[19] juin - lgbtq+

L'homosexualité n'est pas un délit, mais elle constitue une anomalie biologique et sociale.

Jean-Marie Le P- euh pardon, The Crayon
(ps : l'auteur est totalement contre les propos de cette citation)


Alors là c'est le pompon ! m'exclamai-je en mon for intérieur.

S'il restait à Jean-Baptiste quelques chances de survie dans l'estime de Marie-Anne et Elsa, elles venaient de partir en fumée en quelques instants.

L'une fulminait, les poings serrés. Quelques grognements s'échappaient de sa bouche qui arborait une moue exécrée. J'eus un petit mouvement en avant, me tenant prête à l'arrêter si elle décidait de sauter sur J-B ou Eustache (ou les deux) et de commettre un meurtre.

Il s'agissait bien évidemment d'Elsa.

Quant à l'autre, elle restait là, la mâchoire tombant, complètement scotchée. Deux solutions : soit c'était le néant total dans son esprit, soit elle se posait dix milles questions en même temps. Pauvre Marie-Anne...

Un silence pesant régnait dans l'infirmerie. Personne n'osait trop parler, de peur de faire exploser Elsa ou de déclencher une tempête de pleurs chez Marie-Anne. Ce qui aurait été un véritable cataclysme dans les deux cas...

Finalement, c'est la « SPORTIVE » qui brisa ce lourd silence. Elle ravala sa salive et déclara d'une voix étonnamment assurée :

« Contente de voir que tu vas mieux Jean-Baptiste. Je vais retourner en cours du coup. »

La métisse tourna les talons et se dirigea de façon robotique vers la porte. Elsa suivit son exemple et se contenta de lâcher à J-B qu'il n'était vraiment qu'un « pauvre con ». Elle quitta ensuite l'infirmerie, Natacha sur les talons.

Je me sentais vraiment dans mes petits souliers à cet instant ; je décidai donc de saluer discrètement les garçons, et de les abandonner à mon tour.

Lorsque je sortis de l'infirmerie, je n'étais plus sûre de rien. Un schéma avait commencé à se dessiner, Eustache résolvait tous les problèmes du lycée et avait trouvé sa bande de copains. Il était l'ami parfait, qui vous venait toujours en aide, même s'il assurait ne pas posséder de formule magique. « GARÇON PARFAIT », ç'aurait été une belle case pour lui. Cependant, il venait de faire éclater tout son groupe, et de détruire des années d'amitié entre Marie-Anne et Jean-Baptiste.

Et l'ami parfait ne fait pas ça. L'ami parfait aurait agi afin que ces deux-là se retrouvent ensemble. L'ami parfait aurait trouvé un autre copain génial pour Elsa. Et Eustache n'avait réalisé aucune de ces deux actions.

Qu'allait-il se passer à présent ? Comment les rangs allaient-ils se dessiner ? Eustache et J-B ensemble, formant le premier couple homosexuel de toute l'histoire d'Ordnungsheim, contre le reste du lycée ? Ou bien tout ceci n'était-il que méprise, et les deux pauvres garçons allaient se voir abandonnés par tout le monde, contraints de manger seulement tous les deux à la cantine à cause d'un bête quiproquo ?

Ce fut en effet ce qu'il se passa.

Chaque jour passé était un peu plus tendu que le précédent, pour diverses raisons : les épreuves du bac qui approchaient, la fin de l'année, qui marquait le départ final de Jean-Baptiste et Marie-Anne, et puis la chaleur qui était de plus en plus insupportable.

Le jeudi premier juin, nous avions droit à de la « flamme baguette ». A lire "fla-meuh baguette". Ne vous méprenez pas, Français de l'intérieur ou étrangers, il ne s'agit pas d'une baguette carbonisée, en feu, ou encore saupoudrée de piment Carolina Reaper (placé juste en dessous d'une bombe d'auto-défense sur l'échelle de Scoville).

Sûrement avez-vous déjà entendu parler des Flammekueche, communément appelées "tartes flambées". Peut-être avez-vous même eu la chance d'en goûter une fois dans votre vie ! Il s'agit d'une pâte fine s'apparentant à celle de la pizza sur laquelle a été étalée une bonne couche de crème fraîche, puis ont été généreusement déposés lardons et oignons.

La « flamme baguette » est donc une baguette coupée en deux sur laquelle on a mis crème fraîche, lardons et oignons. Un régal !

Sauf lorsqu'il s'agit de la « flamme baguette » de la cantine évidemment, qui dénote du prix des produits sur le marché : les oignons étant sans aucun doute moins chers que les lardons et que la crème, ils composent quatre-vingt-dix pour-cent de la garniture.

« J'espère que t'as des Frit Dents, me souffla Philippine en recevant son assiette.

— On va devoir se contenter de Tique Taque désolée...

— Regarde, déclara-t-elle en changeant de sujet. Eustache et J-B sont encore tous seuls à leur table.

— Et Vincent est encore tout seul à la sienne ! répondis-je en attrapant une serviette en papier.

— Oui je sais, mais ces deux-là me font de la peine... Vincent le cherche. Dois-je te rappeler ce qu'il m'a dit la dernière fois ? »

Vincent était un garçon bizarre. L'an dernier, il avait été dans notre classe et s'était très vite retrouvé assis tout seul au premier rang. Il passait son temps à marmonner dans sa barbe et à poser des questions étranges et hors-sujet aux professeurs, comme par exemple : « Ne pensez-vous pas qu'Hitler agissait en un sens pour son peuple, et que d'un certain point de vue, ce qu'il a fait n'était pas si mal ? » en plein milieu d'un cours sur l'Antiquité romaine. Il insultait le pauvre arabe de notre classe et se moquait ouvertement de pas mal d'élèves. Et pour couronner le tout, il adorait dénoncer ceux qui avaient enfreint le règlement, ne serait-ce que parce qu'ils s'étaient fait un bisou sur la joue... Enfin, résultat, il avait très vite été isolé.

Au conseil de classe auquel Philippine, alors déléguée, avait assisté, la mère de Vincent avait fait remonter dans le questionnaire pour les parents (que seule elle avait rempli d'ailleurs) que les élèves de la classe ne faisaient aucun effort pour intégrer son fils, et qu'elle aimerait qu'ils soient plus ouverts.

En bonne déléguée généreuse et dévouée, Philippine était donc allée le voir à la récréation suivante, alors qu'il était assis seul à une table. Luna, la déléguée d'une autre classe et amie de longue date, l'avait gentiment accompagnée (parce que j'avais refusé de m'approcher de ce psychopathe).

« Salut, on peut s'asseoir avec toi ? avait demandé Luna.

— Non.

— Pardon ? demanda étonnée Philippine.

— J'aime bien être seul, donc je n'ai pas envie que vous vous asseyiez avec moi. Voilà. »

Luna s'était retournée et avait demandé à Phil si c'était normal. Mon amie lui avait répondu en haussant les épaules : « C'est Vincent... ». Et plus personne n'avait jamais essayé d'établir un contact avec lui.

Peut-être qu'Eustache le fera, qui sait ?

Enfin, je m'éloigne de notre histoire. Philippine donc, attristée par la solitude des deux garçons, me traîna par la manche jusqu'à leur table où elle installa son plateau.

« Salut ! s'exclama-t-elle enjouée.

— Salut, répondit J-B incertain en nous voyant débarquer.

— Je m'appelle...

— Philippine. », compléta Eustache.

Ma meilleure amie parut surprise, Jean-Baptiste lança un regard plein de sous-entendu au « CHINOIROUX ». Quant à moi, je levai les yeux au ciel en soupirant.

« Et toi tu es la fille qui est venue nous parler d'Angélique, c'est bien ça ? m'interrogea le Terminale.

— Ouais, soufflai-je étonnée qu'il se souvienne de moi malgré son évanouissement.

— Qu'est-ce qu'il se passe cette fois-ci ? poursuivit-il. Un fantôme à aller chasser sous la chapelle ?

— De quoi vous parler ? interrogea Phil les sourcils froncés.

— C'est une longue histoire, répondîmes J-B et moi simultanément.

— Que je me ferais un plaisir de te raconter. », ajouta Eustache.

Apportez-moi un seau, le « CHINOIROUX » en train de draguer me donnait la nausée. C'était quoi ces répliques clichées ?

Enfin, cela prouvait en tous cas une chose : J-B et Eustache ne s'étaient pas mis à sortir ensemble, et le « CHINOIROUX » n'était pas gay.

Ou peut-être était-il bi ?

Mon Dieu, ça devenait trop compliqué.

« Tu réfléchis toujours autant ? me demanda J-B, me sortant de mes pensées.

— Oui, elle est comme ça toute la journée, soupira mon amie. C'en est parfois épuisant...

— En quoi c'est épuisant, c'est moi qui réfléchis, pas toi ! m'insurgeai-je.

— Oui mais du coup je dois répéter plein de choses deux fois pour être sûre que tu les as entendues, déclara-t-elle dans un autre soupir.

— C'est vrai ? »

Je ne l'avais jamais remarqué tiens. Peut-être devrais-je m'observer moi-même plus souvent...

« Tu recommences, fit-elle remarquer.

— Pardon, m'excusai-je prise sur le fait.

— Oh t'inquiète pas Renée, c'est comme ça que je t'aime ! s'exclama-t-elle en riant doucement. D'ailleurs, vous êtes en couple tous les deux ou pas ? »

J-B avala un oignon de travers et commença à s'étouffer. Je lui tendis un verre d'eau en lui tapotant dans le dos, tandis qu'Eustache se tourna vers Philippine et déclara avec son calme et son charisme maintenant habituels :

« Oh non sûrement pas ! Nous sommes juste... De super potes. Pas vrai J-B ? »

Rouge comme Natacha, le Terminale reprit juste assez de souffle pour l'approuver :

« Tout à fait, lâcha-t-il avant de reprendre une gorgée d'eau.

— C'est juste qu'on est peut-être trop tactiles pour des mecs, poursuivit Eustache dans ses explications, et que du coup certains se méprennent.

— Hé la tarlouze ! s'exclama Bernard en passant avec son plateau. Tu devrais t'occuper de ton petit ami, il est en train de mourir étouffé.

— Ton français est si délicat Bernard, ça fait plaisir à entendre ! », répondit Eustache en se levant pour aller remplir un autre verre d'eau pour J-B.

L' « ex-BAD BOY » lui bloqua le passage en bombant le torse. Le « CHINOIROUX » leva les yeux au ciel et lâcha dans un soupir :

« Qu'est-ce que tu me veux Bernard ?

— Oh rien du tout mon cher Eustache. Je profite juste de la situation.

— La situation ? répéta le « CHINOIROUX » en haussant un sourcil.

— Et bien oui, l'ordre a été rétabli à Ordnungsheim : vous, vous êtes craignos, et moi, j'ai la classe. Il suffisait d'attendre que la vérité éclate au grand jour ! Echec et mat 'Stache, j'ai gagné la partie. Il n'y a pas beaucoup de place ici pour les étrangers, et encore moins pour les péd-... »

Le garçon n'eut même pas fini sa phrase qu'on lui avait déjà mis une claque magistrale : Philippine.

Énerver une fille est une très mauvaise idée, surtout Philou.

« Pourquoi tu m'as frappé ? demanda Bernard d'une voix suraiguë et surprise.

— Pourquoi je t'ai frappé ? répéta mon amie choquée que cet idiot ne comprenne pas. Mais parce que tu n'es qu'un sale... »

Elle s'arrêta quelques instants, cherchant ses mots, puis termina sa phrase :

« Parce que tu n'es qu'un sale raciste homophobe. Voilà pourquoi !

— Et tu as oublié misogyne ma cocote. », compléta Bernard.

Ce fut la remarque de trop : Philippine lui donna un coup dans l'entrejambe et le pseudo « BAD BOY » s'écroula sous l'effet de la douleur.

Je vis Mme Brie-Saint-Faron (qui venait comme par hasard d'arriver) ouvrir d'immenses yeux et se diriger vers nous, prête à nous coller tous autant que nous étions, voire pire.

Et alors que je pensais que tout était fini pour nous, une bataille de nourriture se déclencha dans la cantine, la première depuis des décennies, et nous sauva de la terrible punition. Des flamme baguettes volaient à travers la salle, et très vite l'une vint s'écraser sur le chemisier de la CPE.

« Mais c'est pleine lune aujourd'hui ou quoi ? » s'écria Mme Brie-Saint-Faron complètement dépassée par les événements.

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