Chapitre 13

La première chose que constata Leïmy fut que l'odeur de renfermé était étouffante et la poussière lui piqua immédiatement les narines.
Elle repoussa quelques mèches de cheveux en pensant qu'elle aurait mieux fait de les attacher. Elle sortit le briquet de sa poche et alluma l'une des chandelles préparées par Rilin puis elle fouilla dans le sac à la recherche d'un bandage qu'elle utilisa pour nouer ses cheveux en queue de cheval haute.
Elle examina son environnement. Il s'agissait d'un simple couloir en pierres taillées où la poussière s'amassait en un véritable tapis et où les toiles d'araignées formaient des rideaux. Étrange corridor d'un palais hanté par une magie incontrôlable.
Leïmy tenta de distinguer ce qui l'attendait plus loin mais elle ne voyait pas à plus de trois mètres devant elle.
La jeune fille poussa un soupir en pensant que Rilin aurait mieux fait de lui confectionner une potion pour voir dans l'obscurité. Cette remarque lui fit se souvenir du philtre. Elle s'en empara, fit sauter le bouchon de cire et porta le goulot à ses lèvres. Le liquide coula dans sa gorge sans aucune difficulté. La préparation n'avait pas que l'apparence de la boue mais aussi le goût, en plus amer. Elle laissa tomber le flacon qui se brisa sur le sol de pierre. La mercenaire ne sentit aucune différence en elle mais elle faisait confiance à Rilin et à sa magie.
Maintenant qu'elle était prête, elle se mit en marche. Ses pas ne résonnèrent pas contre les parois, étouffés par l'épaisse couche de poussière.
L'entrée disparut dans son dos, l'enfonçant dans sa solitude. Pour l'instant, tout se déroulait tranquillement, pas une trace de créatures sanguinaires ou de pièges mortels créés par magie. Peut-être que la magie s'était estompée avec le temps à moins que les Aranniens n'aient exagéré sur les dangers de ces souterrains.
Leïmy verrait bien mais elle n'allait pas se relâcher car tout se passait bien depuis quelques minutes. Elle progressait, la main gauche posée sur le pommeau d'une de ses dagues et la droite serrée autour d'un couteau de lancé.
Soudainement, elle s'immobilisa, les muscles tendus et tous les sens en éveil. Elle avait perçu un son suspect. Un genre de plainte qui était montée des profondeurs du souterrain mais Leïmy n'était pas tout à fait certaine d'avoir entendu ce bruit. Il était possible que ce ne soit qu'un produit de son imagination oppressée par le silence assourdissant régnant ici.
Elle attendit encore un peu pour voir si la plainte s'élevait de nouveau mais comme il en n'en fut rien, elle en conclut qu'elle avait rêvé et reprit sa marche.
Les problèmes commencèrent à se poser lorsqu'elle arriva face à un embranchement.
Elle s'arrêta et étudia les deux voies mais, à part la direction rien ne les différenciait, pas même la quantité de poussière. Refusant d'y passer des heures, elle choisit au hasard le chemin de droite. Avant de s'y engager totalement, elle grava une croix dans la pierre à l'aide d'une de ses lames au cas où elle se perdrait.
À peine rengaina t-elle son arme qu'elle se traita d'idiote. Si elle s'égarait dans ces couloirs obscures, elle n'aurait qu'à remonter la piste que formaient ses empreintes dans la poussière. Elle avait eu un réflexe plus utile dans la forêt d'Yolle que dans les sous-sols d'Arancha. Au moins, elle serait certaine qu'elle était passée par là.
Sans attendre, elle continua de sa démarche silencieuse. Cette épreuve l'agaçait déjà. Avancer dans un environnement confiné, abîmé par le temps, obscure et désert, c'était rapidement lassant, surtout pour sa courte patience mais elle aurait mieux fait de profiter de ce calme car elle ne s'ennuierait guère plus longtemps.
Le cercle de lumière tracé par la flamme de sa chandelle éclaira des dessins sur le mur. Leïmy s'arrêta un instant pour les observer. La peinture était très écaillée et il en manquait des morceaux si bien qu'il était impossible d'identifier ce qu'elle avait un jour représenté tout comme la couleur qui était inidentifiable à cause de la poussière et de son âge.
Leïmy se redressa, quelque peu déçue. Elle espérait découvrir une carte du lieu mais, apparemment, elle devrait se contenter de son instinct.
Elle marcha encore une dizaine de minutes puis elle eut besoin de s'arrêter. Elle s'appuya contre la paroi de gauche, la main sur la poitrine et le souffle court. Elle prit un instant pour reprendre sa respiration, pensant que cet essoufflement n'était dû qu'au fait qu'elle se trouvait dans un lieu étroit alors qu'elle avait l'habitude du grand air et elle avait certainement démarré un peu trop rapidement.
Elle reprit sa progression mais elle fut forcée de stopper encore. La tête lui tournait et elle avait à nouveau la respiration laborieuse. Elle s'agrippa aux pierres de la paroi pour tenter de rester debout et elle continua à avancer.
Elle ne fit que quatre mètres et ses jambes cédèrent sous son poids. Leïmy s'étala dans la poussière. Elle se retourna sur le dos en haletant.
Elle manquait d'air. Ses poumons la brûlaient et réclamaient de l'oxygène. L'air avait peu à peu disparu mais comment était-ce possible ?
Le regard de Leïmy se posa sur la fresque tracée sur le mur et elle vit que sa couleur était bleu pâle. La couleur de la magie de l'eau et de l'air.
Elle tenta de ramper en s'aidant de ses pieds pour se soustraire aux pouvoirs meurtriers mais elle parvint davantage à ramasser de la poussière qu'à se déplacer. Sa poitrine se soulevait et s'abaissait à un rythme frénétique en une quête infructueuse d'oxygène.
Cela lui rappela le jour où le cristal de la magie qui était en train de la tuer avait cherché à la noyer dans l'océan. Si elle avait survécu, c'était uniquement grâce à ses pouvoirs qui s'étaient opposé.
Dans son esprit ralenti par le manque d'oxygénation, elle eut une idée. Réunissant ses dernières forces, elle invoqua sa magie qui, pour une fois, ne s'ingénia pas à lui échapper.
Ses iris grises devinrent dorées et une forte lumière irradia de son corps.
Elle inspira profondément, remplissant ses poumons avides.
La lueur reflua en même temps que sa magie. Leïmy resta allongée sur le dos, essoufflée et fatiguée par l'étouffement auquel elle avait failli succomber. Heureusement qu'elle ne sentait pas la douleur grâce au philtre de Rilin sinon, sa poitrine serait terriblement douloureuse.
Bon, elle avait survécu au premier des pièges, c'était un bon début.
Elle se releva, s'asseyant sur les genoux et tâtonna autour d'elle à la recherche de sa chandelle qui s'était éteinte en tombant avec elle. De la poussière se logea sous ses ongles. Ses doigts se refermèrent sur le petit cylindre de cire. Elle tâta les deux extrémités pour trouver la mèche. Celle-ci était encore chaude et elle laissa une petite brûlure sur la peau de Leïmy qui n'eut absolument pas mal. La potion de Rilin était incroyablement efficace.
Se promettant de remercier sincèrement le magicien, elle ralluma la chandelle et elle remarqua qu'une fissure dans les pierres de la paroi brisait les ligne de la fresque bleue. La mercenaire se sentit étrangement satisfaite de constater que sa magie était la plus puissante.
Elle n'y pouvait rien, elle aimait être la meilleure mais lorsqu'elle parviendrait à se débarrasser de ces encombrants pouvoirs, elle ne les regretterait pas. Pas du tout.
Se sentant à nouveau assurée sur ses jambes et en pleine possession de ses forces, Leïmy se releva.
Vengeresse, elle donna un coup de pied contre le mur, sachant parfaitement que ce coup ne provoquerait aucune douleur. Un morceau de peinture écaillée se détacha et chuta dans la poussière.
La jeune fille reprit sa progression. Elle se demanda si le passage de gauche était piégé ou non et si il l'était, était-ce avec la même magie ?
Elle n'avait aucun moyen de le savoir et n'allait certainement pas revenir sur ses pas pour vérifier. Pas question de perdre du temps aussi inutilement que stupidement. Elle préférerait conserver son énergie un maximum pour la suite de l'épreuve. Le premier piège qu'elle avait affronté avait été dur sans être totalement éprouvant et, même si ces embûches étaient involontaires et le résultat d'une erreur humaine, Leïmy se doutait que la difficulté à survivre irait croissant. Elle verrait si elle avait raison ou non.
Machinalement et sans y penser, elle glissa les doigts dans sa poche et prit la mèche de Negg. Un sourire moqueur étira ses lèvres alors qu'elle se faisait à elle-même la réflexion qu'emporter une mèche des cheveux de son bien-aimé était un comportement mièvre digne d'une adolescente candide dans un stupide roman à l'eau de rose pour personne ne réfléchissant pas beaucoup mais elle s'en moquait. Avoir des accès de romance ne la dérangeait nullement, tant que ça demeurait secret.
Un quart d'heure plus tard, elle arriva à un deuxième carrefour. Cette fois, elle avait trois chemins possibles.
Leïmy s'avança prudemment vers celui de gauche et se pencha pour tenter d'apercevoir une fresque défraichie pouvant lui indiquer un piège en tendant sa chandelle devant elle à bout de bras mais elle ne distingua rien de plus que les nombreuses toiles d'araignées. Elle observa les deux autres passages de la même façon mais sans toujours voir quelque chose lui indiquant la meilleure direction à suivre.
N'ayant pas envie d'hésiter comme à l'embranchement précédent, elle s'engagea sur la voie du milieu en espérant ne pas avoir à s'en mordre les doigts.
Tout en avançant, elle faisait distraitement tourner son anneau autour de son annulaire.
Avec attention, elle observait les murs à la recherche d'une trace de peinture lui permettant de déterminer quelle magie elle risquait d'avoir à combattre mais rien. Elle devait donc être prête à toutes éventualités en ignorant à quoi s'attendre.
Ses pas et surtout le couloir du souterrain, la conduisirent à une grande salle rectangulaire faisait une bonne douzaine de mètres de longueur. Elle était entièrement vide.
Leïmy resta à l'entrée et étudia les parois mais, encore une fois, elle ne décela pas la moindre peinture. Elle ignorait si c'était un bon ou un mauvais signe. En revanche, elle remarqua que les rainures entre les pierres formant les murs, le sol et le plafond étaient plus larges et plus profondes que dans le couloir.
Leïmy eut une moue peu convaincue. Cela sentait le traquenard mais elle n'allait pas faire demi-tour pour revenir à l'embranchement pour changer de direction. Premièrement car elle n'avait pas envie de perdre du temps comme cela et deuxièmement car elle doutait fortement qu'il n'y ait pas de danger par les autres chemins et troisièmement car il était hors de question qu'elle recule face aux risques. Ne manquerait plus que ça !
Prudente et prête à environ toutes les possibilités imaginables, elle posa le pied dans la salle. Elle s'immobilisa un instant mais rien ne se produisit alors elle ramena son autre jambe contre l'autre. Toujours rien mais la mercenaire savait très bien que le calme n'était pas synonyme de sécurité. Elle fit encore un pas puis un suivant, enjambant l'une des rainures.
Alors que ses pieds étaient chacun d'un côté, quelque chose surgit du maigre espace. Leïmy le vit heureusement à temps pour, d'un bond, placer l'ensemble de son corps sur la dalle avant. Elle se retourna pour voir un mur de fer au sommet affuté comme une lame s'enfoncer dans le plafond.
Leïmy écarquilla les yeux, ne le croyant qu'à moitié. C'était un piège terrible qu'elle contemplait. Quelques secondes de plus, des réflexes moins aiguisés, et elle aurait été coupée en deux.
La mercenaire marmonna :

« Ce n'est pas de la magie, ça. »

Elle se promit d'interroger Sire Délèk là-dessus dès qu'elle serait ressortie.
Cette pensée terminait à peine de se formuler dans l'esprit de Leïmy que cette dernière entendit un sifflement venant de la droite. Elle ne s'attarda pas à vérifier de quoi il s'agissait. Elle se jeta immédiatement au sol. L'impact aurait pu être douloureux si le philtre de Rilin n'avait pas agi en ce moment.
En tout, elle entendit huit sifflements et sentit huit déplacements d'air juste au-dessus de sa tête. Lorsque ce fut fini, elle se retourna et découvrit huit javelots profondément incrustés dans le mur de gauche alors que huit ouvertures se refermaient sur celui de droite.
Leïmy n'avait jamais rencontré de telles technologies et ignorait comment elles pouvaient bien fonctionner. Elle n'eut guère le temps de se questionner ou de s'interroger.
Deux autres rectangles de fer se dressèrent de part et d'autre de sa position. Cette fois, elle ne fut pas aussi rapide et elle ne put s'écarter à temps. Le côté affuté racla contre son bras droit, emportant un morceau de peau et un peu de chair. Leïmy sentit le métal trancher et la chair s'arracher mais elle n'eut pas mal. Encore un grand merci à Rilin.
Elle eut également de la chance d'avoir atterrie là où elle se trouvait car, à quelques centimètres de différence, elle aurait eu le bras tranché net.
La mercenaire s'empressa de se relever. Elle hésita un instant entre courir pour prendre les pièges de vitesse ou continuer prudemment pour les prévoir. Elle choisit la prévoyance plutôt que de foncer tête baissée.
Elle ne fit pas un mètre qu'un nouveau mécanisme mortel se déclencha. Des disques de fer, aiguisés sur tout le tour, jaillirent des parois des gauche et de droite en direction du centre de la pièce.
Finalement, Leïmy allait peut-être se mettre à courir.
Elle s'élança, sauta par-dessus un premier disque, se réceptionna en roulant sur son épaule droite en laissant une traînée de sang sur le sol, se releva, se plia en deux pour esquiver un deuxième disque, reprit sa course, roula sur les dalles, se faisant trancher les pointes de ses longs cheveux noirs par un troisième, effectua une vive souplesse arrière pour éviter un quatrième, courut encore et elle fut hors de danger.
À peine essoufflée, elle regarda la dizaine de disques ayant fracassé les murs en y pénétrant.
La sortie de la salle était encore à cinq mètres. Une trop longue distance sur laquelle pouvait se trouver encore bien d'autres tentatives d'assassinat à son encontre, à son avis.
Ne se laissant pas gagner par le découragement, la mercenaire continua à avancer. Elle pressentit davantage le prochain piège qu'elle ne le vit.
Le sol commença à trembler sous ses pieds. Elle comprit instantanément et s'élança à nouveau.
Ces quelques secondes d'anticipation lui furent salutaires. Les dalles tombaient derrière elle et allaient se briser sur des piques garnissant le fond du gouffre. Elle voyait la sortie se rapprocher mais elle s'apercevait aussi que le dallage se dérobait de plus en plus rapidement. À peine ses pieds quittaient-ils une pierre qu'elle chutait avec un bruit assourdissant. Elle ne tarderait pas à se faire rattraper malgré son accélération.
Alors qu'elle sentait la dalle où elle se tenait tomber, elle bondit en tendant sa main libre devant elle. Elle eut un bref moment la sensation de chute à la suite du sol puis elle percuta le devant la porte en roulant, à deux pieds de l'abîme.
Leïmy quitta la salle en courant en se demandant quels esprits dérangés affectés par la chaleur du désert avaient bien pu inventer cette salle et aussi comment elle avait fait pour ne pas lâcher sa chandelle pendant qu'elle esquivait les pièges.
Elle s'éloigna de la pièce de quelques mètres avant de se laisser glisser d'un mur en ayant préalablement vérifié que les rainures entre les pierres étaient bien redevenues fines et étroites.
Elle posa sa chandelle à terre et examina sa blessure. Son bras était ensanglanté mais c'était principalement à cause des vifs mouvements qu'elle avait dû effectuer pour rester entière. La plaie n'était pas très profonde, elle n'avait pas touché les muscles et sa chair n'avait presque pas été entamée. Il n'y avait pas à dire, elle avait vraiment eu de la chance sur ce coup-là. Peut-être que les dieux veillaient sur elle en fin de comptes.
Un rire cynique l'agita à cette pensée mais elle retrouva vite son sérieux.
Elle déboucha une des gourdes qu'avait préparé Rilin en le remerciant une fois de plus d'avoir été aussi avisé. Avec l'eau, elle nettoya son bras puis elle le recouvrit d'onguent cicatrisant. Il ne s'agissait ni de la pommade odorante qu'elle avait apprit à fabriquer chez les mercenaires ni celle jaunâtre des Itinérants mais d'un baume blanc et très onctueux qu'elle espérait plus efficace. Pour terminer, elle enroula son membre dans un bandage qu'elle noua à l'aide de ses dents.
Elle espérait également ne pas garder de cicatrices, elle en avait déjà suffisamment sur le bras gauche.
Elle ramassa sa chandelle qui s'était déjà consumé de moitié.
Elle progressa durant deux heures sans croiser de nouvelles embûches.
Elle avait été fascinée par l'effet du philtre anti-douleur sur son bras. Certes, elle sentait qu'il lui manquait de la peau mais elle n'en souffrait pas. Elle l'avait bougé en tous sens, stupéfaite par une telle efficacité mais elle avait cessé au bout de quelques minutes, préférant se concentrer sur le chemin qu'elle parcourait.
Elle avait dû changer de chandelle et à nouveau choisir son chemin.
La mercenaire soupira, soulevant un nuage de poussière devant elle qui ternit la lueur de sa chandelle un instant avant de retomber. Leïmy secoua ses cheveux et épousseta ses vêtements pour en déloger les grains grisâtres.
Elle ignorait depuis combien de temps elle était là. Peut-être trois heures, peut-être plus. Cette imprécision venait du fait qu'elle n'avait pas pensé à compter les minutes lorsqu'elle luttait dans les pièges.
D'ailleurs, elle ne devrait pas tarder à en rencontrer un prochain. Les derniers instants avaient été trop calmes et tranquilles et elle n'imaginait pas qu'il n'y ait que les deux embûches auxquelles elle avait survécu dans ces souterrains. Sûrement en avait-elle évité en décidant de la direction mais uniquement pour aller à la rencontre d'autres.
Un son la tira de ses pensées. Ce n'était pas une plainte sourde mais un raclement désagréable aux oreilles comme si l'on traînait une lame contre les pierres du couloir. Le cri qu'elle avait déjà entendu s'éleva à la suite du premier bruit et Leïmy trouva qu'il s'agissait moins d'une lamentation comme elle l'avait cru que d'un appel et elle remarqua surtout qu'il était plus proche qu'à son entrée donc, soit la chose qui l'émettait se déplaçait dans le souterrain, soit c'était elle qui s'en était rapproché. À moins que ce ne soit les deux. Leïmy pencha pour cette hypothèse.
Elle dégaina un poignard et grava, non pas une croix, mais un cercle dans le mur. Elle voulait se souvenir avec précision de l'endroit où elle avait entendu ces sons.
Sentant qu'elle avançait sur le troisième piège, elle se remit en route, tous les sens en éveil et prête à faire jouer ses réflexes à la première occasion.
Aucun nouveau cri ne s'éleva pendant un quart d'heure mais Leïmy ne relâcha pas sa vigilance, sachant d'expérience que c'était quand tout semblait être redevenu normal et sûr que bondissait le mercenaire ou ici, le monstre.
La lumière de sa chandelle accrocha soudain quelque chose. Les pierres du mur étaient marquées de profondes entailles à quelques centimètres du sol. Leïmy s'accroupit pour mieux les examiner. Elles ne paraissaient pas aussi âgées que les lieux mais ne dataient pas de la veille non plus. Elle n'avaient pas été émoussées ou polies par le temps mais les petits éclats de roche qui auraient dû s'y trouver s'étaient délogé. À partir de ces constations, Leïmy détermina qu'elles remontaient à quelques mois mais pas plus d'un an.
La jeune fille plaça ses doigts au commencement des plaies du mur. De toute évidence, il s'agissait de griffures et faites avec une main s'apparentant à celle d'un humain. Leïmy se souvint des longues mains grêles mais surtout des grands ongles carrés et coupants de Vargo. Ils auraient parfaitement pu laisser de telles marques.
Comme elle l'avait envisagé, les créatures peuplant les sous-sols ressemblaient donc bien à Vargo. Elle n'avait plus qu'à espérer encore qu'elles soient moins invulnérables et moins grandes mais, à en juger par la position des griffures, la chose qui les avait creusées ne devait pas dépasser un humain normal, sauf si elle s'était baissé.
Se disant qu'elle constaterait de ses yeux la taille de ces créatures, elle reprit sa progression, de plus en plus alerte mais elle ne put s'empêcher de remarquer que, depuis le départ, elle donnait l'impression de s'arrêter et de se remettre en marche pour recommencer plus loin.
Elle s'immobilisa brusquement. Des cris résonnaient contre les parois du souterrain, pas un appel ou une plainte comme précédemment mais comme des hurlements stridents et hystériques. Leïmy imaginait parfaitement la chose qui les poussait sauter furieusement sur place puis ce fut comme un rire distordu et douloureusement aiguë bien que ses tympans n'en souffraient pas.
L'appel du tout début s'éleva dans son dos, la faisant vivement se retourner. Ces créatures étaient-elles en train de se répondre ? Cela semblait fort probable au vu de ce qu'elle entendait actuellement. Elle serait donc tombée sur une meute ou un nid, elle hésitait sur le nom.

« Fantastique. »

Murmura Leïmy. Si ils étaient comme Vargo, elle peinait à voir comment en affronter et triompher de plusieurs à la fois alors qu'elle était totalement seule. Mais si les dieux savaient ce qu'ils faisaient comme le prétendait Iléany, elle devrait survire.
Un sourire sans joie étira les lèvres de Leïmy. Si elle mourrait, il lui resterait au moins son sarcasme.
Sans lâcher ses armes, elle avançait, regardant de tous côtés et attentive aux moindres prémices d'une attaque.
Un grognement prit la relève des autres sons. Elle qui s'était plainte du silence plus tôt, elle aurait dû être satisfaite.
Malgré la résonance, elle était certaine que le grognement venait de sa gauche. Elle plaqua son oreille contre le mur et l'entendit clairement. La créature était juste de l'autre côté et semblait renifler bruyamment. Était-ce elle qu'on pistait ? Encore un comportement lui rappelant le non-regretté Vargo.
Tant que la chose demeurait séparée d'elle par une douzaine de centimètres de pierres taillées, ça lui convenait très bien.
Elle formulait à peine cette pensée qu'on se jeta violemment contre le mur, le faisant trembler. Leïmy écarquilla les yeux. Ils étaient totalement enragés ! Il était vrai que s'attendre à de grandes capacités mentales de la part d'être créés par un malencontreux et involontaire mélange de magies était une grosse erreur mais de là à imaginer pouvoir défoncer un mur de pierres avec son crâne, il y avait une marge. Même Vargo ne l'aurait pas tenté.
Pouvait-elle en conclure que les créatures d'ici étaient inférieures au monstre de Welkonn ? Dans ce cas, elle avait plutôt envie de les plaindre que de les combattre. Ce qui ne signifiait pas qu'elle hésiterait à les éliminer sans pitié à la première occasion.
Celle-ci se présenta alors qu'elle s'éloignait du point d'impact entre la paroi et les neurones de la créature. Elle perçut une présence dans son dos.
Sans attendre, elle se retourna en dégainant un couteau qu'elle lança sans avoir terminé son mouvement de rotation. Sa lame fusa droit sur la petite créature qui la reçut à la gorge. Leïmy admit que la petite taille de son adversaire l'avait surprise mais réajuster son tir ne lui avait prie qu'une demie-seconde à peine. La chose s'écroula avec un gargouillement étranglé, soulevant un nuage de poussière qui se teintait déjà de rouge en s'alourdissant.
Leïmy esquissa un sourire, non satisfaite de tuer mais de constater que ces petits monstres étaient mortels, bonne nouvelle. L'affrontement lui sembla immédiatement beaucoup plus simple.
Laissant le soulagement de côté, elle vint s'agenouiller à côté de la dépouille de la gorge de laquelle elle retira son arme, libérant un flot de sang qui tacha son pantalon. La mercenaire examina la chose uniquement vêtue d'un pagne sale et usé.
À part la taille atteignant à peine un mètre, elle ressemblait en tous points à Vargo. Le même épiderme blanchâtre et glabre, mêmes membres grêles, mêmes yeux porcins injectés de sang pas en face de l'autre, même peau terriblement tendue sur les mâchoires et distendue sur les joues, même dents trop longues pour sa bouche et mêmes ongles acérés mais, apparemment, elle n'avait pas les mêmes capacités. Leïmy décida de les baptiser les vargos.
Des dizaines de cris simiesques s'élevèrent devant et derrière elle. Ils devaient au moins être une quarantaine.
Leïmy ignorait si elle aurait suffisamment de lames pour tout ce petit monde.

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