Chapitre 21

Dévlin ne comprenait pas ce qu'il se passait. Il était en train de parler dans le petit salon de Sire Délèk lorsque tout s'était noyé dans le noir, sa vision aussi bien que ses pensées, et il peinait à retrouver ses esprits.
Son champ de vision était flou, de même que ses réflexions. Le terme déboussolé était trop faible pour désigner son état actuel.
Il croyait sentir qu'il était assis contre un mur sur des pavés et quelqu'un, qui le tenait par les épaules, le secouait sans ménagement.
Peu à peu, les paroles de cet inconnu à la voix masculine se fraya un chemin jusqu'à ses tympans :

« Allez,mon, vieux, réveillez-vous bon sang !

- Lédé, doucement.

Réprimanda une seconde voix, féminine cette fois.
Dévlin avait les yeux ouverts mais il ne parvenait qu'à distinguer des formes imprécises devant lui. La large tache noire située juste à quelques centimètres de lui s'éloigna pour être remplacée par une autre plus claire et plus petite. Certainement une autre personne.
Deux mains légèrement calleuses saisirent son visage pour le lui maintenir droit et la voix féminine l'appela :

- Revenez à vous s'il vous plaît.

Dévlin s'accrocha à cette voix et s'en servit comme d'un guide. Lentement, il émergea de sa torpeur. Son crâne cessa de bourdonner, son acuité visuelle revint à la normal et les silhouettes se précisèrent.
Le nécromancien eut besoin de cligner des yeux et il découvrit les deux personnes lui faisant face. Comme leurs voix le lui avaient indiqué, il s'agissait d'un homme, intégralement vêtu de noir, et d'une femme brune.
Cette dernière lui tendit la main pour l'aider à se relever.
Une paume sur le front, Dévlin regarda autour de lui. Il reconnut une rue peu reluisante de Welkonn. Comment était-ce possible ? Il fit un tour sur lui-même pour s'assurer que ce n'était pas une hallucination.
Perdu, il marmonna :

- Mais, enfin...

- Bon, maintenant que vous êtes réveillé, peut-être pourriez-vous nous expliquer. Suggéra l'homme.

- Vous expliquer ? Répéta Dévlin, ne comprenant toujours pas.

- Nous parlions à Leïje puis il a disparu pour être remplacé par vous. Raconta la jeune femme.

- Vraiment ?

- Puisqu'on vous le dit ! S'exclama l'homme.

- C'est que...je ne comprends pas. Il y a un moins d'un quart d'heure, je me trouvais de l'autre côté de la Mer Désertique et je me retrouve ici.

- Vous êtes Conseiller, non ?

- Oui. Je m'appelle Dévlin. Ce...c'est forcément un sort. Il n'y a pas d'autre explication. Et vous ? Que faisiez-vous avec Leïje ? Aurait-il fini par faire une conquête de trop ?

Dévlin posa un regard sur la jeune femme qui aurait tout à fait pu plaire à Leïje.
Le rouquin s'emporta en passant un bras possesseur autour de la taille de celle qui était visiblement sa compagne :

- Il n'a pas intérêt !

- Pas la peine de monter sur des grands chevaux, soupira la jeune femme avant de se tourner vers Dévlin. Lui, c'est Lédé et, moi, c'est Eniraa. Nous aidions Leïje pour... Ah, mais si vous étiez dans le désert vous ne devez pas être au courant de l'affaire. Pour faire simple, il y a une conspiration qui implique différents chefs de guildes et...

- Si, j'en ai connaissance. Donc, vous tentiez de la déjouer avec Leïje.

- On peut dire ça. Confirma Lédé.

- Avez-vous déjà rencontré ma femme ?

- Non.

- Il faut absolument que j'aille la retrouver. Nous pourrons parler de toute cette histoire de complot ensuite, d'accord ? Euh... Où sommes-nous exactement ?

- À l'est d'Orquia.

Répondit Lédé sans la moindre hésitation.
Dévlin le remercia d'un hochement de tête puis il visualisa le trajet qu'il devait parcourir pour enfin regagner sa demeure et se mit en route.
Il vacilla au bout de quelques pas et eut besoin de se rattraper au mur le plus proche. Eniraa se précipita pour le soutenir, suivie de Lédé, un peu moins prompte à l'altruisme.

- Je pense que nous ferions mieux de vous accompagner.

Proposa la jeune fille.
Dévlin ne protesta pas, bien trop impatient de retrouver Maige et de la rassurer pour perdre du temps en vaines palabres.
Il se remit en route, Eniraa et Lédé sur ses talons et prêts à la retenir si jamais il s'écroulait.
Après plusieurs mètres, le nécromancien se sentit plus assuré sur ses jambes et ses muscles ne lui paraissaient plus aussi faibles qu'au départ. Sans même s'en apercevoir, il accéléra la cadence, forçant Eniraa et Lédé à en faire de même pour ne pas le perdre.
Cela faisait des jours qu'il espérait et priait pour être de retour et, à présent, il peinait à croire que c'étaient bien les rues de la capitale de Welkonn qui l'entouraient.
Seulement, son soulagement n'était pas complet. Il se doutait bien qu'il allait devoir régler cette sombre affaire de conspiration mais il préférait cela si il pouvait être aux côtés de Maige. Un sourire idiot naquit sur ses lèvres alors qu'il réalisait réellement qu'il s'apprêtait à la retrouver. Il savait qu'il aurait mieux fait de se servir du chemin pour tenter de comprendre qui et pourquoi avait échangé sa place avec celle de Leïje mais il n'y parvenait pas. Ses réflexions dérivaient immanquablement vers Maige qui lui avait tant manqué.
Dévlin stoppa, la gorge soudainement nouée à la vue de sa résidence. Elle était exactement semblable au souvenir qu'il avait laissé en s'embarquant sur la Mer Désertique.
De l'extérieur, on aurait jamais pu deviner, qu'à l'intérieur, une jeune femme, qui se morfondait de l'absence de son époux et du meurtre de sa mère, luttait pour stopper un complot.
Le nécromancien fut tiré de ses réflexions par un sifflement admirateur de Lédé qui commenta :

- Ça paye d'être Conseiller.

- Ferme la. S'agaça Eniraa.

- Venez.

Les invita Dévlin avec un mouvement de la tête en ouvrant le portail donnant sur l'allée.
Le grincement léger des charnières et le crissement familier des graviers sous les semelles lui donnèrent vraiment l'impression d'être de retour chez lui. Les problèmes n'avaient pas pris fin pour autant et il ne serait pas tranquille mais qu'importe. C'était déjà un grand plaisir d'être ici.
Dévlin n'aurait jamais pensé qu'il était du genre à souffrir du mal du pays. Cela devait venir du fait qu'il avait laissé sa femme sur le point d'accoucher alors qu'une montagne de problèmes s'était abattu sur elle à la première occasion.
Il tendit la main vers la poignée avec l'intention de la tourner mais il suspendit son geste à quelques centimètres, une idée lui étant venue. Il avait plutôt envie de faire la surprise de son retour. C'était stupide et même un peu puéril mais il avait envie.
Il serra le poing et frappa contre la porte. Eniraa et Lédé échangèrent un regard surpris. Pourquoi Dévlin toquait-il pour entrer chez lui ? C'était plus qu'étrange.
Ils patientèrent sur le palier durant quelques minutes puis ils entendirent des pas dans le vestibule et la porte s'ouvrit.
Les yeux de Myrthe s'agrandirent d'étonnement lorsqu'elle découvrit son maître sur le perron. Dévlin lui sourit et lui demanda le silence d'un doigt sur ses lèvres en lui adressant un clin d'œil. La vieille domestique acquiesça, bien trop surprise pour poser des questions.
Dévlin entra en faisant signe à Eniraa et Lédé de le suivre. Des deux, seule Eniraa salua poliment Myrthe. Sans un mot, ils suivirent Dévlin dans le couloir jusqu'au petit salon aux teintes violines qui était la pièce favorite de Maige.
Toujours en silence, le nécromancien les pria de rester en arrière et il poussa doucement la porte.
Comme il s'y attendait, Maige était là, assise sur le divan, un livre devant elle et une main posée sur son ventre rond. Un sourire tendre fendit le visage de Dévlin. La nécromancienne n'avait pas remarqué leur présence, absorbée par sa lecture et ne pensant pas recevoir de la visite.
Tout en prenant bien soin de ne pas faire le moindre bruit en se déplaçant, il fit le tour du divan pour passer derrière et plaça ses deux mains sur les yeux de Maige, masquant sa vision. La jeune femme sursauta et son volume lui échappa des mains.

- Mais qu'est-ce que...

Commença t-elle en se retournant, se dégageant des mains du nécromancien.
Elle écarquilla les yeux et ouvrit la bouche, totalement stupéfaite et ébahie. Ses doigts se posèrent sur la joue de Dévlin. Elle n'était pas certaine qu'il ne soit pas une hallucination due à la fatigue.
Elle balbutia :

- Ce...c'est bien toi ?

- Oui. Je ne sais pas exactement comment mais je suis revenu.

Un immense sourire s'épanouit sur les lèvres de Maige et elle se jeta au cou de Dévlin, enfouissant son visage contre son cou. Elle éclata en gros sanglots qui détrempèrent rapidement la chemise de Dévlin.
Ce dernier vint s'installer à côté d'elle sur le divan et l'enlaça en la ramenant contre lui.
La jeune femme renifla :

- Oh, Dévlin, ce qu'il s'est produit ces derniers temps...

- Je sais mais je suis là maintenant. Ça va s'arranger, tu verras, je te le promets.

Maige se détacha de quelques centimètres avec un sourire confiant et rassuré. Elle essuya les larmes qui brillaient aux coins de ses yeux mais, au moins, cette fois, elles coulaient de joie. Dévlin épongea celles qui terminaient de rouler sur ses joues rosées avec douceur.
Un raclement de gorge légèrement gêné provenant de l'embrasure de la porte restée ouverte rappela au nécromancien qu'il avait été accompagné jusque chez lui.
Maige se tourna vers le couple, la tête penchée sur le côté en une attitude de questionnement. Elle déduisit sans peine que ces deux personnes étaient plus proches du statu social de Leïmy et Negg que du sien. Leurs vêtements, et notamment leurs bottes, lui indiquèrent également qu'ils étaient marins mais c'était qu'intervenait une interrogation dans l'esprit de Maige. Les femmes n'étaient pas admises sur les navires de la marine.
À moins que...

- Vous êtes les pirates. Devina la nécromancienne.

- Vous êtes perspicace, répondit Lédé. C'est la première fois que l'on me perce à jour aussi rapidement.

- Vous ne m'en avez rien dit ! S'exclama Dévlin.

- Nous étions davantage occupés à vérifier que vous teniez debout, rétorqua Eniraa avec un sourire. C'est justement car nous sommes des pirates que Leïje est venu nous trouver. Il avait besoin d'un chef de guilde non impliqué dans la conspiration et nous a rendu visite.

- Oui, il m'a parlé de vous, se souvint Maige. Il m'a aussi aussi dit que vous préfériez rester en dehors de cela.

- C'est vrai, confirma Lédé, mais Eniraa peut se montrer très persuasive alors nos sommes venus à Orquia pour lui proposer une stratégie. Je voulais prendre la place du chef de guilde s'étant fait capturer pour récolter des informations et influencer la suite des événements. Le moins que l'on puisse dire est que Leïje n'était pas particulièrement partant.

- D'ailleurs où est-il, Leïje ? Demanda Maige.

- Et bien, si je ne me trompe pas en affirmant qu'un sortilège a échangé nos places, il doit se trouver au milieu du désert de Soow à l'heure qu'il est.

- Dans le désert de Soow...un sortilège ? Qu'est-ce que tout cela signifie ?

- Je ne peux le dire mais je crois que nous avons plus important à régler. Je me chargerai de mon cas lorsque tous les conspirateurs seront sous les verrous. Où est ton cousin, Maige ?

- Il a disparu.

- Je pense que vous feriez mieux de vous expliquer les événements des derniers jours.

Conseilla Eniraa, également intéressée de connaître les détails.
Les deux pirates prirent la liberté de s'installer dans les deux fauteuils mauves faisant face au divan alors que Dévlin et Maige acquiesçaient à la suggestion d'Eniraa.
Maige proposa :

- Je pense que ce serait une bonne chose que le Capitaine Oriol assiste à notre petite réunion improvisée.

- Je vais lui envoyer un fantôme d'invitation.

Annonça Dévlin avant de sortir de la pièce pour invoquer un esprit qui demanderait à Oriol de les rejoindre aussi vite que possible.
Lédé se redressa de son fauteuil en s'inquiétant :

- Lorsque vous parlez de "Capitaine", cela ne veut pas dire qu'il fait partie de la Garde ?

- Euh...si. »

Maige eut un sourire tiré et gêné en répondant. Elle se doutait bien que l'identité de leur allié ne plairait pas aux pirates.
En effet, ils échangèrent un regard lourd de sens. Maige put sans aucune difficulté traduire leur conversation silencieuse. Si Lédé semblait penser qu'il valait mieux pour eux de filer en vitesse avant de se retrouver en prison pour avoir voulu aider Welkonn, Eniraa refusait de bouger.
Elle tenait à démanteler la conspiration et à sauver l'équilibre de ce continent. C'était ce qu'il était juste de faire. La lueur dans les yeux foncés de la jeune femme et son attitude indiquant clairement qu'elle avait la ferme intention de rester ici convainquirent Lédé.
Le pirate se résigna et il s'enfonça à nouveau contre le dossier du fauteuil, un air de contrariété sur le visage mais, après tout, il savait parfaitement à quoi s'attendre avec cette fille pleine de bons sentiments.
Dévlin revint après quelques minutes et tous patientèrent dans le salon, chacun à sa façon.
Lédé examina la pièce à la recherche d'une éventuelle sortie de secours au cas où l'entrevue tournerait mal pour eux et Eniraa garda son regard fixé sur Dévlin et Maige étroitement enlacés l'un contre l'autre et plus particulièrement le ventre rebondi de la jeune femme.
Oriol ne tarda pas.
Le message que lui avait adressé Dévlin ne stipulait pas qui était l'expéditeur et la demande urgente de gagner la demeure des nécromanciens avait dû l'affoler. Ce n'était absolument pas le but de Dévlin mais, au moins, il n'eurent pas à attendre longtemps.
Les coups brusques et empressés que le capitaine cogna contre la porte résonnèrent dans toute la résidence.
Comme toujours, Myrthe alla ouvrir. Elle aussi était ravie du retour de Dévlin.
Lédé et Eniraa se raidirent tous deux involontairement en entendant entrer le Capitaine de la Garde. Même si ils étaient ici pour des raisons honorables, ils craignaient d'emménager dans une cellule avant la fin de la journée. Après tout, ils restaient des criminels.
Oriol se rendit au petit salon à pas précipités, presque en courant, sans écouter Myrthe qui voulait le rassurer en lui annonçant le retour de Dévlin.
Le capitaine marqua un arrêt brutal en entrant dans la pièce, surpris d'y découvrir deux visages inconnus, ceux d'Eniraa et de Lédé, mais surtout stupéfait de voir Dévlin. Il l'était d'autant plus que le Conseil l'aurait averti du retour de l'expédition et qu'il n'avait eu aucune information sur ce sujet.
Il fit un pas dans le salon en demandant à Dévlin :

« C'est bien vous ?

- Oui, répondit Dévlin en allant lui serrer la main. Je sais que c'est assez étonnant, voire même déstabilisant, mais je suis bien là. Je vous présente Eniraa et Lédé. Je ne sais pas si Leïje vous a parlé d'eux. Ce sont..

- Les pirates. L'interrompit Oriol.

- Oui mais c'est nous les gentils sur ce coup-là alors ne nous jetez pas au fond d'un cachot, vous serez très sympathique.

Lédé ponctua sa phrase d'un sourire insolent qui ne plaidait vraiment pas en sa faveur.
Les sourcils froncés, Oriol détailla le couple de pirates. Eniraa lui inspira davantage de confiance que son compagnon qui, lui, ne lui plaisait guère.
En se passant une main sur le visage, le capitaine de la Garde soupira :

- Ce ne sera pas la première fois que je ferai une exception. J'espère seulement que cela ne deviendra pas une habitude. Bon, si vous m'expliquiez plutôt ce que cette assemblée signifie ?

Tous acquiescèrent puis ce fut une succession de résumés des événements récents.
Maige raconta les dernières avancées qu'ils avaient faites sur le complot, parfois interrompue par une ou deux précisions d'Oriol.
Dévlin exposa l'aventure qui les avait menés à Arancha et tout ce qui s'était ensuivi puis Eniraa s'empressa d'expliquer leur idée qu'avait refusé Leïje avant que Lédé ne prenne la parole à sa place. La situation était déjà suffisamment complexe sans que Lédé en rajoute avec son humour désastreux.
À la fin, Maige demanda :

- Avez-vous des nouvelles de mon cousin, Capitaine ?

- Non, navré madame. Pour ce qui est de votre plan, je ne le trouve pas des plus judicieux. Notre dernière tentative d'infiltration s'est mal terminée pour la personne impliquée.

- Oui, Leïje nous l'a dit mais les choses ne bougent pas ! Il faut agir et sans attendre ! Rétorqua Eniraa.

- Je ne suis absolument pas d'accord avec vous, la contredit Oriol. L'un des comploteurs est actuellement en prison.

- En effet. Vous en avez capturé un au bout de combien de semaines déjà ?

Eniraa s'était levé pour se piquer face à Oriol, les poings sur les hanches et nullement dérangée ou impressionnée par sa différence de taille avec le capitaine.
Les mâchoires contractées, elle ne semblait absolument pas prête à renoncer à son idée. Oriol s'apprêtait à répliquer, agacé par la véhémence de la pirate mais Lédé fut plus rapide que lui.
Il posa une main qu'il espérait apaisante sur l'avant-bras de sa compagne et lui conseilla :

- Je ne sais pas si c'est bien la peine de s'emporter de la sorte.

- La solution...la solution serait de tous les emprisonner. Proposa Maige timidement.

- Nous le savons, répondit Oriol avec douceur, mais, comme vous le savez, nous n'avons aucune preuve.

- Pour complot, non, mais ce sont des chefs de guildes. La Garde aurait de nombreuses autres raisons pour les arrêter, expliqua Dévlin, ayant compris l'idée de Maige. Il suffit de les piéger et de trouver des motifs pour les inculper un à un.

Maige serra la main de Dévlin, heureuse qu'il ait saisi le plan qu'elle peinait à expliquer.
Il lui avait manqué durant ces longues semaines.
Oriol approuva l'idée des deux nécromanciens d'un hochement appréciateur du menton. Eniraa sourit, reconnaissant que cette idée était meilleure que la sienne.
Lédé commenta en donnant un coup de coude à sa compagne :

- C'est de la manipulation de spécialiste !

- Alors, qui faisons-nous tomber en premier ?

Demanda Dévlin, déjà impatient d'en finir avec cette affaire alors qu'il venait à peine d'y être plongé.
Maige réfléchit un instant, se souvenant des différentes tentatives de Leïje pour trouver le meilleur moyen de piéger les membres de la conjuration. Le nom de la Colombe d'Argent lui revint en mémoire et elle rougit involontairement.

- Et bien, commença t-elle, il y a Méorque qui a ses habitudes dans un lieu qui s'appelle La Colombe d'Argent. Nous pourrions le capturer là-bas.

- La Colombe d'Argent ? Répéta Lédé. Avec un nom comme ça, ça ne peut être qu'un bord...euh...une maison close.

- Tu m'as l'air bien renseigné, toi. Siffla Eniraa.

- Non mais c'est... Je te jure que je n'ai jamais mis les pieds dans un lieu pareil et encore moins depuis que je t'ai avec moi.

- Mouais, fais attention. Maige, est-ce bien une maison de passe ?

- Ou...oui. C'est Leïje qui m'a raconté ça.

- C'est là que son amie s'est faite passer pour une prostituée. Se souvent Oriol.

- Peut-être que nous pourrions réutiliser cette méthode.

Proposa Dévlin sans la moindre fierté. Au contraire, il se sentait sale de penser à cela.
Tous les regards convergèrent vers Eniraa qui était la seule à pouvoir tenir le rôle de la fille de joie. La jeune fille émit un claquement de langue hautement désapprobateur en reculant de quelques pas. Elle secoua négativement la tête à plusieurs reprises en laissant échapper un éclat de rire sarcastique.

- C'est une blague, j'espère.

- J'avoue que ce plan ne me plaît guère non plus. Grogna Lédé.

- Vous vouliez nous aider, c'est l'occasion.

Répliqua Oriol dans un haussement d'épaules.
Lédé bondit brusquement de son fauteuil et il se serait certainement rué sur le capitaine pour le frapper si Eniraa ne l'avait pas retenu.
Elle le saisit par le bras à deux mains et le força à se rasseoir. Lédé grommela son désaccord total mais le fait que sa compagne l'ait empêché de se battre avec Oriol ne signifiait pas qu'elle acceptait de jouer les prostituées. Elle qui avait été élevée dans un palais, elle avait tout de même sa fierté.
La pirate argumenta :

- Qu'il aille régulièrement dans une maison close indique qu'il aime les femmes.

- Qui ne les aime pas ?

- Ferme la, Lédé, ça m'arrangerait.

- C'est une faiblesse que nous pouvons exploiter.

Appuya Maige à qui déplaisait le fait d'envoyer encore une personne se déguiser en prostituée.
Elle s'empressa de développer avant qu'on ne lui fasse remarquer, à juste titre, que le meilleur endroit pour piéger un convoiteur de jolis corps était une maison de passe :

- Je veux dire que personne ne trouvera rien à redire sur un homme qui fréquente une prostituée, bien que cela me révolte, mais un homme qui... Je n'arrive pas à croire que je vais prononcer ces mots. Un homme qui insiste auprès d'une femme qui n'était pas consentante finit en prison.

- De mieux en mieux ! S'emporta Lédé.

- Rien n'est obligé de se produire, il suffit qu'elle soit assez convaincante pour que tous la croient. Le rassura Oriol.

- Cette idée ne me plaît tout de même pas, grogna Lédé. Eniraa, tu ne vas pas accepter ça ?

La jeune femme se mordit la lèvre inférieure.
Son premier réflexe était de crier "non" aussi fort que le lui permettaient ses cordes vocales mais elle se retint.
Maige lui adressa un sourire d'excuse. Elle se sentait coupable et mal-à-l'aise d'avoir eu cette idée.
Eniraa prit une grande inspiration en réfléchissant. La fin justifiait les moyens et la fin arriverait très vite si ils ne faisaient rien alors elle se résigna contre l'avis de Lédé :

- Très bien. Je le ferai.

- C'est pas vrai ! S'écria le pirate.

- Il faut seulement que vous soyer une bonne comédienne. Dit Dévlin à Eniraa.

- Je suis une excellente moqueuse. »

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top