CHAPITRE VINGT-TROIS
Tout était calme. Bizarrement. J'aurais cru que le vent se serait manifesté, que le ciel bleu se serait assombris, que la pluie et le tonnerre nous auraient accompagnés. Mais rien. Il n'y avait que notre armée en train de marché vers une mort certaine. Par ma faute.
Nous étions partis à l'aube. Il n'y avait pas énormément de chemin à faire pour rejoindre Sparte. Selon Militiades, dès l'après-midi, nous combattrons les hommes de Sparte. J'imaginais les princes de Sparte devant moi. Je les imaginais me regarder avec dégout.
Cela ne me ferait probablement rien, car je repenserais à ce que leurs frères m'avaient ou avaient failli me faire. Il ne faudra juste pas que je croise Nicias, le plus jeune d'entre eux. Je me souvenais encore de son regard effrayé, quelques années plus tôt. Je ne savais pas s'il serait encore effrayé, oui s'il était bien décidé à me faire payé ce que j'avais fait à Euryanax.
Armin marchait à côté de moi. Il m'avait attrapé la main lorsque nous avions commencé à partir. Peut-être avait-il cherché à me rassurer, où à se rassurer lui-même. Il savait qu'il ne reviendrait pas ce soir, et moi aussi. Au fond de moi, j'aurais préféré fuir avec lui au bout du monde. J'aurais préféré que nous prenions la mer ensemble, naviguant sur les flots en quête de liberté.
Mais ce n'était pas notre destin. Les Moires étaient injustes avec les Hommes, parfois.
Je n'avais pas laissé mes sentiments prendre le dessus. J'avais légèrement serré sa main, mais je n'avais rien laisser paraître. Je ne lui avais pas montré ma peur, ni mon angoisse, ni ma terreur, ni mon amour pour lui. J'étais resté stoïque, presque indéchiffrable.
J'avais néanmoins vus ses nombreux regards sur moi, comme pour essayer de déceler une quelconque émotion sur mon visage. Mais il n'y avait rien, mise à part peut-être la concentration en vue de la bataille qui approchait.
Nous ne savions pas réellement si Sparte avait envisagé que nous formions une armée pour venir nous-même à leur rencontre. Mais ce qui était certains, c'était que l'armée qu'avait formés Sparte avait certainement eut vent de notre projet, et qu'une bataille était inévitable.
La veille, Arès m'avait informé de qui était de notre côté, et qui était du côté de l'ennemi. Nous avions à nos côtés Apollon, Artémis, Athéna et lui-même. De l'autre, il y avait Héra, Hermès et Poséidon et Zeus. J'avais l'impression que la deuxième génération des Olympiens se rebellaient face à la première.
« Poséidon et Zeus sont bien plus fort que nous. Tu devras redoubler de vigilance. » M'avait dit le dieu de la guerre.
Depuis, j'étais morte d'inquiétude pour Armin. Je savais que si Zeus était celui qui enlèverait la vie au prince, Apollon serait en colère et ferait quelque chose de regrettable. Peut-être même que ce geste provoquerait une guerre sur l'Olympe.
Tout ça à cause d'une enfant qui c'était défendue. Rien de plus.
Peut-être étais-ce mon destin. C'était peut-être mon destin de provoquer la mort et le conflit. Après tout, maintenant que j'avais appris mon origine divine en étant fille du dieu de la guerre, cela me semblait logique de la provoquer elle-même.
J'avais pu sentir l'excitation dans la voix forte du dieu Arès lorsqu'il m'avait dit qu'il combattrait avec nous. C'était un dieu sanguinaire, qui se nourrissait du sang des hommes qu'il tuait durant les batailles. Il aimait voir le sang de ses ennemis couler, et cela me répugnait. Je ne pouvais pas croire que j'étais son enfant. Je le refusais.
Mise à part ma colère excessive, je n'avais rien en commun avec lui. J'avais certes apprécié être avec lui la veille, mais nous étions totalement différents. Ses enfants étaient souvent des criminels totalement fous. Phlégias avait tenté de se venger d'Apollon après que ce dernier ait tué sa fille, Coronis, la mère d'Asclépios. Térée, avait été un persécuteur pour Philomèle et Procné. Diomède avait lui nourrit ses juments de chair humaine. Sans oublier Cycnos, qui avait défié Hercule en duel avant de mourir.
Avec Aphrodite, il avait eu de nombreux enfants. Déimos, l'incarnation même de la terreur, Phobos, la peur panique, et Harmonie, qui avait reçu une collier maudit de la part d'Héphaïstos, furieux après la tromperie de sa femme.
Ils avaient également eu ensemble les Erotes. Très différents de leurs frères et soeurs, ils sont les compagnons de leurs mères. Associés à l'amour, ils aident leurs mère. Il y avait Eros, Antéros, Himéros, Pothos et Hédylogos. Selon certain, il serait aussi le père des amazones.
Je n'avais véritablement rien à voir avec ces divinités. Je n'étais ni sanguinaire, ni lié à l'amour. Je n'étais qu'une fille totalement perdue.
« Tu as réussi à tuer un homme plus grand et fort que toi. La guerre, la mort, et le sang font partie de toi. » M'avait-il dit.
Je maintenais que c'était un pur accident. J'avais voulu me défendre, lui montrer qu'il ne me faisait pas peur. Je n'avais pas voulu me laisser soumettre à un homme. J'aurais préféré mourir plutôt que de me laisser faire face à cet homme répugnant. Il m'avait volé l'une des choses les plus importantes pour une femme : sa première fois.
Je ne sais pas réellement s'il méritait de mourir. Mais il le devait, car les Moires l'avaient décidés ainsi. Tout comme toutes les choses qui m'arrivaient depuis quelques années.
« Tu vas bien pour toi ? » Me demanda Alexios à ma gauche.
Je hochai simplement la tête.
« Oui, et toi ? »
« Oui. Tu n'as pas à avoir peur. Je serais là pour te protéger. »
Mon estomac se tordit une nouvelle fois alors que sa main serrait encore plus la mienne.
« Je n'ai pas peur pour moi. Tout se passera bien pour moi. » Affirmais-je.
Je tentais tant bien que mal de ne pas montrer que j'étais effrayé. Mais ma voix tremblante me trahissait, comme toujours.
« Ne cherche pas à me protéger. Il le fait déjà. » Continuais-je d'une voix un peu plus sur.
« Qui ça ? Ton père. »
« Ce n'est pas mon père. »
« Il l'a lui-même dit, tu te souviens. »
Je ne répondis pas, et continuai de marcher calmement en rythme avec tous les guerriers autour de moi. J'avais l'impression que nous effectuions tous les mêmes mouvements. C'était presque beau, mais assez troublant.
« Les dieux te protègent. »
« Ton père... »
« Mon père ne pourra pas empêcher ma mort. »
Je ne répondis à nouveau rien. Je n'avais pas la force de lui tenir tête.
« Je pense être préparé à ce qu'il va m'arriver. A mourir. Je pense à ma mère quand j'ai peur. Je n'ai pas peur de mourir, car je sais que je vais aller la rejoindre. »
Cela me donna envie de pleurer, mais je réprimai les larmes qui montaient au coin dès mes yeux. Ce n'était pas le moment de pleurer. C'était trop tard. Nous allions entrer en guerre, nous ne pouvions plus repartir. Lui et moi devions désormais faire face à notre destin.
Moi, j'avais peur de sa mort. J'avais peur de me retrouver dans un monde où il n'était plus présent. Je ne répondis cependant pas, et continuai de marcher le plus calmement possible. Ce n'était absolument pas le moment de montrer une quelconque faiblesse. Nous devions être fort pour pouvoir combattre.
Le moment temps attendu était désormais proche.
...
En début de l'après-midi, juste après avoir passé quelques instants pour prendre un rapide repas, nous reprîmes notre marche guerrière. Lances et boucliers à la main, nous étions prêts pour le combat. Est le combat n'allait pas tarder à arriver.
Nous pûmes apercevoir à plusieurs centaines de mètres de nous une armée. Ils étaient là, ils savaient que nous viendrons à leur rencontre. Ils étaient tout aussi préparé que nous. Je savais que le combat n'allait pas être simple. Le prince Alexios exerça une légère pression sur ma main, comme s'il essayait de me donner du courage. Ou de se donner lui-même du courage.
J'avais l'impression que tout se passait extrêmement vite. Je me revoyais encore quitter le palais ce matin, comme si cela ne faisait que quelques minutes. Je savais que dans quelques instants, le destin de milliers d'hommes allaient changer. Et que mon destin et celui du prince Alexios allaient trouvés leurs finalités.
Nous marchâmes encore quelques minutes, avant que nous nous arrêtions. Entre chacune de nos deux armées, il y avait un espace de plusieurs mètres. Un homme s'avança, et le roi d'Athènes, désigné comme chef de notre armée, s'avança à son tour, venant à la rencontre de l'autre chef.
De là où j'étais, je ne parvenais pas à voir qui était le chef de l'armée adverse, mais j'imaginais que c'était l'un des fils de Sparte, désormais héritier au trône. Les deux hommes gardaient une certaine distance entre eux, comme s'ils se méfiaient l'un de l'autre. C'était probablement le cas.
Nous parvînmes pas à entendre leur conversation, mais avec le prince Armin, nous supposions que le roi d'Athènes tentait de négocier un traité de paix. Nous nous étions mis d'accord sur cela, mais j'étais persuadé, comme tous les autres, que la négociation n'était qu'une perte de temps avec le camp adverse.
Ils voulaient voir mon sang couler, je le savais.
« AGRIA ! » Hurla le roi d'Athènes.
Il hurla si fort que j'en sursautai presque. Je serrai un peu plus la main du prince à mes côtés. Celui-ci me regarda, et me fit un petit sourire.
« Il ne va rien faire... S'il te tue, il va avoir la colère d'Arès et d'Apollon sur lui. » Murmura-t-il.
Alors, je relâchai sa main à contre coeur et, sous le regard des hommes, je m'avançai vers les deux chefs. Mon visage était fermé. Je ne voulais pas montrer ma peur face à l'ennemi. Je ne devais pas avoir peur, car j'allais avoir l'occasion de me venger, et de venger Corinthe et Phtie. Et j'allais enfin montrer au monde que je ne me soumettrais pas aux hommes.
J'arrivai rapidement - presque trop rapidement même - aux côtés des deux hommes. Ils étaient bien plus grands et forts que moi, mais je ne montrai aucunement mes sentiments. J'étais totalement fermé, comme si j'étais une âme errante attendant patiemment son jugement divin.
« Sa tête, ou nous tuons tous tes hommes, roi d'Athènes. » Fit le prince de Sparte.
Je pus enfin mettre un nom sur le visage du prince. C'était Orestes, le troisième fils du roi Phrynon et de la reine Pythias. Après la mort du prince Euryanax et de la disparition tragique du prince Nicanor, il était légitime que ce soit lui qui accède au trône de Sparte, comme je l'avais supposé.
« Même si tu la tues maintenant, tu t'attaqueras à nos hommes, Spartes. » Répondit le roi Codeos.
Leurs tons étaient étrangement calmes pour des hommes qui allaient bientôt se battre. Je ne ressentais aucune peur, ni angoisse en eux. Rien, mise à part de la froideur.
« C'est possible. Vous êtes allié à cette kuon(1). »
« N'insulte pas la fille d'un guerrier, prince Orestes. Tu ne voudras probablement pas mettre en colère les dieux. »
Le prince de Sparte fit un sourire mauvais au roi, avant de poser son regard sur moi.
« Vois ce que tu as fais, embrontèté(2). Vois comment tu as fragmenté nos terres. Vois le mal que tu fais aux hommes, sorcière. » Me dit-il.
Alors, ce fut à mon tour de sourire.
« Je ne suis pas une sorcière. Je suis une déesse. » Dis-je simplement.
Il éclata de rire. Je me contentai de sourire encore un peu plus. Son arrogance allait causer sa perte. Les deux s'occuperaient de lui, pas moi. Je jetai un coup d'oeil vers le roi d'Athènes.
« Qui obéit aux dieux, des dieux est écouté.(3) » Lui dis-je alors.
Derrière le prince, je fis des hommes commençaient à prendre leurs flèches, prêt à bander leur arc en ma direction.
« Je suis certaine que nous pourrions trouver un arrangement autre que la violence. »
Il ria encore durant quelques secondes, avant de reprendre un peu de sérieux.
« Si tu es une déesse, de qui es-tu la fille ? » Dit-il entre deux éclats de rire qu'il tentait de contrôler.
J'entendais ses hommes derrière lui. Mon regard vint se poser sur le roi d'Athènes qui semblait particulièrement agacé par la situation.
« Je suis la fille d'Arès, dieu de la guerre. J'arrêterais de me moquer de sa fille si j'étais toi. »
Mais au contraire, il ria encore plus fort, tout comme ses hommes. Je souris néanmoins, parce que je savais qu'il était en train de défier les dieux comme jamais je n'aurais osé le faire, et que c'était certain que le fléau des hommes s'en occuperait lui-même.
« Te moques-tu des dieux, prince de Sparte ? » Demanda le roi d'Athènes.
« Je me moque de cette gamine qui se croit tout permise, et qui se prend pour une déesse. »
« Lorsque tu te confronteras au dieu guerrier, tu ne pourras que le supplier lâchement de t'épargner. »
Je me tournai vers notre armée, et mon regard se passa directement sur un homme aux côtés d'Alexios. Il était plus grand que les autres, et plus fort. Il était reconnaissable de tous par sa corpulence.
« Il t'observe, prince de Sparte. » Dis-je en me retournant vers lui. « Le dieu de la guerre est là, et il n'attend qu'un seul ordre pour attaquer. »
Il ricana en jetant son regard vers notre armée. Il perdit rapidement son sourire en voyant le dieu dans nos rangs. Je le vis légèrement reculer, mais il semblait vouloir garder son calme. Il était déstabilisé.
« Fais-toi pardonner, et peut-être qu'il t'épargnera. » Continuais-je.
Je vis sa mâchoire se resserrer, avant de poser à nouveau son regard sur moi. Il était rempli de haine. Je compris à cet instant que nous allions faire la guerre, et qu'il était déterminé à me fuir à moi, mais aussi à notre armée.
Je le vis commencer à prendre son épée. Tout comme le roi d'Athènes, j'attrapai mon bouclier pour me protéger. Je le levai pour protéger mon visage et le haut de mon corps, puis il y eut un son sourd. C'était le bruit d'une épée qui venait d'entrer en contact avec quelqu'un.
L'égide devant moi, je la baissai, et vis rapidement une giclée de sang dessus. A quelques mètres de moi, je pouvais voir la tête du prince de Sparte, et à nos pieds, son corps se vidant de son sang. J'étais presque effrayé par cette vision. Je n'avais jamais vu autant de sang, et je n'avais jamais vue un homme mourir avec une telle violence.
Pour mourir de cette manière, il avait fallu de la part du tueur une force extrême et une rage puissante pour que le coup soit si rapide et précis.
« Il n'a pas obéi à une déesse. » Fit le dieu de la guerre devant nous.
Je le regardais les jambes tremblantes. C'était lui qui l'avait tué, car il allait s'attaquer à moi. Le roi d'Athènes le regardait, les yeux ronds, le corps encore plus tremblant que le mien.
Arès me regarda. Il était bien plus grand que moi. J'avais l'impression que son visage était en colère, mais pas contre moi. Ses yeux bleus me regardaient, et je pouvais voir la haine qu'il avait t'en lui. Il n'était que haine et violence. Le contraste avec la nuit d'avant était étrange. Il avait été gentil, est son regard n'avait pas été aussi froid qu'à cet instant précis.
« Bats-toi, Agria. Bats-toi. » Me dit-il, avant d'enjamber facilement le corps et de s'avancer vers l'armée.
Le roi d'Athènes m'obligea à reculer pour se rapprocher de notre armée. Je vis le fléau des hommes s'arrêter devant l'armée adverse qui riait beaucoup moins maintenant qu'ils étaient devant lui.
« QUI VEUT ÊTRE LE PROCHAIN ?! » Hurla-t-il alors.
Personne ne répondit, évidemment. La voix du dieu était si puissante que mes oreilles me firent mal pendant quelques secondes. Quelqu'un derrière moi m'attraper par les épaules : c'était le prince Alexios.
« Les dieux sont là Alexios. Les dieux sont avec nous. » Murmura-t-il à mon oreille.
Je regardai notre armée, et je vis certaines personnes plus grandes que les autres que je n'avais pas encore repérés. Il y avait deux garçons côte à côte qui me regardaient sans pour autant parler entre eux. Ils se ressemblaient, et ressemblaient à Arès. Ils étaient Déimos et Phobos, la terreur et la peur, les fils d'Arès et Aphrodite. L'un des deux me fit un léger sourire, tandis que l'autre hocha la tête, comme s'il me saluait de loin avec respect. Je fis la même chose, avant de regarder une femme en armure.
C'était Athéna, je l'avais reconnu directement. Elle était là, se tenant fièrement, une lance à la main, et un bouclier de l'autre.
« C'est ton moment, Agria. Montre leur qui tu es. Montre leur que les femmes sont fortes et puissantes. » Fit une voix féminine à mon oreille.
Je me retournai, et je vis Artémis, la déesse de la chasse. Elle me souriait en coin, et je fis pareil.
« Montre leur que tu es la déesse Agria, fille d'Arès, princesse de Corinthe. » Continua-t-elle.
Il y avait un silence pesant. Les hommes devant Arès ne parlaient pas, tandis que le dieu se tenait fièrement devant eux. Je ne savais pas si cela faisait partie de leur stratégie d'attendre, ou s'il se retenait de les attaquer comme pour leur donner une seconde chance. Je supposai que si cela n'avait tenu qu'au dieu de la guerre, nous serions déjà en train de nous battre. Ce devait être une stratégie d'Athéna sans doute.
Ma main se retrouva dans celle du prince Alexios qui me fit un sourire confiant. Je tentai de lui rendre, mais mes lèvres commencèrent à trembler malgré le contrôle de mes émotions. Si nous commencions à nous battre, il mourrait. C'était inévitable. Les Moires l'avent décidées ainsi.
« Eloignes-toi. » Lui dis-je alors. « Eloignes-toi le plus possible du champ de bataille. Je te rejoindrais, et nous partirons loi. Nous voyagerons, nous irons nous réfugier en Thrace, nous irons même par-delà la Thrace exploiter de nouvelles terres... » Le suppliais-je en serrant sa main.
Soudain, ses lèvres se posèrent sur les miennes. J'ignorai totalement les possible regards sur nous et j'approfondis le baiser comme je le put. Sa langue rencontra la mienne comme nous l'avions déjà fait les semaines et les jours précédents. Elles commencèrent à danser et à se mouler l'une contre l'autre dans une dernière rencontre. C'était la dernière fois que mes lèvres et les siennes seraient en contact, je l'embrassais comme si c'était l'unique fois que nous serions autorisés à être aussi proche.
Le souffle cours, nous nous éloignèrent légèrement. Le front volé contre le sien, il caressa lentement ma joue. Je sentis mon visage se faire attraper en coupe, et ses yeux inspectèrent longuement mon visage.
« Je te contemple une dernière fois, Agria. Tu es tellement belle. Je ne pourrais jamais oublier ton visage, même lorsque je serais dans les Enfers. Je penserais chaque jour à toi, à chaque heure, à chaque minute et à chaque seconde passée là-bas. »
Les larmes commencèrent à couler contre mon gré. Il les essuya presque instantanément à l'aide de ses pouces. Il déposa un baiser sur mon front, et je fermai les yeux, profitant de cette étreinte.
« Vis ta vie la tête haute, Agria. Sois la personne que tu souhaites être. Je parlerais de toi dans les Enfers. Je dirais aux héros du passé comment tu les as admirés, et comment tu as raconté leurs histoires au monde. Je leur dirais que tu marches dans leur pas. Je dirais à ma mère que tu as pris soin de moi. Je dirais à tes frères que tu les aimes, et je leur raconterais tout ce que tu as fais. Et je ferais la même chose avec tes parents. Ils seront tous fiers de toi, Agria. Tu es quelqu'une de grand et de fort. Je suis tellement heureux de t'avoir connu, et d'avoir eu la chance de t'aimer. Je t'aimerais toujours. »
« Je t'aimerais à jamais, Alexios. Je t'aimerais toute au long de ma vie. » Dis-je alors, serrant ses mains dans les miennes.
Il déposa un dernier baiser sur mon front, caressa ma joue, et reportant son attention vers l'armée adverse. Je fis un petit sourire. Je n'avais plus peur. Je n'avais plus peur de le laisser partir sans avoir pu lui dire une dernière fois que je l'aimais.
J'étais désormais prête à me battre. A me battre pour moi, mais aussi pour l'honneur de ma famille. J'allais récupérer le royaume de mes ancêtres. Et j'allais me créer une place dans l'Histoire aux côtés des héros.
(1) : Insulte qui désigne chien, chienne.
(2) : Abruti, littéralement « frappé par la foudre ».
(3) : Citation provenant de L'Illiade d'Homère, Chant I
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