Chapitre 2 - Nouvelle maison
Sironne regarda la petite masure au toit de chaume.
La peinture était passée et craquelée, les fenêtres en verre grossier, le sol uniquement de terre battue recouverte de brins de paille. Quant à la rue, quelques pavés étaient démis et des mauvaises herbes poussaient entre les interstices des autres. Des flaques d'eau croupie mêlée à des immondices stagnaient ça et là mais c'était mieux que de vivre à l'extérieur entre deux tavernes sordides, à la merci de la chaleur, du froid et des intempéries.
Leïje commença à geindre contre le sein droit de sa mère qui soupira d'agacement en remontant la prise qu'elle avait sur le bébé.
Elle grogna en s'adressant à lui :
« Tu ne pourrais pas la fermer un peu ? Si tu n'y mets pas du tiens, comment veux-tu que je résiste à l'envie de t'éclater le crâne contre les pierres d'un mur ?
Comme si il avait parfaitement compris les paroles de sa mère, le petit Leïje se tut en ouvrant grand ses yeux si noirs.
N'importe qui l'aurait trouvé adorable mais pas Sironne.
Cette dernière poussa la porte de sa nouvelle habitation d'un coup d'épaule, manquant presque d'assommer Leïje contre le chambranle.
Elle rattrapa la tête du nourrisson qui penchait dangereusement sur le côté en soufflant son irritation. Elle avait autre chose à faire que de surveiller chacun des mouvement de ce petit maladroit et elle n'avait pas non plus de temps à perdre à vérifier constamment qu'il se portait correctement. Elle devait emménager et tâcher de rendre cette masure plus agréable pour elle.
Elle allait commencer par retirer les vieilles planches qui obstruaient les fenêtres en empêchant la lumière de pénétrer à l'intérieur. Seulement, Leïje l'encombrerait si elle continuait à le tenir dans ses bras. De toute manière, elle ne comptait pas le cajoler toute la journée, ni jamais d'ailleurs.
N'étant pas fournie avec des meubles, la maison était totalement vide et il n'y avait donc pas de berceau ou quoi que ce soit d'autre pour Leïje mais cela ne dérangea pas Sironne pour autant. Elle posa le bébé à terre et la seule chose qui le séparait du froid du sol était la couverture donnée par la sage-femme.
Sironne ne se soucia pas davantage de Leïje qui, inconfortable et mal installé, se remit à geindre en agitant ses petits membres potelés en tous sens.
Sironne se contenta de lui ordonner de se taire en ponctuant sa phrase d'une insulte avant d'entreprendre de dégager les fenêtres.
Elle ouvrit la première sans s'alarmer du courant d'air glacial qui souffla dans la pièce droit sur Leïje. À force de frapper les planches, elle parvint à déloger les clous de cadre. Les pièces de bois claquèrent sur les pavés de la rue. Elle frotta ses paumes l'une contre l'autre pour en chasser la saleté puis elle se dirigea vers la deuxième fenêtre.
Elle freina brusquement en interrompant son début de pas en s'apercevant au dernier moment manqué d'écraser Leïje sous son pied. Elle soupira, de plus en plus irritée par la présence du nourrisson.
Le supporter durant ces prochaines années serait vraiment une épreuve.
Elle écarta le bébé du bout de sa chaussure. Leïje posa son regard sur sa mère durant quelques secondes en s'interrompant dans ses pleurs. Se moquant bien de son état ou de ses besoins, Sironne reprit sa besogne et se chargea de la fenêtre suivante ainsi que des deux autres.
Elle ne sembla se souvenir du fait qu'elle devait s'occuper un minimum de son enfant que lorsqu'elle eut terminé après un quart d'heure à s'échiner.
Leïje poussa soudainement un hurlement plus puissant que les autres. Sursautant, Sironne se retourna vivement alors qu'elle refermait la dernière fenêtre. Ne faisant plus attention à ses gestes, elle se coinça l'indexe entre les deux battants. Elle cria brièvement en retirant vivement sa main. Elle vérifia l'état de son doigt et constata que du sang coulait sous son ongle.
Elle jura puis s'avança jusqu'à Leïje qui continuait à émettre des vagissements alors que de grosses larmes roulaient sur ses joues rebondies.
Sironne s'énerva contre le nourrisson :
- Regarde un peu ce que tu m'as fait faire, espèce de sale... »
Sironne fut interrompue par des coups frappés timidement contre la porte. La jeune femme soupira.
Allait-on la laisser un peu tranquille ? Tout le monde se moquait bien de son sort et personne ne s'intéressait à elle lorsqu'elle vivait dans la rue alors pourquoi ne lui accordait-on pas un peu de paix à présent qu'elle avait une habitation depuis moins de vingt minutes ?
Elle ramassa Leïje, n'ayant pas envie qu'on lui pose des questions ou qu'on commente ses manières de s'occuper de son enfant. Après tout, elle n'avait jamais rien demandé et c'était déjà beaucoup qu'elle ait accepté de laisser ce sale rejeton en vie et de le garder avec elle même si c'était uniquement pour toucher l'argent fourni gracieusement par le dispensaire.
Elle berça Leïje sèchement et sans la moindre délicatesse pour le faire taire et soulager ses oreilles. Bien que l'étreinte ne soit absolument pas tendre, c'était toujours mieux que d'être allongé à même le sol alors Leïje se calma et ses vagissements cessèrent, au grand soulagement de sa mère.
Finalement, le faire taire n'était pas si difficile, si seulement serrer cette petite créature rose contre elle ne lui coûtait pas.
Le petit étant enfin silencieux, Sironne alla ouvrir aux importuns. Elle dévisagea la jeune femme blonde aux cheveux courts qui se tenait de l'autre côté de la porte. L'inconnue détailla Sironne ainsi que le nourrisson qui, lui aussi, parut l'examiner.
« Quoi ? Demanda Sironne, légèrement agressive et agacée.
- Et bien, pour commencer, je me nomme Reima. J'habite juste un peu plus loin et j'ai entendu pleurer alors...
- Tout va bien. C'est bon, merci.
- C'est votre enfant ? Il est adorable !
- Vous trouvez ?
S'étonna Sironne en arquant un sourcil, ne croyant vraiment pas cette Reima lorsqu'elle prétendait que le petit Leïje était beau. Elle, elle le trouvait toujours aussi laid que la veille, à sa naissance. Comment pouvait-on trouver cette chose belle ? Il n'avait pas un seul cheveu, ni de dent, il était tout potelé de partout, sa peau avait une espèce de couleur rose laide. Il n'y avait que ses yeux noirs qui étaient vaguement beaux, et encore.
Reima répondit, surprise par la réaction de Sironne :
- Bien sûr !
- Bon, tout va bien alors au revoir. »
Sans attendre davantage, Sironne referma la porte au nez de Reima qui s'en trouva plutôt vexée et ébahie mais elle ne s'en formalisa pas durant longtemps et elle s'en fut.
Sironne reposa Leïje au sol presque avec empressement.
Le petit resta quelques secondes silencieux et immobile puis il recommença à pleurer et à remuer dans sa couverture.
Sans se soucier de cette nouvelle vie qu'elle avait mis au monde et dont elle était responsable depuis, elle retourna à ses occupations. En un sens, elle semblait davantage s'intéresser à l'aménagement de sa nouvelle habitation qu'à son fils. Après tout, elle souhaitait vivre dans une vraie maison depuis longtemps alors qu'elle ne voulait pas de cet enfant encombrant.
Se rendait-elle compte que, en le gardant auprès d'elle uniquement pour avoir de l'argent, elle s'agaçait sur lui mais, surtout qu'elle ferait de la vie de ce petit un enfer et aussi qu'elle lui causerait de sévères traumatismes ?
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