Chapitre 31.2 - Instaurer le dialogue pour que l'avenir soit

Nous entrons dans la salle de briefing et saluons tout le monde. Pas de retour. Les visages sont crispés.

Tous les chefs de groupes ne sont pas encore arrivés. Il y a Kadir, le leader des résistants, avec Kurt, désormais officialisé comme son second. Ils discutent tous les deux avec Boris, le chef du Point d'eau, et Gero Friedel, le jeune commandant des forces de Schriesheim, ainsi que leurs seconds respectifs qui restent à l'écart. Le caporal Flegel se tient debout devant la table disposée au centre de la pièce où est exposée la carte. Il l'examine avec attention et gribouille quelques notes sur un carnet. Assis plus loin, de l'autre côté de la table, Eugen discute avec Phil, le pied toujours immobilisé dans une attelle de fortune. Avec Billy nous nous dirigeons vers eux.

Ils stoppent leur conversation à notre arrivée.

— Alors comme ça le Syrien a pris l'Américain comme second, original.

— Faut bien se serrer les coudes entre étrangers, il y a trop d'Allemands ici.

Les sourires s'affichent, quelques secondes, puis s'effacent.

— Le caporal vous a dit quelque chose ?

— Tu veux dire, en plus de l'arrivée des mecs de Peterstal ? Non, rien. Il attend que tout le monde soit là.

Hartwin Goldstein, visage ridé, cheveux blanc clairsemés, responsable des forces de Sandhausen, fait son entrée avec Mathis, son fils et second. Un peu perdus, voyant que tout le monde reste dans son coin, ils vont s'asseoir sur les chaises les plus proches.

— On se croirait à un séminaire d'entreprise.

Personne ne voit où Phil veut en venir.

— Mais si, vous savez, ce moment où les employés arrivent les uns derrière les autres et que personne n'ose taper dans les petits fours.

— Je n'ai jamais fait de séminaire. J'ai toujours été militaire.

— En même temps, tu n'as pas vraiment eu le choix entre l'armée et vendre des kebabs.

— Va te faire voir, Phil. Et les kebabs c'est turc, pas syrien. Va plutôt en parler à Kadir.

— Je taquine, du calme. Et toi, Billy ?

— Moi quoi ?

— Tu as toujours été militaire ?

— Toujours ? Non. Mais tu te croire encore pour un militaire ?

— On dit « tu te prends », l'Américain, et que sommes-nous si ce n'est des militaires ?

— Des survivants qui battent pour eux, pour le survie.

— Il va encore falloir bosser ton allemand, mon vieux.

Nous rions, juste au moment où le major Klein fait son entrée.

— Je vois que l'ambiance est à la décontraction.

À l'exception de Phil, nous nous sommes tous levés.

Un type que je n'ai encore jamais vu précède le major.

— Rassemblez-vous autour de la table. Il y a beaucoup à dire et peu de temps pour le faire. Tout le monde est là ?

Rapide coup d'œil dans l'assemblée.

— Il manque encore Josef Dunker.

— On commence sans eux. Je vous présente Elli Herbert, un des leaders de Peterstal. Il vient d'arriver avec une force combinée de 28 tireurs et 150 fantassins issus de Peterstal, mais aussi de Wilhelmsfeld et surtout de Ziegelhausen, qui ont fourni plus de la moitié des hommes et femmes, si je ne me trompe pas.

Il se tourne vers Herbert.

— C'est bien ça, Major. Nous nous excusons de ne pas être venus plus rapidement, mais comme vous l'imaginez, il est difficile de rassembler autant de forces en si peu de temps.

— Vous arrivez à temps, c'est tout ce qui compte. Commençons. Voici le plan de la ville reproduit par le caporal Flegel. Ici, en vert, la communauté de Walldorf nouvellement assimilée à l'Union, deux-mille-cinq-cents personnes environ, la raison de notre présence ici.

Quelques regards se croisent, interrogatifs.

— Oui, je fais un rapide topo pour ceux qui viennent de débarquer. Toutes les zones grisées représentent les anciens champs de bataille, autrement dit, les zones en ruine de la ville. Vous le constaterez par vous-même, mais le niveau de destruction est assez élevé. Avec le caporal Flegel ici présent (Présentation de la main puis salutations de la tête.) nous avons défini ce plan de bataille qui tire profit de notre unique avantage, à savoir le terrain. La ville est...

Le major est coupé par l'arrivée de Josef Dunker, nommé hier chef des forces de Walldorf. Je constate qu'il a finalement pris Raffael comme second, un trentenaire combatif, ancien pompier. Je l'aime bien celui-là, c'est un bon choix.

— Dépêchez-vous, on a déjà commencé.

Les deux retardataires ne pipent pas mot. Ils se rapprochent de l'assemblée regroupée autour de la table.

Le major reprend.

— Je disais donc, nous avons découpé la ville en trois zones circulaires concentriques. Comme vous pouvez le voir, des postes défensifs sont déployés sur le périmètre de chacune d'entre elles de façon à boucler totalement la zone de combat.

Quelque chose semble attirer l'attention d'Elli Herbert.

— Excusez-moi, Major, mais comment pouvez-vous être sûr qu'il n'y a pas de brèche dans votre dispositif ?

— Le premier cercle défensif traverse volontairement les zones dévastées de la ville, en hachurées. Nous avons bloqué les rues encore praticables avec ce que nous avons trouvé comme débris et épaves afin que seuls les croisements stratégiques restent accessibles.

— Vous avez créé des goulots d'étranglement.

— Quand il n'en existait pas déjà, oui.

Une moue d'approbation se dessine sur le visage d'Elli.

— Et le poste 0, là, noté en bas de la carte, à quoi correspond-il ?

Le major se pince les lèvres.

— C'est l'emplacement de notre équipe d'observation dirigée par Joost Van Handel. Ils doivent nous prévenir de l'arrivée ennemie et nous communiquer leurs mouvements, mais en aucun cas intervenir. Ils sont déjà en position.

— Et quelle est la particularité du poste 10 ?

Elli Herbert ne le sait pas encore, mais la patience du major a ses limites.

— Une place idéalement située au croisement des principales rues que devront emprunter les troupes de la République de Baden. Nous y avons placé nos armes lourdes afin de tenir l'ennemi à distance en cas de repli de nos hommes.

— Et les deux autres cercles défensifs ?

— Justement, j'allais y venir.

Le ton agacé du major est perceptible par tous.

— Excusez-moi, je ne vous interromprai plus.

— Si un ou plusieurs postes venaient à tomber, le périmètre ne serait plus étanche. J'ordonnerai alors le repli sur le cercle n°2. Nous avons là aussi bloqué des rues pour canaliser les troupes ennemies afin de les diriger vers les croisements que nous défendrons. Ça n'a pas été simple car cette partie de la ville est en bon état. Il a fallu faire s'effondrer des bâtiments et déplacer des tonnes de gravats en trois jours pour couper des rues et fortifier ces positions.

Épaté, Elli Herbert reste malgré tout silencieux.

— Si nous réussissons à leur infliger suffisamment de pertes sur le premier cercle défensif, le second sera plus aisé à défendre car nous pourrons concentrer plus efficacement nos forces sur un ennemi fatigué et démoralisé.

Il marque une pause, le temps de trouver ses mots pour la suite. Le silence est total dans la pièce, presque solennel.

— En revanche, si nous nous retrouvons débordés une fois encore, il faudra se replier sur le cercle n°3. Le caporal Flegel entamera alors l'évacuation des civils. Il ne s'agira plus de gagner la bataille, mais de permettre à deux-mille-cinq-cents femmes, enfants, vieillards et malades de fuir vers Sandhausen.

Le regard massif du major se pose sur Goldstein, celui qui représente Sandhausen dans cette salle.

— N'ayez crainte, Major, ils sont déjà prévenus là-bas et se tiennent prêts à nous accueillir en cas de défaite.

— Espérons que nous n'en arriverons pas là.

Le silence, encore une fois, pesant.

— Avec vos renforts, Monsieur Herbert, nous...

— Appelez-moi Elli.

Le major peine à cacher son irritation. Il déteste être coupé.

— Elli, grâce à vos renforts nous allons pouvoir consolider nos flancs avec les avant-postes 1 et 2, ici et ici, à l'extérieur de la ville. Leur but premier est de nous prévenir si jamais l'ennemi tente de nous contourner pour nous prendre en tenaille. Si c'était le cas, les hommes cachés là-bas pourront alors les prendre à revers et les bloquer sur place, ou au moins les ralentir le temps de nous redéployer.

Klein fait un rapide tour d'horizon pour s'assurer que tout le monde a bien compris. Aucune objection ni question, il continue.

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