Chapitre 8

Leïje contempla la cabane de fortune qu'il venait de bâtir. Il s'agissait d'un assemblage de branches s'appuyant contre un tronc. La construction était branlante et incertaine. Leïje ne serait pas particulièrement surpris si le toit recouvert de mousse et de fougères s'écroulait sur lui durant la nuit.
La guilde le croyant mort, il ne pouvait se montrer au campement et il avait donc besoin d'un endroit où dormir. Bien sûr, il avait différentes cachettes ou des amis disséminés dans Orquia mais il y avait une possibilité pour qu'ils soient surveillés et Leïje ne voulait prendre aucun risque. Il devrait donc se contenter de cet édifice incertain.
Le voleur essuya ses paumes maculées de terre et de résine sur son pantalon puis remit son manteau qu'il avait retiré pour se faciliter la construction de ce qu'il considérait comme sa demeure à présent. Lorsqu'il eut revêtit sa carapace de tissu bleu nuit, il se sentit mieux. Comme toujours, il détestait lorsqu'il ne portait pas ce vêtement qui lui procurait l'impression illusoire d'être protégé et de ne plus subir sa propre fragilité et ses faiblesses.
Il réunit quelques brindilles et des branches mortes en tas devant l'entrée de sa résidence puis il les enflamma à l'aide de son briquet. Le voleur s'assit sur le sol et tira à lui le sac de provisions qu'il avait pensé à emporter avec une paire de couvertures. Il tailla un bâton en pointe sur lequel il piqua un morceau de viande qu'il entreprit de faire griller sur les flammes.
Tout en faisant cuire son repas, Leïje réfléchit. Qu'allait-il faire maintenant qu'il avait fait le tour de toutes les possibilités et que toutes ses tentatives avaient échoué ? À part espérer que Maige tombe sur une piste prometteuse dans un couloir du palais du Conseil, pas grand chose.
Etant censé être mort, il ne pouvait plus se montrer qu'avec d'énormes précautions. Il pouvait espionner qui bon lui semblait mais plus enquêter directement, surtout auprès de personnes susceptibles de travailler pour les chefs de guildes. Il avait donc besoin d'avoir recourt à une tierce personne. Se pourrait-il que Dabielle ait changé d'avis sur son refus catégorique de se mêler de cette affaire ? Cela valait le coup de tenter car Leïje ne voyait pas qui d'autre était capable de s'en charger sans le trahir.
Le voleur souffla un peu sur son morceau de viande qui commençait à dégager de la fumée puis il remonta le col de son vêtement pour se protéger du froid.
D'ailleurs, depuis quand faisait-il froid ? Même si les feuillages rendait l'atmosphère de la forêt d'Yolle plus fraîche, il faisait tout de même chaud alors d'où provenait ce froid soudain ? Serait-ce la magie qu'il s'était récemment découverte qui se manifestait ? Leïje ne pouvait se prononcer, étant un parfait ignorant en matière de magie.
Les sourcils froncés, il examina ses mains à la recherche d'une trace de lumière ou de givre mais elles étaient parfaitement normales, fines avec de longs doigts et écorchées par la construction de la cabane.
Depuis quelques jours, il avait l'impression d'attirer les phénomènes étranges. N'aurait-il pu pas être victime de quelque chose de banal ?
Le froid disparut aussi brusquement qu'il s'était levé. Leïje vérifia les alentours d'un regard intrigué et soupçonneux mais il ne remarqua rien de particulier. Rassuré par cette constatation, il mordit dans la viande juteuse à la peau grillée.
Un raclement de gorge s'éleva dans son dos. Leïje bondit sur ses pieds et se retourna vivement, laissant tomber son morceau de viande et faisant virevolter son manteau.
Il écarquilla les yeux en tombant face à une jeune femme transparente, comme Molwen. C'était donc un fantôme et plus précisément un fantôme envoyé pour lui parler sinon, il ne l'aurait pas vue.

« Vous venez de la part de Dévlin. Devina le voleur.
- Non, de celle de Rilin mais il le fait pour Leïmy.
- Attendez, vous êtes sa femme, à Rilin ?
- En effet, je me nomme Cilisse. Puis-je vous livrer le message que je transporte ou avez-vous d'autres questions à me poser ?

Le ton de Cilisse n'était pas agacé ou sarcastique mais bienveillant, tout comme son sourire. Leïje se sentit un peu gêné de l'avoir questionné aussi brutalement.
Il se passa une main dans les cheveux et répondit :

- Je vous en prie, je vous écoute.
- Leïmy vous demande de trouver Iphamme pour qu'elle l'aide. Le mieux serait d'entreprendre vos recherches sur le mont Kieff.
- Je vais rajouter ça à ma liste de choses à faire, soupira Leïje avant de saluer l'esprit. Passez le bonjour à mes mercenaires favoris mais pouvez-vous d'abord transmettre un message pour moi ? »

Cilisse sourit, acceptant de rendre ce service à Leïje. Ce dernier lui expliqua quoi dire à qui puis elle disparut.
Le voleur leva les yeux vers les frondaisons et s'allongea au sol en soupirant, les mains sur le visage.
Comme si il n'avait pas suffisamment à gérer avec la conspiration, Leïmy le chargeait de retrouver ce qui devait certainement être une vieille ennemie mais il ne mettrait pas cette tâche de côté. Si Leïmy lui demandait de l'aide, ce devait être important, son instinct le lui soufflait même si il n'avait eu aucune précision.
Il ne lui restait plus qu'à gagner Orquia pour demander à Maige si elle connaissait une certaine Iphamme et pour s'assurer que la jeune femme s'en sortirait durant son absence qu'il espérait brève.

***

Assis derrière son bureau, le Capitaine Oriol sentait poindre la migraine. Devant lui, quatre feuilles de mauvais parchemins sur lesquelles il avait écrit les noms des quatre victimes de l'étrange série de meurtres qui avait commencée il y avait deux semaines, la première étant Peronne De Iyrté, la mère de Maige.
Oriol tentait de trouver des liens et des points communs entre les morts pour avoir une idée des motivations de l'assassin et de son mobile. Pour le moment, il stagnait à son point de départ. À part le fait que les victimes aient toutes appartenu à l'aristocratie, il ne voyait rien qui pouvait les rapprocher. Il avait donc pensé que le tueur avait un grief personnel contre la noblesse ou qu'il détestait simplement le sang bleu mais il avait bien vite abandonné cette hypothèse.
Bien que tous nobles, les victimes avaient des profiles et des comportements totalement différents. Aucun n'était vraiment le stéréotype de l'aristocrate. Par exemple, Peronne De Iyrté, bien que sec, était juste. Il y avait aussi Stenoff D'Armasie qui était ruiné et qui n'avait plus qu'un unique domestique à son service et également le général Van Arris qui, lui, était un maître dur et même parfois cruel.
Oriol n'avançait pas. Il réfléchissait à s'en donner mal au crâne et, pourtant, tout ce qu'il pouvait faire était attendre le prochain assassina.
Au moins, il n'était plu dérangé régulièrement par les incessantes visites de Vargram Simmbel.
À cette constatation, Oriol releva la tête de ses parchemins, les sourcils froncés. Il était vrai qu'il n'avait plus croisé ni même entendu parler de l'héritier de la famille Simmbel depuis un moment. Le capitaine soupira. Il espérait que cet idiot n'avait rien tenté de stupide mais une autre réflexion bien alarmante naquit dans son esprit.
Et si Vargram Simmbel était la cinquième victime de cette problématique série de meurtres ?
Pris par un très mauvais pressentiment, Oriol appela l'un de ses sous-officiers d'un signe de la main. L'homme se posta au garde-à-vous à côté du bureau de son supérieur. Ce dernier lui ordonna :

« Prenez un ou deux hommes avec vous et rendez-vous à la demeure des Simmbel pour vérifier si tout va bien. »

L'homme acquiesça puis s'en fut après avoir militairement salué son capitaine.
Ce dernier se replongea dans ses réflexions, l'appréhension martelant ses tempes.
Il ne savait plus comment ni dans quel sens aborder le problème. Cette affaire ne cessait de tourner dans ses esprit à la recherche de réponses ou d'explications qui ne se montraient pas.
Y avait-il une possibilité pour que ces meurtres soient l'œuvre d'un déséquilibré ? Non, ce n'était pas logique. Si il s'agissait d'un fou, les victimes auraient été tuées au hasard et non choisies comme cela semblait être le cas et la cause de la mort ne serait pas aussi mystérieuse. Sans compter que le tueur devait les observer en quête du bon moment puisqu'il n'y avait jamais aucun témoin.
Ces personnes étaient mortes pour une raison, encore obscure, mais une raison tout de même.
Oriol avait l'intuition qu'en découvrant ce qui avait causé la mort des victimes, il lui serait beaucoup plus simple de remonter jusqu'au meurtrier mais le médecin qui avait examiné les corps n'avait pas la moindre idée de ce qui les avait tués.
Le capitaine n'avait donc que des suppositions ou des hypothèses en sa possession.
Agacé et arrivant à bout de nerfs, Oriol balaya tout ce qui était posé sur son bureau d'un geste rageur. Des feuilles volèrent autour du capitaine avant de tomber sur le sol usé du poste de la Garde.
Les autres soldats présents se tournèrent vers leur supérieur qui inspira profondément à plusieurs reprises pour retrouver son calme. D'un geste, il assura à ses subalternes que tout allait bien.
Il s'agenouilla au sol pour ramasser ses papiers qu'il rangea proprement en tas sur son bureau avant de s'y asseoir.
Le sous-officier revint après deux heures durant lesquelles Oriol ne travailla pas sur l'affaire des meurtres, ni aucune autre. Il utilisa ce temps pour apaiser ses nerfs et se détendre sommairement.
Lorsque l'homme qu'il avait envoyé entra, il se leva et vint immédiatement vers lui.
Avec empressement et appréhension, il lui demanda :

« Alors ? Qu'avez-vous trouvé ?
- Rien du tout, mon Capitaine. Il n'y avait personne. La maison était vide et il ne me semble pas que quelqu'un s'y soit trouvé dans les derniers jours. Nous avons également interrogé les habitants du voisinage. Tous nous ont répondu qu'ils n'ont pas vu monsieur Simmbel depuis un certain temps.
- Seriez-vous en train de me dire que Vargram Simmbel a disparu ?
- Oui, Capitaine.

Oriol se passa une main sur le visage en poussant un lourd soupir. Ils avaient bien besoin de ça.
Tenant son rôle de chef, il donna ses directives :

- Envoyez un message à Igga pour informer sa famille de la nouvelle et essayez de trouver des personnes disponibles pour se charger de ça. »

L'homme acquiesça et Oriol retourna s'asseoir derrière son bureau.
Se promettant de conserver son calme, il ressortit les quatre parchemins marqués des quatre noms des victimes. Il ne chercha pas à réfléchir ou à trouver des solutions. Il se contenta de les regarder en repensant à tous les détails dont il avait connaissance et, là, une idée lui vint.
L'hypothèse assez saugrenue que ces assassinas étaient liés à la conspiration dont Leïje l'avait informé lui revint en mémoire. Il ne voyait pas comment c'était possible et ne possédait aucune preuve étayant sa supposition mais c'était la seule piste qu'il avait.
Peut-être devait-il s'entretenir avec Leïje pour savoir réellement qu'en penser. Le problème était de mettre la main sur le voleur, ce qui ne serait pas évident et il ne voyait personne pour le renseigner à son sujet.
Alors qu'il se questionnait sur l'endroit où aurait pu se trouver le voleur, une nouvelle recrue s'approcha timidement du bureau en se tordant les mains, ayant de toute évidence une annonce qui déplairait à Oriol à transmettre à ce dernier. Le capitaine releva ses yeux bleus de ses réflexions et laissa le jeune homme prendre son temps.
Il finit par se lancer en hésitant sur les syllabes :

« Pardonnez-moi mais je viens d'être informé qu'on avait découvert un...un cadavre à trois rues du palais du Conseil et il est...comme les autres. »

Le sang d'Oriol ne fit qu'un tour dans ses veines.
Encore un, exactement comme il le redoutait. Cela prendrait-il fin un jour ?
Oriol bondit presque de sa chaise, manquant de la faire tomber à la renverse. Il entraîna deux autres hommes à sa suite en direction des hauts quartiers.
À partir de maintenant, c'était quelque chose qu'il tenait à régler personnellement.
Les membres de la Garde arrivèrent sur les lieux du crime en un quart d'heure.
Quatre soldats encadraient le cadavre, veillant à ce que personne ne s'en approche. Ils saluèrent le capitaine en se mettant au garde-à-vous. Oriol leur répondit d'un bref hochement de tête, complètement absorbé par la vision du macchabée étendu sur le ventre au milieu de la rue, heureusement, peu fréquentée.
Il s'agissait d'un homme vêtu d'une élégante tenue brune. De là où il se tenait, Oriol ne pouvait distinguer son visage. Le capitaine s'accroupit à côté du corps et lui tourna la tête. Il retint un juron. Le mort avait la peau matte et les traits encore vifs malgré les rides le parcourant. Sans aucun doute possible, c'était Guydas De Rannier.
Ses yeux était glacés d'effroi. Son visage était déformé et crispé par une expression de souffrance insoutenable.
Oriol frappa le sol du poing à côté de la dépouille. Il devait ajouter une cinquième victime à la liste funeste : un homme qui était patriarche d'une puissante famille ainsi qu'un mentaliste estimé. Ce qui était un grognement déconvenue grommelé intérieurement amena la lumière dans l'esprit d'Oriol.
La magie ! Le voilà le lien qui lui échappait !
Toutes les victimes la pratiquaient à des échelles différentes et avec plus ou moins de talent, souvent plus, mais elles étaient toutes magiciennes. Oriol se releva prestement, son air sombre remplacé par l'euphorie d'avoir enfin un nouvel élément autre qu'un cadavre dans cette affaire.
Il ordonna à l'un des subalternes :

« Interrogez les habitants du quartier, des fois que, pour changer, quelqu'un ait vu quelque chose et transportez monsieur De Rannier dans la même clinique que les autres. Examinez aussi consciencieusement la rue.
- Bien, capitaine. »

Oriol courut presque pour regagner le poste de la Garde si bien qu'il y arriva essoufflé.
Sans attendre ou répondre aux regards interrogateurs de ses subalternes, il retourna s'asseoir à son bureau. Il reprit ses quatre feuilles de parchemins et s'empara d'un crayon. Sous chaque nom, il écrivit la magie dont la personne avait été porteuse.
Peronne De Iyrté : nécromancienne, c'était de famille chez eux bien que la fille ne soit guère douée. Stenoff D'Armosie : magicien de l'eau et du vent. Le Général Taberme Van Arris : également magicien des éléments mais du feu et de la terre, d'ailleurs, Oriol ignorait si sa fille avait hérité de ce don et il ne le saurait jamais. La gamine avait disparu depuis plusieurs années mais, après ce que lui avait fait subir son père, rien de plus normal. Ensuite, il y avait Naru Pirien, elle aussi nécromancienne. Enfin Guydas De Rannier qui était donc mentaliste.
Le mobile serait alors la magie ? Peut-être quelqu'un frustré de ne pas être magicien. Cela semblait assez absurde à Oriol mais, avec les criminels, il fallait s'attendre à tout. Le gros problème à résoudre demeurait le moyen de donner la mort.
Quoi qu'il en était, Oriol irait certainement faire un tour au palais du Conseil, ne serait-ce que pour se renseigner grâce à l'immense bibliothèque.
Les soldats qu'il avait laissé sur la scène du crime ne tardèrent pas à revenir. Pour Oriol, cela ne pouvait signifier qu'une chose : ils n'avaient rien découvert, les recherches avaient été infructueuses mais, contrairement à ce que croyait le capitaine, la jeune recrue de toute à l'heure se posta devant son bureau et y déposa un objet en l'informant :

« C'était sous le corps. »

Sans rien préciser de plus, le jeune homme repartit s'occuper des tâches dont il était chargé.
Les sourcils froncés, Oriol prit ce qui pouvait être un indice dans ses mains. Il s'agissait d'un pendentif dont la chaîne avait fondu comme en témoignaient les trois maillons brûlés encore fixés au bijou. Celui-ci était fait en un alliage de cuivre et d'argent et il était gravé de symboles qui parurent magiques à Oriol mais ils étaient estompés par un autre signe beaucoup plus grand qui les barrait.
Le capitaine en avait la confirmation à présent : la magie était au cœur de ces meurtres.
Il glissa le pendentif dans sa poche en se levant. Sa visite au palais du Conseil arrivait plus rapidement qu'il ne le pensait lorsque l'idée lui était venue quelques minutes plus tôt.
Il se mit en chemin sans cesser de réfléchir mais il stoppa soudain alors qu'il n'était qu'à quelques mètres de la porte. Il venait de s'apercevoir que, n'étant qu'un néophyte en matière de magie puisqu'il ne savait que ce qu'un soldat avait besoin de connaître, il passerait des heures à se perdre dans les grimoires de la bibliothèque pour peut-être un mauvais résultat. Pour davantage d'efficacité, il ferait mieux de consulter une personne érudite.
Il ne mit guère de temps à décider qui.
Il reprit sa progression. Il gagna les hauts quartiers. Il respira l'air chargé des odeurs de fleurs poussant dans les jardins alentours, remplissant ses poumons et calmant un peu ses pensées en ébullitions. Il ouvrit le portail en fer forgé et remonta l'allée d'une des demeures aux murs couleur crème. Il frappa contre la porte.
Sans tarder, des pas agacés résonnèrent de l'autre côté et, avant même qu'on ne l'ouvre, une voix exaspérée s'éleva :

« Je sais que vous devez vous entretenir avec madame mais je commence à vous trouver sérieusement énerv...

Myrthe s'interrompit dans sa phrase en découvrant que l'homme se tenant sur le perron n'était pas celui à qui s'adressait son reproche. Elle se mordit la lèvre inférieure, horriblement gênée et ne sachant pas où se mettre.
Oriol ne lui tint pas rigueur de ses paroles et la salua plutôt :

- Bonjour, madame. Je suis le Capitaine Oriol de la Garde d'Orquia. Je souhaitais m'entretenir avec madame De Iyrté. Est-ce possible ?
- Que se passe t-il, Myrthe ?

Demanda une vois masculine depuis le vestibule puis son propriétaire s'avança à la hauteur de la domestique.
Lidian fronça les sourcils en détaillant l'uniforme bleu marine d'Oriol.
Le jeune noble constata, manifestement sur la défensive :

- Un capitaine de la Garde. Que puis-je pour vous ?
- Je suis venu voir votre cousine, pas vous monsieur De Iyrté.
- Elle n'a absolument rien fait de répréhensible !
- Je n'ai jamais prétendu le contraire, monsieur. J'ai seulement besoin de son avis pour une affaire.
- Quelle affaire ?
- Une qui ne vous concerne pas.

Répliqua Oriol d'un ton sans appel.
Lidian De Iyrté l'agaçait autant ou même plus que Vargram Simmbel. Encore un noble se mêlant de tout et ayant l'impression qu'il avait tous les droits, que lui passait avant les autres. Sans compter que, grâce au récit détaillé de Leïje, il connaissait son implication dans le sombre complot.
Sans plus s'occuper du rouquin, le capitaine reporta son regard sur Myrthe à qui il demanda :

- Où puis-je trouver madame De Iyrté ?
- Je vais vous y conduire. Veuillez me suivre, monsieur.

Oriol entra, forçant Lidian à s'écarter, ce qui déplut fortement à ce dernier, puis le capitaine s'engagea à la suite de la domestique.
La vieille femme le conduisit à une porte joliment taillée et y frappa en annonçant :

- Une visite pour vous, madame. »

Elle ouvrit la porte à Oriol et l'introduisit dans un petit salon aux teintes violines.
Maige était assise sur le divan occupant le centre de la pièce.
Elle écarquilla les yeux en voyant le capitaine entrer alors qu'elle s'attendait àvoir Leïje. Son cœur fit immédiatement un bond dans sa poitrine. Si un membre de la Garde se trouvait chez elle, c'était que le pire c'était produit. Elle se plaqua une main sur la bouche pour retenir un cri alors que ses grands yeux de biche se remplissaient de larmes.
Elle geignit, la gorge déjà nouée par un sanglot :

« Il est arrivé quelque chose à Dévlin.
- Non, madame, absolument pas !

S'empressa de la détromper Oriol, comprenant pourquoi elle avait eu cette réaction à sa vue. Maige soupira de soulagement, sentant ses épaules s'alléger d'un poids. Pour s'apaiser, elle se répéta mentalement que Dévlin allait bien puis elle releva son regard sur le capitaine.
Ce dernier, comprenant la question silencieuse, expliqua :

- J'ai un service à vous demander.
- A moi ? S'étonna Maige en fronçant les sourcils.
- Oui. J'ai besoin de vos connaissances en magie.
- Ça concerne le meurtre de ma mère, n'est-ce pas ?

Devina Maige. Oriol acquiesça avec une moue désolée.
Maige inspira pour délier le nœud qui venait de se former dans sa poitrine. Elle serra convulsivement les mains sur son ventre. Elle essuya les larmes perlant aux coins de ses cils puis invita le capitaine à prendre place sur le divan à ses côtés.
Oriol s'assit puis raconta :

- Nous avons trouvé un cinquième cadavre aujourd'hui (il s'interrompit un instant, laissant Maige se reprendre). Pour une fois, nous avons découvert quelque chose. J'ai remarqué que toutes les victimes, y compris votre mère, étaient magiciennes mais surtout, nous avons ramassé ça à côté du corps (Oriol sortit le pendentif de sa poche et le tendit à Maige qui le prit en l'examinant). Je pense que c'est magique.
- Ça l'est. Les petits signes gravés dessus indiquent que c'est un talisman et plus précisément, un talisman de protection mais ce qui est étrange est ce grand symbole qui les "casse". Certainement que deux magies, ou du moins deux sorts, se sont opposés et combattus. Celle qui a gagné à laissé ce symbole.
- Quelle est cette magie ?

Maige fronça les sourcils en approchant le bijoux de son regard, le front marqué d'une ride de concentration.
Elle secoua négativement la tête avant d'avouer :

- Je l'ignore. Je n'ai jamais vu ça. Quelle que soit le sort qu'on a voulu lancer, il m'est inconnu.
- Vous voulez dire que nous sommes faces à une forme de magie inédite ?
- Inédite ou tellement ancienne que plus personne ne la connait.
- Je pense aller faire un tour incessamment sous peu au palais du Conseil. J'aimerais que vous m'accompagniez.
- D'accord (elle hésita un instant). En parlant du palais, il faut que je vous informe d'un événement singulier. Je m'y trouvais et j'ai croisé un jeune garçon, un apprenti magicien. Il tenait quatre étranges artéfacts que je n'ai pas pu identifier non plus.
- Troublante coïncidence, en effet, sans compter que quatre était également le nombre de victimes. Peut-être que ce ne serait pas une mauvaise chose de s'entretenir avec ce jeune homme. Et pour votre cousin ?

Maige haussa les épaules et son visage s'assombrit. Oriol n'eut pas besoin qu'elle utilise des mots pour deviner qu'elle ne savait que faire et qu'elle était tiraillée.
Lidian était l'unique famille qui lui restait mais elle devait trouver un moyen de le confondre pour l'empêcher de nuire à Welkonn.
Oriol s'apprêtait à ouvrir la bouche pour reprendre la parole mais il en fut empêché par la voix exaspérée de Myrthe qui s'éleva dans le vestibule puis quelqu'un se pressa d'entrer dans le salon. Quelqu'un habillé d'un long manteau bleu nuit.
Leïje soupira puis demanda à Maige :

- Pourriez-vous prier votre domestique de ne plus vociférer après moi ? Si votre cousin apprend que je suis toujours vivant, ce serait mauvais pour moi (le voleur remarqua la présence d'Oriol et s'exclama :) Hé, Saymmon ! Commet allez-vous ?

Oriol soupira en levant les yeux au ciel. Il avait oublié que Leïje connaissait son prénom.
La conversation risquait de se montrer agaçante mais il avait besoin de s'entretenir avec le voleur et ce dernier se présentait à lui alors autant en profiter sauf que Leïje fut plus rapide que lui :

- Que faîtes-vous ici, Saymmon ?
- Il a trouvé ceci sur la cinquième victime de la série de meurtres dont fait partie ma mère.

La phrase de Maige se termina dans un sanglot.
Tout en s'asseyant à côté de la jeune femme, du côté opposé à Oriol, Leïje passa un bras réconfortant autour des épaules de la rouquine tout en observant l'objet qu'elle tenait.
Devinant que c'était magique, le voleur se renseigna :

- Avez-vous informé notre cher Saymmon que nous pensions que ces assassinats étaient liés au complot ?
- Cette idée m'est venue, répondit Oriol à la place de Maige, mais pourquoi ne m'en avez-vous pas parlé lors de notre conversation ?

Leïje se leva, soudainement très sérieux et expliqua :

- Car ce n'est qu'une hypothèse parmi d'autres que nous avons, et nous en avons quelques unes.

Oriol lui lança un regard intéressé, curieux de connaître le fruit des réflexions de ce duo aussi improbable qu'atypique et également désireux d'obtenir de nouveaux éléments ainsi que des idées neuves.
Sans cesser de marcher de long en large, Leïje détailla au capitaine les suppositions que lui et Maige avaient faîtes au fil de leurs pensées, notamment la possible implication d'un magicien qui officiait probablement depuis le palais du Conseil et l'étrange intérêt de Vargram Simmbel pour Leïmy et Negg.
Lorsque le voleur eut terminé son exposé, Oriol demeura pensif.
Il se leva à son tour, le menton entre les doigts, plongé dans ses pensées puis il déclara :

- C'est plausible, en effet, mais il faut enquêter et je ne serai pas toujours en mesure de le faire.
- Moi, je suis censé être mort ! Si je me promène tranquillement en ville, ça risquerait de faire désordre et vous n'allez tout de même pas envoyer la femme enceinte !
- Peut-être que votre amie qui est allée dans la maison close. Proposa Maige.
- Je ne pense pas que Dabielle soit disposée à m'aider de nouveau mais j'avais prévu de lui parler et lui ai déjà fait envoyer un message.
- Pour ce qui est de Vargram Simmbel, reprit Oriol, il est vrai que son comportement est suspect mais il a disparu.
- Disparu ? Répéta Leïje.
- Oui. Plus une trace ni la moindre piste. Nous verrons bien ce que les prochains jours nous apportent, en espérant que ce ne soit pas son cadavre. Une question me taraude. Tous les chefs de toutes les guildes sont-ils impliqués ?
- Non, seulement cinq. Répondit Leïje.
- Mais peut-être y en a t-il plus qui sont au courant du complot !

Leïje et Oriol dévisagèrent Maige qui venait de s'exclamer, la même expression d'incompréhension sur leurs visages pourtant si différents.
Maige leur expliqua avec des gestes des mains :

- Il n'y a que cinq chefs de guildes qui conspirent, pour former ce groupe, l'instigateur a bien dû les contacter et peut-être a t-il tenté d'en recruter davantage et que certains ont refusé. Donc, il y a sûrement des chefs de guildes qui sont au courant de cette affaire, même si ils n'y participent pas.
- Déduction intéressante mais à quoi cela nous avance t-il ?
- Pour les appâter, l'instigateur du complot a sans aucun doute détaillé ses intentions donc...
- Il y a des personnes qui savent quel but vise les conspirateurs et par quel moyen ! Comprit Leïje.
- Oui. Confirma Maige.
- Ne reste plus qu'à trouver un chef de guilde non impliqué mais suffisamment puissant pour avoir été invité à conspirer et qui soit prêt à nous faire des révélations. Refroidit Oriol. »

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