𝐗𝐗𝐗. 𝐀ttention, ça peut être tortueux.
XXX
Mac s'étrangla sur un toussotement hybride entre une fausse route et un raclement de gorge. « PARDON ? » glapit-il. Vendredanche ne l'écoutait pas. Il était comme sonné.
« ...Tom ? » répéta-t-il, le regard vide et presque ému.
Mac réalisa qu'il serait de toutes façons ignoré s'il se mettait à râler et décida, tant qu'à faire, de s'impliquer un peu.
« Tom Volauvent ? De la maintenance informatique ? » s'enquit-il en conséquence.
« Non. Tom, du service des ampoules grillées.
— Pardon.
— Mais comment est-ce que — comment — » bafouilla Vendredanche. Il en avait les larmes aux yeux d'émotion.
En face, Tom se détourna. Il n'arrivait pas à le regarder dans les yeux.
Sa voix était trop rauque.
« Ben, j'ai survécu, comme tu vois. » Vendredanche se tut. Son souffle mourut dans sa gorge.
Puis, il déglutit — la culpabilité perça l'espace comme un carreau d'arbalète. Peut-être alla-t-elle se ficher dans l'obscurité pourrie tout autour. On ne le sut jamais.
« Je suis...je suis tellement, tellement désolé, » souffla-t-il d'une voix brisée. « On a vraiment cru que tu étais mort. Vraiment. » Il baissa les yeux. « Je te le promets.
— Mais il a été mangé par un crabe géant, non ?
— Ne t'inquiètes pas, Vendredanche. » Tom eut un pauvre sourire. « Je m'en suis tiré. Et puis...ici ou là-haut, qu'est-ce que ça change ?
— Ben, c'est quand même nettement moins lumineux, puis la surface vitrage est assez minime —
— Oui, mais...oh, non d'une agrafeuse. » La tristesse dans la voix de Vendredanche était palpable — comme une douleur dans la gorge. « Ça fait tellement longtemps que...
— ...Je m'en suis tiré, Vendredanche. » Le stagiaire hocha doucement — tristement — la tête.
« Ben oui, mais et l'ampoule grillée —
— Mac ?
— Oui ?
— Ta gueule.
— Pardon. » Vendredanche soupira. Puis reprit, un peu inquiet :
« Tu...tu as réussi à...
— À tenir le coup ? Ben oui, tu vois. » Tom eut comme un petit geste d'excuse, assez maladroit. Le stagiaire secoua tristement la tête.
« Mon pauvre vieux.
— Écoute, on tient bon. » Il y eut un lourd silence. L'odeur de pourriture et de fermentation étouffante semblait comprimer les poumons. Il faisait trop chaud.
Vendredanche hocha la tête. Il savait ce que ça signifiait — des années plus tôt, ils avaient tous dû se plier à ce on tient bon. Faire passer la survie pour de l'existence.
Il eut un sourire contrit, presque d'excuse. Mais il ne dit rien. L'air était étouffant et quasi fétide.
Il soupira et regarda Tom avec l'air de dire je comprends.
Tom soupira et le regarda avec l'air de dire vous êtes dans la même galère, les gars.
Mac regarda Tom en hyperventilant un peu, l'air de dire j'ai du céleri rémoulade dans la narine gauche, est-ce que ça se voit ?
...Si le visage de chiot flippé de Mac était à peu près aussi lisible d'un bouquin bibliothèque rose en police quarante-deux interligne 8, la traduction était parfois un peu plus ardue. En vérité, il se disait qu'il comprenait dans les grandes lignes que dalle à ce qui se passait, et se tourna vers Vendredanche avec l'espoir fou que le jeune stagiaire sorte une agrafeuse de sa chaussette et sauve la situation par une manœuvre à la fois brillante et fondamentalement absurde, — comme remonter la conduite à dos de crabe mutant.
Mac se demanda soudain s'il était possible de remonter une conduite à dos de crabe mutant.
Mac se souvint que Vendredanche ne portait pas de chaussettes.
Ses espoirs se dégonflèrent comme un ballon flapi qu'on crève.
« Bon, venez, » se résigna soudain Tom, avec un soupir. « Je vous emmène à ma cachette. Ma tanière, si l'on peut dire » ajouta-t-il avec un petit rire sans joie, un peu fataliste. « Vous me raconterez tout, ça vous va ? »
Vendredanche eut une petite grimace triste. Puis fit signe à Mac de le suivre (ce qui était légèrement inutile puisqu'il était de toutes façons accroché à Mac depuis dix minutes pour marcher et le recenseur n'avait pas franchement d'autre choix que de lui coller aux basques). Il fit un pas boitillant en avant — ça lui arracha une grimace.
« J'ai une agrafe dans la cuisse gauche, » prévint-il, au cas où. Tom qui avait amorcé son départ s'arrêta, se retourna, pour jeter un coup d'œil par-dessus son épaule.
Malgré le noir et le rouge du briquet, on voyait déjà une tache coquelicot tacher la tunique à motifs écossais du stagiaire. Tom grimaça.
« Pas joli, » admit-il. « Tiens le coup. Je dois avoir de quoi arranger ça à la tanière. »
Il s'appuya contre un mur ruisselant d'ombres, et lâcha, de sa voix d'outre-tombe :
« ...Attention, ça peut être tortueux. »
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