𝐗𝐗𝐈𝐈. 𝐎pération blitzkrieg et passage en force

XXII


Mac retrouva, — après l'usage de ses cinq sens — la notion pourtant vitale de sa quasi incompétence dans tous les domaines attenant de près où de loin à l'exercice physique.

...Subséquemment, il se vautra salement derrière une armoire sur les talons d'un plongé parfait à couvert de Vendredanche avec une certaine gratitude. — Ça lui allait plutôt bien, il était sur le point de cracher ses poumons. — Le stagiaire dégaina d'un coup un trombone (pour le première fois de sa vie Mac trouva à un trombone l'air franchement malfaisant) et jeta un coup d'œil aussi furtif que méchamment professionnel. Le recenseur en eut un petit sursaut impressionné, — du moins l'aurait-il eu s'il n'était pas plus ou moins occupé à tousser ses artères pulmonaires.

Vendredanche eut un grave signe du menton à l'attention de Mac.

« La voie est libre, » souffla-t-il. Le recenseur arrêta de s'asphyxier sur sa propre trachée et lâcha :

« Il nous reste combien de temps ? » Vendredanche fit claquer sa langue.

« 'Sais pas. J'ai pas ma montre. »

Mac glapit quelque chose, mais malheureusement s'étrangla dessus. « QUOI ? » fut pourtant, dans les grandes lignes, ce qui se dégagea des fréquences les plus intelligibles de son borborygme.

Vendredanche lui jeta un petit regard agacé.

« 'Sais pas. J'ai pas de montre, » répéta-t-il. « J'en avais une mais elle s'est cassée pendant la guerre du Bébé Orang-Outan. Tu m'excuseras d'avoir survécu au détriment de ma montre James et la Grosse Pêche.

— Hein ?

— C'était une très jolie montre, » se défendit Vendredanche. Mac s'ébroua.

« Euh, d'accord » capitula-t-il. « J'imagine que ce n'est pas totalement la question.

— Peu importe.

— Oui » Mac se racla la gorge. « Le fait est qu'on est actuellement coincés derrière une armoire...

— ...métallique à dossiers cinq niveaux...

— ...dans un étage dangereux où nous ne devrions définitivement pas être, » acheva Mac en commençant à hyperventiler de façon inquiétante. « Et nous n'avons aucune idée de quand ledit danger peut nous tomber dessus ?! » Vendredanche soupira et lui fit signe de se calmer.

« Ils ont eu Jasmine, » tempéra-t-il. « De toutes façons, ils savent qu'on connaît leurs horaires de ronde. » A posteriori, ça ne tempérait justement en rien du tout la situation, aussi Mac lui jeta-t-il un regard horrifié avant de se remettre à faire un infarctus. Vendredanche haussa les épaules et reporta son attention sur le couloir vide.

« Tu vois la porte là-bas ? » lança-t-il après un moment.

Mac fit une pause dans l'évolution de son alcalose respiratoire et jeta un coup d'œil nerveux.

« Celle avec marqué "privé, interdit au public" ? » Tenta-t-il.

« Non, ça c'est là où ils planquaient leur collection de bédés, autrefois. » Il fit claquer sa langue contre son palais. « La porte d'à côté. Celle qui semble avoir été brûlée, arrachée de ses gonds, re-brûlée, piétinée longuement, mâchée par un dromadaire, pliée en six, recyclée, réorientée professionnellement en cordon bleu, consommée avec de la salade, digérée, sauvée in extremis, emmenée à un concert d'Indochine, balancée sous un tir de grenades, avant d'avoir été remise dans ses gonds. » Mac déglutit.

« Ah, oui. En effet. Que lui est-il arrivé ?

— Exactement ce que je viens de décrire » fit sombrement Vendredanche. « C'est la porte de la salle de la machine à café. Une ZDHS. »

Mac cligna des yeux.

« J'ai deux questions quant à ce que tu viens de me dire.

— Vas-y.

— ZDHS ?

— Zone de Défense Hautement Sensible. Enfin, pour nous, c'est plutôt une ZOB. »

Mac haussa les sourcils, l'air franchement déconcerté. Il pencha lentement la tête sur le côté, comme pour faire couler de l'eau de son oreille gauche. « Quoi » fit-il doucement.

« ...Une Zone d'Opérations Bourrinage. Mais ouais, pour celle-là on évite d'utiliser le sigle. » Mac insensiblement hocha la tête.

Il y eut un silence un peu gênant.

« Enfin bref. » Vendredanche haussa les épaules. « Tu avais une autre question ?

— Non, après réflexion, ça ira.

— L'idée, ça sera de passer le barrage de la salle de la machine à café.

— D'accord. » Mac prit une profonde inspiration. « Et après ?

Je sais pas. » Mac lui jeta un regard horrifié et se remit à hyperventiler. « Tu t'attendais à quoi ? » protesta Vendredanche. « On est jamais arrivés à passer le barrage de la salle de la machine à café ! ...Et on avait de toutes façons pas de raisons d'essayer » ajouta-t-il plus bas. « J'aimerais bien t'y voir.

— Tu es en train de me dire » paniqua Mac, « que tu comptes entrer dans une zone hautement sécurisée...

— Ça reste une salle de la machine à café » tempéra Vendredanche.

« ...Est-ce que c'est vraiment un argument dans cet endroit de fous ?!

— Disons que t'apprends vite » concéda l'autre.

« On va mourir » gémit Mac en guise de conclusion.

Il eut moins d'une demi-seconde de flottement avant de réaliser que quelqu'un avait saisi son visage de force entre ses mains pour le forcer à le regarder dans les yeux.

Ce quelqu'un, ...c'était Vendredanche.

« Allez, Mac » fit-il gravement, alors que le recenseur tentait vaguement de retrouver ses repères — tout son champ de vision comme bouffé par ces deux yeux bizarres qui oscillaient entre la psychonévrose légère et l'illumination mystique. Un sentiment bizarre de déjà-vu rampa dans ses entrailles. « On a tous une place et un rôle sur cette terre. Tu comptais vraiment passer ta vie à attendre la mort ?

— C'était le plan initial » gémit faiblement Mac. Vendredanche l'ignora proprement avant de reprendre :

« Tu ne veux pas te prouver à toi-même que tu en es capable ? Tu ne veux pas avoir quelque chose pour lequel te battre ? Pense à Karina !

— C'est Katharina » protesta Mac, l'élocution un peu compromise parce que Vendredanche serrait ses joues trop fort. « 'Suis divorcé.

— Pense à tes enfants » re-tenta le stagiaire.

« Je préfère autant pas mourir dans une entreprise abandonnée en tentant une opération blitzkrieg pour forcer l'embargo de la machine à café...

— Tu peux arrêter de me couper ? Y en a qui essayent d'improviser un briefing pré-combat, ça serait sympa de respecter.

— ...Je les connais, ils sauraient pas quoi mettre sur la plaque commémorative. » Vendredanche leva les yeux au ciel et relâcha enfin son visage.

« Irrécupérable » soupira-t-il une fois que Mac se fut dégagé, quoique pas méchamment. « Tu n'arriveras pas à grand-chose avec un état d'esprit pareil.

— J'ai fait l'IPAG, » pleurnicha Mac.

« Crois-moi, c'est pas totalement une fierté. » Vendredanche jeta un coup d'œil par-dessus son épaule avant que le recenseur ne puisse protester. « Tango a dû passer par les faux plafonds. Pour Sonja, je sais pas, mais entre nous j'ai un peu peur. La seule solution, c'était de se séparer. »

Mac hocha la tête en désespoir de cause. La mâchoire de Vendredanche se crispa.

« T'as pas une idée de phrase un peu marquante à laisser à la postérité ? » Ses yeux se tournèrent vers Mac, et pour la deuxième fois en cinq minutes, le recenseur sentit l'étrange impression de malaise lui retourner l'estomac.

« Pas vraiment. » Les mains du stagiaire de la photocopieuse tremblaient légèrement lorsqu'il arma ses trombones. La gorge de Mac se noua.

« Pour Violette. Je t'aime. » fit finalement Vendredanche à voix basse.

Puis il leva les yeux vers le recenseur, dans l'expectative. Ce dernier n'avait franchement aucune idée de petite phrase historique. Son cerveau était plutôt vide.

« Euh...tout, sauf Meredith Jones ? » proposa maladroitement Mac. Un grand sourire illumina le visage de Vendredanche.

« C'est l'idée » lança-t-il joyeusement. « Allez. À trois... »

Bien sûr, Vendredanche se planta et se mit à sprinter à deux, quoi qu'il en soit ils quittèrent leur abri avec la consolation de mourir en héros, si jamais.

C'était important pour Vendredanche.


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