XXXI

Vendredanche soupira.

« Mac » capitula-t-il, un peu fatigué. « Il y a pas de danger. Si Tom a survécu, on peut aussi le faire. Subséquemment, si tu pouvais arrêter d'hyperventiler dans mon oreille et de me broyer l'épaule, je t'en serais plutôt reconnaissant. »

Mac, qui depuis dix minutes était très occupé à flipper, cligna des yeux et cessa de tenter de réduire en miettes la clavicule de Vendredanche. Le jeune stagiaire eut un petit soupir soulagé.

« Merci, » apprécia-t-il.

« Pardon » s'excusa Mac, un peu piteux. « C'est juste que...enfin, je veux dire...t'es vraiment sûr que le crabe ne risque pas de nous manger ? Je veux dire, sûr sûr ? — Parce que je dois t'avouer que la perspective de mourir digéré par un crustacé ne m'a jamais franchement attiré.

— Mac, si jamais la perspective de mourir digéré par un crustacé t'attire » lâche patiemment Vendredanche, « envisage sérieusement la psychothérapie.

— D'accord.

— ...Ou tape "241543903" sur Gougeule, c'est plus rapide et ça coûte moins cher.

— D'accord.

— J'ai personnellement retrouvé foi en l'humanité grâce à ça.

— D'accord.

— Mais tape jamais "askew", ça rend malade en transports.

— D'accord.

— Si tu veux retrouver foi en l'humanité, qu'est-ce que tu fais ?

— Je tape 241543903 sur Gougeule.

— Si tu veux voir ce que ça fait si tu tapes "askew", qu'est-ce que tu fais ?

— Je tape pas.

— Et si tu veux être malade en transports ?

— Je veux pas être malade en transports.

— C'est bien, t'es malin. T'as toujours peur ?

— Oui. » Vendredanche marmonna comme quoi c'était pas possible de faire penser à autre chose un garçon aussi multitâches.

« T'es un peu désespérant, » râla-t-il.

« Pardon. »

Vendredanche grommela que c'était franchement impossible de s'énerver sur Mac, parce que c'était un peu comme drop-kicker un chiot, — mais qu'il y avait quand même des claques qui se perdaient — et reprit : « ...écoute. Il n'y a aucun risque. » Il désigna Tom, en avant du trio, qui avançait d'un pas résolu. « Tom connaît le chemin. Ça fait...ça fait...voyons... » il se mit à compter sur ses doigts, l'air concentré. « On est l'année du Chat-Qui-Court-Après-Sa-Queue-Sur-Un-Lit¹...je pose trois, je retiens deux... » il y eut un silence « ...beaucoup. Beaucoup trop longtemps. Qu'il est coincé ici. Je veux dire, il sait comment gérer. »

Mac regarda Tom, quelques mètres plus loin, — avec l'air un peu inquiet de l'enfant qui vient de dire maman, c'est normal que Bubulle dorme sur le dos en flottant à la surface, hein ? Il hésita une seconde. Puis, finalement, décida de faire confiance à Vendredanche.

« Oui, tu as raison, » admit-il. (L'épaule de Vendredanche lui dit merci.) « Il sait où aller. On ne risque rien, avec le crabe. » Vendredanche s'illumina d'un grand sourire.

« Ravi de te l'entendre dire ! On va s'en sortir, mon vieux. » Il tapota l'épaule de Mac d'un air réconfortant. « Surtout que —

— ...Mes enfants, j'ai quelque chose d'important à vous annoncer.

— Euh — d'accord ? » lâcha Vendredanche, un peu pris de court. « Si tu veux, Mac. Vas-y. »

Mac cligna des yeux. « Mais j'ai rien dit » couina-t-il d'une petite voix.

Vendredanche regarda Mac.

Mac regarda Vendredanche.

Vendredanche et Mac pivotèrent lentement sur leurs talons.

Dans l'obscurité — juste derrière eux, il y avait l'ombre un peu difforme que jetait un vieillard noueux, et les contours de sa barbe trop longue dessinaient comme un liseré d'argent...

« ...Le viocque ?! » s'écrièrent Mac et Vendredanche à l'unisson.

« J'ai oublié ! » confirma le viocque d'une voix joyeuse.

Mac gargouilla quelque chose de salement désespéré.

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¹Big up à Koridwen44 {B3