𝐗𝐕. 𝐋es cartons
XV
« Tiens » lança Vendredanche, en tapotant l'épaule de Mac pour attirer son attention. Le recenseur se retourna juste à temps pour se voir fourrer dans les bras un vieux carton. « C'est tout ce qu'on a trouvé d'assez grand. Et je te promets qu'on a fouillé.
— Je te demande pardon ? » bafouilla Mac.
« C'est ton carton » expliqua patiemment Vendredanche. « Pour dormir.
— Mais je ne rentrerai jamais là-dedans ! »
Vendredanche soupira (mais pas trop fort quand même parce que ce n'était pas méchant), reprit le carton des bras du recenseur, et d'une main experte le déplia sous ses yeux ébahis.
« Tu t'allonges dessus » développa le stagiaire en donnant une petite tape satisfaite au lit improvisé. « C'est parce que le sol est froid, ici, tu comprends. »
Mac cligna des yeux, franchement impressionné. « Dessus » répéta-t-il bêtement.
« Oui. Et c'est pas ma faute si tu es grand. On aurait pu te dégotter un vieux carton à colis, mais tu n'aurais pas tenu dessus.
— ...Merci ? »
Vendredanche eut un petit sourire modeste.
« Je dors là-bas, » indiqua-t-il en désignant un carton de taille moyenne, déplié à même le sol, à quelques mètres. « Et Rafaíl est juste à côté. Si tu as un doute, n'hésite pas, d'accord ? ...Juste,...ne nous refais pas le coup des toilettes.
— Promis. » Le stagiaire hocha mélancoliquement la tête.
Ils étaient retournés au premier, euphoriques, une heure plus tôt, une fois que ; Mac se fut calmé, que Tango eut signifié des excuses valables, que Vendredanche eut trouvé un mouchoir, que Mac l'eut bousillé avec un bruit de trompettes, qu'il eut de nouveau fondu en larmes, que Tango eut fini par descendre du plafond pour lui offrir une biscotte toute vieille (presque entière !) de son précieux stock de miettes, que Mac l'eut boulottée, que Mac eut réalisé qu'il l'avait boulottée, que Mac eut frisé la crise d'hystérie en avisant qu'il ne connaissait pas la date de péremption, que Tango l'eut rassuré en lui signifiant que la susdite date en question n'avait probablement pas connu le cinéma parlant, que Mac eut encore pleuré, puis qu'on eut enfin retrouvé sa veste préférée, — après quoi il avait enfin accepté de suivre Vendredanche au premier étage sans trop râler. Le soleil tombait alors par les fenêtres sales et franchement vieillotes et Mac se sentit sincèrement obligé de faire comprendre qu'on ne faisait plus de doubles-vitrages comme ça depuis une éternité, ce à quoi Vendredanche se sentit encore plus sincèrement obligé de lui écraser le pied.
Ils étaient donc arrivés sur le palier du premier dans un débat assez enflammé tentant de déterminer si, socialement parlant, le geste de Vendredanche avait été disproportionné, et si oui dans quelle mesure. Malheureusement le conflit fut coupé court alors qu'il tournait à l'avantage de Mac par les ombres rasantes du crépuscule, et les rouges épuisés qui émergeaient dans le couloir, pour installer leurs lits pour la nuit.
Les lits en question consistaient en des cartons écrasés, rangés en quinconce soigneuse sur le sol. Chacun se plaçait sa couche avec un ennui qui trahissait l'habitude ; sans cesser de discuter, Vendredanche alla chercher machinalement un genre d'emballage à colis chronopost miraculeusement entier, l'aplatit vigoureusement d'un coup de bras, et alla le fiche au sol, à côté de la place où Rafaíl était déjà assis.
Il avait fallu expliquer la chose à Mac. Lui trouver un carton à sa taille. Lui dénicher une place satisfaisante, parce qu'on ne voulait pas le bizuter en l'installant tête-bêche avec Sébastien (dit Francis Orteil d'Acier, pour des raisons évidentes). Enfin, il fallut le rassurer.
Voilà pourquoi Vendredanche lui faisait actuellement promettre de ne pas se faire manger par un crabe mutant entre neuf heures trente et six heures, si possible.
Mac, comme on le sait, promit.
Cela soulagea franchement Vendredanche, mais il fit mine d'en être juste heureux.
...Ça l'aurait ennuyé si le recenseur mourait au bout de deux jours, en vérité.
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