Chapitre 34.3 - Encaisser les assauts,

Qu'est-ce que ça veut dire ? Où est Elli ?

— Il est... il tient toujours le poste 11.

Il a surtout eu les jetons d'y aller lui-même. Si je n'avais pas pris les choses en main on en serait encore à attendre sa décision.

— Kirsten, passez immédiatement le commandement à quelqu'un d'autre et retournez à votre poste.

— Pas question !

— Kirsten ! Je ne peux pas me permettre de vous laisser prendre un tel risque. Obéissez !

— C'est trop tard, nous sommes bientôt arrivés. Occupez-vous de votre poste, Major, vous m'engueulerez après la bataille. Terminé.

Pas de réponse. C'est passé.

Nous arrivons vers la zone commerciale. Les tirs sont soutenus devant nous, ça ne rigole pas. Nous nous mettons à l'abri derrière un magasin bardé de tôles métalliques et reprenons notre souffle.

— Kirst, on va faire le tour et voir comment ça se passe de l'autre côté.

— Bonne idée.

Il prend trois hommes avec lui et part à l'opposé en longeant le bâtiment.

Je me risque à regarder au coin du mur. Un petit groupe tire sur un autre coincé derrière un camion renversé au milieu d'un carrefour. Les tireurs nous tournent le dos. Le problème, c'est que je ne sais pas qui est qui.

— À ton avis, ils sont dans notre camp ?

Greg regarde par-dessus mon épaule. Les yeux plissés, il cherche le moindre détail qui pourrait l'aiguiller sur un début de réponse.

— Je te rappelle qu'on ne connaissait personne avant d'arriver dans ce trou. Par contre, je ne me souviens pas avoir vu de XM10 parmi les fusils d'assauts que j'ai pu croiser à Walldorf.

— Où ça ?

— Le type en train de tirer, celui qui nous tourne le dos. Crois-moi, je l'aurais remarquée cette arme.

Je prends mon talkie.

— Akram, ici Kirsten du poste 11. On est sur place. Est-ce qu'au moins l'un d'entre vous possède un...

Je me tourne vers Greg.

— Un HK XM10 Mark 2, munition 5,56 Otan...

— Mais j'm'en fous ! J't'ai pas demandé sa page Wikipédia. Akram, un XM10, vous en avez un ?

Si c'était le cas je l'aurais remarqué.

— Okay. On arrive.

Je fais signe aux hommes postés à l'autre bout du bâtiment d'attendre mon ordre pour intervenir. Les tirs en face s'intensifient. Nous nous mettons en position, mais l'un d'eux nous voit et prévient ses camarades. Alors j'ouvre le feu, immédiatement suivie par ceux qui m'entourent. J'en ai eu un ! Deux autres tombent. J'ajuste et fais mouche une seconde fois ! Les survivants prennent la fuite pour se mettre à couvert.

— Allez-y. Go !

Le signal donné, les hommes postés de l'autre côté du bâtiment s'élancent et disparaissent derrière le mur. Des tirs suivent. Ils viennent de les intercepter. Si ma mère me voyait...

— On y va !

Je bondis de mon couvert pour me diriger vers les types bloqués derrière le camion. L'un d'eux ose sortir la tête. Je lui fais signe que nous sommes avec eux avant d'arriver à leur hauteur.

— Kirsten, du poste 11. On vient vous donner un coup de main.

Les quatre hommes se regardent, étonnés. L'un d'eux est blessé à la jambe.

— Merci, mais qui vous a prévenus ?

— Akram a demandé de l'aide.

— Akram ? Eh bien, tant mieux pour nous.

— C'est quoi ton nom ?

— Luis. Mais...

— Akram, ici Kirsten. On vient de rejoindre des hommes à toi. Un petit groupe, avec un certain Luis.

Luis ?! Il est encore là ?

— Je les prends avec moi. Où êtes-vous ?

Le magasin d'outillage, tu le vois ?

Je lève la tête et cherche quelque chose qui ressemblerait à ça. Je ne trouve rien de tel, mais à voir le nombre de types qui s'acharnent sur un des bâtiments cinq-cents mètres devant nous, je suppose qu'il doit s'agir de celui-là.

— Je crois le voir. Celui avec tous les mecs devant ?

— Tout juste. On est là. Mais il doit y avoir d'autres hommes de mon groupe coincés ailleurs. Il faut les retrouver, mais ne prenez pas de risques inutiles pour nous.

— Ça risque d'être compliqué, Akram, ils sont vraiment très nombreux les types de la République. Tenez bon, on va faire de notre mieux.

Il va falloir créer une diversion, je ne vois pas d'autre moyen.

Markus, ici Joost.

Joost, je t'écoute.

*

— Il me semble apercevoir de nouvelles troupes en approche.

Décris.

— Que je décrive ? On dirait des camions, de tailles diverses, moyennes je dirais. Quant à leur nombre, difficile à dire, ils sont encore loin. J'en vois trois pour le moment. Et une voiture. Non, deux. On dirait toute une colonne de véhicule.

De quel côté arrivent-ils ?

— Du sud et se dirigent vers vous depuis la route L598.

— À tous les postes, renforts ennemis en approche. Joost, garde-les à l'œil et recontacte-moi dans cinq minutes.

Pour lui dire quoi, qu'ils ont avancé ? Ridicule.

— Joost, y'a plein de véhicules qui arrivent !

— Oui, Daniel, je les ai vus. Il faudra faire profil bas quand ils passeront près de l'hôtel.

— Et ceux qui arrivent par l'autoroute ?

— Comment ça, il y en a d'autres ?

Il me fait signe de le suivre avant de partir à toute vitesse. Je lui emboîte le pas et m'engouffre dans les couloirs de l'hôtel à sa suite. Nous arrivons dans l'une des chambres orientées ouest qui donne sur l'autoroute. Nils nous y attendait.

— J'ai compté trois fourgons et au moins cinq voitures.

— Mais où vont-ils comme ça ?

La question de Daniel m'a tout de suite paru stupide, mais en réfléchissant à l'évidente réponse, je réalise soudain que cette manœuvre ennemie n'est pas anodine.

— Markus !

Joost, ça ne fait pas encore cinq minutes.

— D'autres véhicules approchent, par l'autoroute cette fois-ci. Vu leur vitesse, ils arriveront vers la zone commerciale à l'ouest de Walldorf dans environ dix minutes.

Pas de réponse. Et l'ennemi continue d'avancer sur l'autoroute. Je cours pour retourner dans ma chambre d'observation côté L598. C'est pire que ce que je craignais. Il y a maintenant cinq camions de ce côté. Ils arrivent à notre hauteur à vitesse modérée.

— Markus, les renforts en approche depuis la route L598 sont considérables, au moins aussi nombreux que les troupes initiales.

Toujours pas de réponse.

*

Markus ! Tu as entendu ?

— Oui, Joost. Je réfléchis.

L'assaut que nous avons repoussé n'était donc qu'un échauffement. Ils voulaient d'abord tester nos défenses, nous épuiser, nous démoraliser et nous faire gaspiller des munitions avant de lancer la véritable attaque.

— Major, qu'est-ce qu'on fait ?

Tous les regards sont braqués vers moi. Ils ont entendu toute la conversation avec Joost. J'aurais dû prendre mon oreillette. Les tirs ont cessé depuis plusieurs minutes, pourtant, la peur n'a jamais été aussi visible dans leurs yeux.

— Major, il faut...

— Les blessés sont évacués ?

— Bientôt.

— Dépêchez-vous, et réapprovisionnez les tireurs.

— Kirsten, où en êtes-vous ?

— (Tirs !) C'est plus compliqué que prévu, major, (Tirs !) on ne peut plus avancer.

— Akram. Tu me reçois ?

C'est la merde, major ! (Tirs !) On est coincés !

Je ne peux pas l'abandonner, pas lui. J'ai déjà perdu presque tous les soldats que j'avais sous mon commandement dans le bunker. Bientôt ils seront tous morts.

— Kirsten. Il... Il faut que vous les sortiez de là.

Ils nous ont bloqués. (Tirs !) On a des blessés. Je (Tirs !) pas si on pourra les rejoindre.

C'est moi qui les ai envoyés là-bas.

Major, s'ils ne peuvent pas nous aider maintenant, ils le pourront encore moins dans dix minutes à en croire Joost. (Tirs !) Elle ne peut rien pour nous, il faut qu'elle se replie avec ses hommes.

Il a raison, d'autant plus qu'il s'agit de la fille d'Annah Fraudren, je ne peux pas risquer sa vie.

Markus, le convoi ennemi vient de dépasser l'hôtel. Les premiers arriveront au poste 13 dans moins de deux minutes.

— Que faisons-nous ?

— Que tous les fantassins se remettent en position à la barricade.

— Mais Major, entre les blessés et les morts il ne reste que la moitié des effectifs. Nous ne pourrons pas tenir.

Ici poste 13, nous avons un visuel. Nous ne tiendrons pas à un second assaut, surtout de cette envergure, nous avons perdu un tiers de nos effectifs.

— Boris, quelles sont vos pertes au poste 12 ?

Minimes. On s'en est bien sorti.

— Dans ce cas rejoignez Kadir.

Négatif, y avait pas mal de pignoufs qui tentaient leur chance à travers les ruines le long de la route. Sans nous, Kadir se serait fait prendre à revers. On doit rester sur place, pas l'choix.

— Major ! Ici poste 18, nous venons de recueillir des survivants du poste 2, à l'est de Walldorf.

— Quoi ?!

Des sueurs froides me glacent la nuque.

Ils leur sont tombés dessus par surprise, ils n'ont rien vu venir. Raffael y est resté. La République arrive par l'est !

J'ai la tête qui tourne. Respirer devient difficile. Les battements frénétiques de mon cœur remontent jusque dans mes tympans et couvrent les sons qui m'entourent. Tout défile au ralenti devant mes yeux. Les derniers blessés que l'on évacue, les fantassins qui courent, affolés, les tireurs qui cherchent une position de tir, les cadavres que l'on termine de dépouiller avant de les mettre de côté. Je ne vois que l'angoisse, le doute, la saleté, les ruines, la boue, la mort.

J'ai froid.

Une main me saisit le bras.

— Major, j'dois prévenir l'poste 10 qu'on va s'replier ?

C'est Yvo. Mais qu'est-ce qu'il fait là ?

— Pourquoi tu n'y es pas, justement, au poste 10 ?

— Je suis venu avec les autres pour aider les blessés.

Il est totalement engagé, et en aucun cas effrayé. Il est tout au mieux intimidé, mais par moi, parce que j'ai toujours eu cet effet sur lui. Il reste là, confiant, à attendre ma réponse. Il ne fait que suivre les ordres, suivre le plan, sans réellement prendre conscience du danger. On se croit immortel à son âge, même à notre époque. On pense que les balles nous éviteront, que l'on ne tombera jamais malade, ou que l'on peut mettre n'importe qui K.O d'une simple droite. Pour lui la partie est loin d'être finie.

— Major ?

L'évidence se lit dans ses yeux, il ne comprend pas mon hésitation. Et il a raison. J'avais moi-même envisagé que nous devrions rapidement abandonner les postes du premier cercle de défense, ça fait partie du plan. Alors pourquoi hésiterais-je maintenant ?

— Retourne auprès d'Eugen, on arrive.

Le gamin confirme d'un mouvement de tête, les lèvres pincées, déterminé à gagner.

J'empoigne mon talkie.

— Kirsten, repliez-vous sur le poste 11. Et c'est un ordre.

Compris.

— Akram, restez sur place, et en vie.

On ne risque pas de bouger.

— Josef, tenez le poste 18 le plus longtemps possible et repliez-vous sur le n°24 si ça devient intenable.

Reçu.

— Goldstein, votre poste 17 couvrira les arrières du 18. Ne lâchez rien si jamais vous êtes attaqués, ils ont besoin de vous.

On fera de notre mieux.

— Pour les autres, repli immédiat. Boris, foncez vers le poste 21, vous couvrirez Kirsten et ses hommes s'ils doivent fuir le poste 11.

On y court.

Kadir, Billy et Gero, repliez-vous vers le poste 10. S'ils veulentWalldorf il faudra nous en déloger.  

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