Chapitre 27
Elann feuilleta le volume sous le regard pressant de Leïmy.
À présent qu'elle avait entrevu le début de la vérité, elle désirait ardemment tout connaître.
Elann poussa une exclamation en stoppant. Il promena le doigt entre les différents paragraphes puis tendit à nouveau le livre à Leïmy qui le lui arracha des mains.
Sur la double-page s'alignaient quatre passages séparés par quelques lignes vierges et tous précédés par un portrait savamment exécuté.
Avant qu'elle ne se plonge dans la lecture, Elann lui épargna cette peine en lui expliquant les événements à voix haute :
« On commence par Maige De Iyrté, descendante de l'ex-famille royale et ancienne Conseillère en nécromancie mais ça, tu le sais déjà.
- En effet. Va à l'important.
- Dans la même année, son époux est parti en mission pour le Conseil et sa mère a été assassinée. Cela l'a plongé dans un grand désarroi et elle est finalement morte en couche. Ce qui est dramatique dans cette histoire est que l'enfant est mort-né.
Leïmy observa l'illustration représentant fidèlement la jeune femme mais aux cheveux un peu plus longs. Certainement provenait-elle d'un tableau qu'avait commandé sa famille.
Leïmy ne montra rien mais elle trouvait tout cela bien triste. Durant toute sa vie, Maige n'avait pas eu de chance alors qu'elle aurait dû tout avoir pour être heureuse.
La jeune fille passa au deuxième portrait alors qu'Elann reprenait son résumé :
- Dévlin Horinn, Conseiller en nécromancie et époux de Maige De Iyrté. Sa légitimité à son poste a été remise en question et il a même été accusé de trahison mais il a été réhabilité lorsque vous avez sauvé le monde, ce qui est donc vrai et Maige lui a cédé son siège. Comme je l'ai déjà dit, il est parti en mission pour le Conseil et lorsqu'il est revenu, il avait perdu sa femme et son enfant. Il s'est suicidé une semaine après son retour.
Leïmy écarquilla les yeux.
Dévlin, suicidé ? Elle ne le croyait pas. Le nécromancien était bien la dernière personne au monde qu'elle imaginait mettre fin à ses jours. Même lorsqu'il avait été au plus bas après la perte de sa fonction, il n'y avait absolument pas songé, pas un instant mais, lorsqu'on perdait tout, on était tellement brisé qu'on changeait radicalement jusqu'à faire des choses dont personnes ne nous croirait capable.
Finalement, elle n'était pas la seule contre qui la vie s'acharnait. Pauvre Dévlin, il ne méritait pas ça.
Le visage suivant, dessiné sur la seconde page, était celui de Leïje. La ressemblance était frappante. Il portait même son sourire charmeur ainsi que la capuche de son long manteau.
Préférant écouter Elann plutôt que de lire, Leïmy leva le regard vers le jeune homme qui raconta :
- Leïje. Tout comme toi, son nom de famille est inconnu. Ancien chef de la guilde des voleurs mais, encore une fois, tu le sais. On n'a aucune idée de la manière dont vous vous êtes rencontrés.
- Cet idiot a tenté de me vendre à Orzan. Continue.
- Lui, il est mort onze ans après Dévlin et Maige. Il est parvenu à se cacher durant plusieurs années. Le nouveau Conseil le poursuivait car il avait conspiré contre lui. Il s'est finalement fait arrêter et est resté huit ans en détention. Lorsqu'il a été exécuté, il avait totalement perdu la raison.
Leïmy sentit un lourd soupir monter de sa poitrine, attristée. Leïje non plus ne méritait pas d'être traité de la sorte.
En entendant les paroles d'Elann, la jeune fille s'apercevait qu'elle ne connaissait que très peu le voleur. Elle ne savait rien de sa vie. C'était désolant. Il avait dû mourir sans personne pour lui apporter du réconfort ou pleurer mais, si il avait sombré dans la folie, il n'aurait pas reconnu sa mère si elle avait assisté à l'exécution.
Leïmy s'obligea à conserver son air stoïque et elle passa à la dernière personne de la double-page. Alors qu'elle s'attendait à voir le visage de Negg tracé sur le papier, elle découvrit celui d'Oriol.
Elle fronça les sourcils et Elann reprit, toujours sur le ton d'un exposé :
- Le Capitaine Saymmon Oriol de la Garde d'Orquia, marié et père de deux petites filles. Elles ont été enlevées alors qu'elles été âgées de sept ans. Il est parvenu à les sauver mais à peine un mois plus tard, sa maison a été violemment cambriolée et les voleurs ont tué toute la famille sans hésitation.
- Ce n'était pas des voleurs.
- Comment peux-tu en être certaine ? Y étais-tu ?
- Non. À mon départ, Oriol était toujours bien vivant mais ce n'est pas difficile de déduire ce qu'il s'est réellement produit. Le nouveau Conseil était-il en place à ce moment là ?
- Non.
- Exactement ce que je pensais. Je crois que ceux qui ont commis le coup d'État le préparaient depuis longtemps, c'est évident, et Oriol a dû s'approcher un peu trop de la vérité. Ils ont décidé de le mettre hors d'état de nuire avant qu'il ne devienne vraiment dangereux. Je le sais, c'est comme ça que réfléchisse les criminels, comme ça que j'aurais fait si j'avais été à leur place mais je n'aurais jamais touché à sa famille. J'évite toujours les décès qui ne sont pas obligatoires. Et Negg ? Il n'y a rien sur lui !
- Tourne la page.
Conseilla Elann sans rien préciser de plus. Leïmy s'exécuta avec fébrilité.
Elle sentait une boule se former au creux de son estomac. Après avoir lu ce qui était arrivé aux autres, elle craignait le pire pour Negg.
Sur cette nouvelle double-page il n'y avait que deux visages. Leïmy ne se préoccupa pas du deuxième, ne lui accordant même pas un regard. Elle se focalisa immédiatement sur le premier. Elle reconnut le portrait incolore qui avait été diffusé sur les avis de recherches, il y avait un an pour elle et des centaines depuis l'époque où elle se trouvait. Le rouquin avait un air un peu sauvage.
La jeune fille déglutit et demanda à Elann sans quitter l'image de son regard d'acier :
- Et lui, que lui est-il arrivé ?
- Negg Horinn, le frère de Dévlin et le seul à être revenu de l'expédition sur la mer Désertique avec ce dernier. C'est avec son exécution que la peine de mort est revenue à la mode mais, avant, il été détenu et torturé durant quatre ans. Il paraît qu'il était toujours resté impassible malgré les souffrances terribles qu'on lui a fait subir. Même lorsqu'il a eu la corde au cou, il n'a rien montré. Il aurait seulement dit en regardant le palais du Conseil "Moi, au moins, je vais payer pour mes crimes et enfin apaiser ma conscience qu'ils tourmentent contrairement à certains". Sur ce, le bourreau a fait son office.
Leïmy se mordit profondément la lèvre inférieure en retenant un sanglot.
Sans quitter le portrait des yeux, les mains crispées sur le volume, elle s'assit au sol, le dos appuyé contre la table basse. Elle posa le livre sur ses genoux pour saisir de la main la mèche de cheveux qu'elle portait autour du cou en faisant tourner son anneau et pour promener le bout des doigts sur l'illustration de Negg.
Si il était mort, Leïmy ne voyait pas comment elle pourrait parvenir à s'accrocher encore à la vie. Elle avait besoin de lui pour tenir.
Elle n'en revenait pas. Il s'en étaient toujours sortis, comment était-ce possible ? Negg, Dévlin, Leïje, Maige, Oriol...
Peut-être même étaient-ils en train de se faire tuer alors qu'elle, elle était stupidement coincée ici.
Elann s'installa à côté de la jeune fille qui releva son regard, dont elle ne pouvait plus dissimuler les larmes, vers lui.
Le jeune homme en fut sincèrement surpris. Lui qui connaissait par cœur la légende de la sombre mercenaire sans âme et incapable du moindre sentiments, il n'en revenait pas.
Toujours aussi étonné, il osa demander :
- Est-ce que...est-ce que ça va ?
Leïmy ne répondit pas. Elle conserva son expression profondément attristé en reportant à nouveau son attention sur le volume.
Elle caressa encore le portrait en s'arrêtant particulièrement sur les yeux du dessin et elle commenta :
- C'est dommage qu'il ne soit pas en couleur. Ses yeux ne rendent pas aussi bien qu'en réalité. Tu sais, ils sont incroyables, noisettes mais leurs pupilles sont cerclées de vert. Ils sont hypnotiques, sans exagération. Je pourrais me noyer dedans.
- Dis-moi, Negg et toi, vous étiez...vous êtes...enfin...
- Oui.
Murmura Leïmy sans regarder Elann qui serait tombé à la renverse si il ne se trouvait pas déjà au sol. Un couple de mercenaires, voilà autre chose !
Le jeune homme allait certainement revoir son avis et les préjugés qu'il avait sur la jeune fille à la funeste réputation.
Il hésita un instant à passer un bras réconfortant autour des épaules de Leïmy. Il commença à amorcer son geste puis préféra le suspendre, gardant son bras à quelques centimètres de la jeune fille qui fronça les sourcils.
Il tenta de la consoler :
- Je suis vraiment désolé. Peut-être que si nous réussissons à te renvoyer chez toi, tu pourras intervenir.
- Oh, tu as une piste pour me faire regagner mon époque ? Non, bien sûr que non puisque tu te fais dessus dès qu'on dit le mot "magie" ! Si tu es incapable de me donner une solution, abstiens-toi !
Leïmy repoussa violemment le bras d'Elann, le faisant chuter sur le côté.
Elle venait de passer du chagrin à la colère, comme toujours lorsqu'elle était triste et puis, elle préférait être furieuse. C'était plus simple à gérer.
Avec rage, elle revint sur le livre et son regard se posa sur le second portrait. Ses yeux s'écarquillèrent et elle brandit le volume sous les yeux d'Elann qui se redressait à peine.
La mercenaire s'écria :
- Qu'est-ce que Gammon fait dans ce bouquin ?
- Bah...c'est lui.
- Quoi "lui" ?
- C'est lui l'instigateur du coup d'État, lui le président du nouveau Conseil jusqu'à ce que ses membres soient tous victimes d'accidents, excepté lui, et suite à ça, il est devenu roi de Welkonn.
- Le salaud ! Je comprends mieux cet acharnement à tous les retrouver pour les faire exécuter. Il faut absolument que je retourne chez moi pour lui faire la peau !
Leïmy referma brusquement le livre et le jeta dans les bras d'Elann puis elle se releva et abattit rageusement son poing contre le mur, encore.
Les voisins allaient commencer à se demander ce qu'il se passait.
Elann rangea le livre sur l'étagère en se disant qu'il n'aurait jamais dû le lui montrer. À présent qu'elle savait tout cela, elle allait devenir encore plus intenable.
Comment pourrait-il bien la calmer ? Elann n'eut pas à se poser cette question bien longtemps. Leïmy se força elle-même à l'apaisement pour mieux réfléchir.
Elle inspira profondément à plusieurs reprises en se répétant que si Negg et les autres étaient déjà morts dans le futur, à son époque, rien n'était encore joué et elle pouvait peut-être encore les sauver.
Elle résuma ce qu'elle avait appris d'une voix très neutre, surtout après sa montée d'émotion d'il y avait à peine quelques secondes, ce qui surprit à nouveau beaucoup Elann :
- Si j'ai bien compris, Gammon a organisé un complot pour faire un coup d'État ayant pour but de renverser le Conseil des Mages et le remplacer puis il a tué ses associés pour jouir seul de son nouveau pouvoir et, pour terminer, il a fait arrêter puis exécuter tous ceux qui pouvaient représenter un danger ou s'opposer à lui. Quelle sale ordure !
- Aujourd'hui, il est respecté. On le présente comme le père fondateur de ce nouveau gouvernement sûr et équitable qui nous permet de vivre dans une société sans magiciens incontrôlables qui engendrent le chaos.
- Évidemment, diviser pour mieux régner. Il savait très bien qu'il n'était pas à la hauteur face à des magiciens alors il les a fait hors la loi. Brillant, il faut le reconnaître. Ce type me donne la nausée. J'aurais dû le tuer quand j'en ai eu l'occasion il y a un an !
- Mon beau-père m'a toujours répété que ce qui était fait était fait et impossible de revenir en arrière.
- Ce genre de phrases aux allures de dictons me donnent de sévères envies de meurtres.
Elann s'éloigna soigneusement de Leïmy qui reprenait doucement le contrôle de ses nerfs.
Elle devait rester calme pour trouver une solution à sa situation et surtout un moyen de regagner son époque mais qui pourrait l'aider ?
Personne ne serait en mesure de lui fournir des conseilles puisque la magie était proscrite. C'était paradoxale. Elle devait retrouver son époque par voyage temporelle sans user de la magie. Impossible !
Si seulement elle avait emporté Dévlin avec elle, il aurait certainement déjà tout compris. Negg, lui, avec sa détermination à toutes épreuves aurait fini par trouver un moyen. Maige aurait été une source d'informations précieuses, mieux que la meilleure des encyclopédies. Quant à Leïje, il aurait dégoté une solution improbable qui aurait tout de même fonctionné.
Leïmy se sentait bien seule. Elle n'avait qu'Elann. Un gentils garçon propre sur lui qui avait bien trop peur pour braver la loi et qui s'évanouissait à moitié lorsqu'on parlait de magie. Ce n'était pas gagné.
En se dirigeant vers la cuisine, Elann fit remarquer :
- Il serait temps de penser à manger.
- Je n'ai pas faim.
- Toi, peut-être mais moi je dois être en cours dans une heure.
- En cours ?
Interrogea Leïmy en le suivant dans la cuisine. Elann acquiesça en ouvrant le frigo dont il sortit un filet contenant trois légumes identiques et inconnus de Leïmy qu'il posa sur le plan de travail.
En remplissant une casserole d'eau à l'évier, il donna quelques précisons à la jeune fille qui attendait avec les bras croisés sur la poitrine :
- Tu te rappelles ? Je t'ai dit que j'étais étudiant et comme je n'ai pas envie d'échouer mon année, pas question que je manque des cours.
- Des cours sur l'Histoire je suppose.
- Effectivement. Aujourd'hui, c'est un cours sur la géo-politique d'il y a cent ans.
- Ça fait rêver.
Ironisa Leïmy. Elann haussa les épaules. Lui, il trouvait ce sujet intéressant.
Il mit la casserole sur le feu et jeta une poignée de sel dans l'eau qu'il couvrit d'un couvercle. Il sortit un paquet en plastique du placard et un des étranges légumes rouges du filet. Il commença à le découper en petit carrés.
- Je pense que ce serait une bonne chose que tu m'accompagnes, suggéra t-il. Je ne peux pas être certain qu'elle sera là mais il y a une personne qu'il serait bon que tu rencontres pour régler ton problème. Pourrais-tu me passer la petite casserole qui est dans le placard ?
Leïmy ne bougea pas, les bras toujours croisés sur la poitrine. Elle fixa Elann avec un air contrarié. Le jeune homme lui adressa un sourire d'excuse.
Ne jamais demander un service, surtout aussi futile, à Leïmy.
Il prit donc sa petite casserole dans laquelle il versa de la crème fraîche qu'il sala avant d'y ajouter les légumes rouges. Il mit ce que contenait le paquet dans l'eau bouillante puis il remua en disant à Leïmy :
- J'espère que tu aimes les poivrons.
- Je ne sais pas ce que c'est.
- C'est ce légume-la. J'aime bien, c'est mon préféré et c'est très bon avec des pâtes.
- Je ne sais pas non ce que c'est.
- Bah, c'est ça. C'est à base de farine de blé.
Elann montrait ce qui cuisait dans la casserole. Leïmy y jeta un regard et vit une quarantaine de formes évoquant des papillons aux bords dentelés qui virevoltaient, remuées par les bulles du bouillonnement.
La jeune fille haussa les épaules. Elle verrait bien si elle appréciait ou pas lorsqu'elle y goûterait.
Elann mit la table en silence, sans demander son concours à Leïmy qui se garda bien de proposer un coup de main.
Le jeune homme égoutta les pâtes. Il servit les deux assiettes puis s'assit devant la sienne.
Leïmy l'imita et il lui lança avec un regard en coin :
- Je croyais que tu n'avais pas faim.
- Ferme la ou tu risques de voir ta nourriture de très près. Autrement dit, ta tête se retrouvera dedans.
Elann ne répondit pas et baissa prudemment les yeux sur son assiette. Il avala une bouchée pendant que Leïmy déplaçait une pâte dans la sauce du bout de sa fourchette.
Elle n'avait pas particulièrement envie de manger mais le plat sentait bon et semblait appétissant. Elle se décida finalement à prendre une bouchée. Elle demeura surprise un court instant. C'était excellent, les poivrons surtout. C'était la première fois depuis son arrivée dans le futur qu'elle avalait quelque chose de vraiment bon.
Enthousiasmée, elle engloutit très rapidement sa part qui ne lui suffit pas. Elle avisa l'assiette d'Elann qui n'avait pas encore terminé. Avec la vélocité qui la caractérisait, elle s'en empara, faisant pousser une exclamation d'indignation et d'étonnement au jeune homme mais il n'osa pas protester.
Il se contenta de se forger une attitude contrariée mais il devait voir le bon côté des choses : au moins, Leïmy aimait sa cuisine.
Il posa les coudes sur la table, oubliant les bonnes convention de politesse inculquées par sa grand-mère, et appuya son menton sur ses mains jointes, puis il dit à Leïmy :
- Je suis navré pour tes amis, sincèrement.
- Quels amis ? Demanda Leïmy d'un air désintéressé en avalant sa bouchée de pâtes.
- Ceux du livre : Maige De Iyrté, Dévlin Horinn, Leïje...
- Je t'arrête tout de suite. Ce ne sont pas mes amis. À part Negg, je ne tiens à personne. Il peut bien leur arriver n'importa quoi, je m'en moque.
- Le fait que tu te sois enquis de leurs existences et la réaction que tu as eu en apprenant leur triste mort indique clairement le contraire.
Leïmy se leva brusquement de sa chaise et gifla Elann avant de se rasseoir et de continuer son repas. Le jeune homme grimaça.
Cela faisait presque une heure qu'il ne s'était pas fait frappé, il progressait et il avait tout de même évité la rencontre malheureuse de son visage avec les pâtes aux poivrons.
Il remua sa mâchoire que le coup avait endolorie et il reprit par une question :
- Pourquoi as-tu à ce point besoin de te comporter comme si ta réputation était vraie alors que, de toute évidence, elle ne l'est pas ? C'est étrange...
Leïmy écarquilla les yeux, n'en revenant pas qu'Elann ait osé lui demander cela.
Était-il suicidaire ? En fait, il lui rappelait Leïje, le soir où elle lui avait stupidement cédé et où il avait vu terriblement clair en elle. Cette ressemblance l'énerva beaucoup.
Elle bondit de sa chaise et jeta sur Elann, le faisant encore chuter mais de plus haut cette fois. Elle dégaina sa dague et la lui plaqua sur la gorge pour la deuxième reprise de la journée.
Elle se pencha sur le jeune homme et siffla :
- Peut-être que c'est parce que c'est ce que je suis. Pense-y dans ta petite cervelle.
La mercenaire le libéra en rangeant son arme, déjà habituée à sa nouvelle place.
Elle se dirigea vers la chambre pour prendre sa veste en simili-cuir noir cloutée sur le col et les poignets.
Avant de s'engouffrer dans le couloir, elle regarda Elann par-dessus son épaule et lui lança :
- Bouge-toi. Tu vas être en retard.
Elann se releva en se massant l'arrière du crâne qui avait heurté le carrelage dans sa chute.
Il débarrassa la table, enclencha le lave-vaisselles puis se prépara en mettant ses chaussures et son ordinateur dans sa besace.
Il enfila sa veste et rejoignit Leïmy qui l'attendait devant la porte d'entrée.
Une fois à l'extérieur, il prit la direction de l'université en priant pour que Leïmy ne provoque pas un incident.
En arrivant dans la rue où la jeune fille lui était littéralement tombé dessus, Elann se crispa. Plusieurs agents de la Brigade anti-magie y étaient postés, très reconnaissables à l'insigne en forme de feu, celui du châtiment attendant les magiciens, frappé aux initiales B.A.M. Ils scrutaient attentivement la foule des passants qui s'interrogeaient sur leur présence.
Leïmy les repéra dès la première seconde et elle ne peina pas à deviner à quelle organisation ils appartenaient.
Voulant détourner leurs soupçons, elle saisit la main d'Elann dans la sienne. À présent, ils avaient l'air d'un simple couple d'étudiants se rendant en cours. Cette pensée donna la nausée à Leïmy.
Elann lui adressa un regard très surpris, stupéfait par cette...preuve d'affection. D'un discret mouvement de la tête, Leïmy lui indiqua les agents. Elann comprit et tenta de se composer un air détendu alors passaient devant l'un des agents au regard froid.
Le jeune homme soupira de soulagement dès qu'ils eurent changé de rue et Leïmy arracha sa main de la sienne.
Elle essuya sa paume sur sa veste et elle déclara :
- Dépêchons-nous.
- Tu as raison. Il vaut mieux ne pas traîner dans les parages.
Approuva Elann en accélérant le pas. Leïmy leva les yeux au ciel. Comme si elle avait besoin des observations de cet imbécile.
Ils traversèrent une rue, longèrent une avenue, tournèrent à trois intersections puis arrivèrent face à un bâtiment à quatre étages entouré de pelouses et d'une esplanade dallée.
Elann emprunta le passage tracé entre le gazon alors que Leïmy marcha sans vergogne sur les brins d'herbe soigneusement tondus.
Une jeune fille lança un grand sourire accompagné de larges signes de la main à Elann. Elle commença à venir vers le jeune homme qui se contenta de lui adresser un signe de tête en avançant plus rapidement, la laissant sur place. Leïmy eut un air affligé. Elann était connu de combien de personnes encore ? Il avait parlé d'une ex petite-amie mais combien d'autres personnes lui couraient après ?
Ils entrèrent dans le bâtiment qui grouillaient de jeunes gens. Leïmy grimaça. Elle détestait la foule, trop de gens pour la regarder, la juger ou vérifier ce qu'elle faisait.
Elann la conduisit dans les grands couloirs éclairés par une lumière crue. Ils entrèrent dans une grande salle organisée en rangées de sièges et de bureaux superposés faisant face à une estrade.
Elann s'installa en hauteur. Il sortit son ordinateur de sa besace qu'il posa devant lui alors que Leïmy s'asseyait à côté de lui en croisant les pieds sur le bureau.
Elle soupira lourdement. Les prochaines heures seraient longues. Peut-être pourrait-elle en profiter pour dormir un peu.
Le cours n'avait pas encore débuté et Elann cherchait le bon dossier sur son ordinateur.
Leïmy se tourna vers lui et s'enquit :
- C'est quoi déjà le sujet ?
- La géo-politique de...
Elann n'eut pas le temps de terminer. Leïmy l'interrompit d'un grognement déconvenue. Elle en regretterait presque les entraînements d'Orzan.
Quelques minutes s'écoulèrent où des étudiants entrèrent et prirent place les uns après les autres.
Leïmy remarqua qu'une jeune fille se dirigeait vers eux. Il ne s'agissait pas de celle de l'extérieur. Au lieu d'une petite rousse, une grande blonde aux yeux verts-gris s'assit à côté d'Elann en lui prenant le bras.
Elle s'exclama en se serrant contre lui :
- Hey ! Ça faisait un moment ! Je n'espérais plus te croiser mais c'est vrai que nous avons des cours en commun ! C'est génial !
Leïmy grinça des dents. La voix de cette fille était insupportable et lui donnait la migraine.
Elle retira ses pieds du bureau et se pencha vers la blonde par-dessus Elann.
- Hé, l'hystérique, si tu allais profiter de la vue une dizaine de rangées plus bas !
La blonde pinça les lèvres, stupéfaite et vexée. Elle dévisagea Leïmy en s'arrêtant particulièrement sur les clous de sa veste et de son collier.
Elle lâcha Elann à qui elle adressa un regard insistant, souhaitant des explications sur cette personne et son agressivité. Le jeune homme se passa une main dans les cheveux, gêné. Exactement ce qu'il redoutait en venant ici.
Il eut un sourire crispé et balbutia :
- Je...euh...te présente Le...Lérry. Excuse la, elle est du genre jalouse.
- Je ne savais pas que tu aimais ce style.
- Et à ton avis, quel style auras-tu, toi, avec des dents en moins ?
Menaça Leïmy en faisant craquer les articulations de ses doigts pour montrer qu'elle ne plaisantait pas. La blonde envoya un regard très contrarié à Elann puis elle s'installa plus bas comme Leïmy l'avait ordonné.
La mercenaire donna une tape sur l'épaule du jeune homme et grogna en montrant la blonde qui semblait bouder dans son coin :
- Tu fais la collection ou quoi ?
- Ce n'est pas de ma faute. Je me fais tout le temps sauter dessus ! Tu crois que ce n'est pas un problème pour moi aussi ? »
Leïmy leva les yeux au ciel. Il fallait qu'elle tombe sur le seul séducteur involontaire de la ville. Ça n'allait pas l'aider dans sa situation déjà complexe.
Le professeur commença son cours. Leïmy remit ses pieds sur le bureau dans un soupir.
Leïmy somnola durant deux heures, assommée par le sujet. Elann lui donna un petit coup de coude pour la réveiller, le cours étant terminé.
Le jeune homme rangea son ordinateur, visiblement satisfait des deux dernières heures. Il se leva, sa besace sur l'épaule. Leïmy, que son somme n'avait pas adouci, lui lança :
« Tu avais raison.
- Quoi donc ?
- Tu m'as fait venir pour rien. Je ne me suis jamais autant ennuyé de ma vie. Tu mériterais que je te frappe.
- La personne que je veux te faire rencontrer ne suit pas de cours mais elle traîne très souvent sur le campus. Allez, viens.
Leïmy lui emboîta le pas en grommelant, les mains enfoncées dans ses poches.
Ils quittèrent le bâtiment. Elann espérait vraiment que Chira serait là, sinon, il craignait pour sa santé physique. Il promena son regard sur l'esplanade fourmillante d'étudiants qui discutaient, se baladaient ou révisaient assis contre un arbre.
Une vague de soulagement le submergea lorsqu'il repéra une jeune fille de petite taille aux cheveux aussi longs et aussi noirs que ceux de Leïmy mais en plus épais. Un sourire étira les lèvres d'Elann.
Ce dernier indiqua la jeune fille de vingt ans qui distribuait des tractes à Leïmy.
- C'est elle ? Demanda la mercenaire.
- En effet (il avança vers la jeune fille). Chira !
L'intéressée se retourna et salua Elann d'un petit signe de la main, visiblement moins captivée par le charme du jeune homme que les autres.
En s'approchant d'elle, Leïmy la détailla.
Leurs longs cheveux noirs étaient leur unique point commun. Chira était bien plus petite et avait le teint hâlé mais, même si elle ne ressemblait guère à Leïmy, elle était également très belle, doté d'une charme sauvage comme celui des fauves, et ses grands yeux verts profond étaient vraiment captivants.
Chira passa une mèche de cheveux derrière son oreille et vint se piquer devant Elann toujours accompagné de Leïmy.
- Dis donc, toi, n'avais-tu pas promis d'assister à mes huit derniers concerts ?
- Tu sais très bien ce que j'en pense, Chira.
La jeune fille colla une de ses affichettes dans les mains d'Elann en indiquant :
- Ce soir. Tu as intérêt à y être.
- Chira, j'ai un problème.
Chira avisa Leïmy se tenant derrière Elann et semblant vraiment agacée.
La jeune fille leva un sourcil, circonspecte mais elle, elle ne passa pas qu'il s'agissait de la nouvelle âme sœur d'Elann.
Intriguée, elle se renseigna :
- Quel genre de problème ?
- Je ne sais pas je peux t'en parler ici.
- Alors viens ce soir. »
Répondit Chira avant de s'éloigner en distribuant ces tractes à tous ceux voulant bien les prendre.
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