Le lendemain, Suzy m'a réveillée à l'heure du soleil. Dès que les premiers rayons ont percé le verre de la fenêtre, elle m'a secoué l'épaule.

— Votre Majesté, vous avez du travail... me taquine-t-elle.

— Je... J'arrive, marmonné-je en papillonnant des paupières.

— Si tu n'as pas bougé dans dix minutes j'appelle Aedan... lâche-t-elle avec un clin d'œil avant de s'éclipser.

— C'est pas du jeu ! m'écrié-je en bondissant.

La dernière fois, je pense qu'il m'a renversé un verre d'eau sur la tête, puis qu'il m'a tirée du lit en me portant vers la fenêtre, menaçant de m'y jeter en robe de nuit si je traînais. Inutile de préciser que je n'ai aucune envie de réitérer l'expérience...

Finalement, puisque je suis debout, je me dirige vers la garde-robe et cherche une tenue appropriée pour ma première journée en tant que Reine.

Je le sais depuis quelques temps à présent, mais cela me perturbe toujours autant.

— Tu devrais porter une robe sophistiquée pour faire impression, me conseille la Sorcière en arrivant dans mon dos.

— Comme celle-ci ?

Je désigne du doigt une tenue longue bleue et dorée. Ses manches translucides et larges couvrent pudiquement les bras sans dédaigner un côté féminin.

— Bonne idée.

Elle m'aide aussitôt à l'enfiler et me coiffe, si bien que quelques minutes plus tard je suis prête à parcourir les couloirs, à saluer les nobles revenus au Palais en entendant la nouvelle de la réapparition de leur Reine et à suivre des milliers de cours. L'Ambassadeur m'a expliqué que les Draconides propriétaires de terres avaient quitté le Palais à la mort de mes parents. À présent, des regards me suivront presque partout, ce qui n'aide pas à me calmer.

— Allez, ton escorte t'attend.

— Une escorte ? Vous ne me l'aviez pas dit, fais-je avec un soupçon de reproche.

Suzy me fait un sourire d'excuse. Je lui fais signe que ce n'est rien, un peu anxieuse à l'idée de découvrir cette fameuse escorte. Sera-t-elle nombreuse ? Composée de vieux croûtons psychorigides ?

Je secoue la tête, désespérée par mes propres réflexions. On verra bien.

La porte de ma chambre me fait face et je la pousse en inspirant.

— Sa Majesté Anais des Draconides ! hurle une voix tonitruante.

Je suis tentée de me boucher les oreilles mais n'en fais rien, pertinemment consciente que ça ne m'avancera à rien. Je détaille plutôt le Draconide qui vient de brailler mes titres pour m'annoncer.

— Donovald, deuxième fils du Duc de Vall, proclame-t-il en me sondant de ses iris vifs d'un bleu intense.

Il repousse une mèche imaginaire qui ne s'est jamais échappée de sa tignasse blonde et frappe sa poitrine du poing. Suzy se fraye un chemin à mes côtés et lui lance :

— Donovald, je vous serai grée de présenter à la Reine son escorte.

Son ton formel et peu amène me renseigne sur la maigre estime dans laquelle elle tient le jeune noble. Il lui rend un regard purement glacial et sourit d'un air faux.

— Dame Suzy, la salue-t-il avant de se tourner vers moi. Majesté, les gardes fidèles ici présents ont juré de vous protéger. Vous seule avez le pouvoir de nous congédier et nous avons été entraînés par les meilleurs maîtres d'armes afin de vous servir. J'en suis le chef, et le porte-parole.

Je hoche la tête d'une manière que j'espère appropriée, ni trop sévère et froide, ni trop amicale. Je me fie assez à l'opinion de Suzy pour me retenir de placer ma confiance en cet homme. Je me promets de l'interroger sur les motifs de sa méfiance plus tard.

— Enchantée. Suzy, où dois-je aller à présent ? poursuis-je.

Donovald me fixe et j'essaie de ne pas me formaliser de son regard trop insistant. Suzy me sourit légèrement et me répond d'une voix égale.

— Vous avez un déjeuner avec l'Ambassadeur et son fils, ainsi que le Premier Conseiller. Ensuite vous prendrez vos premiers cours, Majesté.

— Merci. Me conduis-tu là-bas ?

— Non, excusez-moi mais je dois aller superviser l'organisation de votre bal d'investiture.

Je n'en ai jamais entendu parler mais n'ajoute rien, soupire discrètement et m'en remets à Donovald, qui n'a cessé de me dévisager. Je lui retourne un regard glacial que j'espère assez clair, et il détourne le sien.

— Majesté, veuillez nous suivre, s'incline-t-il avec une courbette.

Aussitôt, les gardes m'entourent et Donovald se place à ma droite, raide comme un piquet. Je me sens un peu enfermée, mais je suis toujours libre d'avancer, heureusement. Les Draconides restent à une distance de deux mètres et je me dépêche de prendre le chemin de la salle à manger, pressée de me retrouver à nouveau débarrassée de ce fils du Duc de Vall qui ne m'inspire pas confiance.

Après quelques couloirs sinueux aux couleurs familières, nous arrivons devant la porte de la salle à manger. Donovald frappe deux grands coups.

— Entrez ! retentit la voix de l'Ambassadeur depuis l'autre côté.

Le jeune noble ouvre la porte puis hurle à m'en casser les oreilles :

— Sa Majesté Anais des Draconides !

Je pénètre dans la salle d'un pas calme et volontairement contrôlé. Je ne connais pas le Premier Conseiller et m'attend à tout, même si mon expérience avec le Régent me rend méfiante vis-à-vis des gens de pouvoir.

Je le repère aussitôt. Deux iris obsidienne viennent se figer dans les miens et détailler ma silhouette. De courtes boucles brunes surmontent un visage lisse inexpressif, qui finit par se plisser en un sourire léger et cordial.

— Majesté, salue-t-il d'un ton poli en inclinant la tête.

Je réponds par le même geste d'une manière que j'espère gracieuse.

À ses côtés siègent l'Ambassadeur et Aedan, élégants dans leurs costumes noir et argent. Une cape sombre aux liserés émeraude couvre les épaules de l'Ambassadeur, à la différence de son fils. Je les salue également et ils me font une révérence qui me met aussitôt mal à l'aise, ce que j'essaie de ne pas dévoiler face au Premier Conseiller.

— Placez-vous donc en tête de table, Majesté, me propose ce dernier avec un sourire poli de circonstances.

Je souris légèrement et prends place sur le siège confortable de tissu rouge vif bordé d'or. Aussitôt, je sens deux yeux noirs me détailler en catimini, à la recherche du moindre faux pas, et je pense furtivement que ce déjeuner ne sera pas une partie de plaisir.

Coucou ! Merci d'avoir lu ce chapitre, j'espère qu'il vous plaît !
Entrent deux nouveaux personnages importants... Donovald de Vall et le Premier Conseiller. Vos avis ? Pressentiments ?

Merci encore de poursuivre l'aventure avec Anais et les autres ! ❤️