Chapitre 17
Elann leva sa lampe sur la trappe fermée.
Il examina l'ouverture obstruée et il supposa :
« C'est peut-être le vent.
- Baisse-toi.
Ordonna Leïmy sans lui donner son avis.
Elann la regarda, les yeux arrondis d'incrédulité. La mercenaire répéta son ordre d'un geste vif. Elann préféra obtempérer et il s'agenouilla dans la poussière. Sans l'avertir, Leïmy bondit sur ses épaules. La jeune homme vacilla, momentanément déséquilibré par le poids de la jeune fille. Cette dernière lui donna un léger coup et il comprit. Avec précaution, il se redressa. Leïmy tenta de pousser la trappe mais elle résista et ce n'était pas à cause de la rouille cette fois.
Elle lâcha un juron.
- Que se passe t-il ? Demanda Elann.
- Nous sommes enfermés.
Déclara Leïmy avant de sauter à terre. La poussière se souleva autour de ses pieds avant de retomber mollement.
Sans apporter de précision, Leïmy se dirigea vers la salle où se trouvait Rilin d'un pas rageur. Elann la suivit après un dernier regard à la trappe close.
Il répéta :
- Enfermés ?
- Visiblement, nous n'avons pas été aussi discrets que nous le pensions à moins que nous soyons lamentablement tombé dans un piège.
- Un piège ?
- Il y a de l'écho ici ? Grogna Leïmy.
- Peut-être que Rilin sait comment nous faire sortir.
Leïmy haussa les épaules mais, dans le fond, elle espérait la même chose.
Elle avait vraiment trop de choses se bousculant dans son esprit sans perdre de temps à s'enfuir de cette salle souterraine. Elle devait regagner son époque mais, avant, elle devait tuer Gammon, le faire tomber de son trône doré.
Elle percevait l'anxiété d'Elann à côté d'elle. Être retenu dans cette pièce secrète l'angoissait terriblement, rien de surprenant. Après tout, n'importe quelle personne normale réagirait de la sorte.
Ils revinrent dans le secteur où ils avaient laissé Rilin. Alors que ce dernier se portait parfaitement bien lorsqu'ils l'avaient quitté, le multi-magicien gisait sur le côté, sans connaissance et les yeux clos. Leïmy et Elann se précipitèrent vers lui d'un même mouvement.
La jeune fille prit son pouls et constata avec soulagement que son cœur battait toujours régulièrement. Peut-être était-ce son sort d'immortalité qui lui causait des malaises.
Rilin ne demeura pas inconscient très longtemps. Ses paupières commençaient déjà à s'agiter et il ouvrit les yeux.
Elann l'aida à se redresser en s'enquérant :
- Vous allez bien ?
- Oui...oui. Je crois.
Leïmy bouscula Elann sans douceur pour prendre place face à Rilin qui la regarda d'un air vitreux.
Elle le saisit par les épaules et plongea ses yeux dans les siens en lui demandant :
- Rilin, connaissez-vous un moyen de s'échapper d'ici ?
- Qui est Rilin ? Et vous, qui êtes-vous ?
- C'est une blague !
S'écria Leïmy en lâchant violemment le magicien, le repoussant contre le mur.
Rilin regarda autour de lui avec une expression perdue. Apparemment, il ne reconnaissait pas l'endroit où il se trouvait et ce n'était pas feint.
Leïmy passa les doigts dans sa chevelure, totalement désemparée.
Elann s'agenouilla à côté de Rilin pour le soutenir et, le regard tourné vers Leïmy, il constata :
- Je crois qu'il est amnésique.
- Merci pour tes observations éclairées.
Ironisa Leïmy dans un grognement où perçait la rage. Elle donna un violent coup de pied dans une malle qui s'ouvrit sous l'impact.
Tout était à recommencer.
La mercenaire jura :
- C'est pas vrai ! Nous étions à deux doigts de réussir ! Maintenant, nous seulement nous sommes piégés là-dedans mais, en plus, j'ai perdu l'unique moyen de rentrer chez moi !
Rilin eut un mouvement de recul, effrayé par la colère de Leïmy.
Elann saisit la mercenaire par le bras et l'attira plus loin dans la pièce, derrière une étagère pour éviter que Rilin panique en entendant leurs paroles et que Leïmy s'emporte trop en passant sa rage sur le pauvre vieillard amnésique.
Leïmy se dégagea brusquement de la poigne d'Elann qui préféra s'éloigner de quelques pas. Elle commença à frapper furieusement le mur de ses deux poings, tentant d'évacuer sa rage, sa frustration et le goût de l'échec dans sa gorge.
Elann la ceintura, l'immobilisant en prenant le risque de recevoir un coup perdu ou volontaire.
- Leïmy, calme-toi, la supplia t-il. Ce n'est pas en brisant ce mur que tu auras une solution pour regagner ton époque ou que nous sortirons d'ici.
Leïmy se défit de la prise d'Elann en faisant volte-face et, dans son mouvement de rotation, elle gifla le jeune homme dont les lunettes allèrent se perdre dans l'obscurité. Elann soupira de dépit en balayant le secteur du faisceau de sa lampe mais sa vision défaillante ne lui permit pas repérer sa monture.
Il se laissa tomber au pied du mur.
Fantastique.
Il se trouvait enfermé dans une pièce secrète enfouie dans le sous-sol du palais royal avec un vieux magicien récemment devenu amnésique et une mercenaire émotionnellement instable et, pour couronner le tout, il ne voyait presque rien.
Leïmy cogna une dernière fois contre la paroi de béton, s'écorchant encore davantage la peau puis son regard tomba sur Elann. Elle l'observa, un sourcil levé. Les dents profondément enfoncées dans sa lèvre inférieure et les cheveux emmêlés, il semblait angoissé et secoué mais pas sur le point de craquer ou de faire une crise d'hystérie. C'était plutôt admirable.
Leïmy examina les alentours, perçant l'obscurité de son regard entraîné et elle repéra le reflet de la lumière de la lampe sur les verres des lunettes. Elle alla les ramasser et s'installa à côté d'Elann qui releva les yeux sur elle mais il ne distingua rien de plus que sa silhouette enveloppée du noir de ses cheveux et de ses vêtements. La jeune fille essuya les verres des lunettes maculés de poussière puis remit la monture sur le nez d'Elann.
- Merci.
Murmura le jeune homme en baissant le menton.
Leïmy appuya l'arrière de son crâne contre le mur et demanda, soudainement calmée :
- Comment est-il devenu amnésique en quelques secondes ?
- Peut-être que...c'est à cause de son sort. À la longue, ça a détruit sa mémoire.
- Et cela se produirait juste lorsque je le retrouve et avant qu'il puisse m'expliquer comment rentrer chez moi ? Si le destin existe, il se fout de moi !
- Ou alors il veut se construire une histoire palpitante à regarder.
- Très amusant. Grommela Leïmy.
- À moins que...peut-être...
Elann laissa sa phrase en suspend, réfléchissant et évaluant les probabilités pour que son hypothèse soit la bonne.
Il se leva et commença à faire les cents pas, réfléchissant un peu mieux lorsqu'il bougeait :
- Quoi ? Demanda Leïmy. Pourrais-tu terminer tes phrases ? C'est agaçant.
- Et bien, j'ai souvent entendu des histoires sur des changements dans le passé qui impacteraient sur le futur. On peut donc supposer que le passé a changé et que, comme Rilin n'a plus des souvenirs identiques, il les a tous oubliés.
- D'où sors-tu cette théorie ?
- Bah euh...
- Ce n'est pas grave. L'urgent est de sortir. Nous savons déjà que Rilin ne nous sera d'aucune utilité. Il nous faut quelqu'un de l'extérieur pour nous libérer.
Elann acquiesça et il n'hésita pas une seule seconde lorsque le prénom franchit ses lèvres avec un énorme naturel :
- Chira.
- Ouais. Entre ses pouvoirs et ses capacités à mentir, elle devrait pourvoir réussir.
- Oui mais comment la prévenir ?
Leïmy repensa au talisman qui se trouvait toujours dans sa poche.
Elle ne comptait pas appeler Molwen lorsqu'elle avait choisi de le garder mais elle voulait le conserver sur elle pour une raison d'habitude et également car elle souhaitait avoir le plus d'objets possible la rattachant à son époque. C'était un moyen de se convaincre qu'elle pourrait rentrer dans son temps.
En espérant que le sort lancé par Dévlin il y avait plusieurs siècles toujours actif, elle sortit le pendentif.
Elann fronça les sourcils, ne comprenant pas à quoi servirait cette vieillerie mais, après tout, Chira l'avait trouvée dans cet endroit alors peut-être que ce bijou avait un quelconque pouvoir de communication. Il n'allait pas tarder à le savoir.
Leïmy serra le talisman dans sa paume si fort que les motifs des gravures s'imprimèrent momentanément dans sa peau.
Plusieurs secondes s'écoulèrent sans que rien ne se produise et Leïmy crut que l'esprit avait quitté depuis longtemps sa prison ensorcelé puis une silhouette légèrement luminescente apparut dans la maigre lueur de la lampe d'Elann.
La forme se précisa jusqu'à devenir celle d'une adolescente. Leïmy n'en revenait pas. Molwen était semblable à la dernière fois qu'elle l'avait vue : même cascade de boucles qui avaient un jour été blondes et même frimousse de teigne.
L'esprit ouvrir la bouche en une expression de stupéfaction lorsqu'elle découvrit le visage devant elle. Elann portait la même expression mais avec de la frayeur en plus, les yeux fixés sur le fantôme.
Il balbutia :
- Ce...ce...c'est...
- Un esprit, oui, répondit Leïmy sans lui laisser le temps de poser sa question puis elle reporta son attention sur Molwen. Salut. Ça doit faire un baille pour toi.
- Co...comment est-ce que... Ah oui, je me souviens que tu avais disparu dans le futur. Ça fait tellement longtemps que je n'ai pas pris l'air ! Combien de temps s'est-il écoulé ?
- Je ne le sais pas exactement. Bon, je ne t'ai pas invoquée pour faire la conversation.
- Le contraire m'aurait étonnée.
- Co...comment est-ce possible ?
Demanda Elann, toujours aussi effrayé.
Molwen se tourna vers lui, ne l'ayant pas remarqué plus tôt, et elle le détailla de haut en bas avec un œil critique puis elle commenta en s'adressant à Leïmy mais sans quitter Elann de son regard incolore :
- C'est le remplaçant de Negg ? Pas mal. Il a l'air moins psychopathe que lui mais plus empoté.
Leïmy grinça des dents et Elann écarquilla encore davantage les yeux, ne s'attendant pas à se faire insulter par l'esprit d'une adolescente qui paraissait pourtant tellement mignonne.
La mercenaire se força à s'apaiser et à passer outre ces paroles. Pas question qu'elle perde son sang-froid à cause de cette petite peste fantomatique. Pas question qu'elle s'ajoute des tracas supplémentaires en s'emportant sur Molwen.
Elle inspira profondément pour se calmer et rassura Elann :
- Ne t'inquiète pas. Elle est insupportable. Molwen, nous sommes enfermés là-dedans. Il faut que tu ailles chercher une personne qui nous fera sortir. Elle s'appelle Chira. Chira Dodt. Elle a les yeux verts.
- Ouais, je devrai m'en sortir. »
Sur ce grommellement, Molwen disparut sans un salut ou un au-revoir.
Leïmy s'assit à nouveau contre le mur, sachant qu'elle ne pouvait qu'attendre le retour de l'esprit.
Elann ne s'installa pas à côté d'elle. À la place, il retourna voir Rilin qui avait à nouveau perdu connaissance.
Pris d'une intuition, il ouvrit la malle contre laquelle s'appuyait le magicien et commença à la fouiller.
***
Chira posa son sac lourd de grimoires sur le lit de camp et elle étira son épaule endolorie par le poids des livres.
Au moins, c'était le dernier voyage. Elle n'aurait plus à fait l'allée-retour entre son appartement et sa cachette.
Il s'agissait d'un garde-meubles sous-terrain qui avait été désaffecté il y avait quelques années donc, aucune caméra et personne pour surveiller. Elle s'était aménagé ce refuge il y avait quelques temps déjà et elle avait eu la bonne intuition en le faisant. L'endroit était exiguë et Chira souffrait du manque de fenêtres mais elle avait certainement déjà connu pire.
La petite pièce était meublée d'un lit de camp, d'une grande étagère contenant des réserves de nourritures, des couvertures, quelques vêtements et, à présent, tous ses ouvrages s'approchant de près ou de loin de la magie, d'un petit réchaud à gaz, d'un vieux fauteuil. Elle avait ajouté un tapis et des rideaux colorés pour apporter un minimum de confort.
La jeune fille s'allongea sur son lit. Il ne lui restait plus qu'à attendre des nouvelles d'Elann et de Leïmy.
Elle vérifia l'écran de son téléphone mais elle n'avait reçu aucun message. Chira soupira. Elle espérait que tout allait bien pour les deux autres.
Elle rouvrit subitement les paupières qu'elle avait closes en sentant une présence.
Plus vive qu'un félin, elle bondit sur ses pieds en s'emparant du couteau dissimulé sous son oreiller. Elle quitta sa position d'attaque en découvrant une adolescente translucide au centre de la pièce. Elle savait que les armes étaient inutiles contre les esprits.
La jeune fille demeura silencieuse, attendant que le fantôme prenne la parole, ce qu'il fit :
« Moi, c'est Molwen. C'est Leïmy qui m'envoie. Elle s'est faite coincer dans un souterrain encombré d'objets magiques, elle et le gars à lunettes.
- Elann ?
- Je n'en sais rien.
- La pièce devait être surveillée par un système signalant toutes intrusions ou un sort du même genre.
- Quoi qu'il en soit, ils sont piégés et ont besoin de toi. »
Sans rien préciser de plus, Molwen disparut.
Chira se passa une main sur le visage en jurant intérieurement.
Leïmy et Elann devaient être dans les problèmes jusqu'au cou. Aucun doute n'était possible. Les lieux étaient piégés et elle n'avait pas de temps à perdre. Peut-être qu'il n'y avait pas suffisamment d'oxygène pour qu'ils tiennent des heures mais il ne fallait pas qu'elle se précipite non plus sinon, ils auraient été trois à se retrouver prisonniers. Elle devait donc réfléchir calmement, chose difficile pour elle qui conservait son sang-froid avec peine.
Elle s'assit sur son lit et étudia aussi posément que possible le problème.
Elle résista à l'envie de se rendre au palais royal dans la seconde et d'aviser une fois sur place.
Le plus simple était de trouver une personne pour la faire entrer. Quelqu'un qui lui expliquerait quel était ce système de sécurité et comment le contourner.
Qui aurait pu savoir cela ? Certainement pas le premier agent de sécurité venu mais quelqu'un de haut placé. D'après ce qu'elle avait constaté, seul le roi et l'inspecteur Palaélle connaissaient l'existence de la pièce secrète et Chira ne voyait pas le souverain descendre lui-même dans ces catacombes donc, Palaélle devait savoir comment désactiver la sécurité.
Chira se leva dans un sourire. Elle savait comment s'y prendre.
Elle enfila son blouson en simili-cuir turquoise et dissimula son couteau dans sa bottine. Elle hésita à prendre ses clés mais préféra finalement les glisser dans sa poche. Si elle se déplaçait avec ses pouvoirs, elle risquait d'ameuter toutes les Brigades anti-magies et pas seulement un unique inspecteur.
La jeune fille quitta son garde-meubles et parcourut les plusieurs mètres la séparant de sa moto qu'elle enfourcha en mettant son casque. Elle démarra et fila en direction du centre-ville.
La jeune fille gagna la rue du palais royal en une bonne heure car sa cachette se trouvait en périphérie de la capitale. Elle tourna dans une rue en se faufilant entre les véhicules. Elle se gara derrière un bâtiment au crépis sable et aux fenêtres étroites.
Elle retira son casque en restant à califourchon sur sa moto.
Ses doigts se refermèrent autour de la pierre qu'elle portait en pendentif par réflexe et sonda rapidement les présences peuplant cet immeuble. Elle savait que le système détectant la magie ne se déclencherait pas, il ne captait pas une si petit dose.
Un sourire fendit son beau visage de prédateur.
Elle regarda autour d'elle à la recherche d'un projectile. Repérant une poubelle non loin, elle s'en approcha et prit une cannette de soda vide et, visant l'une des fenêtre en dosant sa force pour ne pas briser le carreau, elle la lança. L'emballage en aluminium rebondit contre le verre avant de retomber sur le trottoir.
Chira se réinstalla sur sa moto, son casque entre les mains pour sembler se trouver par hasard ici et ne surtout pas donner l'impression d'avoir envoyé cette canette.
Un visage apparut derrière la fenêtre.
Chira ne le regarda pas et entra dans la sandwicherie située de l'autre côté de la rue, le casque sous le bras. Le vendeur lui offrit un large sourire en la voyant entrer. La jeune fille passa sa commande avec naturelle et ressortit, un sandwich épicé à la main.
Comme elle l'avait prévu, l'inspecteur Palaélle l'attendait à côté de sa moto, les bras croisés sur la poitrine.
Il lança :
« Venir trainer dans le coin n'est pas très malin, mademoiselle Dodt.
Chira haussa les épaules et mordit dans son sandwich en regardant Palaélle avec un air de défi. Elle avala tranquillement avant de répondre posément :
- Je sais.
La jeune fille prit une nouvelle bouchée de son sandwich avec toujours le même petit sourire supérieur et indéchiffrable.
Elle reprit avec la bouche à moitié pleine :
- Peut-être auriez-vous dû vous demander la raison pour laquelle je me trouvais dans les parages car ce n'est pas parce que je suis idiote.
Palaélle leva un sourcil et, comprenant qu'elle lui avait tendu un piège, qui plus était, un piège primitif, il voulut porter la main à l'arme qu'il avait au côté mais Chira fut plus rapide que lui.
Elle serra le poing et l'air se bloqua dans les poumons de Palaélle. Seulement quelques secondes furent nécessaires pour qu'il perde connaissance. Il s'écroula.
Chira se précipita vers lui en laissant tomber son sandwich et, une main sur le dos de l'inspecteur, elle se dématérialisa en vent pour réapparaître à l'autre bout de la ville alors que le symbole signalant l'acte de magie se traçait à côté d'elle. Elle reprit forme dans une maison vide ne trouvant pas d'acheteur et qu'elle avait repérée il y avait quelques mois en passant dans le quartier. Normalement, aucun symbole n'aurait dû apparaître ici ou, du moins, elle l'espérait.
Elle tira une chaise sur laquelle elle assit Palaélle qui, pantelant, pesait vraiment très lourd. Chira dut s'y reprendre à deux fois pour qu'il ne lui tombe pas dessus.
Elle récupéra ensuite les cordes dorées à fanfreluches qui retenaient les affreux rideaux rougeâtres, pas étonnant que personne ne veuille de cette maison, et elle s'en servit pour attacher l'inspecteur à la chaise.
Comme l'habitation était vendue meublée, elle n'eut aucune difficulté à travers un saladier qu'elle remplit au robinet puis elle jeta l'eau sur Palaélle qui la reçut comme une gifle.
Il ouvrit les yeux en inspirant, le visage dégoulinant. Il regarda autour de lui, ne comprenant pas comment il était arrivé dans ce salon à la décoration vieillotte.
- Bon retour parmi nous.
Ironisa Chira en posant le saladier sur une commode sombre.
Palaélle se débattit mais Chira avait bien fait les nœuds et ils ne firent que se resserrer autour de ses poignets ainsi que de ses chevilles.
La jeune fille lui adressa un sourire moqueur en s'asseyant sur l'immonde divan à carreaux.
Elle croisa négligemment les jambes et déclara :
- J'ai pris toutes les précautions pour notre petite conversation qui sera par ailleurs très courte si tu y mets du tiens. Je n'ai qu'une question fort simple : comment accéder à la pièce où vous conservez tous les artéfacts magiques où vous m'avez enfermée et comment désactiver son système de sécurité magique ?
- Si vous croyez qu'il suffi de m'amener dans cet endroit minable pour me faire parler, vous vous leurrez, ma chère.
Chira grommela. Elle s'attendait à cette réponse mais elle s'était tout de même permis d'espérer que ce serait simple.
Elle ne devait pas oublier que le temps lui manquait. Cela aurait été tellement rapide d'utiliser ses pouvoirs mais une fouille en profondeur de l'esprit de Palaélle la ferait repérer.
Elle se leva et commença à arpenter la pièce de long en large en réfléchissant.
Elle doutait sincèrement que Palaélle soit magicien donc, la sécurité ne se désactivait pas en lançant un sort à moins que le sort en question soit fixé sur quelque chose.
Un talisman !
L'inspecteur devait forcement porter un talisman sur lui. Pas le temps de le fouiller gentiment. Chira déchira violemment sa chemise, pensant trouver un pendentif mais rien.
Elle grimaça de dépit.
- Eh ! S'exclama l'inspecteur. Je peux savoir ce que vous faîtes ?
- Ne rêvez pas. Où est-il ?
- Quoi donc ?
Le petit sourire de défis qu'affichait Palaélle indiquait qu'il savait parfaitement de quoi parlait Chira.
Cette dernière perdit son sang-froid et le gifla avant de se forcer à se reprendre.
- Vous êtes plus forte que vous en avez l'air.
Commenta Palaélle en léchant le sang coulant de sa lèvre fendue par le coup de Chira.
Cette dernière se passa une main dans les cheveux, de plus en plus oppressée par le temps qu'elle perdait à réfléchir.
Si ce n'était pas un pendentif, ce devait être un bracelet ou une bague.
Elle passa derrière la chaise et saisit les mains de Palaélle qui les agita pour lui compliquer la tâche. La jeune fille ne vit rien. Elle jura grossièrement, faisant sourire Palaélle avec une expression fanfaronne. Chira se retint de le frapper à nouveau et elle inspira profondément pour apaiser et délier ses pensées.
Après tout, pourquoi devrait-ce être un bijoux ? Un objet que l'inspecteur portait sur lui en permanence, tous les jours.
La lumière se fit dans l'esprit de la jeune fille et ce fut à son tour de sourire. Elle arracha l'insigne en forme de flamme épinglé à la veste de l'inspecteur et, en le retournant, elle découvrit des symboles à caractère magique.
Elle le glissa dans sa poche en souriant de plus belle.
- Inspecteur, merci votre coopération. »
L'expression de Palaélle laissa présager à Chira qu'il s'apprêtait à l'insulter. Elle n'attendit pas d'entendre la charmante injure. Elle décocha un violent coup de poing en plein visage à l'inspecteur, l'assommant.
Cela devrait lui laisser un peu de marge avant d'avoir l'intégralité des Brigades anti-magies sur le dos.
Elle quitta la maison en secouant sa main pulsant de douleur.
Elle avisa une voiture garée en face. Elle n'avait pas le temps d'être discrète. D'un coup de coude, elle brisa la vitre puis déverrouilla la portière. Elle se glissa dans l'habitacle et tira les fils de sous le tableau de bord. Elle les trancha et les dénuda pour les connecter entre eux. Il y eut plusieurs étincelles puis le moteur démarra.
Cela ne lui avait pris qu'à peine une minute. Les habitants du quartier n'avaient pas encore dû terminé leurs appels à la police.
Chira ne respecta aucune limitation de vitesse, grilla tous les feux de signalisation et faillit provoquer une demie-douzaine d'accidents. Elle se demanda comment elle avait pu arriver vivante dans la rue du palais.
Elle abandonna la voiture à plusieurs mètres et courut sur le trottoir, bousculant les passants qui lui jetèrent des regards furieux qu'elle ignora totalement. Elle avait bien plus urgent à l'esprit.
Elle arriva devant les hautes grilles et s'immobilisa. Elle avait trouvé le moyen de contourner le système de sécurité mais elle devait encore dénicher l'accès à la salle souterraine.
En étant logique et en partant du principe que le roi, en souhaitant être le plus discret possible, avait installé l'entrée au dernier endroit imaginable et donc, certainement pas dans la pièce aux archives. À moins que... La technique de la logique inversée ! On cachait la chose à dissimuler dans un endroit si évident qu'on ne vérifiait même pas tellement c'était stupidement facile.
Chira détendit ses épaules et se concentra. Jamais les transformations en courant d'air ne lui avaient autant servi qu'aujourd'hui. L'alerte à la magie servirait également de diversion, du moins, avant que les gardes ne fouillent tout le palais avec les Brigades en renfort. Chira arpenta la salle des archives en espérant qu'une porte dérobée s'ouvre soudainement.
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