Son nom est...

— Gogo, propose Gaël.

— Ellen, contre-attaque Azura.

— Gogo, c'est plus facile à écrire. Au moins, elle fera pas de faute si jamais elle décide de poser son nom sur toutes ses affaires comme tu le faisais.


Au souvenir de la trousse à jamais marquée d'un prénom erroné, Azura rougit. L'inscription a beau avoir succombé au temps et aux péripéties de la dernière année, Gaël l'a repassée au feutre noir indélébile. Et, bien sûr, a reproduit la faute commise par Azura lors de son enfance.


— Ellen, se reprend-il, c'est moins bizarre. Personne lui demandera d'expliquer d'où ça vient.

— Aurais-tu honte de tes références, monsieur Vaswani ? demande Gaël en croisant les bras.

— Bien sûr que non ! C'est juste que les nouvelles générations ont pas les mêmes que nous, et...


Il s'interrompt en entendant tinter la cloche de la Petite Sirène. Holly, vêtue de trois épaisseurs de laine et de l'écharpe acquise à Devil's Rock plus d'un an plus tôt, fait claquer ses chaussures sur le tapis d'entrée. Elle retire son bonnet trempé de pluie et leur sourit, les yeux plissés par les gouttes tombées sur ses cils.


— Je vous dérange, les jeunes ? Vous débattez de quoi ?

— Euh, de rien, répond précipitamment Azura.


Affalé sur son côté de la banquette, Gaël pose son téléphone face contre table. À l'intérieur de son mug de Noël, un chocolat chaud attend son heure en rafraîchissant. La fumée dessine des serpentins dans l'air.


— On se demande comment on appellerait notre chat si on en adoptait un ensemble, improvise-t-il.

— Oh, un chat, hein ? répond Holly. Faites attention, c'est beaucoup de responsabilités.

— On fera attention, madame.

— C'est surtout pour Azura que je dis ça.

— Eh !


Vexé, Azura se redresse. Holly ne répond à son indignation que par un haussement d'épaules. Face à lui, Gaël étouffe un ricanement dans son poignet.

Ils regardent la propriétaire de la Petite Sirène disparaître dans la cuisine avant de reprendre leur échange sur le ton de la confidence.


— Et si jamais on a un garçon ?

— Je sais pas, avoue Gaël avec une légère grimace. J'ai pas trop d'idées de ce côté-là.

— Je pensais à Ryan. Au prénom Ryan, précise Azura devant la confusion de son ami, pas à mon pote.

— T'es sûr de vouloir baptiser ton hypothétique futur enfant d'après Ryan ? Le Ryan ? Celui qui lèche des animaux morts ?

— C'est arrivé qu'une fois, et il avait treize ans !

— C'est une fois de trop.

— Comme si t'avais jamais rien fait de stupide à cet âge.

— J'ai jamais rien fait de stupide à cet âge.


Azura bombe le torse, prêt à lui prouver le contraire, avant de se rendre compte que Gaël a raison. Ce n'est pas lui qui l'a mis au défi de l'embrasser ; pas lui qui a répondu à un professeur un peu trop irrespectueux ; pas lui non plus qui a raté la moitié de leur premier visionnage d'Alien parce qu'il était trop occupé à se torturer le cerveau pour savoir si oui ou non il était amoureux de son meilleur ami.


— Ouais, avoue-t-il à contrecœur, t'as toujours été le plus sage de nous deux.

— Et le plus intelligent, ajoute Gaël avec un sourire en coin.

— Et le plus beau, et le plus drôle. Je suis sûr que tes pets sentent la rose, aussi.

— Ils sentent le pancake au miel.

— Les jeunes, appelle Holly de la cuisine, vous pouvez venir m'aider deux minutes ?

— On arrive, madame !


Gaël se lève après avoir taquiné Azura du regard. Ils contournent le comptoir en se marchant sur les pieds, jouant des coudes pour se présenter le premier devant la responsable des lieux.


— J'ai réfléchi, reprend Azura le soir venu, et je crois que t'as raison. On devrait pas appeler notre hypothétique futur fils Ryan. Ça lui porterait malheur.

— Je sais que j'ai raison, rétorque Gaël, allongé sur le ventre avec un coussin dans les bras. J'ai pas envie que le fruit de mes entrailles tombe malade en léchant un animal mort. Et puis, y a plein d'autres possibilités qui s'ouvrent à nous.

— Comme quoi ?

— Ray. Tori. Hannibal.

— Hannibal ? répète Azura en pouffant de rire. Sérieusement ?

— Ou bien Thomas, pour Thomas Harris. De toute façon, je garde tous les prénoms dans un coin. Au cas où, ajoute-t-il avec un clin d'œil.


Azura soupire, les bras croisés derrière la tête. De l'autre côté de la fenêtre, les étoiles brillent timidement dans le ciel d'hiver.


— On a intérêt à adopter beaucoup de chats, dit-il.

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