se baigner ce jour-ci.

    — Tu vois, il n'y a aucune raison d'avoir peur. », conclut Elsa. 

    Aucune raison hormis le fait de s'avoir que sa fesse ouverte par une chèvre va être soignée tant bien que mal dans une maison où les conditions sanitaires sont plus que douteuses par une bande d'élèves avec pour seules connaissances de médecine de vagues souvenirs de 

    cours de biologie,

    stages de premiers secours effectués au collège,

    et séries télévisées sur le monde de l'hôpital. 

    Finalement, Natacha serait peut-être celle qui serait sacrifiée à la fin de ce livre pour lui donner une fin dramatique. 



[hello ! 

désolée pour le retard de ce chapitre, malgré le confinement j'ai eu quelques soucis à gérer (du genre des oraux annulés pour mes concours. HAHAHA. *rire nerveux*)

je pense que nous touchons à la fin, encore deux chapitres et les aventures d'Eustache seront terminées...

enfin, gardons ce au revoir pour le moment opportun,

en attendant, faites très attention à vous et à vos proches,

j'espère que tout va bien pour vous

flouce


PS: relecture pas encore faite, si vous voyez des fautes n'hésitez pas]

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