Chapitre 16

Le seul bruit rompant le silence de la bibliothèque était celui des pages qu'on tournait les unes après les autres. Negg releva les yeux de son paragraphe pour jeter un discret regard à Vargram assis en face de lui à la table.
Après une nuit à l'infirmerie, le jeune noble avait eu la permission de partir. Il portait un bandeau sur son œil blessé en attendant que la plaie cicatrise.
Après leur passage au temple, Sire Délèk leur avait demandé de garder le silence sur ce redoutable Tennen. Negg en avait tout de même parlé à Dévlin et à Vargram qui méritait de savoir qui l'avait mutilé. Tous deux avaient eu la même expression à ses explications : un air grave et sombre.
À présent, Dévlin et Rilin continuaient à travailler sur leur mystérieuse idée pour ramener Leïmy du futur, Sire Délèk devait certainement tenter d'oublier les graves problèmes actuels en les noyant avec de la liqueur, Vargram apprenait les bases de la magie dans de vieux grimoires, ne pouvant plus renier ses pouvoirs, et Negg lisait des ouvrages sur les dieux en quête d'une quelconque information sur Tennen, sans succès.
Quelqu'un avait tout fait pour qu'on l'oublie. Quelqu'un ou plutôt les dieux. Iléany ne pouvait les interroger à nouveau car elle avait communiqué avec eux juste la veille et elle avait besoin de récupérer entre chaque rituel.
Vargram releva son œil valide sur Negg qui s'agita sur son siège, mal-à-l'aise.
Il se sentait gêné dès que le noble le regardait pourtant, il avait choisi de continuer à le surveiller car personne d'autre n'était disponible pour le faire et que le rouquin ne souhaitait pas revenir sur sa parole.

« Alors, demanda Negg pour dissiper son malaise, tu apprends des choses intéressantes ?

- Presque trop.

Répondit Vargram dans un soupir.
En effet, il se sentait noyé sous les informations. Il y avait trop d'éléments et il ne parvenait pas à les trier ou à s'y retrouver.

- Je préférerais ça que le vide qui me fait face.

Rétorqua Negg en se plongeant à nouveau dans sa lecture.
Il avait au moins appris qui était l'étrange Iphamme et il ne savait que penser du fait que Leïmy avait été approchée par la déesse du Destin. Il avait remarqué un autre détail troublant à propos de la déesse rousse. Les livres ne parlaient pas d'elle depuis le départ, contrairement aux autres. Sa magie n'était même pas mentionnée. Étrange mais Negg avait bien plus urgent et préoccupant à l'esprit.
Le rouquin referma son ouvrage avec un lourd soupir. Ce qu'il faisait était inutile alors ce n'était pas la peine qu'il continue à se fatiguer les yeux à étudier ces vieux volumes. Il se passa une main sur le visage en soupirant à nouveau.

- Tu abandonnes. Devina Vargram.

- Je ne trouve rien.

Grogna Negg et il se leva, laissant Vargram à sa lecture.
Le mercenaire s'approcha d'un des rayonnages en quête d'autres sources de renseignements. Il regarda les titres marquant les tranches en avançant.
Il sentit un regard peser sur son dos et se retourna. Contrairement à ce qu'il pensait, ce n'était pas Vargram qui le fixait ainsi mais Dévlin. Lui et Rilin étaient installés à quelques tables de différence.
Comprenant la question silencieuse du nécromancien l'interrogeant sur l'avancée de ses recherches, Negg haussa les épaules avant de secouer négativement la tête. Un air de déception passa sur le visage fatigué de Dévlin et il retourna à sa théorie osée.
La salle s'assombrit subitement, noyant toutes les personnes s'y trouvant dans une obscurité épaisse.
Negg leva le regard vers l'énorme coupole de verre qui remplaçait une grande partie du plafond en permettant à la lumière d'entrer. Peut-être n'était-ce qu'un gros nuage qui camouflait momentanément le soleil mais l'obscurité n'aurait pas été aussi complète alors quoi ?
Negg sortit le briquet qu'il conservait toujours dans une de ses poches et produisit une flamme qu'il couvrit de sa main pour éviter qu'une étincelle s'échappe et mette le feu à tout le savoir contenu ici.
Il s'avança jusque sous la coupole. Dévlin, Vargram et Rilin le rejoignirent. Tous levèrent le visage vers le plafond et découvrirent la raison de cette soudaine obscurité.
Le ciel était noir. Encore plus noir que la chevelure de Leïmy.

- Qu'est-ce que... Commença Negg.

-Je crois que Tennen annonce son retour à sa manière. Supposa Rilin.

- Ne perdons pas de temps.

Déclara Dévlin et, tous du même avis, ils quittèrent la bibliothèque avec empressement.
Dans les couloirs du palais, tous étaient affolés et ne comprenaient pas ce qu'il se passait.
L'obscurité n'aidant pas à voir où on mettait les pieds, Iléany percuta Dévlin de plein fouet. Le nécromancien la retint pour éviter qu'elle ne s'écroule sur le sol de marbre.
Même dans le noir, il était facile de remarquer que la Librhad était dans tous ses états. Elle tremblait de tout son corps et ses yeux étaient agrandis par la peur.
Elle regarda par la fenêtre la plus proche et balbutia d'une voix blanche :

- Ce...c'est...c'est lui...

- Iléany, clamez-vous. Tenta Dévlin.

- Comment me calmer alors que le dieu du néant menace la ville ?

Dévlin se mordit les lèvres. Elle avait raison. Qu'aurait-il pu lui dire pour la rassurer ?
Vargram prit Iléany par les épaules, libérant les mains de Dévlin. La Librhad s'accrocha à la chemise du jeune noble, lui griffant le torse à travers son vêtement.
Vargram grimaça et fit signe aux trois autres de continuer en assurant :

- Je reste avec elle. Continuez.

Ils acquiescèrent et reprirent leur chemin à travers les escaliers et les couloirs du palais d'Arancha jusqu'au petit salon de Sire Délèk.
Ce dernier ne protesta pas lorsqu'ils entrèrent sans s'annoncer. Le souverain était piqué face à ses fenêtres, le regard perdu dans l'obscurité du ciel et les doigts crispés sur son verre en cristal plus vide que plein. Il se retourna vers les trois arrivants. Ses mâchoires étaient contractées et une veine marquait sa tempe.
Il s'humecta les lèvres avec un sourire crispé :

- Je suppose que vous avez deviné à qui nous devons cette charmante météo.

Negg, Dévlin et Rilin se postèrent à côté du roi.
Le noir du ciel était si intense qu'il ne se reflétait même pas dans les nombreuses surfaces de verre de la ville.
Rilin posa la main sur la vitre.
Negg demanda sans que sa question ne soit destinée à quelqu'un en particulier :

- Croyez-vous que ça représente un danger ?

- À part ce ciel d'ombre, il ne s'est rien produit. Répondit Sire Délèk sans quitter sa ville assombrie de son regard bleu perçant.

- J'ai l'impression que Tennen ne fait qu'avertir le monde de son retour. Supposa Rilin.

- La magie qui crée ça est trop maléfique pour être inoffensive.

Déclara Dévlin. En effet, il était hérissé à la simple vision de ce ciel de ténèbres.
Rilin haussa les épaules. Il ignorait quoi penser de ce phénomène. Il avait besoin d'étudier cette nouvelle magie pour pourvoir se prononcer.
Soudainement, ils virent, effarés, un morceau du ciel se détacher pour tomber droit sur la cité. Ils ne comprirent qu'il s'agissait que lorsqu'il s'abattit sur un coin du Jardin central en carbonisant les plantes d'un feu noir.
Tous eurent un mouvement de recule craintif. Les yeux écarquillés, ils contemplèrent les hauts arbres se faire dévorer par les flammes d'obscurité avec effroi.

- Par tous les dieux... Souffla Sire Délèk.

- Il faut absolument le stopper. Décréta Dévlin.

- Mais comment ? S'écria Negg. Nous étions trois ! Vargram a failli y laisser un œil et Léano a dû utiliser toute sa puissance pour que nous puissions seulement fuir ! Je ne vois vraiment pas comment nous pourrions le battre.

- Alors nous sommes tous condamnés à mourir.

La déclaration de Sire Délèk sembla résonner en vibrant dans l'air de la pièce comme une terrible sentence.
Le souverain alla chercher sa carafe emplie de liqueur ambrée et revint face aux fenêtres en se servant un verre. Negg arracha la carafe des mains du roi et but une longue rasade d'alcool qu'il lui brûla l'œsophage directement au goulot. Le mercenaire s'essuya la bouche de revers de la manche.
Sire Délèk secoua la tête pour reprendre ses esprits. Il se passa une main sur le visage et marmonna :

- Il faut...il faut que je m'occupe de gérer les dégâts et que nous trouvions un moyen de protéger la ville. Ce n'était qu'un avertissement.

Les trois autres acquiescèrent et, comprenant la demande subliminale, ils sortirent sans protester, y compris Negg.
Sire Délèk les suivit et alla chercher le Capitaine Sulfurd.
Les deux frères le regardèrent s'éloigner. Ils pouvaient penser ce qu'ils voulaient du souverain, lui reprocher de maintenir des lois abusives, le haïr pour ses tentatives de séduction ridicules sur Leïmy, mais ils devaient également reconnaître qu'il tenait à protéger ses sujets et sa cité.
Negg, Dévlin et Rilin échangèrent des regards de doute, d'incertitude et de crainte mais aucun ne contenait la moindre réponse.
Après quelques minutes de ce silence pesant, Rilin proposa :

- Il nous faudrait Leïmy.

- Comment ça ? Demanda Dévlin, ne voyant pas le rapport.

- Avec ses pouvoirs, elle pourrait figer ce Tennen, diminuant les risques en combat. Comprit Negg.

- En effet, confirma Rilin puis il se tourna vers Dévlin. Je pense qu'il est temps d'appliquer notre plan.

Dévlin approuva d'un hochement de tête grave.
Negg observa tour à tour les deux magiciens, les yeux plissés, se demandant quel était ce fameux plan autour duquel son frère aîné faisait tant de mystères.
Dévlin s'engagea dans les escaliers et donna une tape amicale sur l'épaule de son frère en passant à côté de lui et il lui dit :

- Nous aurons certainement besoin de toi et aussi de Vargram.

Negg et Rilin emboitèrent le pas au nécromancien qui les attendait quelques marches plus bas. Il semblait déjà se concentrer sur ce qu'il s'apprêtait à faire.
Negg détailla Rilin à la recherche d'un indice qui aurait pu lui indiquer à quoi se préparer mais le magicien ne montrait rien de plus que son habituel expression de tristesse mélancolique. Le rouquin ne put donc que les suivre en s'interrogeant mentalement et freinant son imagination pour l'empêcher d'échafauder des théories trop invraisemblables.
Ils retrouvèrent Vargram non loin de l'endroit où ils l'avaient laissé et toujours en compagnie d'Iléany.
Le jeune noble avait fait asseoir la Librhad sur une banquette longeant une haute fenêtre décorée d'éclats de verre colorés. La jeune femme serrait ses bras autour d'elle et se balançait lentement d'avant en arrière, les yeux vitreux et les lèvre remuant de murmures. Vargram était assis à côté d'elle, un bras autour de ses épaules et tentait de l'apaiser mais ses paroles ne paraissaient pas l'atteindre.
Il se leva en voyant les trois autres revenir vers eux. Il montra Iléany et expliqua d'un ton désolé :

- Elle est comme ça depuis que vous êtes partis. Elle marmonne des choses incohérentes mais, en résumé ça donne, je cite : "les ténèbres arrivent. Ils vont tout recouvrir sans laisser la moindre chance de survie. Plus rien, juste l'ombre brûlante de la vengeance et les hurlements. Il n'était pas maléfique avant, pourtant." J'avoue que ce qu'il se passe en ce moment m'échappe quelque peu mais tout cela ne m'enthousiasme guère.

- Le contraire aurait été surprenant.

- Nous ne pouvons pas la laisser comme cela.

Dit Dévlin en indiquant Iléany qui ne semblait pas s'apercevoir de la conversation se menant autour d'elle.
Vargram retourna s'installer auprès d'elle en se proposant :

- Je vais rester auprès d'elle. Ça ne me pose pas de problème.

- Oui mais nous avons besoin de vous pour une opération à risques.

S'opposa calmement Rilin. Vargram écarquilla son œil valide, s'attendant au pire et sa dernière "opération à risques" ne lui avait pas laissé un excellent souvenir, au contraire.
Il chercha le regard de Negg mais ce dernier que put qu'hausser les épaules, n'en sachant pas plus que lui, puis il s'empressa de détourner les yeux, toujours mis mal-à-l'aise par la présence du jeune noble depuis l'aveu sur ses sentiments.
Alors qu'ils hésitaient entre abandonner Iléany sans surveillance, se résigner à exécuter le plan de Dévlin et Rilin sans Vargram ou attendre que quelqu'un susceptible de s'occuper de la jeune femme passe, un fort rayon filtra par la fenêtre.
Tous les regards convergèrent vers l'extérieur que montrait la fenêtre.
Le bleu du ciel était de retour, pas un seul nuage ni même une traînée blanchâtre. Toute obscurité s'était dissipé en à peine quelques secondes.
Dès que le soleil frappa le dos d'Iléany, cette dernière se redressa vivement et regarda autour d'elle comme si elle venait juste de se réveiller d'un long sommeil.

- Vous allez bien ? S'enquit Rilin.

- Oui...oui, je crois, répondit Iléany quelque peu incertaine. Je ferais mieux d'aller m'allonger un peu.

- Bonne idée, acquiesça Dévlin en l'aidant à se relever. Souhaitez-vous qu'on vous accompagne ?

- Non, ça ira.

Assura Iléany avec un sourire tout de même encore incertain. Elle salua et remercia les quatre hommes et plus particulièrement Vargram qui avait veillé sur elle puis elle s'éloigna en direction des chambres.
Dévlin regarda par la fenêtre et constata :

- Au moins, cela n'a pas duré des heures.

- Souviens-toi que ce n'était qu'un avertissement. Le prochaine fois, ce sera bien pire.

Rappela Negg d'une voix sombre en évitant le regard insistant de Vargram.
Dévlin fronça les sourcils en examinant tour à tour son frère et le jeune noble, ne comprenant pas l'origine de la tension qu'il sentait flotter entre eux. Il ne se questionna pas bien longtemps. Ils avaient plus important et plus urgent.
Du même avis, Rilin déclara :

- Allons-y. Dévlin pourriez-vous trouver un endroit tranquille ? Il faut que j'aille chercher ce dont nous avons besoin.

Dévlin acquiesça et il partit dans le couloir, entraînant Negg et Vargram à sa suite alors que Rilin s'éloignait dans la direction opposée.
Ils descendirent un nouvel escalier et Dévlin stoppa au milieu du couloir en détaillant les lieux, réfléchissant à un endroit qui pourrait correspondre à la demande de Rilin.
Lancer le sort dans une de leurs chambres aurait été trop risqué, encore plus qu'à la base et, pour le reste du palais, il ne le connaissait plus suffisamment pour savoir où se rendre. Ils n'étaient allés que leurs chambres, le hall, le petit salon de Sire Délèk, la salle à manger et celle de réception. Un sourire étira les lèvres du nécromancien.
Il se tourna vers les deux autres et leur demanda :

- Lorsqu'aucun bal n'est organisé, personne n'a de raison pour se trouver dans la salle prévue à cet effet, n'est-ce pas ?

- On veille à la conserver propre et en bon état, expliqua Vargram utilisant son savoir de noble, mais sinon, elle reste désertée en temps normal.

- Parfait.

Dévlin fit volte-face pour remonter l'escalier qu'ils venaient de descendre puis un autre. Le nécromancien s'arrêta, hésitant sur le chemin à suivre.
Negg prit la tête de leur trio, lui se souvenant parfaitement du trajet à emprunter.
Parfois, son entraînement de mercenaire lui servait bien, souvent même pour être honnête bien que cela lui coûtait de l'avouer.
Le rouquin poussa la lourde porte à double-battants aux gravures emplies d'or.
Vidée de la foule et des tables chargées de victuailles, la pièce semblait encore plus immense et ils purent sans difficulté admirer les motifs en bois foncé incrusté dans le sol en formant une élégante fresque.
Dévlin alla se placer au centre. L'endroit était parfait. De la tranquillité et de l'espace. Parfait.
Pendant que son frère se félicitait d'avoir eu l'idée devenir ici, Negg se chargea de verrouiller la porte à l'aide de ses crochets. Lorsque Rilin les rejoindrait, il n'aurait aucune peine à se changer en vent pour se glisser par la serrure.
Dévlin s'étira les doigts et s'assouplit la nuque. Negg se tourna vers lui en croisant les bras sur sa poitrine.
Il exigea :

- Bon, maintenant tu nous expliques qu'elle est votre intention avec Rilin. Pas question d'y participer sans savoir à quoi s'attendre.

Vargram appuya les dires de Negg de plusieurs vifs hochements de tête.
Dévlin se passa une main dans les cheveux en se mordillant la lèvre inférieure, doutant que ça ne leur plairait qu'à moitié.

- Et bien...puisque nous n'avons aucun moyen de ramener Leïmy, nous avons décidé de demander à quelqu'un qui devrait certainement savoir. Peut-être même qu'il pourra nous fournir des informations sur Tennen.

- Qui est cette personne ?

- Un dieu.

Negg écarquilla les yeux, ne s'attendant pas à ça et Vargram s'étrangla avec sa salive qu'il avala de travers. Il toussa en se frappant le poitrail à quelques reprises.
Se souvenant de ce qu'il avait lut sur la déesse du Destin le matin même, Negg se renseigna :

- Tu penses à Iphamme ?

- Iphamme ? Non, pourquoi ?

- Ah oui. J'ai oublié de te prévenir qu'elle était la déesse du Destin mais elle se trouve à Welkonn, ce sera dur de la faire venir.

- Oui. C'est pour ça que j'ai pensé à un autre dieu et également car je n'étais pas au courant de cela.

- Quel dieu ?

S'inquiéta Vargram.
Sa dernière et première rencontre avec un dieu ne s'était pas déroulé au mieux et il n'avait aucune envie de porter un second bandeau. Il chercha encore le regard de Negg et cette fois, ce dernier ne se détourna pas et il lui adressa un hochement de tête.
Il dissuaderait son frère si besoin.
Dévlin répondit :

- Jibatt. Il voit l'avenir, ça devrait nous aider. Il a déjà conseillé à Leïmy de trouver Iphamme et, par ailleurs, son pouvoir n'est absolument pas offensif.

Le nécromancien apporta cette précision en regardant Vargram qui en parut soulagé.
Negg approuva de geste de la tête. En effet, c'était une excellente idée, bien qu'osée. Personne n'était plus à même de leur apporter des réponses qu'un dieu ayant la capacité de prédire l'avenir mais il se doutait qu'ils devraient l'emprisonner et cela ne lui plairait certainement pas. Même si il n'était pas belliqueux, rendre un dieu furieux n'était pas forcément quelque chose à faire si on comptait rester en vie longtemps, mais Negg s'en moquait.
Si pour ramener Leïmy il devait tuer toute une population, s'ouvrir les veines ou encore autre chose, il n'aurait pas hésité une seconde. Se sacrifier ne lui posait pas de problème. Quant à Dévlin, il acceptait de prendre ces risques pour sauver Arancha et pour Leïmy et, pour Vargram, il souhaitait récupérer son anneau et, d'après ce qu'il avait pu constater, c'était Leïmy qui le portait donc, il devait la rapatrier.
Rilin se matérialisa soudainement au milieu de la pièce à côté de Dévlin, les bras chargés.
Comme Negg l'avait deviné, il s'était mué en courant d'air pour entrer.
Le magicien déposa ce qu'il tenait : un grimoire, une coupe et des flacons d'ingrédients puis il regarda autour de lui.

- C'est parfait. Nous ne devrions pas être dérangés ici.

Sans attendre, Rilin s'agenouilla et prit une craie blanche avec laquelle il traça des traits sur le sol. Il en lança une autre à Dévlin qui vint lui prêter main forte.
Negg et Vargram s'approchèrent, la tête légèrement penchés sur le côté, mais ils ne distinguèrent pas ce que les deux magiciens dessinaient.
Ils eurent besoin d'un bon quart d'heure pour terminer. Au final, le dessin donnait deux symboles concentriques en cercle, tous deux très complexes.
Dévlin se releva en essayant ses paumes blanches de craie sur son pantalon.

- C'est avec ça que nous allons invoquer le dieu ? Demanda Vargram.

- Le premier cercle est un symbole d'invocation inspiré d'un rituel nécromantique, expliqua Rilin, et le second est destiné à retenir toutes personnes porteuses de magie prisonnière.

- Vous croyez vraiment que ça peut fonctionner ?

- Nous allons voir.

La réponse de Dévlin ne rassura guère Vargram qui préféra faire quelques pas en arrière en comprenant que cette technique était expérimentale.
Negg ne cilla pas. Il avait parfaitement confiance en son frère.
Rilin plaça la coupe au centre du symbole et il commença à y jeter des pincées de différents ingrédients sortis des flacons puis il les enflamma d'un mouvement de la main qui fit naître une flamme dans le récipient. Une épaisse fumée blanche se dégagea de la combustion en se répandant sur le sol.
Dévlin tendit un morceau de parchemin à Vagram en lui faisant signe de venir à côté de lui et de Rilin.
Il lui indiqua :

- Nous avons besoin du maximum de puissance possible.

Vargram marmonna en prenant la feuille. Il ne se sentait guère en confiance pour cette opération.
Les trois magiciens se déployèrent autour du symbole et commencèrent à déclamer une longue incantation compliquée. Ils durent s'y rependre à trois fois avant que Vargram ne butte plus sur les syllabes mais ni Dévlin ni Rilin ne fit le moindre reproche au magicien débutant.
Negg les regarda faire, la gorge nouée. En cet instant, il ressentait profondément son absence de magie.
Les mots qu'ils récitèrent cessèrent peu à peu d'avoir du sens alors que la fumait continuait à emplir la pièce, tamisant la lumière.
Subitement, le sol se mit à trembler et les trois magiciens se turent. Dévlin chuta en arrière et Vargram se précipita pou rl'aider à se relever.
Avant que le nécromancien ne se remette sur ses pieds, une forme lumineuse apparut au centre du cercle.

- Écartez-vous !

Ordonna Rilin et personne ne se fit prier pour obéir.
La silhouette se précisa peu à peu en cessant de briller jusqu'à ce que le magnifique dieu de la voyance se tienne dans la salle, les bras croisés sur la poitrine.
Il s'exclama :

- Alors ça, personne ne l'avait encore osé ! Je ne suis pas surpris que ce soit des personnes n'ayant pas grandi avec notre culture qui le fassent. Alors, pourquoi me convoquez-vous ?

Les quatre hommes échangèrent des regards étonnés. Ils s'attendaient à de la colère, des menaces, une arrogance hautaine, pas cet air détendu et nonchalant. Pensant que ce n'était peut-être qu'un subterfuge destiné à leur faire baisser leur garde, Negg porta la main à l'une de ses dagues.
C'était donc ce dieu au visage parfait qui avait approché Leïmy ? Cette idée ne plaisait pas du tout à Negg.
Personne ne prenant la parole, tous surpris par la réaction de Jibatt, Negg décida de jouer les portes-paroles. Il fit un pas en avant et déclara :

- Nous voulons des réponses.

- Sur quoi ?

- Je pensais que vous voyiez l'avenir.

- Mais que croyez-vous ? Contrairement aux autres, ma magie ne se déclenche pas à volonté. C'est un pouvoir passif. Alors, vous me dîtes pourquoi je suis ici ?

- Nous souhaitons savoir comment faire pour faire revenir Leïmy. Expliqua Dévlin à la place de Negg.

- Il faut un sortilège.

- Merci pour l'information capitale.

Ironisa Negg, ce qui lui valut un coup de coude réprobateur de la part de Dévlin.
Jibatt eut un sourire amusé puis il précisa :

- La solution n'est pas très claire.

- Et je suppose que vous ne nous en direz rien, grogna Negg. Sinon, l'histoire serait bien moins distrayante.

- Bien sûr que non. Laissez-moi terminer.

Jibatt fit un geste élégant de la main et un parchemin d'une excellente qualité apparut dans les mains de Rilin qui sursauta. Il examina les lettres et y découvrit, les yeux écarquillés, la marche à suivre pour ramener Leïmy.
Negg demanda, ayant peine à concevoir que Jibatt les aide aussi généreusement :

- Que voulez-vous en échange ?

- Mais rien. J'ai juste une question. Savez-vous si Leïmy a cherché Iphamme ?

- Comment aurait-elle pu ?

Rétorqua Negg.
Jibatt perdit son attitude nonchalante et ses épaules s'abaissèrent en un air de déception mais il s'empressa de se reprendre pour afficher à nouveau un sourire charmeur découvrant ses dents parfaites.
Intrigué par toute cette histoire, Negg continua l'interrogatoire alors que Rilin étudiait toujours le parchemin :

- D'ailleurs, pourquoi lui avoir dit de trouver Iphamme ?

- Car elle seule pouvait savoir où était Makarus. À ce moment là, je ne me doutais pas que Tennen avait pris possession de son corps. Oui, je vais vous expliquer qui il est. À la base, il y avait dix magies et donc dix cristaux de pouvoir. La dixième, bien que neutre, avait un fort potentiel de destruction et ceux qui en héritaient étaient souvent dangereux et incontrôlables, trop souvent. Pour le bien de tous, avant même qu'Arancha ne soit fondée, nous avons pris une décision difficile : bannir notre frère. Ce qu'il se passe aujourd'hui nous prouve que nous avions bien fait puisque, aujourd'hui, il n'est plus neutre comme nous tous mais bien un être maléfique. Nous avons unis notre puissance pour le désincarner et briser sa pierre. Son essence a été enfouie dans le désert et nous avons scellé sa prison à l'aide de deux éclats de son cristal que nous avons monté en bague. Nous avons fait un bijou semblable pour chaque magie de manière à pouvoir tromper quelqu'un qui souhaiterait libérer Tennen mais un seul anneau a fait le voyage pour Welkonn. Nous pensions ainsi supprimer les risques de voir un jour se réveiller Tennen mais l'un d'entre vous avait cette bague sur lui lorsqu'il est arrivé ici.
Negg écarquilla les yeux en pinçant les lèvres en une expression de culpabilité flagrante.
Dévlin se tourna vers lui, les sourcils froncés.

- Negg ?

- Cette anneau, ne serait-il pas en forme de serpent qui se mord la queue, par hasard ?

- Si.

Confirma Jibatt. Negg se maudit intérieurement. C'était la dernière fois qu'il offrait un bijou à Leïmy.
Vargram eut un rire désabusé et incrédule. Il dressa le doigt avant de le rabaisser, visiblement fortement gêné.
Il s'étonna :

- Attendez, vous êtes en train de dire que la clé pour libérer le dieu du néant se trouvait dans une maison d'une famille noble de Welkonn en pleine déchéance ?

- Comment savez-vous ça ?

Demanda Rilin, relevant les yeux du parchemin de Jibatt. Vargram se mordit la lèvre inférieure jusqu'au sang en s'apercevant qu'il venait stupidement de se trahir.
Se souvenant de la provenance de l'anneau à cette phrase, Negg dégaina une lame et montra Vargram d'un geste accusateur.

- C'est chez lui que nous avons trouvé la bague !

Le mercenaire se rua sur Vargram qui eut juste le temps de se jeter sur le côté pour l'esquiver. Negg se retourna vivement et le saisit par le devant de sa chemise et, plein de colère, il l'accusa :

- C'est ça que tu tiens à récupérer ! Alors, que comptes-tu faire avec cette bague ? Asseoir ton autorité sur Welkonn ?

- Non, attend. J'ignorais ce qu'était cet anneau.

Se défendit Vargram, à moitié étranglé. Rilin se servit de la magie du vent pour écarter Negg de Vargram qui peina à retrouver son souffle.
Le multi-magicien assura :

- Il dit la vérité.

Negg conserva un regard suspicieux sur Vagram qui se massait la gorge qu'il avait endolorie. Le rouquin se promit mentalement d'en reparler et sans magicien pour le freiner.
Rilin montra le parchemin de la formule à Jibatt en faisant remarquer :

- Seule la personne ne se trouvant pas dans la bonne époque peut activer ce sort. Il faut trouver un moyen de la transmettre à Leïmy.

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