Chapitre 31.3 - Instaurer le dialogue pour que l'avenir soit
— L'avant-poste 2 ne devrait pas être inquiété, je doute que la République fasse un tel détour par l'est. Josef, je vous le confie.
Le chef des forces de Walldorf semble surpris.
— Vous voulez dire en plus du poste 18 ?
— Tout à fait. Il faudrait un groupe de trente hommes là-bas.
— Dans ce cas, je pense que Raffael pourra s'en charger.
Tous les regards se sont braqués sur le trentenaire à la barbe rousse et aux yeux bleus. Il ne réalise pas tout de suite ce qui vient de lui être demandé.
— Je... vous êtes sûrs ?
Aucune réponse de la part de Josef ou du major.
— D'accord. Mais je choisis les trente qui m'accompagnent.
— Bien sûr.
— Akram, je te confie l'avant-poste 1.
Moi ?
— J'ai besoin de quelqu'un d'expérience pour celui-ci. Si je ne crains pas un contournement par l'est, j'en redoute un à l'ouest, surtout une fois qu'ils se seront heurtés à nos premières lignes. Tu prendras la tête du groupe du caporal Flegel. Ils devaient initialement tenir le poste 11, mais nous pouvons maintenant le confier à d'autres.
— À vos ordres, Major. Que devient mon groupe au poste 15 ?
— Je pense que ton second devrait pouvoir s'en sortir, non ?
La moitié de l'assemblée a le souffle coupé. Quelques chuchotements s'élèvent. Mais le major n'en tient pas compte et continue.
— Plus que jamais nous avons besoin de personnes d'expérience. Qui d'autre ici a foulé un champ de bataille durant la guerre ?
Aucune réponse.
— C'est bien ce qui me semblait. Nous avons tous confiance en Akram, et s'il a lui-même décidé de s'en remettre à l'Américain, alors la question est réglée. Donc, Billy, vous prenez le commandement du groupe d'Akram, poste 15.
Mon second et ami acquiesce sans un mot, d'un simple mouvement de tête, comme à son habitude.
— Raffael, Akram, n'oubliez pas votre rôle : nous prévenir en cas de contournement ennemi. Votre importance sera aussi capitale que celle du groupe de Joost. Vous serez nos yeux.
Je suis fier que le major Klein ait pensé à moi pour ce poste qu'il juge si important. Mais cette mission d'observateur derrière les lignes ennemies me rend nerveux. Si les troupes de la République nous contournent par l'ouest comme l'envisage le major, nous serons alors coupés du reste de Walldorf, seuls.
— Passons aux autres affectations. Elli, nous allons dispatcher vos forces pour renforcer les postes qui seront les plus exposés.
— Nous sommes à vos ordres.
— Il faudra dix tireurs et trente fantassins pour renforcer les postes 13 et 14. Pour vous, quatre tireurs et cinquante fantassins afin de défendre le poste 11, que je vous confie. Le reste revient à Billy au poste 15. Je vous laisse choisir parmi vos hommes.
Elli Herbert accepte d'un vif hochement de tête.
— Poste 12. Boris, avec tes hommes du Point d'eau et les trente autres de Walldorf que t'a confié Josef, il faudra surveiller et tenir toute cette bande qui longe la route 291. Les habitations en ruine et le mur anti-bruit encore debout le long de la route rendent toute cette zone difficile d'accès, même à pied, mais pas impraticable pour autant. Certains tenteront sûrement de passer à travers. Vous devrez donc rester vigilants et les cueillir avant qu'ils ne se regroupent. Vous servirez également de forces de réserve en cas de pépin. Pour vous, le mot d'ordre sera mobilité.
— Pas de soucis, nous nous déploierons tout le long.
— Poste 13. Kadir, à la tête des Résistants. Attention, vous et le poste 14, que je commanderai en personne, risquez de subir le plus gros de l'assaut.
— C'est tout ce que nous demandons. Nous avons trop longtemps combattu dans l'ombre, notre lutte va enfin prendre un sens.
— Heureux de l'entendre. Billy, au poste 15. Vous devrez vous aussi vous attendre à une lourde confrontation.
— Je sais. Nous ferons bien.
Malgré son allemand encore bancal, Billy veut montrer qu'il sera à la hauteur. J'ai confiance en lui. Ça n'a pas été facile, mais il a réussi à gagner le respect des membres de mon groupe de combat. Il est totalement intégré et je sais qu'ils lui obéiront.
— Poste 16. Gero, en plus de tes effectifs de Schriesheim, comme vous n'avez pas d'armes à feu, je te confie dix tireurs de New Town piochés dans le groupe du caporal Flegel. Tu pourras t'appuyer sur leur expérience.
— Merci, Major.
— Poste 17. Goldstein, je vous laisse l'intégralité de vos troupes de Sandhausen. Je ne souhaite pas défaire votre cohésion.
En confiant des postes directement à des représentants de Peterstal, Walldorf, Schriesheim et Sandhausen, Klein honore ces communautés de leur présence et renforce nos liens au sein de l'Union. C'est purement politique, et même si j'ai toujours détesté ce genre de calcul, je dois aujourd'hui admettre qu'ils sont opportuns.
— Poste 18. Josef, je vous laisse le soin de nous démontrer à tous que Walldorf peut assurer sa défense en vous confiant le flanc est.
— Vous nous mettez la pression, Major.
Le ton est ironique, mais soulève une réelle crainte. Ce ne sont que des volontaires inexpérimentés et encore empoisonnés par les radiations qui ont décidé de défendre le peu qui leur reste. Armés d'outils tranchants et contondants, ils ne seront couverts que par une poignée de tireurs. Loin d'être une véritable force de combat, ils veulent malgré tout prouver au reste de l'Union qu'ils méritent bien leur place dans notre faction.
— Vous serez isolés. Nous ne pourrons pas vous apporter d'aide si vous êtes débordés. Si cela venait à arriver, il vous faudra rejoindre le poste 24 au plus vite, c'est compris ? Pas d'héroïsme.
— Compris.
— Poste 10. Eugen et le reste des forces de New Town. Le mieux serait que nous n'ayons pas besoin de vous.
— C'est tout le bien que je nous souhaite.
— On compte sur vous en cas de repli sur le cercle n°2. Vous devrez couvrir la retraite des postes 13, 14, 15 et 16, vous savez ce que ça signifie ?
— Que l'on devra partir en dernier.
— Et clouer l'ennemi sur place avec vos mitrailleuses.
— Justement, à ce propos, nous ne sommes pas encore prêts. Il...
— Plus tard, Phil.
Coupé dans son élan, Phil se renfrogne.
— Les postes de repli sur le cercle n°2 seront chacun gardés par une vingtaine d'hommes de Walldorf. Soyons francs, ce ne sont pas des combattants, seulement des gardiens qui veilleront à ce que nos places soient chaudes à notre arrivée. Point important. Contact radio permanent pour tout le monde, alors vérifiez dès maintenant qu'elles fonctionnent. Les chargeurs de batteries sont dans la pièce à côté. Le groupe électrogène tourne, alors profitez-en. Elli, faites-moi penser à vous donner un talkie. Des questions ?
Elli Herbert hésite un instant avant de finalement poser la question qui lui brûle les lèvres.
— À quel poste du cercle n°2 devrai-je me replier ?
— Poste 20, puis 31 si ça tourne mal. J'aurais dû en parler, effectivement. Tous les autres connaissent leurs postes de repli ?
Un « oui » partiel et hésitant retentit mollement avant de laisser place à un silence gênant.
L'atmosphère est lourde, un mélange de doute et d'appréhension. Pour beaucoup, leur expérience de la guerre se résume à fuir les bombardements, les drones et les chars de l'Alliance Orientale. Certains n'ont encore jamais tiré avec une arme à feu tandis que d'autres n'ont aucune idée de ce qu'est une chaîne de commandement. Et que dire des mêlées sanglantes que seuls Billy et moi, et peut-être Boris, avons déjà vécues. Ils devront mener leurs hommes au milieu de cette boucherie alors qu'eux-mêmes n'y connaissent rien, et à voir leurs mines abattues, ils en sont conscients.
Klein a encore du mal à saisir que nous ne sommes plus qu'une poignée d'anciens militaires. À planifier sa stratégie avec le caporal Flegel, à préparer les fortifications avec le seconde classe Boris ou à discuter armement avec les première classe Eugen et Phil, il en a oublié qu'il est à la tête d'une armée de civils. Certes, ils font preuve d'engagement et de bonne volonté, mais ce ne sont encore que des bleus inexpérimentés, et je crois que cette nuit, à l'instant même, Markus Klein vient d'en prendre conscience.
Tête baissée, il prend une grande inspiration.
— Tout est allé si vite ces derniers jours que j'en ai omis l'essentiel. J'ai oublié que pour vous, ainsi que pour la plupart des hommes et des femmes qui composent cette armée de l'Union, la première du nom, il s'agira du baptême du feu.
Il prend son talkie.
— Joost, ici le major Klein.
— Je suis tout ouïe, Markus.
— Pas de signe ennemi ?
— C'est parfaitement calme. La sérénité même.
— Tiens-nous informés au moindre mouvement.
— Soyez tous rassurés, nous restons vigilants. Joost, terminé.
Puis, il prend le temps de refixer sa radio à la ceinture.
— Réunissez tout le monde sur la grande place, au poste 10. Les infirmiers, médecins, non-combattants de Walldorf qui tiendront les postes arrière, tous ceux qui participeront de près ou de loin à cette bataille.
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