Chapitre 30.2 - Rétablir la confiance exige don de soi

J'arrive devant le petit immeuble de deux étages devenu le quartier général du major. Les caves ont été reconverties en armurerie, les appartements au rez-de-chaussée en salle de briefing, stockage des vivres, et réfectoire, et les deux étages en logements militaires où s'entassent les chefs, sous-chefs, soldats ou encore certains convalescents dont l'état est suffisamment stable pour ne pas encombrer l'hôpital de campagne établi dans un autre bâtiment un peu plus loin. La vie grouille ici, c'est le moins que l'on puisse dire. Pas étonnant donc que le QG soit le bâtiment le mieux gardé de Walldorf, en nombre de gardes j'entends, parce que les quatre qui font le planton devant ne semblent pas très menaçants.

— Qu'est-ce qu'il vient chercher l'Américain ?

— Boris m'envoie demander de la main d'œuvre supplémentaire au major.

— Et il t'a fait un mot ?

Encore un comique de New Town, un type lourd qui fatigue tout le monde, à commencer par ses camarades qui ont à peine réagi.

— Je n'ai pas le temps. Où est le major ?

Il lève les yeux en l'air, exaspéré, puis m'ouvre la porte et appelle Yvo. Le gosse arrive une dizaine de secondes plus tard.

— Il cherche le major.

Yvo me salue de la tête avant de me répondre directement.

— Heu... C'est qu'il est en train de manger, tu vois.

— J'en ai pas pour longtemps.

— Bon. Suis-moi, mais j'garantis rien sur son humeur.

J'entre dans le petit hall du bâtiment et lui emboîte le pas. Après avoir traversé le couloir, nous pénétrons dans l'appartement qui sert de cantine. Alors que nous sommes en pleine après-midi, Klein est attablé seul dans la cuisine. Il mange une soupe à la cuillère. Pensif, il ne nous a pas vus arriver.

— Major ? Billy veut vous voir.

Il tourne lentement la tête vers nous. Ses yeux sont cernés, inexpressifs. Son visage fatigué n'exprime aucune émotion.

— Ça peut attendre la fin de votre repas, Major.

Tout en affichant une moue dégoûtée, il laisse tomber sa cuillère dans son bol qui tinte bruyamment.

— Déjà que ce truc n'est pas bon en temps normal, froid ça en devient immangeable. Qu'est-ce que vous me voulez ?

— Boris m'envoie chercher de la main d'œuvre supplémentaire pour accélérer la construction des barricades.

— Ça avance ?

— Ça prend forme.

— Yvo, va trouver Hens ou Janine. Demande-leur une dizaine de volontaires pour aider nos gars au sud. Et fait passer le message que s'ils n'en trouvent pas c'est moi qui les désignerai.

Le gamin confirme et s'en va.

— Vous tombez bien, Billy. Je voulais vous en parler ce soir, mais puisque vous êtes là... J'ai besoin de votre expertise.

— Parce que je suis un expert ? En quoi ?

— En armes, il me semble. Celle que je voudrais vous montrer est du genre particulier, et j'ai besoin de votre avis.

— Je ne suis pas un spécialiste de toutes les armes, vous savez.

— Personne ne l'est, mais vous devez connaître celle-ci.

Il se lève et fait le tour de la table.

— Elle est à la cave. Venez.

D'un geste nonchalant de la tête il m'invite à le suivre. Nous sortons de l'appartement, traversons le hall d'entrée commun aux autres logements du rez-de-chaussée puis descendons dans les caves. En bas, un long couloir en briques dessert de part et d'autre une série de portes en bois. Ça sent le renfermé. De petites lampes à LED collées au plafond sont l'unique source de lumière. C'est faible mais suffisant. Affalé sur une chaise, un type monte la garde. Taciturne, il nous regarde à peine et nous salue à moitié, sans un mot. C'est sa façon à lui d'exprimer son mécontentement d'avoir été assigné à ce poste ingrat. Nous le dépassons pour nous diriger vers les deux salles où sont entreposées les armes. Klein ouvre une des portes et sort une lampe de poche. Le faisceau lumineux transperce l'obscurité là où il passe, laissant apparaître des silhouettes de fusils d'assaut entreposés les uns à côté des autres, canons vers le haut. C'est comme fouiller des ruines antiques à la recherche d'un trésor. Après une courte recherche, la lampe torche du major s'arrête sur une imposante mallette en plastique noir posée à plat au fond de la cave. On dirait l'étui d'un instrument de musique, un très gros instrument.

— La voilà.

Il fait cinq pas, s'agenouille devant, déverrouille les trois loquets et l'ouvre lentement.

Je m'approche et regarde par-dessus son épaule.

— Sans déconner !

— C'est beau n'est-ce pas ?

Les mots me manquent.

Un RGRX37-25, dit fusil Damoclès. Ici !

En croiser un durant la guerre était déjà un évènement en soi, mais de nos jours ça tient carrément du miracle.

À ce que j'en sais, cette arme n'a jamais dépassé le stade de prototype. Trop chère à fabriquer, difficile à entretenir et des munitions hors de prix. Ce n'est ni plus ni moins qu'un canon rail miniaturisé destiné à être utilisé sur le terrain par l'infanterie. Les obus de 25mm qu'il balance, spécialement développés pour cet engin, peuvent stopper net n'importe quel véhicule moyennement blindé et même sérieusement chatouiller un char s'il est bien placé.

Je n'ai jamais eu la chance de voir un Damoclès en vrai, seulement en vidéo. Je n'oublierai jamais ces images, elles tournaient en boucle partout, à la télé, dans les aéroports, dans la rue... Elles servaient plus à des fins de propagande que de véritable démonstration, mais avaient le mérite de mettre en évidence l'efficacité de l'arme. Au milieu d'un immense terrain vague, le petit film mettait en scène un tireur et son servant, il fallait être deux pour l'utiliser. Posée sur son trépied, l'arme en imposait à côté des deux types. Une fois la gâchette pressée, un arc électrique parcourait le canon fendu sur toute sa longueur – cinq pieds de long – avant l'expulsion prodigieuse de l'obus dans une lumière turquoise éblouissante. Peu de bruit, peu de recul, et pourtant, le camion installé deux-cents yards plus loin pour la démonstration explosait en se soulevant de quelques pouces du sol. Seulement quelques secondes plus tard, c'est un deuxième poids lourd qui volait en éclat, cette fois installé à un mile de distance. Certains de mes camarades pensaient qu'il s'agissait d'un montage vidéo, que l'arme n'existait pas, sinon pourquoi ne pas l'utiliser en masse. Et pourtant...

— Mais vous avez ça depuis quand ?

— Trois jours. Elle était dans le fourgon de Kadir, avec toutes les autres armes et munitions. Ils ne savaient pas ce que c'était. Ils ont vu un énorme fusil alors ils l'ont pris. On l'a mis de côté pour ne pas trop attirer l'attention. Je préfère rester discret avec ce genre d'engin, surtout s'il y a des espions dans le coin.

— Et pourquoi vous vouliez me le montrer ?

Il se relève.

— Je sais que cette arme était très rare, mais comme elle est américaine j'espérais que vous sauriez l'utiliser.

Si tout était aussi simple...

— Désolé, Major, mais c'est la première fois que j'en vois un.

Je pose un genou au sol pour l'inspecter de plus près.

Propre, sans éraflure, confortablement encastré dans la mousse dense spécialement découpée pour épouser ses formes, c'est évident que ce fusil n'a jamais servi. Je tends la main pour le toucher du bout des doigts. Tout le corps et le canon sont recouverts de polymères et caoutchouc pour protéger le tireur d'une électrocution. Les parties en plastique arborent un camouflage urbain dans des tons gris et noir.

— Je peux ?

— Vous êtes là pour ça.

Je le sors délicatement de son imposant étui pour le prendre en main. C'est atrocement lourd. Je le pose sur ma cuisse pour soulager mes bras déjà bien meurtris par mes deux jours de construction de barricade. Comme il tient tout juste dans la largeur de la cave, je suis obligé de le mettre en travers pour ne pas le cogner contre les murs et les autres armes entreposées. Je ne peux pas le manipuler dans une pièce aussi étroite. Il y a une grande ouverture rectangulaire sur le côté droit du corps. Un trou béant qui laisse entrapercevoir le mécanisme intérieur de l'arme. C'est l'emplacement du chargeur. Je regarde les contreformes dans la mousse qui recouvre l'intérieur de la mallette. Aucune place prévue pour en ranger un, de chargeur.

— Où sont les munitions ?

— Il est là le problème, on ne les a pas.

— Kadir vous a ramené un Damoclès sans munitions ?

— Pour vous dire franchement, lui comme nous ne savons pas du tout à quoi elles ressemblent. Qu'est-ce que ça tire un truc pareil ?

— Une munition spéciale, développée uniquement pour le RGRX37-25. Ce sont ni plus ni moins que des obus de 25, mais sans douille, uniquement l'ogive. Propulsion électromagnétique, pas besoin de poudre pour l'explosion. Vous n'en trouverez jamais dans des caisses de munitions standards. Ces obus étaient conditionnés par cinq directement en usine dans un chargeur énorme qui contenait sa propre batterie. Ça ressemble à un bloc de la taille d'un dictionnaire, environ. Le poids doit avoisiner les cinq ou six kilos je dirais. Une fois vides, les chargeurs devaient être renvoyés chez le fabriquant pour être de nouveau remplis, impossible de le faire à la main sur le champ de bataille, il fallait une machine spéciale. Vachement pratique en pleine campagne à l'autre bout du monde.

Klein me regarde avec de grands yeux ébahis.

— Personne n'a rien vu de tel dans notre stock.

— Alors cette arme ne vous servira à rien.

Je range le Damoclès dans sa mallette en prenant beaucoup de précautions pour ne pas le cogner. Mes bras tremblent sous le poids.

— Et il n'y a pas non plus de trépied je suppose ?

— Parce qu'il en faut un ?

— Vous ne comptiez quand même pas épauler cet engin ?

— Non, bien sûr que non. Je n'y avais pas réfléchi. Quel gâchis.

C'est le moins que l'on puisse dire.

— J'en parlerai à Kadir, peut-être les a-t-il vus sans savoir ce que c'était. En tout cas merci, Billy, vous démontrez sans cesse que j'ai bien fait de vous donner une chance.

Me donner une chance ? Ça fait quatre mois que je me fais exploiter, je ne vois pas où est la chance là-dedans.

— Quand tout cela sera derrière nous, j'aurai besoin de personnes fiables comme vous pour faire face aux tensions suscitées par les problèmes d'approvisionnement en Talium.

— Justement, Major, à ce propos, les gens commencent à poser de plus en plus de questions, vous savez.

— À propos ?

Son regard s'est soudainement assombri.

— À propos de sa fabrication. Vous vous souvenez, les rumeurs ? Je vous avais mis en garde. De plus en plus de monde se demande ce que deviennent les prisonniers. On entend beaucoup de conneries à ce sujet, mais un jour quelqu'un finira par découvrir la vérité et apportera des preuves.

— Je prends note de vos avertissements. Je suis bien conscient que nous ne pourrons pas garder le secret encore longtemps.

Nous ressortons de la cave et remontons au rez-de-chaussée, sans un mot. L'ambiance est soudainement devenue plus pesante.

Klein se tourne vers moi.

— Yvo ne devrait plus tarder.

— Je vais l'attendre dehors.

Je le salue brièvement et le laisse retourner dans la cantine, certainement pour trouver quelque chose d'autre à manger.

Il semble encore plus abattu que tout à l'heure. Savoir qu'il ne pourra finalement pas compter sur le Damoclès dans son plan est une mauvaise nouvelle de plus qui vient s'ajouter à sa liste déjà bien trop longue.

Dehors l'ambiance reste la même, agitation modérée, préparation du siège, chacun dans sa bulle. Aucune trace d'Yvo pour le moment. Je décide de remonter la rue, je vais peut-être le croiser en chemin.

Un fourgon arrive face à moi. Je le reconnais, c'est celui qui fait les navettes entre New Town et le Point d'eau. Il roule au pas, plus pour éviter les passants que pour l'état de la route, mieux préservée dans cette partie nord de la ville. Il arrive à ma hauteur. Je ne connais pas le chauffeur, en revanche, assis côté passager, je distingue clairement la barbe blonde de Joost. Le Hollandais me regarde, mais aucune réaction de sa part, à croire qu'il ne m'a pas reconnu. Le véhicule me dépasse et s'arrête devant le QG.

Je n'ai pas vu le prof depuis plus de deux semaines. J'ai bien envie de lui demander des nouvelles. Et de toute façon je n'ai rien d'autre à faire pour le moment. Alors je rebrousse chemin.

Les portes arrière s'ouvrent de l'intérieur. Deux jeunes bondissent dehors, des ados, pas mécontents d'être enfin arrivés. Je ne les ai encore jamais vus. Derrière eux, la caisse du fourgon semble bien remplie. Je ne sais pas ce qu'ils apportent, mais ils sont encore une poignée à l'intérieur. Je me demande ce que Joost...

Oh, merde ! Mais qu'est-ce qu'il fout là lui ?

Il ne m'a pas encore remarqué. Il saute dehors à son tour et retombe à pieds joints sur le sol. Puis il se penche en arrière pour s'étirer, les deux mains posées sur les reins, le visage vers le ciel.

— Plus jamais je ne voyage comme ça.

Il effectue de violentes rotations de la tête pour faire craquer sa nuque, les yeux fermés. Il ne m'a toujours pas vu.

Je fais quelques pas en arrière sans attirer l'attention.

— Tu peux faire ça plus loin, Johan, on aimerait sortir.

Il se décale en râlant gentiment.

— Tu verras quand tu auras mon âge.

— Je ne suis pas sûr d'atteindre tes 70 ans.

Tout le monde rigole. L'ambiance est bonne.

Le Suédois relève la tête, le sourire aux lèvres. Son regard croise le mien. L'expression joyeuse qui s'affichait sur son visage s'est immédiatement effondrée. J'ai soudain l'impression que le temps s'est ralenti autour de nous. Mon champ de vision se rétrécit. Tout est maintenant flou, à l'exception de Johan qui me fixe et reste immobile. Je ne perçois plus aucun son, mon cœur s'emballe. Je n'ai plus froid. Il fait un pas vers moi, puis s'arrête. Il s'avance à nouveau en refermant les poings. Je vérifie mes appuis et me prépare à l'affronter, pas question de lui tourner le dos.

— Arrêtez-les !

Joost me sort de ma torpeur. Il vient de descendre du véhicule et se précipite vers nous. Les jeunes qui voyageaient avec Johan ne comprennent pas. Ils se regardent, interloqués. Johan s'avance, sûr de lui, son regard noir plongé dans le mien. Il veut me tuer, il ne pense qu'à ça. Je sors mon couteau planqué dans mon manteau et le mets bien en évidence pour lui faire comprendre que je suis aussi déterminé que lui.

— Mais retenez-les, voyons ! Ils vont s'entretuer !

Cette fois l'appel de Joost fonctionne. Deux gars s'interposent entre Johan et moi. Ils ont tout juste la force pour retenir le Suédois. Je ne bouge pas, stoïque. Joost me pousse pour me faire reculer et abaisse mon bras au bout duquel je tiens fermement ma lame.

— Arrêtez vos idioties, Billy. Rangez-moi ça.

— Pas tant que ce fou-furieux ne sera pas enfermé.

— Comment peux-tu dire ça, enfoiré !

Ils sont maintenant trois à retenir Johan, excédé.

— Toi, tu ne mérites même pas que l'on t'enferme !

— Pour l'amour du ciel, Billy, rangez ça.

— Mais je vais devoir me justifier combien de fois ?

— Je vais t'crever !

— Mais c'est quoi leur problème ?

— Donnez-moi votre couteau, Billy, et allez-vous-en.

— Je ne partirai pas ! C'est à lui de se calmer !

— Lâchez-moi bande de connards !

— Mais qu'est ce qui se passe ici ?

Le calme revient instantanément. La voix du major a suffi pour faire retomber toute la tension. Alerté par les cris, il est sorti voir ce qui se passait, pistolet à la main.

Il s'avance vers nous.

— Lâchez-les.

Tout le monde obéit et recule.

— Vous voulez vous battre ? Vous entretuer ? Faites-le.

Nous nous regardons Johan et moi. Ce n'est pas l'envie qui lui manque, mais le doute s'installe. Qu'est-ce que Klein veut dire ?

— Faites-le. Allez-y. Tout le monde vous regarde. Mais je vous préviens, j'exécute le survivant immédiatement après et je largue vos deux cadavres dans la décharge d'à côté pour qu'ils pourrissent ensemble.

Pas de réaction. Le silence s'est fait tout autour de nous. Les passants se sont arrêtés et regardent le spectacle, incrédules.

— Vous n'avez plus envie ? C'est terminé ?

Le regard froid du major passe de Johan à moi, puis de moi à Johan, plusieurs fois.

— On connaît tous votre histoire commune. Elle est triste, mais ce n'est pas mon problème aujourd'hui. J'ai besoin de tout le monde, vous compris. Je ne vous demande pas de vous apprécier, ni même de vous supporter, seulement de vous ignorer. Vous pouvez faire ça ?

Aucun de nous deux ne répond. Il prend notre silence comme un consentement mutuel.

— Bien. Parce qu'au prochain incident, je ne chercherai pas à comprendre, je vous abats moi-même, tous les deux. Et mon seul regret sera d'avoir gaspillé deux balles. On s'est bien compris ?

Nous répondons par l'affirmative, comme deux gosses se faisant engueuler par leur père.

Klein range son pistolet.

— L'incident est clos, tout le monde se remet au boulot.

Johan s'en va, furieux. Les autres l'interpellent, sans succès. Il ne se retourne pas et continue de marcher énergiquement droit devant lui. Klein le regarde partir avant de poser ses yeux sur moi, inquisiteurs. Rien à voir avec le Klein de tout à l'heure, lorsqu'il me présentait le Damoclès. Un frisson parcourt ma nuque.

Yvo arrive, accompagné par onze bonhommes. Ils ont senti la tension dans l'air, mais aucun n'ose en demander la raison.

Le major s'approche d'eux.

— Dépêchez-vous d'y aller, on a perdu trop de temps.

Il pousse légèrement quelques gars vers moi pour mieux faire passer le message.

— Et l'eau ?

Yvo pointe du doigt un des types qui passe près de moi.

— Dans les sacs à dos.

Je me retourne en faisant signe aux nouveaux ouvriers de la défense de me suivre. J'ose une dernière fois croiser le regard de Klein. Toujours aussi glaçant.

*

À son tour, Billy s'en va sans faire d'histoire. Si nous survivons à l'attaque de la République, il faudra que je m'occupe de leur cas à tous les deux, ça ne peut plus durer. J'ai la conviction que Billy dit la vérité quand il affirme que c'était un accident. Il a beau avoir l'allure et l'attitude d'un type louche, je ne le crois pas capable d'un tel crime, et Lenz avait confiance en lui. D'un autre côté, je comprends la souffrance de Johan, je partage désormais la même.

La disparition de Lenz a laissé un immense vide en moi. Il n'y a plus que le présent, une existence au jour le jour uniquement alimentée par la rage et l'espoir de vengeance. Brûle en moi ce désir insoutenable de faire payer cette ordure de Rosenwald, le tuer de mes propres mains, sentir son dernier souffle, lire la souffrance dans ses yeux et le regarder lentement mourir sans jamais lui accorder la moindre chance de salut. Pour un peu, je m'en réjouirais d'avance. Alors je comprends Johan, son attitude est même cautionnable. Pour autant je ne peux le laisser faire. Mourir ne l'effraie pas, que ce soit par la main de Billy ou la mienne, j'en suis bien conscient. En revanche, il lui reste ses enfants, son ultime raison de vivre. Ce serait ni plus ni moins que les abandonner s'il venait à décéder prématurément, et il ne peut s'y résoudre. Il saura donc se tenir. 

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