Gaël commence à pleurer à la mort de Rogue et ne s'arrête pas avant la disparition totale des crédits de fin. Il sanglote bruyamment, le visage caché dans les mains, les coudes posés sur les genoux et le dos rond. Azura lui tapote l'épaule mais ne peut s'empêcher de sourire ; le manque de sommeil ne lui réussit vraiment pas. Il leur a fait le même coup lors de leur nuit blanche du nouvel an.

— Allez, lui dit-il, on s'en fout de Rogue. C'était un connard frustré qui harcelait les gosses.

— Merci de m'expliquer les films que je viens de voir, Sherlock, rétorque Gaël d'une voix brisée avant de pleurer de plus belle. Et puis c'est quoi cet argument à deux balles, on n'a plus le droit d'aimer les personnages nuancés ici ?

— Non à la tyrannie de la pseudo-pureté morale, commente Cherry, à moitié dans les vapes, depuis son fauteuil.

Elle lève un poing mou qui retombe aussitôt sur ses cuisses. Autour d'eux, Holly, Morgane et Nana s'étirent comme après un exercice ou une bonne nuit de sommeil. Des sachets de bonbons vides se froissent dans leurs mains.

Gaël renifle encore quand l'air froid de fin octobre vient lui mordre les joues. Les spectateurs, rarement seuls, se dispersent dans les rues de Sunnyside en poursuivant des discussions animées. Azura n'a rien à dire. Rien de positif, en tout cas.

— Alors ? fait Morgane dans l'espoir du contraire. Guéri ?

— Absolument pas, répond-il. Je suis désolé, mais les règles de ce monde n'ont aucun sens.

— Oh, t'es pas fun ! Quand j'étais en primaire, tout le monde voulait recevoir sa lettre de Poudlard !

— Azura préfère les monstres en forme de bite, intervient Gaël.

Le ricanement guttural de Morgane empourpre les joues d'Azura. Il fait mine de fusiller son ami du regard, mais celui-ci accueille son indignation d'un rire détaché. Ses larmes ont séché, ou plutôt gelé, sur ses joues. Azura soupire en plaçant ses poings sur ses hanches.

— Et puis c'est quoi ce nom, d'abord ? reprend-il. Poudlard, sérieusement...

— Ça me fait penser à une poule au pot, moi, fait Cherry en apparaissant derrière eux. D'ailleurs, vous avez pas faim ?

— Tu t'es enfilée combien de paquets de Maltesers, déjà ? soulève Holly en plissant les yeux.

— Trois, mais après j'ai eu la diarrhée et j'en ai évacué deux et demi. Ça vous dit de faire une grande bouffe chez Holly et de jouer au truc de cartes bien crade jusqu'au lever du soleil ?

 Le reste de la troupe approuve d'un cri de joie, et Holly lève les yeux au ciel.