Chapitre 28 [1/2]

Maige guettait le retour de Lidian.
Même si Leïje lui avait assuré qu'il était inutile qu'elle s'implique dans cette histoire de complot, elle refusait de vaquer oisivement à ses occupations alors qu'elle avait connaissance d'un danger planant sur Welkonn. Malgré ses maigres ressources et sa faiblesse, elle tenait à faire quelque chose.
Pour l'instant, elle devait bien avouer être peu efficace dans son désire d'aider son monde, sûrement car elle ne savait pas quoi faire pour servir. Elle avait bien une idée mais hésitait à l'appliquer car elle craignait de se mettre Lidian à dos qui, Dévlin étant parti, était l'unique personne qui lui restait.
Même après ce que lui avait raconté Leïje, elle peinait à croire que son cousin fasse réellement partie d'un complot réunissant les chefs des pires guildes de Welkonn. L'homme qu'elle connaissait et avec qui elle avait été élevée n'avait rien d'un conspirateur mais, pourtant, Leïje lui avait apporté des preuves qu'elle ne pouvait nier.
Le seul moyen qu'elle avait trouvé pour servir à quelque chose était d'espionner Lidian pour tenter d'en tirer des renseignements. De cette manière, elle s'investissait dans la défense de Welkonn sans pour autant prendre trop de risque, s'impliquer totalement ou aller sur le terrain. C'était parfait, aussi bien pour son caractère peu aventureux que pour son état de femme enceinte.
Et puis, se focaliser sur cette sombre affaire l'empêchait de trop songer aux danger qu'encourait Dévlin et au décès de sa mère.
Un coup donné contre son ventre la tira de ses pensées. Un fin sourire étira les lèvres de la nécromancienne alors qu'elle caressait distraitement son ventre. Le bébé s'agitait de plus en plus ces derniers temps.
Cette constatation la plongea à nouveau dans sa tristesse car ces mouvements de plus en plus fréquents étaient des prémices de l'accouchement et elle ne voulait pas accoucher sans Dévlin même si elle se doutait que son époux ne reviendrait pas à temps.
Un profond soupir franchit ses lèvres. Sa situation était à nouveau devenue terriblement compliquée comme lorsque Dévlin et les autres étaient entrés avec fracas dans sa petite vie tranquille sauf que, cette fois, elle ne pensait pas obtenir le même bonheur à la clé.
Son regard dévia vers l'une des grandes fenêtres s'ouvrant sur le mur ouest. La nuit était tombée il y avait deux heures déjà.
La jeune femme ignorait qu'au même instant, Dabielle s'infiltrait dans la maison close La Colombe d'argent pour obtenir des informations de Chimm.
Maige étouffa un bâillement. La fatigue commençait à se faire dangereusement sentir mais elle refusait d'aller se coucher avant d'avoir parlé à Lidian, même si ce n'était qu'une dizaine de mots.
Elle devait tout de même demeurer raisonnable. Elle ne pouvait oublier qu'elle était enceinte et la dernière chose qu'elle désirait était bien que toute cette histoire retombe sur son enfant à naître. Pas question que son entêtement fasse souffrir son bébé.
Elle décida donc de patienter encore un quart d'heure et, si au-delà de ce laps de temps, Lidian ne se montrait toujours pas, elle irait dormir.
Elle finit par s'assoupir, le crâne appuyé contre le dossier du divan et le livre qu'elle lisait avant sur les genoux.
Elle fut réveillée par la porte d'entrée qu'on ouvrit. Elle se redressa comme elle put avec son ventre gonflé. Elle s'apprêta à appeler son cousin car ce ne pouvait qu'être lui mais elle n'en eut pas le temps.
Lidian avait repéré la lueur des chandelles filtrant sous la porte du salon où Maige passait tout son temps. Un air de surprise passa sur le visage constellé de taches de sons du rouquin lorsqu'il découvrit sa cousine debout à cette heure tardive. Il s'attendait plutôt à ce que Myrthe ait oublié d'éteindre les bougies.
Sans se départir de son expression d'étonnement, il fit remarquer :

« Maige ? Tu devrais être couchée depuis longtemps.
- Je sais mais je tenais à te parler et puis...je ne suis plus une enfant.

Ajouta Maige à voix basse. Lidian sourit. Il avait toujours apprécié le caractère excessivement doux de sa cousine.
Il prit place à côté d'elle et lui demanda :

- Alors, qu'est-ce qui a une telle importance pour que tu refuses le repos ?
- Que fais-tu ?
- Euh...et bien, je converse avec toi.

Répondit Lidian, les sourcils froncés. Il ne comprenait pas la teneur de l'interrogation de sa cousine. Il craignait que la petite voix malsaine qui lui susurrait depuis un coin de son esprit que Maige avait perdu la raison à cause de toutes les épreuves qu'elle avait subies, voit juste.
Maige leva les yeux au ciel. Les derniers jours avaient réussi l'exploit de la rendre irritable.
Elle précisa, rassurant Lidian :

- Je ne parle pas de maintenant mais en général. Tu n'es là que de temps en temps, tes absences augmentent, tu rentres tard. Qu'est-ce que cela signifie, Lidian ?

Le visage du jeune homme s'assombrit et se ferma. Maige devina sans difficultés que Leïje avait parfaitement raison et que Lidian conspirait bien contre Welkonn.
La nécromancienne tenta comme elle put de dissimuler son effarement, sa colère ainsi que sa peur mais, comme à son habitude, sans grand succès.
Heureusement pour elle, Lidian crut que l'étrange expression ainsi que le rouge montant aux joues de sa cousine n'étaient dus qu'à sa fatigue et les hormones remuées par sa grossesse.
Revenant à l'interrogation de la jeune femme, il prononça ce qui ressemblait fortement à une supplique :

- Ne me demande pas ça, Maige.

Elle baissa la tête en se tordant les mains sur son ventre. Ses yeux se noyèrent de larmes qu'elle se retint de verser.
Elle faillit accéder à la demande de Lidian mais elle se ravisa. Elle ne pouvait se laisser aller à sa faiblesse qu'elle jugeait être trop habituelle. Si Dévlin s'était tenu à sa place, il aurait tout fait pour éclaircir cette affaire, stopper le complot et n'aurait jamais permis à Lidian de s'en tirer alors qu'il le savait coupable.
S'accrochant à cette pensée, Maige releva la tête en ravalant ses larmes.
Alors que Lidian, croyant que la conversation se terminait ici, se dirigeait vers la porte pour l'ouvrir à sa cousine, cette dernière décréta en criant :

- Si je te le demande ! Je veux savoir ! Tu m'entends ? Je veux savoir !

Lidian écarquilla les yeux, n'ayant jamais entrevue une pareille véhémence chez la jeune femme même lors ses caprices d'enfant.
Les pleurs revinrent brutalement dans le regard de biche de Maige.
Lidian comprit qu'il ne couperait pas aux explications et il redoutait également les effets néfastes qu'étaient susceptibles d'avoir cette monté d'émotions sur le bébé que portait sa cousine.
Il reprit donc place sur le divan, l'air toujours aussi sombre.
Le silence perdura, uniquement troublé par le respiration angoissée de Maige. Elle sentait qu'elle recevrait la confession de Lidian dans les prochaines secondes. Le doute ne pouvait plus subsister. Lidian avait trahis le Conseil et par extension, Welkonn tout entier et il s'apprêtait à l'avouer. Ces différentes idées s'entrechoquaient dans l'esprit déjà surchauffé de Maige et elle rencontrait des difficultés à se contrôler.
Lidian inspira profondément puis marmonna :

- Je ne pensais pas en arriver là, surtout aussi vite.
- Je veux savoir. Répéta Maige.
- J'avais compris (il inspira à nouveau). Si je m'absente autant, c'est parce que je cherchais quelque chose qui s'est révélé être ceci.

En prononçant ses derniers mots, Lidian fouilla dans la poche intérieure de son manteau qu'il n'avait pas pris le temps de retirer à son entrée. Il en sortit un objet que Maige ne put identifier car il le tenait fermement serré dans son poing fermé.
La jeune femme était de plus en plus intriguée. Quelles révélations allaient sortir de la bouche de son cousin ?
Ce dernier ouvrit lentement la main, presque solennellement, pour dévoiler un imposant médaillon de forme octogonale gravée de lignes courbes entremêlées à des motifs floraux d'une grande finesse. La couleur du métal dont il était fait indiquait à Maige qu'il s'agissait d'or.
Maige ne savait que dire. Elle ne s'attendait absolument pas à cela.
Dans un sourire aussi bienveillant qu'éblouissant, fier de sa surprise, Lidian expliqua sur un ton enjoué :

- Je tenais vraiment à t'offrir quelque chose pour la naissance de ton bébé. Je souhaitais qu'il soit fantastique, j'ai donc mis beaucoup de temps à le dénicher. J'aurais préféré te le donner après ton accouchement mais tu ne m'as pas laissé le choix (il ouvrit le médaillon qui contenait une place destinée à une miniature). Je pensais que tu pourrais y mettre mon futur petit cousin ou bien Dévlin, lorsqu'il sera de retour.

Maige ne dit rien, totalement hébétée. Elle fixait le médaillon que Lidian déposa dans sa paume sans parvenir à enchaîner correctement ses pensées.
Pas un mot sur le complot, pas un air de culpabilité ni même un froncement de sourcil, rien. Juste un magnifique cadeau accompagné d'une belle preuve d'affection et de soutien.
Elle resta figée jusqu'à ce que Lidian la ramène au présent en passant une main devant ses yeux.

- Maige ? Tout va bien ?
- Ou...oui. Je te remercie. Je suis très touchée.
- Tu devrais aller dormir à présent. Il est tard. »

Maige acquiesça sans un mot. Elle passa le médaillon autour de son cou. Le lourd pendentif rejoignit la chevalière frappée au blason de sa famille ayant appartenu à son père.
Lidian l'aida à se lever du divan dans les coussins duquel elle était enfoncée puis l'accompagna jusqu'à sa chambre. Il veilla à ce qu'elle s'endorme puis regagna sa propre chambre mais, contrairement à sa cousine, il ne se mit pas au lit.
Le jeune homme se posta face à sa fenêtre et observa la nuit, les mains croisées dans le dos. Il s'interrogeait, se demandait comment Maige avait pu avoir connaissance de ses "amitiés" et du but qu'elles visaient. Même si elle n'avait pas dit un mot clair à ce sujet, il était évident que c'était à cela qu'elle avait fait allusion.
Heureusement qu'il avait eu le médaillon pour faire diversion. Il espérait seulement que cela suffirait à lui faire durablement oublier ses soupçons à son égard mais il en doutait.
Il en revenait donc à sa question initiale : qui avait averti Maige de la conspiration ? Quelqu'un lui en avait forcément parlé. Lidian avait été trop discret pour que Maige l'ait deviné elle-même alors qui ?
Peut-être l'homme au long manteau bleu nuit qu'il avait déjà surpris en compagnie de Maige. D'ailleurs, Ayolle et Méorque leur avaient fait part qu'un homme s'intéressait d'un peu trop près à leur petite affaire. Serait-ce la même personne ? Quoi qu'il en était, Lidian ouvrirait l'œil.
Dans son lit à l'autre bout du couloir, Maige se fit la même réflexion.

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