Chapitre 7

Ils n'étaient plus très loin de ce qui semblait être le lieu de l'enquête. Devant eux, les ruines calcinées d'une maison étaient entourées par d'imposantes murailles transparentes. Pratiquement collées à la demeure étaient stationnées des camionnettes de pompiers et policiers. Tandis que les uns contrôlaient que les environs ne soient pas endommagés, les autres repéraient les lieux et tentaient de déterminer ce qu'il s'était précisément passé.

Comme ils s'y attendaient, les réactions des habitants aux alentours ne furent pas des plus plaisantes. Un déluge de colère et d'amertume se déversa sur eux, comme si quoiqu'il s'était passé dans ses ruines était de leur faute.

« Rentrez chez vous ! entendirent-ils. Personne n'a besoin de votre aide !

— Plutôt que d'essayer de vous acheter une conscience, rendez-nous service et retournez exploiter le système à Pleym-Shurg ! »

La haine qui leur était vouée était presque palpable. Toutefois, ils avaient été formés à passer outre ces violences physiques et morales et à vivre avec. Même s'ils eurent à esquiver deux ou trois projectiles, ils atteignirent les autorités sans dégâts. Une fois qu'ils franchirent les barrières placées par la police locale, l'officier responsable se dirigea vers eux et les salua :

« Bienvenue à Udrar. Je me nomme Alastar, et suis l'inspecteur en charge de cette enquête. Vous êtes les Hybrides envoyées par le Conseil de Pleym-Shurg, je suppose ? »

Ils hochèrent la tête à l'unisson. Zircon prit quelques secondes pour dévisager leur interlocuteur, un homme d'une quarantaine d'années, cheveux blonds et yeux d'un bleu électrique, une silhouette athlétique et vêtu d'un uniforme brossé. Il les invita d'un geste à le suivre, vers ce qui semblait être le cœur du problème. Avant d'entrer, l'Hybride demanda à Thryt et Subur d'aller inspecter l'extérieur tandis qu'Arca et lui allaient s'occuper de l'intérieur.

Sur le chemin, l'officier leur présenta la situation :

« La famille Leymas, un couple de scientifiques et deux filles. Ils ont été découverts ce matin par un voisin qui a noté que la porte avait été enfoncée. Lorsqu'il est arrivé à l'intérieur, il a découvert le carnage que vous vous apprêtez à voir. Je vous préviens, c'est une boucherie. »

Une fois au milieu des murs ravagés et des gravats, ils prirent le temps de constater les dégâts. Le toit avait tenu bon, malgré les immenses marques de griffures dans la charpente. Les meubles étaient fracassés contre les murs qui présentaient de nombreux trous béants dans le mélange de pierre et de ciment. Par-dessus tout, les habitants de la maison ou, du moins, ce qu'il en restait, étaient en morceaux sur le sol. De longues traces de sang séché présentes partout où ils posaient leur regard, ce qui fit, presque instinctivement, grimacer Zircon.

« Tout va bien, Zir ? demanda Arca, déjà au milieu du désastre.

— Ouais, juste les bains de sang qui me gênent toujours un peu.

— Tu écrases sans problème un groupe de terroristes mais tu n'arrives pas à supporter la mort d'une famille ? »

L'Hybride haussa les épaules, l'air navré :

« Un mal nécessaire pour arriver à nos fins. On parle d'un massacre, là. Une machine à tuer contre des innocents désarmés, et j'ai horreur de la violence gratuite. »

Sa partenaire ne trouva pas y répondre et entreprit d'analyser la pièce du regard. Zircon, quant à lui, s'accroupit et passa sa main sur le sol, utilisant au maximum ses sens.

« Les traces laissées sur les murs sont impressionnantes, commenta Arca. Quel genre d'arme serait capable d'infliger de tels dégâts ? »

Le jeune homme regarda les blessures des défunts, perplexe.

« Aucune arme n'est assez efficace pour faire ça.

— Comment ça ? »

Il mima, à l'aide de sa main, une attaque puissante à la jugulaire et justifia :

« Pour quelque chose d'aussi violent, même la lame la plus grande et affûtée au monde ne suffirait pas. Celui ou celle responsable de ces meurtres a suffisamment de force pour stopper une voiture à mains nues. »

Zircon se pencha davantage et étudia les victimes. Il ne put s'empêcher d'être abasourdi : les os d'un être humain normalement constitué étaient d'une solidité remarquable, pourtant ceux des victimes avaient été tranchés aussi nettement que lorsqu'un cuisinier découpe une tomate. Cependant, la question demeurait : pourquoi commettre un tel méfait ? Zircon avait beau y réfléchir, il ne comprenait pas ce qu'il voyait. La fureur qui se dégageait de ce spectacle macabre était effrayante. Toute cette colère, cette soif de massacre étaient sans pareil et n'avaient rien d'humain. Rien ? L'espace d'une minute, il envisagea la scène d'une autre point de vue. Concentré, il effectua une série de gestes incertains, comme s'il imitait quelque chose, ce qui suscita l'intérêt d'Arca :

« Une idée particulière à communiquer ? »

L'Hybride se retourna, sorti de sa torpeur par la voix de sa partenaire, et répondit :

« Hein ? Ah oui, pardon. Je commençais à penser qu'on n'envisageait pas toutes les possibilités. »

Devant son silence, la jeune femme le pressa de continuer :

« Je pense que la personne ayant commis ce méfait possédait une force inhumaine.

— Pas humain ? Quelle créature serait capable de... ? »

Arca laissa sa phrase en suspens, semblant comprendre ce qu'il sous-entendait :

« Un Enfant du Soleil ? Ils limitent pourtant leurs activités à Goflana et Pleym-Shurg. Quelle menace pouvaient bien représenter ces gens pour qu'ils viennent jusqu'ici ? »

Zircon ne répondit pas. Lui aussi refusait d'y croire, pourtant les preuves ne manquaient pas pour appuyer sa théorie. Il avait suffisamment étudié les capacités d'un être humain standard pour être certain que ce meurtre était d'un autre calibre.

« Je n'ai pas d'autre explication, avoua-t-il. De telles marques témoignent d'une force et d'une fureur qui n'ont rien d'humain. De plus, je perçois une odeur nauséabonde qui relève davantage de l'animal que de l'être humain. Il n'est pas impossible que quelqu'un capable d'invoquer une puissante créature soit à l'origine de ce carnage.

— Pourtant, objecta Arca, ils n'ont rien revendiqué comme ils ont l'habitude de le faire. Et je ne parle même pas du fait qu'ils se tiennent tranquilles depuis environ trois ans. Pourquoi ressurgir maintenant ? »

Le jeune homme haussa les épaules, incapable d'émettre un hypothèse plus plausible. L'inspecteur Alastar, jusqu'ici silencieux, jugea utile de préciser :

« Tout s'est passé dans le cours de cette nuit, aux environs de trois heures du matin. L'un d'entre eux était éveillé, a hurlé en voyant l'agresseur et a alerté le reste de la famille qui n'a malheureusement pas eu le temps de s'échapper. »

Zircon s'accroupit et inspecta la scène une troisième fois. En effet, il devait déjà avoir tout vu, pourtant son instinct lui disait qu'un détail avait échappé à son attention. Il le constata lorsqu'il se remémora l'introduction que l'officier leur avait fait avant d'entrer dans ce qu'il restait de la maison. Intrigué, il s'enquit :

« Quelque chose me chiffonne, inspecteur : vous nous avez bien dit que la famille se composait de deux adultes et de deux enfants, n'est-ce pas ?

— C'est exact.

— Alors pourquoi est-ce que je compte seulement trois cadavres ? »

Arca recomposa rapidement les corps dans son esprit et arriva à la même conclusion. Alastar, visiblement mal à l'aise, répondit :

« Il est possible que l'une des enfants ait survécu et réussi à s'enfuir, seulement nous n'avons aucune information quant à l'endroit elle aurait pu aller.

— Un enfant, en général, ira se réfugier chez les voisins ou dans les alentours, surtout dans un pays comme Oflos où personne ne s'aventure trop loin de chez soi sans raison valable, objecta Arca. Il faut la retrouver, sinon nous perdons un témoin majeur. »

Zircon leur fit signe de faire moins de bruit tandis qu'il se concentrait. Il ferma les yeux et mobilisa son ouïe et son odorat surdéveloppés. Il guetta, au delà des odeurs de suie et de sang, ainsi que des sons environnants, un quelconque indice qui pourrait trahir une présence humaine et vivante.

Après une dizaine de secondes à inspecter son environnement, il perçut un son qui pouvait s'apparenter à une respiration saccadée mais discrète. Il se releva, tenta d'identifier l'origine de ce qu'il entendait et sentit une fine odeur de transpiration. Confiant, il poursuivit dans la direction qu'il estimait être la bonne tandis qu'Alastar, intrigué, demandait à Arca en chuchotant :

« Mais que fait-il ?

— Zircon possède des sens bien plus développés que ceux d'un humain. Chaque son, odeur, vibration dans l'air, il peut les percevoir et en exploiter les informations. C'est l'un des traqueurs Hybrides parmi les plus talentueux de notre temps. »

Pendant ce temps, l'intéressé longeait un mur en l'effleurant de ses doigts, les sens aux aguets. Les sons et l'odeur se renforçaient à mesure qu'il avançait, jusqu'à ce qu'il sente une irrégularité sous sa paume. Lorsqu'il toqua contre la paroi et qu'il entendit un bruit creux, il enfonça son poing dans le mur et arracha ce qui s'apparentait à une porte de pierre. Il ne se laissa pas déconcentrer par le cri de surprise d'Alastar et laissa tomber sa prise sur le sol pour faire face à une fille d'une dizaine d'années, les joues creusées et les yeux cernés, alors qu'une plaie béante creusait son côté.

La pauvre petite était encore consciente et tremblait comme une feuille, terrorisée devant la stature imposante de Zircon. Celui-ci, conscient de l'allure peu rassurante qu'il avait lorsqu'il la dévisageait de toute sa hauteur, s'accroupit et ordonna à ses alliés d'un geste ferme de rester à l'écart. Il s'assit en tailleur devant elle, et entreprit de jouer avec la fermeture de l'une de ses poches. Visiblement interdite devant le comportement de l'homme en face d'elle, elle fixa l'Hybride en silence. Le jeune homme sentit son interlocutrice se détendre lorsqu'elle comprit qu'il ne lui voulait aucun mal et se décida à la regarder et demander :

« Ta blessure te fait mal ? »

Quelques secondes passèrent pendant lesquelles Zircon la contempla d'un air curieux sans animosité. Passé ce court délai, elle hocha la tête. Cette réaction motiva l'Hybride à poursuivre la discussion :

« Ce sont des adultes qui t'ont fait ça ? »

Elle secoua la tête, sa respiration reprenant petit à petit son rythme normal.

« Tu as suffisamment de force pour te lever ? »

De nouveau, elle secoua la tête, d'un air déconfit.

« Tu me laisserais te prendre dans mes bras et t'amener jusqu'à un endroit où des gens te soigneront ? »

Elle hésita quelques secondes, ne sachant pas si elle devait faire confiance à cet inconnu, puis regarda Arca et Alastar d'un air craintif.

« Tout va bien, assura Zircon. Ils sont avec moi et ne te feront aucun mal. Cependant, ta blessure peut s'aggraver si on ne t'amène pas rapidement à un hôpital. Tu veux que je t'y emmène ? »

Après un temps d'hésitation, la jeune fille hocha faiblement la tête. Délicatement, Zircon passa un bras sous le creux de ses genoux, puis un autre derrière ses épaules pour caler sa nuque et la souleva. Il se tourna vers Arca et Alastar puis leur dit :

« J'amène cette petite à l'hôpital le plus proche. Continuez à chercher des indices dans la maison, faites ce que vous pouvez, je reviendrais dès que je le pourrais. »

L'officier, abasourdi, ne répondit pas tandis que sa compagne hocha la tête d'un air entendu.

« Si elle te dit quoi que ce soit, recense le et communique le. »

Zircon l'embrassa sur la joue et sortit de la maison en ruines au pas de course. Il franchit le barrage de police, faisant fi des réactions de la foule qui l'accusaient de kidnapper la petite fille dans ses bras après l'avoir blessée, et poursuivit sa route dans les rues d'Udrar, jusqu'à ce qu'il aperçoive l'hôpital central de la ville. En quelques minutes, il le rejoignit et déboula dans le hall d'accueil. Il alla jusqu'au comptoir où il annonça à la personne face à lui :

« Bonjour, je suis un Hybride en mission pour le Conseil de Pleym-Shurg. Cette petite est un témoin-clé pour mon enquête et il lui faut des soins immédiatement. »

Son interlocuteur, un homme d'une trentaine d'années au visage aussi las et fatigué que celui d'un paresseux, lui répondit d'un ton monotone et sans entrain :

« Les médecins de cet hôpital sont tous très occupés, en ce moment. Vous allez devoir patienter.

— Combien de temps ?

— Au vu des personnes qui attendent depuis plus longtemps que vous, vous devriez pouvoir être pris en charge d'ici demain après-midi. »

Zircon hoqueta de surprise. Il devait patienter jusqu'au lendemain ? Alors que cette petite fille disposait d'à peine quelques heures ? Tant pis pour la courtoisie, il allait devoir être direct. Il déposa délicatement la petite sur un siège, puis passa les portes de l'accès réservé au personnel pour aller chercher un brancard.

Une fois revenu, il souleva avec mille précautions la blessée et la coucha sur ce qu'il venait de trouver, puis la poussa vers l'espace d'opérations. Constatant avec soulagement que la pièce était vide, il déplaça de nouveau la petite fille pour pouvoir s'occuper d'elle correctement. Il alla voir dans les réserves d'outils, prit une seringue ainsi qu'une dose d'anesthésiant et entreprit de nettoyer la pointe de l'instrument. Une fois cela fait, il versa le liquide dans le contenant puis rentra l'aiguille pour démarrer l'anesthésie. L'effet se fit immédiatement sentir : les muscles de la petite se relâchèrent progressivement tandis qu'un air soulagé apparut sur son visage.

Incapable de traiter une blessure de cette taille, il sortit avec fracas de la pièce, fonça vers les blocs opératoires occupés pour trouver un chirurgien. Il pénétra dans l'un d'eux, agrippa une médecin abasourdie et la traîna jusqu'à l'endroit où la jeune fille reposait, inconsciente. La pauvre femme qui s'était faite interrompre en pleine opération saisit immédiatement la gravité de la situation lorsqu'elle vit la plaie béante. Elle se retourna vers Zircon et l'exhorta :

« Je dois m'assurer qu'elle survive, ce qui signifie que vous attendrez dehors, à l'accueil, c'est bien clair ? »

Dans un grognement, l'Hybride lui donna son accord et alla s'asseoir, l'esprit rongé par l'inquiétude. Plusieurs heures passèrent au cours desquelles Zircon appela ses amis restés sur site : selon Subur et Thryt, l'hypothèse d'une attaque de Dépeceur devenait de plus en plus plausible avec le temps. Les voisins avaient tous entendu un son guttural, se rapprochant du tonnerre ou du grognement grave d'un prédateur, puis avaient entendu la famille hurler, puis plus rien. D'autres encore avaient vu une forme sombre beaucoup plus grosse qu'un humain s'éloigner dans la nuit sans un bruit.

Zircon acquiesça légèrement, conscient qu'ils s'agissait du son qu'émettaient les Dépeceurs lorsqu'ils étaient en chasse. Cependant, il ne comprenait toujours pas le motif de l'attaque : pourquoi attaquer une seule famille quand un Dépeceur normal ravagerait le quartier entier sans problème ? Quelque chose ne tournait pas rond, et ne pas savoir de quoi il s'agissait le frustrait au plus haut point.

Il envoyait un message à Arca lorsque la chirurgienne poussa la porte battante et avança dans sa direction. Désireux de savoir comment se portait la petite, il se leva promptement et alla à la rencontre de celle qui s'en était occupée.

« Comment va-t-elle, docteur ?

— Elle a eu énormément de chance, répondit celle-ci. Si vous me l'aviez amené une vingtaine de minutes plus tard, je n'aurais rien pu faire. À présent, elle se repose dans l'une de nos chambres en attendant de retrouver des forces. »

Zircon se laissa guider dans le dédale de couloirs, jusqu'à la petite chambre dans laquelle était allongée la petite fille, les yeux rivés sur le plafond. Il remercia la chirurgienne et alla s'asseoir à côté d'elle, lui laissant le temps dont elle avait besoin pour s'adresser à lui. Après plusieurs minutes de silence, il entendit :

« Pourquoi ? »

Il la regarda d'un air interloqué :

« Pourquoi quoi ?

— Pourquoi mon papa et ma maman sont pas là ? Pourquoi je suis ici ? »

Zircon, décontenancé, jugea utile de prendre des pincettes et de découvrir le terrain petit à petit.

« Tu ne te rappelles pas des événements de cette nuit ? »

La jeune fille eut l'air de réfléchir intensément, le front plissé et les yeux fermés, avant de hausser les épaules :

« Je me rappelle être en train de dormir, je jouais avec un loup dans une forêt aux arbres bleus, puis je me suis réveillée parce que papa et maman criaient. »

Elle marqua un temps de pause, semblant creuser dans les recoins de sa mémoire.

« Je suis descendue voir pourquoi ils criaient, mais il n'y avait plus de bruit. En arrivant en haut des escaliers, j'ai vu... j'ai... je... »

Zircon ne souhaitait pas qu'elle ressasse des événements bien trop choquants pour une enfant de son âge, toutefois il devait stopper l'auteur du meurtre :

« As-tu vu un homme ou une femme cette nuit-là ? »

La petite rescapée sembla se figer. Son teint déjà pâle vira au blanc craie, et des tremblements incontrôlables commencèrent à la parcourir.

« Non je... je n'ai vu que la chose qui les a attaqués. Qui c'était, monsieur ? Je vais revoir mon papa et ma maman ? »

Ne pouvant mentir, il s'abstint de tout répondre. Devant l'air terrifié de sa jeune interlocutrice, il passa une vingtaine de minutes à lui changer les idées en lui décrivant le ciel lorsque les nuages rouges se dissipaient annuellement ainsi que de l'apparence des Terres Extérieures au bas du Rempart. Comme il n'avait pas besoin de plus d'informations, il appela une infirmière qui passait et lui demanda de s'occuper correctement de la petite jusqu'à ce qu'il repasse. Une fois que celle-ci eût pénétré dans la chambre, il alla jusqu'aux ascenseurs pour sortir de l'hôpital. Une fois cela fait, il appela Arca et lui dit :

« Notre enquête n'est pas terminée. Si la petite a dit vrai, alors nous avons un Invocateur en cavale dans la ville. Il va falloir qu'on le retrouve et qu'on l'empêche de nuire. »

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