— Non mais sans déconner, t'as des idées pour Noël ?

À la question de Gaël, Morgane adresse un haussement d'épaules malicieux. Elle sourit en enfournant leurs biscuits de Noël expérimentaux. Azura, parti flâner en centre-ville avec Cherry et Holly, leur a fait promettre de lui garder un peu de pâte crue de côté. Les deux adolescents sont seuls dans la Petite Sirène.

— Peut-être, répond-elle. Une experte ne révèle jamais ses secrets.

— Même pas un petit ? S'il te plaît, je sèche complètement cette année. Et c'est pas comme si je pouvais compter sur Azura pour relever le niveau.

La pique gratuite fait glousser Morgane, qui tire un tabouret du comptoir avec son pied pour s'y asseoir. Gaël préfère rester debout. Il s'adosse près d'elle, préoccupé et les bras croisés.

— J'ai épuisé toutes mes bonnes idées l'année passée, déplore-t-il. Je voudrais faire encore mieux, mais...

— Tu peux toujours m'offrir toute la panoplie des peluches officielles Trois Petits Chats.

— Oh, ça, c'est une idée. J'ai vu quelque part que quelqu'un revendait sa collection comp...

— Je plaisantais, Gaël.

Les traits du garçon, éclairés par une brève lueur d'excitation, se figent à nouveau. Morgane ne peut s'empêcher de rire devant sa crédulité.

— T'as pas besoin de te ruiner pour faire plaisir, dit-elle. Tu sais, à ma grand-mère, je lui offre de la bouffe tous les ans.

— Azura serait mort depuis longtemps si je faisais pareil.

— Eh, tu t'es vachement amélioré depuis qu'on s'est rencontrés ! Je pense que même Nana pourrait survivre, maintenant, à condition que tu fasses pas de pancakes.

Gaël sourit en retour. C'est vrai, lors de sa dernière tentative, la pâte s'est élevée dans la poêle jusqu'à s'en échapper. La substance spongieuse a envahi leurs chaussures et la plaque de cuisson à la manière d'un organisme extraterrestre sorti tout droit d'un roman d'horreur.

Azura aurait adoré ça.

Morgane, que le souvenir met de bonne humeur, lance une playlist aléatoire sur son téléphone. Elle bondit de son tabouret et attrape Gaël par les poignets, tout sourire.

— Tu veux bien m'accorder une danse ?

Déconcerté par la proposition, Gaël se contente de se laisser entraîner. Ils valsent comme deux jeunes maladroits, bousculant les tabourets, se marchant sur les pieds quelques fois. Les doigts de Morgane se fraient un chemin entre ceux de son ami pour s'y entremêler. Gaël se fait moins rigide au fur et à mesure que les morceaux s'enchaînent sans se ressembler ni être vraiment écoutés, mais la façon dont son regard évite sans cesse le sien ne lui échappe pas. Elle tire sur ses mains pour l'encourager à les poser sur ses épaules.

— Il faut une sacrée force pour demander pardon, dit-elle.

Le regard levé sur elle est si profondément consterné qu'elle en a les larmes aux yeux. Elle aurait tout aussi bien pu lui faire part d'une aberration que sa réaction n'aurait pas été différente.

Gaël secoue la tête, le visage bas.

— Et une encore plus grande pour l'accorder, répond-il.

Le silence retombe sur eux avec la douceur d'un voile. Le poids qui pesait sur le cœur de Morgane s'allège tout à coup, et elle sait qu'il en va de même pour son ami. Ils sont parvenus, en deux simples phrases, à formuler ce qu'ils n'ont jamais osé se dire auparavant.

Elle soupire d'un soulagement bienvenu. Les mains de Gaël glissent sur ses épaules jusqu'à retrouver leur place le long des hanches de leur propriétaire.

— Merci, souffle-t-il si bas qu'elle se demande si elle ne l'a pas imaginé.

Morgane sourit, le torse bombé d'un bien-être nouveau, et se prépare à répliquer quand une odeur de brûlé se faufile soudainement jusqu'à ses narines. Elle fronce les sourcils en reniflant. Sous la réalisation, se cœur se pince. Elle tourne la tête vers le four d'où s'échappe une fumée grisâtre. D'horreur, ses mains viennent recouvrir sa bouche.

— Juste ciel, nos biscuits !