Chapitre 18

Leïmy, Negg et Dévlin conservèrent un instant leurs trois regards fixés sur les nuages d'orage qui approchaient.
Dévlin se tourna vers l'homme posté à la vigie puis sur le second qui tenait toujours le gouvernail sous l'œil attentif de Batquisse.
Le nécromancien constata :

« Ils n'ont pas l'air d'avoir remarqué. Je vais aller les prévenir.
- Dis leur bien que je n'y suis pour rien !

Lui cria Leïmy alors qu'il s'éloignait.
Negg conserva son étrange regard rivé sur l'orage qui grossissait à vue d'œil. Il tentait de déterminer la force qu'aurait l'ouragan.

- Comment peut-on se protéger d'une tempête ?
- En priant, pour ceux qui y croient et pour les autres...je l'ignore.

Negg secoua la tête. À quoi s'attendait-il de la part de Leïmy ?
L'optimisme était tout sauf un trait caractéristique de sa personnalité mais elle y travaillait comme sur d'autres point et Negg le savait. Il admirait d'ailleurs les efforts qu'elle fournissait, même si certains n'étaient pas flagrants.
Les deux mercenaires reportèrent leur attention sur le gaillard arrière où Dévlin était monté. Batquisse jura en découvrant le gris foncé de l'horizon.
Sans attendre, il commença à donner des directives qui furent répétées par le second de manière à être prêts à affronter la tempête.
Trois marins se hissèrent dans les haubans jusqu'à la bôme. Les voiles furent ramenées. D'autres matelots coururent d'un point à l'autre du navire pour arrimer les objets transportés.
Les vagues devinrent plus hautes et violentes, agitant encore doucement les passagers du Welkonn mais ça deviendrait violent sans trop tarder. Un tangage plus fort que les autres déséquilibra Leïmy. La jeune fille se rattrapa à Negg qui ne s'en plaignit pas. Les deux mercenaires se tinrent l'un à l'autre alors que le roulis se faisait brusque et agressif.
Icrann siffla entre ses doigts pour attirer l'attention générale du navire. Il fit signe à tout le monde de se regrouper au pied du gaillard arrière. Tous lui obéirent et se déplacèrent en titubant.
Batquisse déclara par-dessus le fracas des flots :

- Que chacun aille se mettre à l'abri. Il faut seulement que quelqu'un reste au gouvernail. Nous nous relayerons. Je prend le premier tour. Allez vous protéger.

Personne ne se fit prier et tous coururent se réfugier sur le faux-pont, sauf Leïmy, Negg et Dévlin. Les deux frères restèrent car la jeune fille ne bougea pas. Negg lui fit signe de suivre les marins d'un mouvement impérieux de la tête mais la jeune fille secoua négativement la tête, toujours sans faire un pas.
Elle demeurait immobile alors que les vagues jouaient de plus en plus violemment avec le navire.

- Qui y a t-il ?

S'impatienta Negg, qui n'avait aucune envie d'être encore à l'extérieur lorsque la pluie s'abattrait. Leïmy ne répondit pas.
Son visage se figea en une expression crispée. Elle vacilla, non pas à cause du tangage du navire mais car elle se sentait soudainement incertaine sur ses jambes. La migraine qui résonnait dans sa boîte crânienne la faisait également souffrir mais depuis quand avait-elle mal au crâne ? Tout ce qu'il y avait autour d'elle tournoyait, lui donnant la nausée et ce n'était pas un mal de mer. Tous ses muscles lui paraissaient très faibles.
Elle eut juste le temps de songer : oh non !, avant de s'écrouler sans connaissance sur les planches du pont et d'être prise de convulsions.
Negg lâcha un juron et il se précipita aux côtés de son amante.
Dévlin regarda l'orage qui était sur eux à présent. Il y eut un grondement de tonnerre et un éclair brilla dans le lointain. Le nécromancien conseilla à son cadet :

- Amène la à l'abri avant que ça n'explose.

Negg acquiesça. Lorsque Leïmy faisait l'une de ses crises, il était toujours désemparé.
Il prit la jeune fille dans ses bras alors qu'elle continuait à trembler de tous ses membres et il se pressa de la conduire dans la cabine, suivi de Dévlin. Il préférait que l'équipage ne voit pas l'état de lequel se trouvait Leïmy. Les marins auraient pu la croire malade et fragile, ce qu'elle était parfois, mais elle aurait détesté cela.
Le rouquin déposa son précieux fardeau sur la couchette sans que la jeune fille ne cesse de convulser.
Dévlin referma la porte et veilla à la bloquer pour ne pas qu'elle soit ouverte par le vent que se levait en soufflant furieusement ou par les tangages frénétiques du navire.
Negg s'assit à côté de Leïmy, l'empêchant de glisser du matelas, et Dévlin tira le petit tabouret sur lequel il s'installa.
Ils entendirent les gouttes de pluie crépiter avec violence contre le bois du navire. Dévlin leva le nez vers le plafond. Les impacts contre le toit de la cabine étaient si forts qu'il avait l'impression que c'était des pierres qui tombaient. Peut-être des grêlons comme la première fois. I
l dut y avoir une vague plus haute ou plus forte que les autres car le navire pencha brusquement vers la gauche et ils furent tous projetés contre la paroi de la cabine. Leïmy roula contre les tibias des deux frères.
Negg la souleva dans ses bras et la porta à nouveau sur la couchette alors que tout tanguait de plus belle.

- Ça a l'air violent.

Constata Dévlin, qui peinait à retrouver son équilibre et qui vacillait d'un pied sur l'autre.
Negg opina en regardant lui aussi le plafond un bref instant puis il baissa à nouveau la tête vers Leïmy dont le corps tressautait comme si quelque chose cherchait à s'en échapper.
Il répondit à son frère :

- Pour elle aussi.

Le vent sifflait, les vagues se fracassaient avec hargne sur la coque et la pluie, qui s'était peut-être transformé en grêle, heurtait durement les planches.
Dévlin imaginait avec compassion le pauvre Batquisse tenant le gouvernail au cœur des éléments déchaînés. Le capitaine avait du mérite.
Le nécromancien ne sut si il y eut un roulis plus fort que les autres ou si ses jambes refusaient de jouer à ce jeu d'équilibre plus longtemps mais il chuta au sol. Negg se rattrapa à la couchette, tombant à moitié sur Leïmy qui ne réagit pas.
Un éclair illumina la petite pièce d'une lueur presque surnaturelle.
Si Dévlin avait pensé à bloquer la porte, aucun des deux frères n'avait songé à la petite lucarne s'ouvrant face à la mer furieuse. Une bourrasque l'ouvrit en l'envoyant claquer contre la paroi de bois. Le vent et la pluie s'engouffrèrent dans la cabine en sifflant.
Negg alla la fermer en s'appuyant contre les murs. Le vent agita ses boucles rousses et la pluie le détrempa en seulement quelques secondes.
Le mercenaire s'essuya le visage en déclarant :

- Je commence à croire que cet océan est bien maudit !
- Et moi je me dis que j'aurais dû laisser ma place à Iquion ! »

Negg devina que son frère songeait à Maige et qu'il craignait que cette tempête ne les envoie par le fond. Lui, il se disait seulement que l'ouragan semblait s'être installé pour plusieurs heures.

Comme Negg l'avait deviné, le bateau tangua en tous sens jusqu'à la nuit, bien qu'avec l'épaisseur de la chape de nuages, il était impossible de différencier la nuit de la tempête.
Ils comprirent que c'était terminé car le navire cessa d'être secoué comme un hochet entre les mains d'un nourrisson.
Dévlin jeta un regard par la fenêtre. Il distingua les flots qui s'étaient calmé et il constata :

« Ça me paraît fini.

Negg ne répondit pas. Il n'avait pas besoin des observations de son aîné pour s'apercevoir de cela.
Leïmy avait cessé de convulser il y avait trois heures mais elle demeurait inconsciente, comme toujours après une de ses crises. Negg l'avait veillée et ce qui lui avait fait soucis n'était pas l'ouragan les malmenant mais l'état de sa compagne.
Dévlin, qui avait préféré rester assis pour éviter d'être projeté à terre, se releva. Il prévint Negg :

- Je vais voir sur le pont. »

Le rouquin hocha la tête sans quitter Leïmy de ses yeux étranges. Il entendit la porte s'ouvrir et se refermer en grinçant à cause du bois gonflé d'eau.
À peine le nécromancien eût-il quitté la cabine que Leïmy se redressa brusquement en ouvrant ses yeux à l'iris grise. Negg n'en fut pas surpris. Lorsque la jeune fille reprenait connaissance, c'était souvent subite.
Leïmy regarda autour d'elle. Elle reconnaissait la cabine mais elle ne souvenait pas de comment elle y était arrivée. Elle ne questionna pas Negg pour autant car sa migraine ainsi que ses courbatures lui indiquèrent qu'elle avait encore fait un malaise. Cela faisait déjà la deuxième depuis le début du voyage.

« Comment te sens-tu ? S'enquit Negg.
- Comme à chaque fois. Grogna Leïmy avant de se rappeler de l'orage. La tempête ?
- Elle est passée. Tu es restée inconsciente tout le temps qu'elle a duré.
- Il y a beaucoup de dégâts ?
- Je l'ignore. Je ne suis pas encore sorti. Dans mon ordre d'importance, tu es placée hautement avant l'équipage et ce navire.
- J'espère bien.

Leïmy s'assit sur le bord de la couchette puis elle inspira pour se donner de la force et se leva. Ses jambes lui semblèrent un peu faibles mais elle avait l'habitude.
Negg lui tendit la main pour l'aider et la soutenir mais elle refusa. Malgré son malaise, elle avait
sa fierté.
Elle rejeta sa chevelure en arrière d'un mouvement royal de la tête, qui lui la fit tourner. Elle vacilla et saisit l'épaule de Negg pour ne pas retomber sur la couchette. Le rouquin se retint de rire, ne souhaitant pas vexer Leïmy.
Cette dernière se résigna :

- Bon, très bien. Je crois que je vais avoir besoin qu'on m'aide. Au moins pour les premiers pas.
- Je pense aussi. J'ai trouvé que cette que cette crise était longue par rapport aux autres.

Leïmy haussa les épaules, feignant l'indifférence pour cette constations mais, en réalité, elle redoutait de comprendre ce que la longueur de ce malaise pouvait signifier. Certainement que la magie qu'elle hébergeait avait de plus en plus d'ampleur dans son corps, prenant peu à peu le pas sur le reste : son esprit et sa santé. Elle ne s'était pas consumé en unissant les magies mais rien n'affirmait que cela ne se produirait pas.
Elle prit une expression neutre pour ne pas alarmer Negg. Elle s'ouvrirait à lui sur ses craintes plus tard. Pour l'instant, l'important était de s'assurer que le navire pouvait encore naviguer.
Negg passa un bras dans le dos de Leïmy et la soutint. Ensemble, ils sortirent sur le pont.
Tout était détrempé. Le bastingage avait été abîmé en plusieurs endroits et de nombreuses planches étaient brisées mais cela aurait pu être pire.
Dévlin conversait avec Batquisse et Icrann alors qu'un marin dont les deux mercenaires ignoraient le nom tenait le gouvernail. Ils rejoignirent la discussion pendant que Batquisse expliquait :

- Même si les dégâts ne risquent pas de nous faire couler prochainement, ils pourraient s'aggraver si nous ne faisons rien.
- Que proposez-vous ? Demanda Dévlin.
- Il faut espérer qu'une île se présente à nous sans tarder pour y trouver de quoi faire des réparations.
- Et également espérer qu'elle ne soit pas peuplée de sirènes ou d'autres créatures encore plus affectueuses. Ajouta Leïmy.
- Qui nous dit qu'il y aura une île ? S'interrogea Negg.
- Il y a des récifs alors pourquoi pas une île ?

Répondit Icrann en haussant les épaules. Il ne s'inquiétait que très, très rarement. Il avait confiance en le destin.
Dévlin réfléchit un instant puis il suggéra :

- J'ai un moyen de savoir où trouver une île car, même si il me semble impossible qu'un océan de la taille de la Mer Désertique ne comporte aucune île, rien ne nous garanti qu'il y en ait une sur notre trajectoire. Je peux donc faire appel à un esprit qui pourra nous guider.
- Tu penses trouver beaucoup d'esprits dans les parages ?
- Non et c'est pour cela que j'en ai amené un.

Sans rien préciser de plus, Dévlin descendit sur le faux-pont.
Leïmy se tourna vers Negg en quête d'une explication. Après tout, c'était son frère et donc le plus à même de comprendre ce qu'il se passait dans l'esprit de Dévlin mais le rouquin secoua négativement la tête, ne devinant pas plus que les autres.
Les deux mercenaires échangèrent un regard entendu puis ils emboîtèrent le pas au nécromancien.
Leïmy ordonna à Batquisse et à Icrann de ne pas les suivre d'un signe impérieux de la main puis ils rejoignirent Dévlin.
Ce dernier fouillait dans son sac.

- Que cherches-tu ? Lui demanda Leïmy d'un ton agacé.
- Ceci.

Répondit Dévlin en sortant un objet de son sac.
Il s'agissait d'un large pendentif de forme ronde accroché à une chaîne de maillons fins. La médaille en un métal impossible à identifier était décorée de nombreuses gravures élégantes et raffinées ainsi que de plus d'une vingtaine d'éclats colorés. Il y en avait de cinq couleurs : doré, violet brumeux, orange rougeoyant, blanc-gris et bleu clair. Tous ces coloris semblaient ternes, comme éteints.
Le talisman servant à détecter la magie des pierres.

- Tu l'as gardé ! S'étonna Negg.
- Oui. Le Conseil n'en avait plus besoin puisque les cristaux ont tous été brisés.
- Ne me dis pas qu'elle est encore à l'intérieur et que cette abominable peste qui va nous guider ! S'énerva Leïmy.
- Elle n'a rien d'insupportable.

Défendit Dévlin puis il serra ses doigts autour du talisman en se concentrant et il activa l'artefact magique. Quelque chose en sortit.
Un filet de brume légèrement luminescente qui prit rapidement une forme humaine qui se précisa jusqu'à devenir une adolescente d'environ seize ans avec une cascade de cheveux bouclés.
À peine Molwen fut-elle apparue qu'elle se mit à râler :

- Ah bah quand même ! Ça fait des jours que je ne suis pas sortie ! Tu sais qu'un peu d'air frais de temps en temps ça peut faire du bien !
- Pas insupportable, hein ?

Grogna Leïmy en croisant les bras sur sa poitrine.
Molwen se tourna vers elle, s'apercevant de sa présence. L'esprit la détailla de haut en bas puis de bas en haut et elle s'écria :

- Oh non ! Pas elle ! On avait réussi à se débarrasser d'elle et la revoilà ! Ce n'est pas possible !
- Le fait que tu sois morte ne t'empêche pas de monter sur tes grands chevaux à ce que je constate ! S'emporta Leïmy. Tu la fermes, tu obéis et tu nous guides !

Molwen pinça les lèvres en une moue vexée. Elle détestait Leïmy et sa mentalité de mercenaire et la jeune fille le lui rendait bien.
L'esprit reporta son attention sur Dévlin et lui demanda en revenant à l'amabilité :

- Que puis-je faire ?
- Pourrais-tu explorer les alentours pour voir si il y aurait une île ?

Molwen regarda autour d'elle, n'ayant pas remarqué qu'ils se trouvaient sur un navire. Enfermée dans le talisman fourré au fond du sac de Dévlin, elle n'avait presque rien vu des derniers jours.
Le fantôme de l'adolescente déclara :

- C'est partie pour l'île la plus proche alors mais je veux tous savoir dans les détails ensuite.
- Évidemment. »

Accepta Dévlin. Molwen sourit puis disparut effectuer la tâche que le nécromancien venait de lui confier.
Leïmy marmonna quelques instants son mécontentement envers l'esprit puis ils remontèrent sur le pont. Là, Negg força Leïmy à aller se reposer dans la cabine. Elle avait encore besoin de se remettre de sa crise et puis ils ne pouvaient qu'attendre le retour de Molwen.
La jeune fille grommela mais elle accepta tout de même car Negg avait raison. Elle se sentait faible mais, comme toujours, elle refusait de l'avouer.
Elle laissa Negg et Dévlin s'expliquer avec Batquisse et se rendit dans la cabine. Elle referma la porte derrière elle et s'écroula sur la couchette, le nez dans l'oreiller.
Elle sursauta en entendant la porte se fermer. Elle ne s'était même pas aperçu qu'elle s'était assoupi.
Negg s'excusa de l'avoir dérangée d'un sourire contrit. Leïmy lui répondit d'un haussement d'épaules puis elle se renfonça dans l'oreiller sans même remarquer les deux assiettes que portait le rouquin.
Ce dernier s'assit à côté deLeïmy et lui tendit son repas. L'estomac de la jeune fille produisit un gargouillement enthousiasmé. Leïmy se redressa en position assise et s'empara de son assiette. Il s'agissait d'un plat frugal composé de fruits secs et de quelques tranches de viande salée.

« Bon appétit.

Lui souhaita Negg avant d'attaquer son propre repas.
Leïmy suivit son exemple et si, au départ, elle avait faim, elle arrêta bien vite de manger, l'appétit coupé. La question qui la hantait depuis quelques temps déjà avait pris plus d'ampleur depuis le réveil de son malaise lui nouant la gorge et l'estomac. Elle reposa le fruit qu'elle était en train de manger dans son assiette puis repoussa celle-ci.
Negg releva la tête vers la jeune fille. Il n'eut pas le moindre mal à deviner que quelque chose n'allait pas pour elle.
Il lui demanda :

- Que se passe t-il ?
- Je...je m'inquiète.
- Félicitation, ça fait de toi quelqu'un d'humain.
- Ne te moque pas de moi, s'il te plaît. Je ne parle pas du voyage ou des dégâts subis par le navire.
- Alors pour quoi d'autre ?
- Pour moi.
- J'aimerais bien de ne pas être obligé de t'extirper les mots de la bouche alors pourrais-tu t'expliquer clairement je te prie ?
- Je... Les crises sont de plus en plus longues et fréquentes. La magie prend de plus en plus de place en moi et je ne crois pas que ce soit une bonne chose. Tu sais aussi bien que moi que je ne suis pas faîte pour la magie et je...je pense qu'elle m'a épargnée il y a un an mais que ma personne est devenue trop étroite pour elle aujourd'hui. Tôt ou tard, elle va me consumer !

Leïmy hésita au début de son discours mais elle termina en criant avec grand renforts de gestes.
Negg posa son assiette sur le sol. Son visage était étrangement calme mais Leïmy voyait clairement ses mâchoires contractées. Les seules fois où Leïmy l'avait vu réagir comme ça, il était soit extrêmement inquiet, soit extrêmement en colère.
Ne parvenant pas à déterminer si il était l'un ou l'autre, la jeune fille souffla  :

- Negg...

Il ne la laissa pas terminer et bondit subitement sur ses pieds. Il demeura silencieux un court instant en tournant le dos à Leïmy, les poings serrés.
La jeune fille fit mine de s'approcher mais il ne lui en laissa pas non plus le temps. Il se retourna violemment en s'exclamant :

- Tu ne mourras pas ! Tu ne connais rien à la magie alors rien ne te permets de prédire ton décès ! Tu... Non C'est impossible !
- Tu ne t'emporterais pas de la sorte si tu n'y croyais pas au moins un minimum.
- Peut-être...peut-être que Rilin pourra nous aider !
- Tu l'accusais de nous avoir menti.
- Arrête ! J'essaye...j'essaye de trouver...
- De trouver quoi ? Une solution ? Quelle solution ?

Le ton était monté et les marins présents sur le pont les avaient possiblement entendu mais ils s'apaisèrent vite. Ce qui les faisait crier était simplement l'angoisse.
Tous deux se laissèrent tomber sur la couchette côte à côte. Negg se rapprocha de Leïmy en posant sa main sur sa joue blanche et lui murmura :

- Nous nous en sommes toujours sortis et nous avons toujours survécu et ça continuera. Un moyen existe et nous le trouverons. »

Leïmy acquiesça d'une manière qu'elle trouva pitoyable. Elle se blottit contre Negg en libérant ses larmes d'angoisse. Le jeune homme l'enlaça et la serra contre lui.
Negg était soulagé qu'elle lui ait parlé. C'était encore dur pour elle de s'ouvrir mais cette démarche le rassurait, ce qui n'était absolument pas le cas de ses propos.
Petit à petit, ils s'allongèrent sur le matelas après avoir poussé l'assiette de Leïmy. Ils ne se détachèrent pas, respirant l'odeur l'un de l'autre comme si ils ne pourraient plus le faire car, même si ils tentaient à tout prix de se convaincre du contraire, il y avait de grandes chances pour que l'un d'eux ne soit plus là dans quelques temps.

Ils se réveillèrent presque simultanément peu après l'aube.
Ils préférèrent ne pas reparler du sujet de la veille. Que pouvaient-il dire de plus ?
Negg passa une main dans les longs cheveux noirs de Leïmy avant de l'embrasser. La jeune fille chérissait ces moments d'intimité tendre.
Ils en profitèrent encore plusieurs minutes puis sortirent sur le pont.
Les nuages de tempête s'étaient éloigné et le soleil baignait les alentours en se reflétant sur les flots verts.
Les deux mercenaires remarquèrent que le navire n'avait plus le même cape. Leïmy attrapa le second qui passait non loin et lui demanda confirmation :

« Nous avons changé de direction ?
- En effet. Le fantôme envoyé par le Conseiller Dévlin a repéré une île à quelques kilomètres. »

Icrann repartit, certainement pour effectuer quelques tâches confiées par le capitaine.
Leïmy reporta son attention sur l'horizon, soulagée d'avoir entendu une bonne nouvelle. Cela n'avait pas été trop long. Pour une fois, Molwen jouait bien son rôle.
Les choses semblaient enfin s'arranger sur cette mer de malheurs.

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